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CHAPITRE PRÉLIMINAIRE MISE EN CONTEXTE

DE GAMÈTES ET D’EMBRYONS

2- COMPRENDRE BRIÈVEMENT LE PLURALISME ET SES DIFFÉRENTES MANIFESTATIONS

2.2 Le pluralisme juridique et les critères de la juridicité

S‘il n‘est pas considéré comme faux par les auteurs, le pluralisme juridique n‘est pas toujours vu comme une véritable théorie des normes; c‘est-à-dire « comme un ensemble de propositions, éventuellement ordonnées et cohérentes, propres à expliciter la notion de norme juridique et les liens entre les normes »202. C‘est pourtant en tant que tel que Lauréline Fontaine tente de le poser203. Dans le même ordre d‘idées, Jean-Guy Belley montre le pluralisme juridique comme doctrine de la science du droit204. Dans la présente section, nous constatons que, malgré la difficulté à cerner les concepts de norme juridique et de droit selon un tout cohérent, il s‘agit d‘une approche au contenu certes variable, mais qui, avec le pluralisme normatif, est apte à servir l‘intérêt d‘une internormativité entre l‘éthique et le droit dans son format le plus large. Les rapports dialectiques entre ces deux normativités pouvant effectivement se situer dans l‘une ou l‘autre de ces catégories du pluralisme.

Lorsque nous lui attribuons la qualité "juridique", le pluralisme renvoie à la multitude des lieux de production et de gestion des normes juridiques205. Il part du postulat que le droit est essentiellement multiple et hétérogène206. Encore là, il existe pour

202 Fontaine, supra note 175 aux pp. 130-131.

203 Ibid.; Pour ce faire, il s‘agit de l‘avis de l‘auteure de montrer selon quelles modalités le positivisme ne parvient pas à intégrer le pluralisme. Ibid. à la p. 133.

204 Jean-Guy Belley, « Le pluralisme juridique comme doctrine de la science du droit », dans Jean Kellerhals, Dominique Manaï et Robert Roth, dir., Pour un droit pluriel : Études offertes au professeur

Jean-François Perrin / Faculté de droit de Genève, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2002, 135 [Belley,

« Doctrine »].

205 Commaille, « Normes juridiques », supra note 172 à la p. 15. 206 Carbonnier, « Sociologie », supra note 117 à la p. 356.

reprendre les propos de Jean Carbonnier des phénomènes de pluralisme juridique207. Notre objectif n‘est pas d‘en faire l‘inventaire détaillé, mais à tout le moins nous devons retenir qu‘il existe différents sens à la définition et que les classifications changent d‘un auteur à l‘autre. Celle de Jean-Guy Belley a le très grand avantage d‘être claire et simple, et de permettre une compréhension facile des différentes facettes du pluralisme. Cela inclut une distinction entre le pluralisme intra ou extra étatique se rattachant à la vision que nous avons du droit, c‘est-à-dire celui qui est issu de l‘État et de ses organes sans avoir pour autant détenir l‘exclusivité du juridique.

D‘un point de vue strictement juridique, le pluralisme juridique constitue : « a) [l‘e]xistence simultanée, au sein d‘un même ordre juridique, de règles de droit différentes s‘appliquant à des situations identiques; b) [la c]oexistence d‘une pluralité d‘ordres juridiques distincts qui établissent ou non entre eux des rapports de droit »208. La forme "a)" renvoie à l‘affirmation du caractère pluraliste du droit étatique209 qui s‘exprime par des mécanismes juridiques différents210. Ainsi existe-t-il un droit de la famille, un droit de l‘enfant, etc. Dans ce pluralisme intra-étatique, « c‘est toujours le droit de l‘État qui s‘applique, mais son application est différenciée selon les circonstances ou les groupe visé par son action »211. Plusieurs règles de droit viseront une même situation. Plus largement, dans la forme "b)", ou extra-étatique212, il ne s‘agit plus simplement de prendre en compte la diversité des règles d‘un ordre juridique intra-étatique, mais de

207 Ibid. à la p. 358.

208 Jean-Guy Belley, « Pluralisme juridique », dans Arnaud et al., supra note 110, 446 à la p. 446 [Belley, « Pluralisme »].

209 Ibid.

210 Ost et van de Kerchove, supra note 142 à la p. 185. 211 Benyekhlef, supra note 97 à la p. 44.

reconnaître qu‘il existe simultanément au moins deux ordres juridiques distincts (étatique et non étatique) et, parallèlement, analyser les rapports de droit entre eux213. Cela suppose que l‘État n‘est plus le seul à produire la norme juridique et qu‘il existe des ordres juridiques qui lui sont distincts214. Cela rejoint les approches de François Ost et Michel van de Kerchove215 ainsi que de Jean Carbonnier216. Ajoutons que lorsqu‘il est question de plusieurs centres de production de la norme juridique, en plus de celui de l‘État, certains auteurs, dont André-Jean Arnaud, réfèrent au concept de polycentricité217. En sociologie du droit, le pluralisme juridique est finalement la « coexistence d‘une pluralité de cadres ou systèmes de droit au sein d‘une unité d‘analyse sociologique donnée (société locale, nationale, mondiale) »218.

Cette vision plurielle nous mène à une interrogation sur la définition même du droit. Si nous l‘associons à l‘État, sans pour autant y limiter le social juridique, notre vision tendant alors vers un pluralisme extra-étatique, la littérature sur le pluralisme juridique n‘est pas aussi équivoque, voir tranchante. Identifier ce qui constitue l‘essence du droit s‘y avère une entreprise hasardeuse qui fut même comparée à la quête du Saint- Graal219. Cette question, la plus escamotée qui soit dans notre univers juridique de l‘avis

213 Belley, « Pluralisme », supra note 208 à la p. 447. 214 Benyekhlef, supra note 97 à la p. 45.

215 Ils font référence à la coexistence de plusieurs systèmes juridiques au même moment, ceux-ci pouvant ou non être de même nature. Ost et van de Kerchove, supra note 142 aux pp. 186-187.

216 De son avis, au même moment dans un même espace spatial, coexistent plusieurs systèmes juridiques, dont celui de l‘État, mais également d‘autres qui lui sont indépendants et pouvant le concurrencer. Carbonnier, « Sociologie », supra note 117 à la p. 356.

217 André-Jean Arnaud, « Présentation du dossier sur la production de la norme juridique : Le droit comme produit », (1994) 27 Droit & Société 293 à la p. 295.

218 Belley, « Pluralisme », supra note 208 à la p. 446.

219 Edward Adamson Hoebel, The law of primitive man: a study in comparative legal dynamics, Cambridge, Harvard University Press, 2006 à la p. 18.

d‘Andrée Lajoie220, ne cesse de faire de couler de l‘encre. La revue Droits : revue française de théorie juridique a par exemple consacré deux numéros entiers à cette recherche d‘une définition du droit et en a présenté près d‘une cinquantaine d‘articles dévoilant des interprétations aussi différentes les unes des autres221. Ou encore, pensons à l‘ouvrage de Denys de Béchillon Qu’est-ce qu’une règle de droit?222, explicite par son titre, qui fait plus de 300 pages. François Ost et Michel van de Kerchove se prêtent également à l‘exercice dans De la pyramide au réseau? Pour une théorie dialectique du droit223 tout en intitulant le chapitre concerné La définition du droit : une question sans réponse?224 Encore là, l‘en-tête du chapitre démontre par sa seule formulation le défi définitionnel tel qu‘il apparaît dans la littérature.

Il est possible de faire reculer les frontières du droit au point que sa définition, en termes de contenu, est plus large que la conception que nous en avons. Jean-Guy Belley distingue par exemple la régulation juridique des autres régulations sociales en précisant qu‘une:

« définition à la fois générique et opératoire du droit devrait englober toutes les pratiques de régulation sociale qui se révèlent d‘une part de type politique en ce sens qu‘elles traduisent l‘intervention des détenteurs de pouvoir ou de l‘autorité dans la dynamique de l‘action sociale, d‘autre part de type rationnel en ce qu‘elles prétendent s‘exercer en obéissant aux exigences de modèles d‘intervention institutionnalisés ou préétablis. Par sa dimension politique, la régulation juridique se distingue des autres régulations sociales qui s‘exercent sans l‘intervention des détenteurs du pouvoir. La dimension générique du droit exclut en cela toute régulation

220 Andrée Lajoie, « Contributions à une théorie de l‘émergence du droit 1. Le droit, l‘État, la société civile, public, le privé : de quelques définitions interreliées », (1991) 25 R.J.T. 103 à la p. 105.

221 « Définir le droit 1 », (1989) 10 Droits : revue française de théorie juridique; « Définir le droit 2 », (1990) 11 Droits : revue française de théorie juridique.

222 Denis de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit?, Paris, Odile Jacob, 1997. 223 Ost et van de Kerchove, supra note 142.

que les acteurs sociaux exercent entre eux de façon autonome et toute régulation fondée sur le pouvoir social diffus exercé par une collectivité sur ses membres sans intervention directe ou distincte des détenteurs du pouvoir. La manifestation du droit serait ainsi liée à l‘émergence d‘une structure de pouvoir ou d‘autorité minimalement autonomisée par rapport à la collectivité dont elle relève. Par sa dimension rationnelle, la régulation juridique se réfère à une entreprise normative qui prétend s‘exercer de façon réfléchie plutôt que spontanée, généralisée et non ad hoc, selon un processus défini de façon préalable plutôt qu‘a posteriori, selon une régularité vérifiable plutôt que de manière imprévisible et arbitraire. La manifestation du droit suppose en ce sens une intervention minimalement institutionnalisée des détenteurs du pouvoir dans la coordination des conduites et le règlement des conflits. »225

C‘est une définition qui part du postulat que toute régulation juridique n‘est pas étatique. Elle peut être fort séduisante pour qui ne limite pas la réalité du droit au seul domaine couvert par l‘État tout en l‘associant au pouvoir politique, c‘est-à-dire à l‘autorité qui s‘est vue reconnaître comme étant légitime afin d‘établir des normes par la collectivité visée qui s‘y soumet. Ce n‘est pas totalement notre cas car si le juridique dans son ensemble est uni au pouvoir politique d‘un groupe, seul le droit provient de l‘État. La définition de Belley est pour nous davantage un corollaire du pluralisme juridique en tant que tel, plutôt que d‘être exclusivement axée sur le droit qui n‘en constitue en fait qu‘une composante.

Roderick A. Macdonald pousse encore plus loin l‘hypothèse en adoptant celle du pluralisme juridique critique. Il fusionne l‘ensemble de la normativité en spécifiant que tout se conçoit comme étant issu de la vie en société et tous les rapports existants sont des rapports sociaux226. Autant le social, le politique et l‘économique sont des moyens

225 Belley, « Sociétés globales », supra note 168 à la p. 27.

226 Roderick A. Macdonald, « Les Vieilles Gardes. Hypothèses sur l‘émergence des normes, l‘internormativité et le désordre à travers une typologie des institutions normatives », dans Belley, « Droit

concurrents d‘appréhender les actions sociales227. Selon un point de vue radical qui remet en cause toutes les composantes du droit moderne, il avance que le sujet de droit est celui qui fait le droit. Il est celui qui rend possible le fonctionnement de toutes les institutions juridiques, qu‘elles soient étatiques ou autres, en leur accordant leur légitimité228. C‘est le rapport identitaire du sujet avec le social ainsi que son interprétation des connaissances qui crée l‘ordre juridique, même s‘il est étatique. Ainsi, « son appartenance à un ordre juridique quelconque s‘établit en fonction du critère identitaire du jour »229. Cela l‘amène à la conclusion que le droit vit dans l‘âme de tous les membres de la société hétérogène230. Les sujets légaux sont des sujets créatifs du droit et non pas simplement des sujets dominés par le droit. Or, il faut prendre conscience de la pluralité de ces mêmes sujets légaux afin de réaliser toute la complexité de la relation entre le droit et le soi231. La typologie des normes de Macdonald met l‘accent sur leur caractère sociologique et s‘éloigne de la théorie des sources du droit qui considère d‘abord la forme et l‘origine des normes232.

Nous sommes totalement en accord avec le postulat de départ de Belley, tout comme nous corroborons Macdonald lorsqu‘il dit que l‘hypothèse du pluralisme relativise l‘ordre juridique étatique en nous invitant à voir la multiplicité d‘ordres juridiques

soluble », supra note 162, 233 aux pp. 258-259 [Macdonald, « Veilles gardes »]; Voir également : Martha- Marie Kleinhans et Roderick A. Macdonald, « What is a Critical Legal Pluralism », (1997) 12 Can. J. L. & Soc. 25.

227 Macdonald, « Veilles gardes », supra note 226 à la p. 261. 228 Macdonald, « Hypothèse », supra note 163 à la p. 135. 229 Ibid. à la p. 142.

230 Ibid. à la p. 151.

231 Voir: Kleinhans et Macdonald, supra note 226.

232 Roderick A. Macdonald, « Pour la reconnaissance d‘une normativité juridique implicite et "référentielle" », (1986) 18 :1 Sociologie et sociétés 47 à la p. 53; Il distingue d‘une part, selon un axe vertical, celles qui sont implicites ou explicites (i.e. exposées avec plus ou moins d‘autorité) et, d‘autre part, selon un axe horizontal, celles qui sont codifiées (i.e exactes, canoniques et formulées) ou inférées (i.e. approximatives, et métaphoriques). Ibid. à la p. 52.

concurrents233. Bref, toute régulation juridique n‘est pas étatique. Lorsque ce choix normatif est adopté, il est garant de la démocratie dans laquelle nous évoluons. Il démontre que le droit formel n‘est pas l‘unique instrument de régulation pourvu d‘une légitimité juridique dont les critères sont précisés au point 3. L‘émergence de plus en plus marquée de phénomènes d‘autoréglementation dans le domaine des nouvelles technologies de la vie, de la santé ou de l‘information auxquels on attribue le statut d‘ordre juridique en est le témoin silencieux234. Pensons par exemple aux codes de déontologie dont se dotent certains comités d‘éthique. Il s‘agit d‘un des modèles proposés dans l‘encadrement des nouvelles technologies de la reproduction. Nous l‘avons toutefois rejeté au profit d‘une intervention législative qui nous semble beaucoup plus appropriée compte tenu de la sensibilité des enjeux découlant de ces techniques et ce, notamment au regard de la question de l‘anonymat des donneurs de gamètes et d‘embryons. Nous démontrons également en section 3 que l‘éthique de la sollicitude relève du pluralisme normatif. Cela souligne l‘intérêt de la distinction d‘avec le pluralisme juridique.

La définition de Macdonald est par contre à notre avis trop inclusive car, selon l‘auteur, il y a du droit dans toutes les dimensions sociales où les sujets interviennent. Quant à Belley, s‘il nous rejoint davantage, il intègre dans le droit les deux dimensions du pluralisme juridique, à savoir le droit même et l‘ensemble des autres normes juridiques. Nous demeurons juriste plus ou moins conservateur dans notre démarche et ne les confondons pas. Encore là, il s‘agit d‘un choix que nous ne croyons pas pour autant erroné. Les conceptions du droit sont multiples et variables. La pertinence de celle que

233 Macdonald, « Hypothèse », supra note 163 à la p. 140.

nous adoptons découle du fait qu‘elle répond aux besoins de l‘analyse internormative que nous appliquons à l‘anonymat des donneurs de gamètes et d‘embryons.

Lorsque nous étudions la juridicité, concept au cœur d‘une analyse sur l‘essence du droit, nous pouvons d‘ailleurs constater qu‘il en existe diverses abstractions allant de la ligne de partage entre le droit et le social juridique au substantif correspondant à l‘adjectif juridique235. De l‘avis de certains, « [l]‘hypothèse du pluralisme juridique est précisément liée à un certain emploi de l‘expression «juridicité» pour se référer à une réalité plus ample que celle qui est délimitée par le droit au sens strict ou droit positif »236. Qu‘est-ce que cela implique plus exactement afin de nous aider à cerner les limites du pluralisme juridique? La juridicité provient-elle du simple caractère législatif de la norme selon une approche positiviste ou du fait qu‘elle contient un élément de sanction ou de contrainte237? Faisant un court inventaire des démarches possibles, André-Jean Arnaud se demande d‘ailleurs « [s]i l‘on souhaite donner au mot Droit une signification qui le spécifie, le fera-t-on par la désignation de critères a priori, par une recherche de sa nature ou de son essence, ou par la détermination des «frontières» qui le séparent de…ce qui n‘est pas du droit »238?

Puisque nous nous intéressons à l‘impact de l‘éthique de la sollicitude sur la loi applicable à l‘anonymat des donneurs, il est pertinent de remarquer que la distinction traditionnelle entre ce qui est du droit et ce qui l‘en sépare, sur la différenciation

235 André-Jean Arnaud « Juridicité », dans Arnaud et al., supra note 110, 322 à la p. 323. 236 M.A. et N.O.A, supra note 155 à la p. 324.

237 Benyekhlef, supra note 97 à la p. 46.

238 André-Jean Arnaud, « Essai d‘une définition stipulative du droit », (1989) 10 Droits : revue française de théorie juridique 11 à la p. 11.

spécifique d‘avec la morale (celle-ci étant identifiée comme convergente à l‘éthique239), se base sur deux principaux courants de pensée :

« [l]a première tendance – positiviste – tend à calquer la loi sur les […] [comportements sociaux] et l‘opinion publique : la loi ne devrait être que la codification de […] [ceux-ci] et évoluer au même rythme. Le droit serait indépendant, voir même opposé à la morale. L‘autre tendance – naturaliste – rattache davantage le droit à la morale, parfois jusqu‘à les identifier. Le droit ayant un rôle normatif, il devrait découler d‘une réflexion rationnelle sur les valeurs. Les tenants de cette école disent souvent : le droit positif est un prolongement, un ajustement, une application de la morale ou du « droit naturel ». Il y a une quasi identité entre les deux. »240

Ces deux écoles, cohabitant dans une sempiternelle dualité241, présentent des inconvénients qui rendent le droit inadapté à la porosité grandissante de ses frontières imposant inévitablement un dialogue avec les autres normativités. De fait :

« [s]i l’école naturaliste s’impose assez facilement dans une société homogène, elle devient vite inadéquate dans une société pluraliste et se voit accusée de totalitarisme. Par ailleurs, l’école positiviste qui se présente sous la bannière du progrès scientifique, qui s’affirme comme le défenseur des libertés individuelles, se ramène à un pragmatisme simpliste qui cache souvent les jeux de pression, les luttes de pouvoir et la loi du plus fort. »242

239 Dans le Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit il est spécifié que, sur le sens à donner au terme morale en philosophie, quant à la recherche par l‘individu de la perfection intérieure de son être, « on parle souvent de morale théorique ou d‘éthique ». P.D. « Morale », dans Arnaud et al., supra note 110, 383 à la p. 383.

240 Guy Durand, « Du rapport entre le droit et l‘éthique », (1986) 20 R.J.T. 281 à la p. 283 [Durand, « Rapport »]; Guy Durand, « Droit et régulation alternative », dans Parizeau, supra note 64, 87 à la p. 88

[Durand, « Régulation alternative »]; Guy Durand, « Histoire de la philosophie du droit. Lignes de crête », dans Cahiers de recherche en éthique : 16- Vers de nouveaux rapports entre l’éthique et le droit, supra note 73, 29 à la p. 42 [Durand, « Philosophie »].

241 H.L.A. Hart et Lon L. Fuller en sont de fidèles représentants. Voir H.L.A. Hart, « Positivism and the Separation of Law and Moral », (1957) 71 Harv. L. Rev. 593; Lon L. Fuller, « Positivism and Fidelity to Law – A Reply to Professor Hart », (1957) 71 Harv. L. Rev. 630.

242 Voir : Durand, « Rapport », supra note 240 aux pp. 283-284; Durand, « Régulation alternative », supra note 240 à la p. 88; Voir également l‘excellente étude de Carmen Lavallée dans laquelle elle décrit les raisons du déclin du droit naturel et les critiques faites au positivisme. Carmen Lavallée, « À la frontière de l‘éthique et du droit », (1993) 24 R.D.U.S. 1 aux pp. 8 à 15 [Lavallée, « Frontière »].

La solution ne résiderait pas tant dans l‘opposition de ces écoles, mais plutôt dans leur conjonction243; menant à l‘adoption d‘une approche dite humaniste qui n‘oppose pas ces réalités, mais qui, après les avoir distinguées, les unit dans un rapport dialectique244. C‘est-à-dire dans ce qui constitue, à notre sens, l‘internormativité. Celle-ci ne peut néanmoins échapper à la distinction entre le droit et le social juridique qui peut parfois être désigné d‘infrajuridique245.

L‘effondrement des barrières entre l‘éthique et le droit est nécessaire dans le domaine des nouvelles technologies de la reproduction afin de rendre possible cette internormativité où le droit, obligatoirement dynamique et continuellement évolutif dans le temps, s‘ouvre à l‘évolution du débat dans la société et à la dimension éthique de la problématique de l‘anonymat. Cela rend d‘autant plus difficile l‘établissement de critères d‘une juridicité aux frontières étanches alors même que nous assistons au phénomène inverse dans la société. Le droit dure du juriste246 devient flexible, souple,247 caméléon248 voir même flou249. Il a « la propriété de se laisser courber par les forces du changement social, capable d‘emprunter des formes adaptées au contexte sans perdre sa substance »250. Mou, ce "droit de régulation", selon l‘expression employée par Jacques

243 Attention, une conjonction ne veut pas dire que nous opérons une fusion. Car s‘il doit y avoir