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L'anonymat des dons de gamètes et d'embryons au Québec et au Canada: Essai théorique sur l'internormativité entre le droit positif et l'éthique de la sollicitude dans la résolution du conflit

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L’ANONYMAT DES DONS DE GAMÈTES ET

D’EMBRYONS AU QUÉBEC ET AU CANADA

ESSAI THÉORIQUE SUR L’INTERNORMATIVITÉ ENTRE LE DROIT POSITIF ET L’ÉTHIQUE DE LA SOLLICITUDE

DANS LA RÉSOLUTION DU CONFLIT

Julie Cousineau

Institut de droit comparé, Faculté de droit

Université McGill, Montréal

Juin 2011

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the

requirements of the degree of Doctor in civil law

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé………...……….p. VIII Summary……….……….p. X Remerciements………..………p. XII

Introduction……….……….p. 1

Chapitre préliminaire : Mise en contexte………...…………p. 13

Section 1 : Problématique de l‘anonymat de donneurs de gamètes et

d‘embryons………...p. 13

Section 2 : Légitimité de l‘intervention étatique………...….p. 21

Section 3 : Une norme de droit en internormativité avec l‘éthique……...…….p. 28

Chapitre 1 : L‘internormativité…un outil d‘importance dans la problématique

sur l‘anonymat des donneurs de gamètes et d‘embryons………..p. 42

Section 1 : Du pluralisme………...…p. 48 1- Éloignement de l‘aspect moniste du droit positif………...……p. 53 2- Comprendre brièvement le pluralisme et ses différentes

manifestations………p. 56 2.1 Le pluralisme normatif au carrefour de la régulation

sociale et de la normativité……….…..p. 57 2.2 Le pluralisme juridique et les critères de la juridicité….…..p. 64 3- Ordre juridique et ordre normatif………..….p. 76

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Section 2 : De l‘éthique de la sollicitude………..…..p. 80 1- Éthique et morale: les termes en présence……….……p. 91 2- L‘éthique de la sollicitude en tant que théorie morale :

Fondement de la théorie………p. 96 3- L‘éthique de la sollicitude en tant qu‘idée politique……...……….p. 102 4- Les principes directeurs de la Commission royale sur les

nouvelles techniques de reproduction………...………..p. 114

Section 3 : Des phénomènes d‘internormativité………..…….p. 122 1- Changement de paradigme : de la pyramide au réseau…………....p. 126 2- Phénomènes d‘internormativité : vers l‘effacement des

frontières………..p. 135 2.1 Vision juridique de l‘internormativité………p. 136 2.2 Vision sociologique de l‘internormativité……….….p. 141 2.3 Modèle de construction de la règle de droit?...p. 144

Conclusion du chapitre 1………..……p. 146

Chapitre 2 : Les intérêts en jeu dans le débat sur l‘anonymat des donneurs de

gamètes et d‘embryons………...…..p. 150

Section 1 : Analyse de la relation parents – enfant quant au secret sur

la conception avec tiers donneur………..……..p. 154 1- Autonomie de l‘individu : la privatisation de la famille…...…….p. 161 2- Égalité : le secret comme source de pouvoir………p. 166 3- Protection des personnes vulnérables : le meilleur intérêt et le

bien-être de l‘enfant………...……….…….p. 175 3.1 L‘interprétation générale du meilleur intérêt de

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a) Un principe primordial, mais non absolu

pouvant être subordonné à d‘autres intérêts……....p. 181 b) Un concept au contenu nécessairement variable

et évolutif……….p. 186 3.2 Révéler à l‘enfant la nature de sa conception, est-ce

dans son intérêt?...p. 192 a) Contre l‘obligation de révéler : des arguments

découlant d‘une perception externe à celle de

l‘enfant……….p. 193 b) En faveur de la révélation : réintégrer l‘enfant

dans le processus réflectif……….……p. 201 4- Équilibre entre les intérêts individuels et collectifs……….p. 209

Section 2 : Analyse de la relation donneur – enfant concernant l‘anonymat...p. 213 1- Autonomie de l‘individu……….….p. 215 1.1 Autonomie du donneur : un consentement en amont.……p. 217 1.2 Autonomie de l‘enfant : un consentement en aval…….…p. 226 2- Égalité : du donneur à l‘enfant et d‘enfants à enfants……….…….p. 230 3- Protection des personnes vulnérables : le meilleur intérêt et le

bien-être de l‘enfant………...……...……p. 235 3.1 Identité, parenté et filiation : mettre en contexte les

concepts liés à l‘anonymat……….p. 237 3.2 Meilleur intérêt, bien-être de l‘enfant et connaissance de l‘identité du géniteur………...……...p. 244

a) L‘anonymat : des points de vue en sa faveur…...p. 245 b) Abolition de l‘anonymat : dans le meilleur

intérêt de l‘enfant………..p. 251 4- Équilibre entre les intérêts individuels et collectifs……….p. 265

(5)

Chapitre 3 : Perspective de droit comparé de la politique juridique applicable

à l‘anonymat des dons……….……….p. 290

Section 1 : L‘anonymat à la sauce canadienne et québécoise……….……….p. 292 1- État du droit canadien : vers une reconnaissance du droit aux

origines ?...p. 295 1.1 Portrait du cadre législatif canadien : le double guichet…p. 295 1.2 Les diverses interprétations du droit aux origines dans

la loi fédérale……….…p. 302 1.3 Le jugement Pratten………...…p. 305 2- État du droit québécois : primat de la confidentialité des

données et de l‘anonymat………..…..p. 307 2.1 Le régime de confidentialité instauré en vertu du

Code civil du Québec………..………...p. 308 2.2 Le silence de la Loi sur les activités cliniques et de

recherche en matière de procréation……….………p. 314 3- Conflit d‘interprétation entre les deux juridictions sur la

question de l‘anonymat des dons?...p. 321 4- Droit canadien, droit québécois, internormativité et éthique

de la sollicitude : critique………p. 325

Section 2 : Un pays en pleine évolution, la France………..p. 333 1- La distinction française : le critère médical comme condition

à la procréation assistée……….…………..p. 334 2- État du droit en matière de don d‘engendrement :

le primat de l‘anonymat et du secret……….………..p. 335 3- Connexe et différent : l‘accouchement sous X………p. 349 4- Évolution législative : le réexamen des lois de bioéthique...……...p. 356 5- Droit français, internormativité et éthique de la sollicitude :

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5.1 Critique de l‘évolution législative française………….…..p. 367 5.2 Critique de l‘approche juridique française…………..……p. 377

Section 3 : Le virage du Royaume-Uni, Abolition de l‘anonymat………..….p. 382 1- La loi originale de 1990 : l‘anonymat en vigueur………...….p. 383 2- L‘évolution législative de 2004 : l‘anonymat aboli..…………..….p. 387 3- Droit britannique, internormativité et éthique de la sollicitude:

critique……….…….p. 396

Conclusion du chapitre 3………...….………..p. 403

Conclusion de la thèse: L‘internormativité entre le droit positif et l‘éthique de la sollicitude dans la résolution du conflit sur l‘anonymat

des dons d‘engendrement……….…..…..p. 409

Annexe 1 : Le don de gamètes – Exemples de droit comparé……….……….……...p. 415

Sources documentaires………..……….………..p. 416

Table de la législation……….…………..p. 416 Textes normatifs internationaux……….…………..p. 416 Canada………..…………..………..p. 416 Textes constitutionnels………..………..……..p. 416 Fédéral……….………..…………..………..p. 416 Québec……….………..………….………..p. 417 Ontario……….………..………….………..p. 418 France……….……….………..………..……..p. 418 Royaume-Uni……….………..………..…….……..p. 421

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Politiques, Lignes directrices, Déclarations de principes……….…....p. 421 Textes internationaux………....……..……....……..p. 421 Royaume-Uni……….………..……….……..……..p. 422

Table des jugements………..….………..………..……..p. 422 Cour européenne des Droits de l‘Homme……….………..……..p. 422 Canada……….….…..……..……….…….……..p. 422 France……….…………...…………..……..p. 426 Royaume-Uni……….……….…..………..………..p. 426

Table bibliographique……….…………..………..………..p. 426 Monographies, Avis, Rapports………..….………..p. 426 Recueils, Ouvrages collectifs………..………..p. 435 Articles……….…………...………..p. 445

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RÉSUMÉ

S‘il existe un consensus sur la transmission de renseignements médicaux et génétiques aux enfants issus d‘un don d‘engendrement, la divulgation d‘informations nominatives continue de semer la controverse. Tant à l‘égard de l‘enfant en quête d‘un droit aux origines, du donneur désirant le respect de son anonymat et de sa vie privée ou des parents qui aspirent au secret entourant le mode de conception de leur enfant. La problématique devient d‘actualité en raison, notamment, du fait que depuis près de vingt ans de plus en plus de pays décident de mettre fin à l‘exigence de non divulgation de l‘identité du géniteur. Les cadres législatifs canadien et québécois persistent quant à eux à maintenir la philosophie de l‘anonymat du tiers donneur.

Le choix de favoriser soit l‘anonymat des donneurs, soit la quête de l‘enfant quant à ses origines et l‘identité de son géniteur a des conséquences importantes pour tous les acteurs du don de gamètes ou d‘embryons. En découle des affrontements de valeurs et des débats où l‘incertitude liée au "bon choix législatif", dans l‘optique où nous pouvions considérer l‘une ou l‘autre des positions comme étant la meilleure, requiert de s‘attarder aux fondements du processus décisionnel. Cela implique nécessairement une réflexion allant au-delà du seul législateur et engageant cette normativité qu‘est l‘éthique. Ainsi, en contexte de pluralisme normatif, comment trouver un juste équilibre entre les droits et intérêts des enfants issus de la procréation assistée, ceux des donneurs de matériel reproductif ainsi que ceux du couple y ayant recours, et maximiser les avantages de la procréation assistée tout en réduisant au minimum ses conséquences négatives?

Dans la lignée du cadre d‘analyse retenu par la Commission royale sur les nouvelles technologies de la reproduction (Canada, 1993), nous proposons une étude des phénomènes d‘internormativité entre la règle de droit positif que doit adopter l‘état (dont la légitimité régulatrice est affirmée) et l‘éthique de la sollicitude. Cette internormativité est l‘instrument théorique permettant des échanges et une inter influence entre les différents types de norme.

Se basant sur l‘empathie et la responsabilité, l‘éthique de la sollicitude a d‘intéressant qu‘elle définit la personne non pas uniquement en rapport à ses droits, mais dans sa relation avec autrui. C‘est un élément vital de la problématique sous étude où les acteurs demeurent inter reliés sous différents angles, que celui-ci soit affectif, sociologique ou biologique. Au-delà des considérations morales, cela nous amène à considérer la responsabilité de chacun selon un nouvel angle de réflexion tout en cherchant à démontrer l‘impact de ce dernier sur la règle de droit positif.

Plutôt que de présenter une description individuelle des intérêts des acteurs concernés par l‘anonymat selon un schéma pour ou contre, nous analysons donc la situation sous un angle relationnel. L‘éthique de la sollicitude étant basée sur l‘interdépendance des rapports entre individus, l‘enfant en étant ici le point de mire, nous en remarquons l‘apparition à deux niveaux dans la problématique : en premier lieu dans le rapport

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parents – enfant quant au secret sur le mode de conception puis, dans le lien donneur – enfant relativement à l‘obtention d‘informations nominatives.

Enfin, partant de l‘hypothèse que l‘éthique de la sollicitude peut être un instrument pertinent pour guider le législateur, nous effectuons une étude comparatiste des lois canadienne et québécoise avec celles de la France et du Royaume-Uni. S‘interroger sur une modification potentielle de la loi implique de regarder des législations qui l‘ont fait en abolissant l‘anonymat ou qui y songent. De longue date, la France et le Royaume-Uni furent des précurseurs dans l‘encadrement juridique de la procréation assistée. L‘un des objectifs du recours au droit comparé est donc d‘analyser comment éthique et droit interagissent dans le cadre du conflit, se manifestant dans diverses approches législatives. Cela nous permet ultimement de mieux comprendre, commenter et critiquer les positions adoptées par le Canada et le Québec.

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SUMMARY

While there may be a consensus regarding the provision of medical and genetic information to the offspring of gametes donation, the disclosure of nominative information continues to be a source of controversy—as much for a child who is looking to find out his origins, the donor who wants to maintain his anonymity and privacy, or for parents seeking information about how their child was conceived. This issue has been making the news lately as an increasing number of countries have, over the past 20 years, decided to end donor anonymity. The laws of Quebec and Canada continue to maintain the principle of donor anonymity.

The choice of whether to favour donor anonymity or the child‘s attempts to learn about his origins and the identity of his progenitor has significant consequences for everyone involved in gametes and embryos donation. The clash of values and debates that have led to uncertainty about making the ―right legislative choice‖ and our ability to consider any of these positions to be the best requires thinking about the basis of the decision-making process. This means looking beyond legislation and taking ethics into consideration. In a context of normative pluralism, how does one strike a balance between the rights and interests of the offspring of assisted reproduction, the gamete donors and the couple that made use of assisted reproduction to conceive a child, while maximizing the benefits of assisted reproduction and minimizing negative consequences?

Based on the analysis made by the Royal Commission on New Reproductive Technologies (Canada, 1993), we are proposing a study on internormative phenomena between the substantive rule that must be adopted by the state (whose regulatory legitimacy is affirmed) and the ethics of solicitude. This internormativity is the theoretical instrument that allows exchanges and inter influence among various types of norms. Based on empathy and responsibility, the ethics of care is of interest as it defines the person not only in terms of rights, but in terms of his relationships with others. This is a key element of the issues being examined where stakeholders maintain interrelations in a variety of areas—affective, sociological or biological. Apart from the moral considerations, this leads us to consider each party‘s responsibility from a different angle while seeking to demonstrate the latter‘s impact on substantive rule.

Rather than describe the interests of anonymity stakeholders one by one in a pro/con table, we will by analyzing the situation from a relational angle. The ethics of care being based on the interdependancy of relationships between individuals, with the child at the centre, we notice it comes up at two levels: first in the parent–child relationship regarding secrecy of the method of conception then, in a donor–child relationship with respect to obtaining personal information.

Lastly, based on the assumption that the ethics of care can be a relevant instrument for guiding lawmakers, we will compare Canadian and Quebec legislation with that of France and the United Kingdom. Investigating potential changes to the law requires an

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examination of legislation that has already done away with anonymity or contemplates doing so. France and the United Kingdom have long led the way in providing a legal framework for assisted reproduction. One of the objectives of the comparative law study is to analyze how ethics and law interact in the conflict and manifest themselves in various legislative approaches. This will ultimately enable us to better understand, comment and critique the positions adopted by Canada and Quebec.

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REMERCIEMENTS

Je remercie en premier lieu le cadre institutionnel et académique qui m‘a soutenue tout au long de mes études universitaires. Aussi, je souhaite offrir ma gratitude à la Faculté de droit de l‘Université McGill et à l‘Institut de droit comparé auquel je suis rattachée, mais plus particulièrement au Professeure Angela Campbell, ma directrice de recherche. Elle a su m‘écouter et me rassurer dans les moments de doutes, m‘a sans cesse poussée à me dépasser et m‘a apporté l‘encadrement nécessaire à la réussite de ce projet doctoral. Ce sont là les qualités d‘une formidable directrice de thèse qui a su comprendre l‘étudiante que j‘étais. Sa confiance en moi m‘aura permis de m‘épanouir pleinement en tant que chercheure en droit.

Deux autres institutions furent majeures pour moi. Tout d‘abord, le Centre de recherche en droit public à la Faculté de droit de l‘Université de Montréal où je collabore depuis 2003 et qui m‘offre depuis un environnement de travail d‘une grande richesse. Merci au Docteure Thérèse Leroux qui me suit, m‘épaule et me guide dans l‘univers de la recherche juridique depuis que j‘ai fait mes études de maîtrise avec elle. Ensuite, le Centre de recherche en droit des sciences et des techniques à la Faculté de droit de l‘Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Mon stage de recherche doctoral dans cette institution prestigieuse m‘a apporté un regard dont la thèse n‘a pu qu‘être enrichie. Merci à toute l‘équipe de ce centre qui, pendant quelques mois à l‘automne 2009, m‘a accueillie avec tant de gentillesse et de bienveillance.

Sans oublier ma famille pour leurs encouragements continuels dans la réalisation de cette thèse ainsi que pour leur compréhension dans les moments difficiles. À mon père dont l‘expérience et les conseils me furent précieux. À ma mère et à ma sœur dont l‘écoute, le support et la confiance n‘ont jamais failli. Cette aventure du doctorat et cinq années de travail trouvent ici leur conclusion, et cela n‘aurait pas été possible sans eux. Ils m‘ont laissé toute la liberté de réaliser mon rêve. Une pensée également pour mes amis dont l‘affection et la présence sont si précieuses.

Je dois enfin souligner que l‘accomplissement de cette thèse n‘aurait pas été possible sans le soutien financier de plusieurs organismes. Mes remerciements à la Faculté de droit de l‘Université McGill pour le John Dobson Foundation Fellowship (2006) et le McGill Graduate Studies Fellowship (2007). Merci également au Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) qui m‘a octroyé à l‘automne 2007 une bourse majeure de doctorat de trois ans. En collaboration avec le Regroupement Droit et Changements, qui est dirigé par le Centre de recherche en droit public, le FQRSC est finalement l‘organisme qui m‘a permis de faire mon séjour en France au moyen d‘une Bourse pour stage international. Je ne les remercierai jamais assez de m‘avoir donné les moyens de mener à terme mes études doctorales.

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ESSAI THÉORIQUE SUR L’INTERNORMATIVITÉ ENTRE LE DROIT POSITIF ET L’ÉTHIQUE DE LA SOLLICITUDE

DANS LA RÉSOLUTION DU CONFLIT

« Il était une fois un roi et une reine. Chaque jour ils se disaient : - Ah! Si seulement nous avions un enfant.

Mais d'enfant, point. Un jour que la reine était au bain, une grenouille bondit hors de l'eau et lui dit: - Ton vœu sera exaucé. Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une fillette au monde. Ce que la grenouille avait prédit arriva. La reine donna le jour à une fille. Elle était si belle que le roi ne se tenait plus de joie. »

Wilhelm et Jacob Grimm, La Belle au bois dormant1

Ce conte, normalement destiné à la littérature enfantine, nous introduit dès notre plus jeune âge à un problème qui préoccupe l‘humanité depuis longtemps. Depuis des siècles, le livre de La Genèse ordonne: « Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre »2. Pourtant, dans cette mise en scène de La Belle au bois dormant, telle que dépeinte par les frères Grimm au 19e siècle, sont illustrés la hantise de l‘infertilité et le

1 Wilhelm Grimm et Jacob Grimm « La Belle au bois dormant », dans Contes de Grimm, Traduits par Pierre Durand, Illustrés par Jiřί Trnka, 14 édition, Paris, Gründ, 1983, 7 à la p. 7.

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désir d‘enfants qui s‘avère parfois plus fort que tout3. Aussi, la reproduction humaine fascine. Grâce à elle, nous entrons dans le cycle de la vie et répondons à cet appel de la nature qu‘est le souhait de fonder une famille. C‘est à partir de l‘enfant, seule réalité pérenne, que la famille se définirait aujourd‘hui4, alors qu‘autrefois le couple était le fondement de la famille par les liens du mariage5. Certains iront plus loin et diront qu‘il s‘agit d‘un besoin biologique de transmettre notre patrimoine génétique aux générations futures. Cela peut dès lors apparaître comme une perpétuation de l‘être dans le temps et l‘espace et contribue à une "biologisation" du lien de filiation.

Avoir des enfants n‘est par contre pas toujours chose aisée. La vie, parfois semée d‘embûches, fait en sorte que des problèmes d‘infertilité peuvent survenir et requièrent un coup de pouce afin que la nouvelle vie tant attendue voit le jour. Le détachement de la famille de la sacramentelle institution du mariage ouvre de plus les portes de la procréation aux femmes seules et aux couples homosexuels qui, selon l‘ordre naturel des choses, ne peuvent concevoir sans aide extérieure. Dans un tel contexte, quelles solutions s‘offrent aux souverains de la Belle au bois dormant afin d‘apaiser leur souffrance? Dans la version initiale du conte, attribuée à Charles Perrault et qui est parue en 1697, il est écrit qu‘ils « allèrent à toutes les eaux du monde : vœux, pèlerinages, tout fut mis en

œuvre, et rien n'y faisait. Enfin, pourtant, la reine devint grosse, et accoucha d‘une

3 Catherine Philippe, « Assistance médicale à la procréation : des pratiques encouragées? », (2005) 17 Revue générale de droit médical 263 à la p. 263.

4 D. Le Gall, « Filiations volontaires et biologique. La pluriparentalité dans les sociétés contemporaines », (2003) 51 Neuropsychiatrie de l‘enfance et de l‘adolescence 118 à la p. 118.

5 Hélène Belleau, «Être parent aujourd‘hui : la construction du lien de filiation dans l‘univers symbolique de la parenté », (2004) 1 Enfances, Familles, Générations au par. 9, En ligne : <http://www.erudit.org/revue/efg/2004/v/n1/008891ar.html> (Date d‘accès: 14 novembre 2009).

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fille »6. À chaque époque ses solutions. Avec le temps, des techniques d‘assistance à la procréation permettant de pallier à ces troubles de fertilité ou limites biologiques se sont développées.

Certaines permettent justement le maintien d‘un lien biologique/génétique avec l‘un des deux parents. Pensons par exemple à l‘insémination thérapeutique avec le sperme d‘un tiers donneur qui fut introduite dans la pratique médicale dans les années trente et qui s‘est développée furtivement sur près de quatre décennies7. Avec des applications remontant à environ deux siècles, en 1791 en Angleterre grâce à John Hunter et en 1804 en France grâce à Michel-Augustin Thouret, l‘insémination artificielle est en fait la plus ancienne technique de procréation assistée. C‘est d‘autre part à partir de 1963 que les premières banques de sperme sont apparues aux États-Unis8.

Le don s‘étend à présent aux ovules9, par exemple lorsque la femme n‘a pas d‘ovaires ou est trop âgée pour utiliser ses propres gamètes, et même aux embryons. Il est alors question d‘embryons surnuméraires provenant de couples ayant procédé à des traitements de fécondation in vitro, mais qui les ont donnés. L‘expression "accueil d‘embryons" est la formule retenue pour parler de cette adoption précoce. Elle ne procure

6 Charles Perrault, « La Belle au Bois dormant», dans Les Contes de Perrault suivis des Aventures du Baron

de Münchhausen, Illustrés par Gustave Doré, Paris, SACELP, 1980, 34 à la p. 34.

7 A. McWhinnie, « Gamete donation and anonymity – Should offspring from donated gametes continue to be denied knowledge of their origins and antecedents? » (2001) 16:5 Human Reproduction 807 à la p. 807. 8 « Assistance médicale à la procréation », dans Dictionnaire Permanent Bioéthique et Biotechnologie, Mise à jour 55 (Date d‘arrêt des textes : 1er avril 2009), Paris, Éditions Législatives, 2009, 109 à la p. 112 [« Assistance médicale à la procréation »].

9 Celui-ci étant beaucoup plus compliqué que le don de sperme étant donné les interventions requises sur la femme et le nombre limité d‘ovocytes. À ce sujet, voir : Commission de l‘éthique de la science et de la technologie, Éthique et procréation assistée : des orientations pour le don de gamètes et d’embryons, la

gestation pour autrui et le diagnostic préimplantatoire, Québec, 2009, aux pp. 32-34, En ligne : voir

<http://www.ethique.gouv.qc.ca/index.php?option=com_docman&Itemid=109> (Date d‘accès : 31 octobre 2009) [Commission de l‘éthique de la science et dela technologie, « Procréation assistée »].

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aucuns liens génétiques entre les parents et l‘enfant, mais donne un regard plus naturel à la procréation en permettant à la femme d‘accoucher du bébé. L‘intérêt du don d‘embryon, contrairement à l‘adoption d‘enfants déjà nés, est l‘apparence d‘un lien biologique10.

Bien que demeurant exceptionnelles et, dans la majorité des cas, d‘une complexité médicale évidente comportant des risques pour la mère et/ou l‘enfant, certaines de ces techniques sont aujourd‘hui chose courante au regard de leur acceptation au sein de la société11. Cela est au point qu‘elles sont souvent perçues comme des procédures de routine, sécuritaires et efficaces12. La fécondation in vitro en est peut-être un des meilleurs témoins. Par ailleurs :

« [f]ruit d‘une relation interpersonnelle qui se lovait jusqu‘alors dans le secret des alcôves, l‘acte d‘engendrement s‘est aujourd‘hui technicisé. L‘avancée des connaissances dans les domaines de la médecine et de la biologie qui, dans un premier temps, a permis de dissocier reproduction et sexualité, autorise aujourd‘hui à scinder fécondation et gestation. La reproduction humaine, dans sa dimension spatiale comme dans sa dimension temporelle, apparaît ainsi comme un processus éclaté, auquel participe une pluralité d‘acteurs […] »13.

10 Ibid. à la p. 45.

11 « Aujourd‘hui, l‘assistance médicale à la procréation s‘appuie sur un arsenal impressionnant de techniques permettant de pallier les causes les plus diverses de la stérilité. Et la société paraît bien s‘être accommodée de leur utilisation en vue de satisfaire, en marge de l‘adoption, le besoin de descendance de ceux qui ne peuvent procréer autrement. Il est vrai que les chercheurs et les praticiens n‘ont pas hésité, ces dernières années, à placer le corps social devant le fait accompli. Et les médias ont généralement présenté les résultats obtenus comme autant d‘exploits scientifiques.

L‘évolution des mentalités, le déclin de la morale et une certaine forme d‘individualisme ont fait le reste. À l‘évidence, l‘assistance médicale à la procréation n‘est plus couverte de l‘opprobre dont l‘insémination artificielle fut jadis l‘objet. L‘évolution des pratiques et des techniques d‘assistance médicale à la procréation montre que celle-ci n‘est plus perçue comme un sujet tabou, mais plutôt comme un phénomène de société. » « Assistance médicale à la procréation », supra note 8 à la p. 112.

12 Commission de l’éthique de la science et de la technologie, « Procréation assistée », supra note 9 à la p. 10.

13 Édith Deleury, « Droit de la filiation et progrès scientifiques », dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit de la santé (1991), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, 173 à la p. 173 [Deleury, « Filiation»].

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Ce phénomène est manifeste au regard de l‘évolution de la notion de famille ces dernières années. Elle a vu apparaître des termes tels que parent génétique, sociologique ou juridique. Le couple hétérosexuel, à l‘origine de la famille nucléaire traditionnelle, n‘est plus le seul à bénéficier d‘un apport extérieur de forces génétiques. Le processus de la procréation assistée est dorénavant accessible, dans les limites de la loi, aux femmes seules et aux couples homosexuels manifestant un désir de parenté14. En découlent des représentations plurielles de la famille15. « Désormais, il est donc possible de considérer que la […] [procréation assistée] constitue un mode d‘établissement de la filiation, à part entière et autonome »16.

Lorsqu‘un ménage ou un individu fait appel à un don hétérologue ou exogène provenant de personnes externes au projet parental, c‘est-à-dire celui dans le cadre duquel est exprimé un consentement au processus de procréation assistée afin de concevoir un enfant, il peut d‘une part recourir à la procréation médicalement assistée en clinique de fertilité17, privée ou en institution médicale publique, avec donneur anonyme ou non. Les techniques qui y sont pratiquées varient en fonction du type de don utilisé. Pour un don de sperme, il peut par exemple s‘agir d‘une insémination thérapeutique ou encore d‘une fécondation in vitro suivie d‘un transfert in utero. Ces deux derniers sont nécessaires lors d‘un don d‘ovules. Le don d‘embryons n‘implique quant à lui qu‘un transfert in utero suite à une fécondation in vitro ayant déjà eu lieu pour un autre couple. Dans tous les cas,

14 Ce concept se distingue de celui de la parentalité qui est l‘exercice de la fonction parentale. Si, en droit, le titulaire de l‘autorité parentale est souvent le parent, il y a des situations où ces deux réalités ne concordent pas. Pour les fins de cette thèse, nous présumons que le parent bénéficiaire de la procréation assistée exerce sa parentalité.

15 Commission de l‘éthique de la science et de la technologie, « Procréation assistée », supra note 9 aux pp. 20-21.

16 Ibid. à la p. 20.

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l‘anonymat du donneur dépend du régime juridique applicable ou, en l‘absence d‘un tel cadre, de la politique clinique pratiquée par les autorités médicales.

Il est néanmoins certain que lorsque de futurs parents demandent à une connaissance, comme un ami ou un membre de la famille, d‘agir à titre de donneur avant de se rendre avec eux en clinique, si cette pratique est autorisée, ils auront connaissance de l‘identité du géniteur. Quant à l‘enfant, il demeure soumis au régime juridique établi en matière d‘assistance à la procréation ou à la pratique clinique en vigueur. Si la règle d‘or est celle de l‘anonymat ou que le donneur refuse que son identité lui soit communiquée, lorsqu‘il dispose de cette option, l‘enfant dépend de l‘ouverture de ses parents.

Il est d‘autre part possible de procéder à une procréation "privément" assistée. Est alors exclue toute dimension médicale de l‘acte d‘engendrement. Le donneur et son identité y sont personnellement connus des receveurs. La procréation est dite "amicalement" assistée lorsqu‘une relation sexuelle intervient18 ou "artisanalement" assistée lorsque, par exemple, l‘on procède à l‘injection du sperme chez la femme au

18 Ibid.; L‘expression procréation "amicalement assistée" a été utilisée à l‘occasion des travaux de la Commission parlementaire lors de la réforme du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) en 2002 (Loi

instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, L.Q. 2002, c. 6). Benoît Moore, « Les

enfants du nouveau siècle : libres propos sur la réforme de la filiation », dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit familial (2002), vol. 176, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, 75 à la page 88 [Moore, « Enfants du nouveau siècle »]; Au Québec, cette situation de "procréation amicale" est prévue à l‘article 538.2 al. 2 C.c.Q. qui dicte que « lorsque l'apport de forces génétiques se fait par relation sexuelle, un lien de filiation peut être établi, dans l'année qui suit la naissance, entre l'auteur de l'apport et l'enfant. Pendant cette période, le conjoint de la femme qui a donné naissance à l'enfant ne peut, pour s'opposer à cette demande, invoquer une possession d'état conforme au titre. » Code civil du Québec, ibid., art. 538.2 al. 2.

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moyen d‘une seringue19. Dans ces deux cas de figure, la loi n‘intervient pas dans les relations privées entre les parties, à moins qu‘il n‘y ait un conflit entre elles. L‘enfant en quête de ses origines est totalement soumis à la volonté de ses parents de briser le secret entourant sa conception, c‘est-à-dire le recours à l‘insémination en tant que tel, et par la suite de lui donner le nom de son géniteur, parent biologique, génétique.

En l‘espèce, c‘est l‘hypothèse du don dépersonnalisé ayant lieu en clinique, où le donneur est originairement inconnu des receveurs, qui retient notre attention. Dans le cadre de cette thèse, il s‘agit tout d‘abord d‘observer dans quelle mesure des rapports d‘influence avec l‘éthique de la sollicitude orientent le législateur dans sa prise de décision quant à l‘anonymat des donneurs de gamètes et d‘embryons. L‘éthique de la sollicitude est, à ce titre, un point central de notre approche théorique. Elle concerne l’interdépendance des individus puisque cette éthique a pour objet les relations humaines et la contextualisation des besoins de chacun. La sollicitude vise à identifier une source d’obligations dans les sentiments d’empathie pour autrui et la responsabilité qui devrait corrélativement en découler. La personne est donc définie non pas uniquement en rapport à ses droits, mais dans sa relation avec autrui.Dans ce contexte, l‘internormativité devient le mode d‘expression de la dialectique établie entre l‘éthique de la sollicitude et la norme de droit. Notre cadre théorique, dont nous exposons notre position au chapitre 1 en nous appuyant sur la doctrine pertinente, nous permet ultimement de mieux comprendre,

19 Distinction notamment retenue dans P. (F.) c. C. (P.), supra note 17 au par. 14; Il semble que l‘hypothèse de l‘insémination réalisée privément, « dans un contexte intimiste, sans que les protagonistes n‘aient eu recours aux services d‘une clinique ou d‘une autre institution médicale » ne soit pas couverte par l‘article 538.2 al. 2. Alain Roy, « Le nouveau cadre juridique de la procréation assistée en droit québécois ou l‘œuvre d‘un législateur trop pressé », (2005) 23 L‘Observatoire de la génétique, En ligne : <http://hdl.handle.net/1866/1414> (date d‘accès: 22 avril 2009); De l‘avis de Benoît Moore, la procréation "privément assistée" doit inclure « tout type d‘assistance prodigué dans un contexte intimiste ». Moore, « Enfants du nouveau siècle » supra note 18 à la page 90.

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commenter et critiquer la position adoptée par le Canada et le Québec. Devrait-on préserver l‘anonymat ou suivre la nouvelle tendance vers la transparence quant à l‘identité des donneurs? Comment l‘éthique de la sollicitude soutient-elle l‘une ou l‘autre de ces conclusions? Quelle influence a-t-elle avoir sur le législateur?

Le deuxième chapitre constitue une analyse structurelle du problème de l‘anonymat et une critique au regard de notre cadre théorique. Pour ce faire, nous procédons à une revue de littérature, dans une approche multidisciplinaire, où sont exposés les intérêts en jeu dans le débat sur l‘anonymat des donneurs. Au terme de notre réflexion, nous en venons à distinguer, dans la problématique à l‘étude, le fait d‘informer l‘enfant des circonstances de sa naissance et son droit aux origines, c‘est-à-dire le droit d‘obtenir les renseignements nominatifs et identifiants concernant le géniteur. Non seulement ces notions sont analysées distinctement selon une approche relationnelle, mais nos conclusions ne les lient pas en droit. Informer l‘enfant de l‘utilisation d‘un tiers donneur dans le cadre du processus reproductif instaure ainsi un privilège de réserve des parents et qui découle d‘une non-imposition de divulgation à même le texte de loi. L‘importance d‘informer est plutôt une obligation morale qui doit être renforcée par la mise en place d‘un processus de responsabilisation des parents. Celui-ci prend la forme d‘une intervention préalable du milieu médical afin qu‘il informe les parents de ce qu‘implique le fait de ne rien dire à l‘enfant. Quant au droit aux origines, il a une existence propre et indépendante. Ce droit ne peut certes être exercé si l‘enfant ignore comment il a été conçu, mais l‘éthique de la sollicitude exige qu‘une fois ce pas franchi par le couple, l‘enfant doit avoir la possibilité de décider s‘il veut en savoir plus sur son

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donneur. Ce sont ces positions que nous défendons au chapitre 2 tout en faisant les nuances nécessaires.

La possibilité de procéder à une étude de terrain a été délibérément exclue de notre méthodologie. Un certain nombre d‘enquêtes ont déjà été consacrées aux donneurs et aux parents. Nous n‘en ferons pas une recension, par exemple de toutes celles ayant été publiées dans Medline ou Pubmed entre telle année et telle année. D‘autres l‘ont déjà fait20 et notre objectif est davantage de présenter les différentes positions sur l‘anonymat en fonction de notre grille d‘analyse et ce, en cherchant le plus possible à nuancer notre propos. Concernant les enfants issus d‘un don d‘engendrement, il faut savoir que :

« [p]eu d‘études sur le devenir […] [des enfants] permettent de jeter un éclairage sur les liens qu‘ils entretiennent [avec leurs parents et le donneur]. En effet, les premières études sur les enfants nés de la […] [procréation assistée (PA)] ont été menées essentiellement dans une perspective épidémiologique. Si des données commencent à paraître sur le plan somatique, peu d‘analyses portent sur le lien psychique et sur les interactions parents-enfants. Cela s‘explique du fait que les cliniques ne voient que les futurs parents, qu‘elles perdent de vue dès la naissance, si ce n‘est dès la conception de l‘enfant. Il est extrêmement difficile de constituer des cohortes suffisantes et statistiquement valides. Si les études qui ont été publiées jusqu‘à présent permettent de conclure que les enfants nés de la PA présentent un développement considéré comme normal et que leur développement psychomoteur n‘est pas influencé par leur mode de procréation, il faut souligner qu‘elles présentent certaines lacunes sur le plan méthodologique et ne nous renseignent pas suffisamment sur le développement psychologique de ces enfants à l‘âge de l‘adolescenceni à l‘âge adulte.

20 Par exemple: Anne Brewaeys, « Review: Parent-child relationships and child development in donor insemination families », (2001) 7 :1 Human Reproduction Update 38 [Brewaeys, « Parent-child relationships »].

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À ce titre, les aspects qui semblent soulever le plus d‘inquiétudes et qui suscitent aussi des débats sont l‘accès pour l‘enfant à la connaissance de ses origines et la construction de son « roman » familial. »21

Cela ne nous pose pas de problèmes majeurs car, en plus des analyses appuyées de pourcentages, ce qui retient notre attention, ce sont les témoignages directs que rapportent certains auteurs. Ils sont peu nombreux, mais percutants par la sensibilité humaine qui s‘en dégage. Il nous faut préciser que cette thèse se tient dans les limites académiques de son auteur dont la formation est entièrement juridique. À défaut d‘un projet de recherche plus étendu impliquant psychanalystes, psychologues et autres spécialistes de l‘enfance, nous ne pouvons que nous référer à leurs écrits selon notre meilleure compréhension.

Enfin, nous nous intéressons au processus décisionnel menant à l‘adoption d‘une règle de droit conciliatrice des conflits en présence. Partant de l‘hypothèse que l‘éthique de la sollicitude peut être un instrument pertinent pour guider le législateur, nous effectuons au chapitre 3 une étude comparatiste des lois canadienne et québécoise avec celles de la France et du Royaume-Uni. S‘interroger sur une modification potentielle de la loi implique de regarder des législations qui l‘ont fait en abolissant l‘anonymat ou qui y songent. De longue date, la France et le Royaume-Uni furent des précurseurs dans l‘encadrement juridique de la procréation assistée. Nous avons par ailleurs déjà démontré que la Loi sur la procréation assistée22, adoptée par le législateur fédéral en 2004, s‘inspire des modèles législatifs adoptés par ces deux pays23.

21 Commission de l‘éthique de la science et de la technologie, « Procréation assistée », supra note 9 à la p. 42.

22 Loi concernant les techniques de procréation assistée et la recherche connexe, L.C. 2004, ch. 2 [Loi sur

la procréation assistée].

23 Voir : Julie Cousineau, « L‘autonomie reproductive : un enjeu éthique et légal pour le diagnostic préimplantatoire », (2008) 86 :3 R. du B. can. 421 à la p. 462 [Cousineau, « Autonomie reproductive »].

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Une majeure partie de la loi canadienne a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême le 22 décembre 201024. La partie de la thèse qui concerne le droit canadien demeure néanmoins pertinente. De fait, indépendamment du statut ultra vires des dispositions concernant l‘anonymat et les renseignements sur le donneur, l‘étude de droit comparé où l‘internormativité fait entrer en ligne de compte l‘éthique de la sollicitude conserve sa valeur théorique. L‘analyse du contexte législatif canadien constitue un modèle que nous ne pouvons pas ignorer puisque non seulement il fut inspiré de la France et du Royaume-Uni, mais il a été jusqu‘à tout récemment en étroite concurrence avec le droit provincial québécois qui demeure en vigueur.

Nous considérons donc l‘évolution de la politique juridique de la procréation assistée, et plus spécifiquement de la question de l‘anonymat des donneurs en accordant une attention particulière aux portes d‘entrée possibles d‘un examen fait sous l‘angle de la sollicitude. C‘est donc de l‘intérieur même des systèmes juridiques étudiés que nous tirons nos enseignements et cherchons à comprendre, dans leur structure et logique législative, quelle place doit ou devrait être accordée à l‘approche relationnelle. L‘un des objectifs du recours au droit comparé est donc d’analyser comment éthique et droit interagissent dans le cadre du conflit, se manifestant dans diverses approches législatives. Nous procédons notamment en faisant un état du droit et en analysant de plus près le discours interprétatif de la doctrine.

24 Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, 2010 CSC 61 (CanLII), En ligne : http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2010/2010csc61/2010csc61.html (Date d‘accès: 27 décembre 2010).

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Nous en arrivons alors à la conclusion que l‘adoption d‘approches législatives particulières, pour lesquelles nous cherchons les portes d‘entrée de l‘internormativité afin qu‘un dialogue s‘installe entre la règle de droit et l‘éthique de la sollicitude, ne constitue pas a priori un obstacle à la mise en place de ces passerelles internormatives. En fait, ces approches législatives, dites prudente ou libérale, ne sont pas hermétiques ou composées de caractéristiques dont la présence est obligatoire. Cette plasticité ou flexibilité législative constitue en somme le garant de l‘introduction en droit d‘une internormativité avec l‘éthique de la sollicitude avec plus ou moins de facilité, à des degrés variables.

Avant d‘entrer le corps d‘analyse de la thèse, nous proposons au lecteur un chapitre préliminaire dont le but est de le guider dans notre cheminement analytique. Nous y établissons les fondements de la thèse en démontrant la pertinence de la problématique ainsi que le choix de l‘approche théorique à travers laquelle la question de l‘anonymat est réfléchie.

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CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

MISE EN CONTEXTE

La mise en contexte est dans un premier temps constituée des détails de la problématique de l‘anonymat des donneurs de gamètes et d‘embryons. Puis, nous expliquons pourquoi nous croyons en la légitimité de l‘intervention étatique dans ce contexte. Enfin, nous constatons que la norme de droit doit être développée en internormativité avec l‘éthique. Cette dernière est la discipline qui impose tant les responsabilités et les obligations que les individus ont les uns envers les autres que les caractéristiques et les attitudes que les personnes ou groupes de personnes devraient adopter afin de bien vivre ensemble25.

SECTION 1 : PROBLÉMATIQUE DE L’ANONYMAT DE DONNEURS DE GAMÈTES ET D’EMBRYONS

Nous avons retenu cet angle particulier de la procréation assistée avec tiers donneur pour sa contemporanéité et le défi normatif qu‘il représente. S‘il existe un consensus sur la transmission de renseignements médicaux et génétiques non nominatifs aux enfants issus d‘un don de gamètes ou d‘embryons, la divulgation d‘informations nominatives continue de semer la controverse26. Tant à l‘égard de l‘enfant en quête d‘un

25 Elizabeth Heitman, « The Roots of Honor and Integrity in Science », dans Ruth Ellen Bulger, Elizabeth Heitman et Stanley Joel Reiser, dir., The Ethical Dimension of the Biological and Health Sciences, Seconde Édition, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, 21 à la p. 22.

26 Katherine Van Heugten et Judy Hunter, « Procréation assistée », dans Gouvernement du Canada, Le

meilleur des Mondes : Au carrefour de la biotechnologie et des droits de la personne, 2005 à la p. 2-19, En

ligne : <http://www.biostrategie.gc.ca/HumanRights/HumanRightsF/Biotech_CH2_fr.pdf> (Date d‘accès: 14 avril 2009).

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droit aux origines, lui reconnaissant le droit d‘obtenir des informations nominatives et identifiantes sur son géniteur, du donneur désirant le respect de son anonymat et de sa vie privée ou des parents qui aspirent au secret entourant le mode de conception de leur enfant. Nous nous concentrons ici exclusivement sur la question de la transmission d‘informations nominatives et potentiellement identifiantes. Une partie du problème de l‘anonymat est liée à l‘absence ou à la destruction des dossiers contenant les renseignements sur le donneur. L‘anonymat est alors complet et le tiers donneur peut disparaître dans la nature sans jamais laisser de traces. Nous croyons néanmoins que des dossiers ou des registres doivent être tenus afin de permettre la communication de données sur la santé du parent biologique27. Cela se justifie aisément pour des motifs médicaux. Un suivi pourrait même être nécessaire si la santé de l‘enfant est en jeu. L‘anonymat auquel nous nous intéressons est donc celui qui s‘étend au-delà des frontières de ces dossiers.

La question de l‘anonymat est un enjeu lié à l‘essence même de l‘individu. Pour la personne issue d‘un don d‘engendrement et ne connaissant pas le nom de son géniteur, la quête des origines découlerait d‘un vide émotif lié à son identité et à son lien avec ses antécédents biologiques28. L‘utilisation de l‘expression "parent fantôme" est corrélativement lourde de sens et évoque bien les motifs à la source de la démarche29. Certains soulignent que :

27 Sur le sujet, voir par exemple: Stephen L. Corson et Andrea Mechanick-Braverman, « Why we believe there should be a gamete registry », (1998) 69 :5 Fertility and Sterility 809; Mark V. Sauer, « Gamete registry? A Trojan horse from those seeking regulation », (1998) 69 :5 Fertility and Sterility 812.

28 Van Heugten et Hunter, supra note 26 à la p. 2-19.

29 Katheryn D. Katz, « Gamete registry? A Trojan horse and the legacy of the past », (1993-1994) 57 Alb. L. Rev. 733.

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« [d]‘une manière générale, la question de l‘origine ou des origines fait partie des questions essentielles que tout enfant aborde au cours de son développement psychique, avec la découverte de son identité sexuée, sa progression vers l‘autonomie et la prise de conscience de la relation familiale dans laquelle il s‘inscrit. Il va interroger les adultes et exprimer plus ou moins ses questions pour pouvoir construire son histoire. »30

D‘autres ajoutent qu‘il ne s‘agit pas pour cet enfant d‘établir des relations avec son ou ses géniteurs, mais de se situer dans une généalogie afin de mieux comprendre sa différence et mieux s‘assumer31. Robert Leckey illustre avec originalité l‘enjeu de l‘anonymat pour les enfants issus d‘un don. L‘auteur écrit que la quête de l‘identité, dérivant de l‘absence d‘un parent, apparaît notamment dans la littérature, de la mythologie grecque à l‘œuvre de Shakespeare ou chez Harry Potter. À tous les coups, ce qui en ressort c‘est l‘importance pour tout être humain de la connaissance de soi et d‘une localisation dans le temps32. Sont alors interpellés sous plus d‘un angle les notions d‘identité, de parenté et de filiation dans un contexte social qui favorise de plus en plus l‘épanouissement personnel de l‘individu et où la biologie ne peut à elle seule y répondre.

Est par contre opposé à la recherche des origines l‘anonymat du donneur. Y est corrélativement ajouté le secret œuvrant au sein de la famille quant au mode de conception et le recours à ce tiers. On vient clairement distinguer l‘anonymat du secret pour lequel c‘est toute la question de la privatisation de la famille qui entre en ligne de compte. Il s‘agit du cadre résolument privé à l‘intérieur duquel un projet parental ou familial, qui est la décision de concevoir des enfants, peut se développer et se concrétiser.

30 Comité consultatif national d‘éthique français (CCNE), Avis n 90 : Accès aux origines, anonymat et

secret de la filiation, France, 24 novembre 2005 à la p. 21, En ligne :

<http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis090.pdf > (Date d‘accès : 11 septembre 2010) [CCNE, « Avis 90 »]. 31 Deleury, « Filiation»,supra note 13 à la p. 184.

32 Robert Leckey, « Where the parents are of the same sex‘: Quebec‘s reforms to filiation », (2009) 23 Int‘l J.L. Pol‘y & Fam .62 à la p. 77.

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L‘État s‘en remet alors au désir des individus. La filiation devient une affaire de volontés individuelles33. Ce n‘est là qu‘un bref aperçu des intérêts entrant en ligne de compte pour chacun des acteurs, mais ce portrait nous permet de cerner, dès le départ et dans toute sa complexité, l‘aspect humain de la problématique de l‘anonymat des donneurs.

La sensibilité de cette dernière se remarque notamment dans les médias québécois. À titre illustratif, le 17 janvier 2007, l‘émission Enjeux diffusée sur les ondes de Radio-Canada a présenté un reportage intitulé Orphelins génétiques34 dans le cadre duquel étaient exposés les tenants et les aboutissants de la problématique de l‘anonymat des donneurs. À lui seul, le titre frappant, pour ne pas dire sensationnaliste, du reportage exprime bien l‘émotivité du sujet. Plus récemment, un article du Devoir, dont le titre est également évocateur des enjeux du débat sur l‘anonymisation, détaillait une entrevue donnée par Margaret Somerville où elle se prononçait ouvertement en faveur du droit des enfants de connaître leurs origines biologiques35. En matière d‘adoption, Somerville croit d‘autre part que la biologie doit jouer un rôle dans la définition de la famille de l‘enfant36.

33 Alain Roy, « Évolution des normes juridiques et nouvelles formes de régulation de la famille : regards croisés sur le couple et l‘enfant », (2006) 5 Revue Internationale Enfances, Familles, Générations au para. 20, En ligne : <http://www.erudit.org/revue/efg/2006/v/n5/015777ar.html> (date d‘accès: 30 janvier 2008) [Roy, « Évolution des normes juridiques »].

34 Voir le site de l‘émission : Radio-Canada, Enjeux : Orphelins génétiques, En ligne : <http://www.radio-canada.ca/actualite/v2/enjeux/niveau2_13054.shtml> (Date d‘accès: 14 avril 2009).

35 Pauline Gravel, « L‘entrevue – Le sens du sois », Le Devoir (7 janvier 2008) A1 et A8.

36 Voir le débat entre Margaret Somerville et Robert Leckey : Robert Leckey, « Adoptive parents aren't second best », The Globe and Mail (8 octobre 2009), En ligne : <http://www.theglobeandmail.com/news/opinions/adoptive-parents-arent-second-best/article1317521/> (Date d‘accès : 22 août 2010); Margaret Somerville, «Web-exclusive commentary : A simple answer to Quebec's simple adoption question », The Globe and Mail (13 octobre 2009), En ligne :

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Un peu partout à travers le monde émergent également nombre d‘associations consacrées au sujet. Localement, pensons par exemple à la Canadian Donor Conception Coalition37. Elle a entre autres été fondée par Olivia Pratten, une journaliste originaire de la Colombie-Britannique née d‘un don anonyme et qui milite depuis des années dans le paysage canadien, en particulier dans sa province natale, en faveur de l‘abolition de la pratique d‘opacité. C‘est d‘ailleurs cette jeune femme qui a initié, en octobre 2008 en Colombie-Britannique, le premier recours collectif canadien contre l‘anonymat des donneurs38. L‘association française Procréation Médicalement Anonyme39 qui bouillonne de témoignages et de références sur le sujet est une autre organisation consacrée à cette question. Ses membres se battent plus spécifiquement pour la levée de l‘anonymat des donneurs de gamètes et l‘abolition de la pratique même du don d‘embryons. Des registres en ligne voient finalement le jour. Le Donor Sibling Registry40 aux États-Unis n‘en est qu‘une illustration.

Bien que les cadres législatifs canadien et québécois adoptent la philosophie générale de l‘anonymat du tiers donneur41, la problématique reste d‘actualité car, depuis

37 Voir : Canadian Donor Offspring, Canadian Donor Offspring, En ligne : <http://www.canadiandonoroffspring.ca/index.html> (Date d‘accès : 31 janvier 2009).

38 Les documents introductifs d‘instance sont disponibles sur Arvay Finlay Barristers, First ever class

action lawsuit filed by sperm donor offspring in Canada, 28 octobre 2008, En ligne:

<http://www.arvayfinlay.com/news/news-oct28-2008.html> (Date d‘accès: 5 janvier 2009); Pratten v.

British Columbia (Attorney General), 2010 BCSC 1444 (CanLII), En ligne :

<http://www.canlii.org/en/bc/bcsc/doc/2010/2010bcsc1444/2010bcsc1444.html> (Date d‘accès : 6 novembre 2010); Pratten v. British Columbia (Attorney General), 2011 BCSC 656 (CanLII), En ligne : <http://www.canlii.org/en/bc/bcsc/doc/2011/2011bcsc656/2011bcsc656.html> (Date d‘accès: 13 juin 2011) [Ci après « Affaire Pratten »].

39 Voir : Procréation Médicalement Anonyme, La Charte de l’association PMA, En ligne : <http://www.pmanonyme.asso.fr/charte.php> (Date d‘accès : 15 juillet 2009).

40 Voir : The Donor Sibling Registry, The Donor Sibling Registry, En ligne: <http://www.donorsiblingregistry.com/> (Date d‘accès : 15 juillet 2009).

41 Loi sur la procréation assistée, supra note 22, art. 15 (4) et 18 (3); Code civil du Québec, supra note 18, art. 542.

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près de vingt ans, de plus en plus de pays décident de mettre fin à l‘exigence de non divulgation des renseignements nominatifs42. C‘est en particulier le cas de la Suède depuis 1984 concernant les dons de sperme43 ou encore du Royaume-Uni depuis 200444. Dans ce dernier cas, les enfants de plus de 18 ans et conçus grâce à un fait à partir du 1er avril 2005 pourront, dès 2023, demander l‘accès à l‘information nominative et identifiante de leur(s) géniteur(s): nom, dernière adresse connue, etc.45 L‘État confère donc une légitimité juridique à la recherche des origines. Certains auteurs appuyaient cette position et recommandaient que la loi canadienne soit modifiée46 afin de donner préséance au droit aux origines génétiques sur le droit à la vie privée des donneurs, en faveur des enfants47. À cet égard, notons à nouveau que le premier recours collectif canadien contre l‘anonymat des donneurs fut déposé en octobre 2008 en

42 Voir : Eric Blyth et Lucy Frith, « Donor-Conceived people‘s biographical history : an analysis of provisions in different jurisdiction permitting disclosure of donor identity », (2009) 23 Int‘l J.L. Pol‘y & Fam 174; Lucy Frith, « Gamete donation and anonymity : The ethical and legal debate », (2001) 16 :5 Human Reproduction 818 [Frith, « Debate »]; J. Guibert et E. Azria, « Anonymat du don de gamètes : protection d‘un modèle social ou atteinte aux droits de l‘homme? », (2007) 36 Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 360 aux pp. 362-363; Jean-Marie Kunstman, « CHAPITRE 1 : L‘assistance médicale à la procréation avec tiers donneur : remise en cause de l‘anonymat », dans Brigitte Feuillet-Liger, dir., Procréation médicalement assistée et anonymat :Panorama international, Bruxelles, Bruylant, 2008, 1 aux pp. 23 et suivantes, [Kunstman, « Remise en cause »]; Sénat, Les documents de

travail du Sénat, Série Législation comparée: L’anonymat du don de gamètes, France, Septembre 2008, En

ligne : <http://www.senat.fr/lc/lc186/lc186.pdf> (Date d‘accès : 14 avril 2009); Pour des exemples de droit comparé, voir ANNEXE 1.

43 Frith, « Debate », supra note 42 aux pp. 818-819.

44 The Human Fertilisation and Embryology Authority (Disclosure of Donor Information) Regulations

2004, Statutory Instrument 2004, no. 1511, En ligne:

<http://www.legislation.gov.uk/uksi/2004/1511/made/data.pdf> (Date d‘accès: 28 novembre 2010). 45 Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA), What you can find out about your donor or

genetic siblings, En ligne: <http://www.hfea.gov.uk/112.html> (Date d‘accès: 20 avril 2009).

46 Considérons que les dispositions sur la transmission de renseignements concernant le donneur, à savoir les articles 15 et 18, sont depuis le 22 décembre 2010 déclarées inconstitutionnelless par la Cour suprême du Canada. Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, supra note 24.

47 Josephine Johnston, « Mum‘s the Word: Donor Anonymity in Assisted Reproduction », (2002) 11:1 Health L.R. 51 à la p. 54; Lisa Shields, « Consistency and Privacy: Do these Legal Principles Mandate Donor Anonymity », (2003) 12:1 Health L.R.39 à la p. 43.

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Britannique48. Le Barreau du Québec s‘est également prononcé, en juin 2009, en faveur d‘un débat sur le sujet49.

Nous touchons ici à la raison d‘être de cette thèse. Son bien-fondé eu égard aux enjeux sociaux de la problématique de l‘anonymat des dons ne fait pas de doute. Il existe déjà une littérature abondante qui en fait état. Ce qui nous préoccupe c‘est plutôt la divergence continuelle entre ces enjeux et la relation qu‘ils entretiennent avec l‘univers juridique. Notre interrogation première est de savoir si le droit québécois et canadien doit être modifié ou s‘il constitue un juste équilibre entre les droits et les intérêts de chacun. Il s‘agit néanmoins d‘une question piège car la polémique sur l‘anonymat des donneurs, parfois qualifiée de boîte de Pandore50, nous oblige à prendre des décisions dans un domaine où l‘émotion est parfois vive pour les acteurs impliqués. En définitive, comme le souligne Sonia Le Bris, « [p]ermettre ou refuser l‘accès aux informations nominatives contenues dans les dossiers relève […] de choix politiques, selon que l‘on s‘entend à faire prévaloir le secret et la vie privée des bénéficiaires de la procréation assistée et des donneurs ou le droit de l‘enfant à ses origines »51. Ce sont des choix non seulement très difficiles à faire puisqu‘ils impliquent obligatoirement de privilégier une partie plutôt qu‘une autre, mais aussi sensibles pour qui doit les faire.

48 Les documents introductifs d‘instance sont disponibles sur Arvay Finlay Barristers, supra note 38;

Pratten v. British Columbia (Attorney General), supra note 38 (2010); Pratten v. British Columbia (Attorney General), supra note 38 (2011).

49 Barreau du Québec, Position du Barreau - Projet de loi 26 – Loi sur les activités cliniques et de

recherche en matière de procréation assistée, 15 juin 2009,

<http://www.barreau.qc.ca/pdf/medias/positions/2009/20090615-pl-26.pdf> (Date d‘accès 15 août 2009) [Barreau du Québec, « Position »].

50 Samantha Besson, « Enforcing the child‘s right to know her origins: contrasting approaches under the Convention on the rights of the child and the European convention on human rights », (2007) 21 Int‘l J.L. Pol‘y & Fam. 137 à la p. 138.

51 Sonia Le Bris, « Procréation médicalement assistée et parentalité à l‘aube du 21ième siècle », (1994) 1 C.P. du N. 133 à la p. 144.

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Qui plus est, la complexité de la problématique de l‘anonymat est telle que c‘est la légitimité même du don de gamètes et d‘embryons qui se trouve remise en question52. Sommes-nous à tous les coups dans l‘impasse? Afin de souligner la délicatesse de la problématique, un article publié récemment pose la question à même son titre : peut-on se prononcer pour ou contre la levée de l‘anonymat dans le don de gamètes53? Son auteur avance qu‘afin de répondre à cette interrogation « il s‘agirait de définir ce qui est favorable ou délétère à l‘épanouissement de l‘enfant conçu dans le cadre du don. Si l‘on va au-delà de cette question, il s‘agirait alors de s‘interroger à nouveau sur la légitimité de l‘AMP avec tiers donneur »54. C‘est notamment la voie adoptée par l‘Italie qui interdit le don de gamète55. Bien qu‘il s‘agisse d‘un choix culturel et politique que nous respectons, cela nous semble quelque peu extrême. Nous croyons au bien-fondé du don de gamètes et d‘embryons qui, lorsque fait de façon altruiste (à ne pas confondre avec l‘indemnisation pour le déplacement et les inconvénients subis par la procédure) et selon certaines bonnes pratiques, sert bien la finalité de l‘assistance à la procréation. Nous ne remettons donc pas en cause la légitimité du don, mais nous nous interrogeons sur la pertinence du maintien de l‘anonymat dans les lois canadienne et québécoise.

52 Catherine Labrusse-Riou, « Biomédecine, bioéthique, biodroit? L‘état du droit français », dans

Bioéthique : de l’éthique au droit, du droit à l’éthique, Colloque international, Lausanne, 17-18 octobre

1996, Zürich, Schulthess Polygraphischer Verlag, 1997, 9 à la p. 33; De l‘avis de l‘auteur, « ni l‘anonymat, ni sa possible levée à la demande par exemple de l‘enfant à compter d‘un certain âge, ne paraissent justifiés au regard du droit de la filiation et de l‘intérêt de l‘enfant. L‘anonymat du donneur (comme le secret souvent maintenu sur les conditions de la procréation), constitue un mensonge légal fondé sur le seul intérêt apparent du couple bénéficiaire et du donneur lui-même, à l‘exclusion de l‘intérêt de l‘enfant ici totalement occulté. Mais à l‘inverse, l‘absence d‘anonymat aurait pour effet de valoriser de façon tout à fait anormale et inhumaine un lien purement biologique de parenté ou de créer, sur cette base, une parent de fait sans effets civils personnels ou patrimoniaux. Le caractère a-humain d‘une procréation sans relation entre l‘homme et la femme qui sont la cause de l‘enfant apparaît alors, il semble bien que ce soit cela que l‘anonymat du donneur vise à nier. Pas suite, c‘est la légitimité même du don de gamète qui se trouve remise en question. » Ibid. aux pp. 32-33.

53 N. Rives, « Peut-on se prononcer pour ou contre la levée de l‘anonymat dans le don de gamètes? », (2007) 35 Gynécologie Obstétrique & Fertilité 695.

54 Ibid. à la p. 695.

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