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Chez les jeunes, des inégalités plus fortes chez les femmes

diffusion élargie, inégalités subies

2.1. L’accès au permis de conduire

2.1.2. Une mesure des inégalités d’accès au permis de conduire

2.1.2.3. Chez les jeunes, des inégalités plus fortes chez les femmes

La détention du permis de conduire connaît une évolution exponentielle entre 18 et 25 ans. Pour beaucoup de jeunes adultes l’obtention du permis marque la fin de l’adolescence et l’entrée dans la vie adulte. Elle revêt une importance symbolique très particulière puisqu’elle s’inscrit dans un processus d’acquisition d’autonomie vis-à-vis des parents [Flamm, 2004]. Chez les lycéens de plus de 18 ans qui résident chez leurs parents, le niveau d’accès est le plus faible de la population (31 %) mais la situation est temporaire. La détention du permis de conduire commence à se généraliser quelques années plus tard : lorsqu’ils deviennent étudiants (72 % sont titulaires) et

lorsqu’ils entrent dans la vie active (80 % sont titulaires). Les « jeunes » rattachés aux ménages les plus aisés obtiennent-ils plus rapidement leur permis que les autres ?

Premier constat, les inégalités liées au genre sont perceptibles en début de cycle de vie. Qu’elles soient lycéennes, étudiantes ou actives, en matière d’acquisition du permis, les filles sont en « retard » par rapport aux garçons (Graphique 42). Les différences inter-genres tendent même à se renforcer chez les jeunes actifs où tout juste les deux tiers des femmes sont titulaires (67 %) contre 89 % des hommes. Les différentiels d’accès selon le genre sont particulièrement marqués parmi les trois premiers quintiles de revenu. Pour neutraliser les effets liés à la localisation résidentielle, notre échantillon est circonscrit aux résidants de périphérie (1ère et 2ème couronne). Ainsi, en périphérie 37 % des filles du premier quintile sont titulaires, contre 59 % des garçons (Graphique 43).

Deuxième constat, le revenu est beaucoup plus discriminant chez les filles : les niveaux d’accès doublent presque du 1er au dernier quintile, alors qu’ils gagnent 42 % chez les garçons). Les

différenciations inter-genres s’estompant nettement chez les deux derniers quintiles, c’est tout particulièrement dans les foyers modestes que les garçons semblent avoir un accès plus privilégié au permis de conduire que leurs homologues féminins.

Graphique 42 : Taux d’accès au permis des jeunes adultes selon le genre

Graphique 43 : Taux d’accès au permis des enfants résidant en périphérie selon le genre et le revenu par UC 0% 20% 40% 60% 80% 100%

Lycéen Etudiant Actif-Enfant

Ta ux d' ac s a u pe rm is Homme Femme 0% 20% 40% 60% 80% 100% Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 T au x d 'accè s au p e rm is Homme Femme

Source : EMD de Lyon 1994-1995 Source : EMD de Lyon 1994-1995

Une mesure des inégalités d’accès au permis de conduire selon le genre peut être donnée grâce aux indices de concentration (Tableau 19). En résumé, on ne peut pas conclure en l’existence d’inégalités d’accès au permis parmi les hommes de 18-24 ans. En revanche, chez les jeunes femmes, il semble que le fait d’appartenir à un ménage modeste diminue les possibilités de

passer du permis avant 25 ans. Désagrégés par statut1 (lycéens, étudiants, jeunes actifs), les résultats confirment les constats formulés ci-dessus.

Tableau 19 : Ecarts interquintiles et coefficients de concentration du niveau d’accès au permis de conduire des 18-24 ans vivant chez leurs parents

Ecart interquintile Q5/Q1 Coefficients de concentration Accès au permis Revenu par UC Enfant lycéen 18-20 ans

- Homme - Femme 1,1 1,0* 1,3* 0,027 0,001* 0,083* 0,307 0,306* 0,303* Enfant étudiant 18-25 ans

- Homme - Femme 1,3 1,1 1,4 0,036 -0,006 0,064 0,272 0,262 0,279 Enfant actif à plein temps 18-25 ans

- Homme - Femme 1,3 1,1* 1,4* 0,039 0,015* 0,095* 0,293 0,284* 0,305*

* Effectifs faibles, résultats peu significatifs Source : EMD de Lyon 1994-1995

Bien que l’achat d’une voiture ne soit pas toujours possible dans les foyers à bas revenu, les parents encouragent leurs enfants à mettre de l’argent de côté pour passer leur permis et ils semblent disposés à y consentir un effort financier. Ces parents projettent à travers leurs enfants ce qu’ils n’ont pu obtenir eux-mêmes et qu’ils vivent comme un lourd handicap [Beauvais et Fouquet, 2001 ; Coutard et al., 2001]. Toutefois les niveaux d’accès au permis différenciés selon le genre suggèrent que les familles modestes octroient un privilège à leurs garçons qu’elles refusent plus facilement à leurs filles, ce qui contribue à creuser très tôt les écarts masculins- féminins quant à l’accès à la mobilité autonome. Ce constat est à rapprocher du thème de l’autonomie accordée par les parents à leurs enfants qui apparaît comme un critère majeur de différentiation sexuelle en particulier au sein des classes populaires [Schwartz, 1990 ; Buffet, 2003].

En résumé, le revenu2 ne constitue pas un facteur discriminant de l’accès au permis des hommes, quels que soient la génération, le statut ou l’âge. Ce n’est pas le cas chez les femmes. Chez les plus de 60 ans, les inégalités de revenu viennent renforcer d’importantes inégalités horizontales de genre et de génération. En milieu de cycle de vie, chez les femmes au foyer ou à la recherche

1 Les effectifs sont toutefois insuffisants pour analyser l’impact du revenu selon le statut et le genre.

2 Des différenciations d’accès au permis de conduire selon le capital scolaire ont été mises en évidence, toutefois les

corrélations sont importantes entre le niveau d’études de l’individu majeur et le revenu du ménage de même qu’entre le niveau d’études et l’âge de l’individu et à cycle de vie donné, les effectifs ne permettent pas de décorréler ces effets. C’est pourquoi, bien que la disposition d’un faible niveau d’études semble pénaliser les possibilités d’accès au permis des femmes essentiellement et en particulier des plus modestes, il est impossible d’évaluer précisément l’impact du capital culturel.

d’un emploi, la part des titulaires est très dépendante du revenu. L’obtention du permis de conduire apparaît un peu moins liée aux ressources financières du ménage chez les actives. La situation des femmes au foyer reste la plus préoccupante puisque la part des titulaires n’augmente pas, même parmi les plus jeunes. Ces inégalités « sexuées » d’accès au permis selon le revenu pénalisent également les jeunes femmes, mais plus faiblement. A l’évidence, le renouvellement des générations se traduit par une très nette réduction des inégalités d’accès au permis entre hommes et femmes, mais ce mouvement oublie certaines femmes, en particulier celles n’exerçant pas d’activité professionnelle.

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