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Quelle plasticité pour le pancréas ?

C) DYSFONCTIONNEMENTS DU PANCREAS EXOCRINE

1) Quelle plasticité pour le pancréas ?

C) DYSFONCTIONNEMENTS DU PANCREAS EXOCRINE

1) Quelle plasticité pour le pancréas ?

L’homéostasie peut s’appliquer aussi bien à un organe sain qu’à un organe pathologique. Lorsque l’organe est endommagé, il y a rupture de l’homéostasie physiologique (équilibre stable). Se met alors en place une homéostasie transitoire pathologique (équilibre instable) pour revenir à l’équilibre physiologique (Fig. 5). C’est le processus de « cicatrisation » ou de régénération qui commence. Afin de régénérer un organe, plusieurs mécanismes de réparation cellulaire existent : prolifération du type cellulaire manquant à partir du réservoir de cellules existant, prolifération et différenciation de cellules souches ou progéniteurs, et conversion d’un type cellulaire existant vers le type cellulaire manquant. On comprend que dans tous les cas, une grande plasticité cellulaire est nécessaire. Le terme de plasticité est entendu ici comme défini par Mills et al. (201560), c’est-à-dire la capacité d’une cellule différenciée de moduler son état de différenciation et d’acquérir certaines caractéristiques d’une autre lignée cellulaire. Cette plasticité permet à la cellule de résister à un stress soutenu, d’éviter la mort cellulaire et donc de contribuer au retour à l’homéostasie pour l’organe. Nous nous intéresserons non seulement à la plasticité du compartiment exocrine, mais aussi à celle du compartiment endocrine. L’idée est, en étant relativement exhaustif, de permettre une vision intégrée de la plasticité du pancréas et de mettre en évidence des procédés communs.

33 Figure 5 : Vision proposée de l’évolution de l’homéostasie au cours des pathologies pancréatiques

a) Digression sur la régénération du compartiment endocrine face au diabète

Alors que nous nous intéresserons par la suite exclusivement au compartiment exocrine, il est intéressant de mentionner la plasticité du compartiment endocrine, afin de faire ressortir dans un second temps des mécanismes communs permettant le contrôle de l’homéostasie. La compréhension des mécanismes de régénération du compartiment endocrine présente un intérêt majeur pour la mise en place de nouvelles thérapies contre le diabète. Le diabète correspond dans la majeure partie des cas à une perte physique ou fonctionnelle des cellules E productrices d’insuline, seule hormone hypoglycémiante. On distingue deux types de diabète : le diabète de type 1 correspond à une réaction auto-immune à l’encontre des cellules E, et le diabète de type 2 correspond à insulino-résistance acquise. Dans tous les cas, une insuffisance dans le système de régulation de la glycémie par l’insuline en est la conséquence fonctionnelle.

Comprendre comment les cellules pancréatiques fonctionnelles (cellules acineuses, canalaires, et endocrine non E peuvent se transdifférencier en cellules E fonctionnelles ouvrirait la voie à des thérapies moléculaires et cellulaires innovantes dans le cadre du diabète. Cinq hypothèses majeures ont été proposées : 1) régénération par réplication des cellules E préexistantes (Fig. 6A); 2) régénération par inter-conversion depuis d’autres cellules endocrines en cellules E(Fig. 6B) 3) néogénèse de cellules E à partir des canaux (Fig. 6C) ; 4) Transdifférenciation de cellules acineuses en cellules E (Fig. 6D) 5) Existence de cellules souches multipotentes à l’âge adulte, [Pan et Wright 20112 ; Migliorini et al. 201661] (Fig. 6E).

34 Ces différentes hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives, et peuvent même d’ailleurs être complémentaires.

Figure 6 : Les différents mécanismes cellulaires de régénération du compartiment endocrine. Le compartiment endocrine peut se régénérer à partir des cellules E (A), des cellules D (B), et de cellules souches pluripotentes adultes (E). Les cellules canalaires peuvent entamer une reconversion endocrine mais la différenciation reste incomplète (C). Quant aux cellules acineuses, aucune donnée ne démontre leur participation à la régénération du compartiment endocrine (E).

35 Alors que le taux de renouvellement des cellules E d’un pancréas sain est très faible [Teta et al. 200562], la combinaison des techniques de pulse-chase et de traçage de lignée ont permis de mettre en évidence que, aussi bien en condition normale qu’en condition de stress, la régénération des cellules E se fait exclusivement par auto-renouvellement à partir de cellules E préexistantes [Dor et al. 200463 ; Teta et al. 200764]. Cependant, les cellules E constituent une population hétérogène, et seule certaines sous-populations sont capables de réplication [Bader et al. 201665]. Il faut d’ailleurs nuancer ces études avec les travaux de Talchai et al. [201266] qui montrent que les cellules E sont dans un état dédifférencié dans des conditions diabétiques, et que ces cellules dédifférenciées sont capable de se redifférencier en cellules E compétentes (Fig. 6).

De manière intéressante, alors que la duplication des cellules E est toujours le mécanisme exclusif de régénération du compartiment E lorsque 95% de ces cellules sont détruites, on observe une conversion des cellules D en cellules E lorsque 99% du compartiment endocrine est éliminé [Thorel et al. 201067]. Bien que la raison de cette différence reste inconnue, il est intéressant d’imaginer qu’un système de contrôle du nombre de cellules E est en place, permettant de maintenir un réservoir de cellules suffisant à partir duquel la régénération peut se faire par réplication. Les mécanismes d’inter-conversion endocrine sont susceptibles de varier en fonction de l’âge, puisque qu’une trans-différenciation de cellules G en cellules E semble responsable de la régénération du compartiment E avant la puberté [Chera et al. 201468]. Reste à comprendre l’avantage sélectif d’un tel mécanisme de régénération.

Des expériences de traçage de lignage cellulaire in vivo ont montré que des cellules canalaires matures exprimant Hnf1E ne sont pas à l’origine de nouvelles cellules E après destruction du compartiment endocrine (par ligation du canal pancréatique et destruction chimique EGF/gastrin) [Solar et al. 200922]. De la même manière, consécutivement à une lésion du pancréas, une partie des cellules Sox9+ réexpriment Ngn3 mais échouent dans l’établissement de nouvelles cellules endocrines matures [Kopp et al. 201151] (Fig. 6). A l’inverse, d’autres études ont identifié des cellules progénitrices longeant les canaux capables de réexprimer Ngn3 et l’insuline lorsque la masse cellulaire E est détruite [Xu et al. 200869 ; Al-Hasani et al. 201370].

Quant au compartiment acineux, le plus abondant dans le pancréas, il présente évidemment un grand intérêt dans l’optique de thérapies cellulaires pour le diabète. Cependant, toutes les études publiées à ce jour montrent que, quel que soit le type de dommage causé au pancréas,

36 les cellules acineuses ne participent pas à la régénération du compartiment endocrine lors de la réparation du tissu [Desai et al. 200771 ; Blaine et al. 201072]. En revanche, il est possible de forcer la reprogrammation des cellules acineuses en cellules endocrines de type E [Zhou et al. 200873].

Enfin, l’existence de sous-population de cellules souches multipotentes au sein des îlots de Langerhans, capable de générer de novo des cellules E, a été mise en évidence [Smukler et al. 201174].

Il est important de noter qu’un traitement immunosuppresseur dans un modèle de souris diabétique inhibe la régénération du compartiment E, suggérant une importance du système immunitaire dans le retour à la normal des fonctions endocrines [Nir et al. 200775].

Ainsi dans des conditions pathologiques, la source majoritaire pour la régénération des cellules E est le réservoir de cellules E restant après le dommage subi par l’organe, les autres types cellulaires pancréatiques n’intervenant que dans des conditions extrêmes. Cependant, cela n’empêche pas le développement de stratégies de thérapie cellulaire permettant de dédifférencier in vitro des cellules progénitrices ou des cellules acinaires en cellules E [Jennings et al. 20155 ; Puri et al. 201476].

b) Régénération du compartiment exocrine face à la pancréatite

Comme nous l’avons vu précédemment, le pancréas produit en abondance des enzymes digestives. Le moindre dysfonctionnement du compartiment exocrine peut donc mener à une sécrétion excessive et délocalisée ces enzymes, menant à une autodigestion du pancréas et de son environnement (en témoigne la gravité des fistules pancréatiques). Il est donc d’une importance primordiale pour le pancréas exocrine d’être doté d’une plasticité lui permettant de se régénérer rapidement.

Considérations cliniques

D’un point de vue clinique, la régénération du compartiment exocrine est observée dans des cas de pancréatite. Il existe deux types de pancréatites : aigüe et chronique.

Des douleurs abdominales et des nausées sont symptomatiques de la pancréatite aigüe. Le diagnostic différentiel de la pancréatite aigüe avec d’autres pathologies gastro-intestinales peut être fait grâce à la détection dans le sang d’enzymes digestives pancréatiques telles que la lipase ou l’amylase [Murtaugh et al. 201577]. En effet, au cours d’une pancréatite aigüe, les cellules

37 acineuses du pancréas sécrètent en quantité anormale les enzymes digestives. Même si la plupart des cas sont bénins, la présence de tissu nécrotique au sein du pancréas est de très mauvais pronostic. Cela s’associe à un dysfonctionnement général de nombreux organes et entraîne le décès du patient. Une des causes principales de la pancréatite aigüe est la présence de calculs biliaires (le canal de Wirsung rejoint les canaux biliaires au niveau du duodénum). Mais d’autres stress externes comme une intoxication, un empoisonnement, ou une forte prise d’alcool peuvent également en être à l’origine.

La pancréatite chronique, quant à elle, est principalement associée à l’alcoolisme. Elle est également caractérisée par des douleurs abdominales mais les enzymes digestives sont absentes de la circulation. La pancréatite chronique peut être vue comme l’évolution d’une pancréatite aigüe qui ne s’est pas résorbée [Murtaugh et al. 201577]. En effet, sous l’influence de différents stress extérieurs (comme l’alcool), les enzymes digestives sont sécrétées en quantité trop abondante sur une longue période, entraînant une autodigestion de l’organe qui s’accompagne de nécrose et d’inflammation (phase aigüe), et le prolongement de ce stress fait évoluer l’inflammation en fibrose (phase chronique) [Dawra et al. 201178]. Consécutivement, une destruction massive du parenchyme acineux conduit à une absence de sécrétion d’enzymes digestives.

Les enzymes digestives pancréatiques sont au cœur de la problématique de la pancréatite. La majeure partie des mutations prédisposant à la pancréatite concernent les gènes codant pour les enzymes digestives (PRSS1 pour Protéase Serine 1, CTRC pour Chymotrypsin C) ou leurs inhibiteurs (SPINK1 pour Serine Peptidase Inhibitor Kazal type 1) [Whitcomb et al. 201379]. Aucun traitement n’est disponible à ce jour, les inhibiteurs de trypsine et autres protéases n’ayant aucun effet [Singh et al. 200580]. Cependant, de récentes observations montrent que le stress du réticulum endoplasmique des cellules acineuses pourrait être le point de départ du dysfonctionnement des cellules acineuses, ce qui ouvre la voie à de nouvelles opportunités thérapeutiques [Logsdon et al. 201381]. Il existe des cas familiaux de pancréatite chronique, pour lesquels on retrouve des mutations dans des gènes tels que PRSS1 ou SPINK1 [Ryan et al. 201482].

L’étude du phénomène de régénération du compartiment exocrine est particulièrement compliquée chez l’homme. La chirurgie est devenue très rare dans le cadre de la pancréatite, puisque seuls certains patients ayant développé une pancréatite nécrotique sont éligibles à une résection chirurgicale de la partie nécrotique. Le phénomène de régénération doit alors être extrapolé à partir des pancréas prélevés post-mortem, c’est-à-dire à partir d’organes ayant

38 échoué dans le processus de régénération [Murtaugh et al. 201577]. Bien que ces pancréas présentent une prolifération du tissu acineux résiduel, ils sont également caractérisés par une forte fibrose, une infiltration leucocytaire et des structures de type canalaires évoquant une origine acineuse (persistence de granules de zymogène) (Fig. 7). Ces structures sont appelées métaplasies acino-canalaires (ADM pour Acino-Ductal Metaplasia) ou complexes tubulaires [Bockman et al. 198283, Houbracken et al. 201184]. Afin de déterminer avec exactitude les différentes étapes du processus de régénération, il est nécessaire d’utiliser les modèles animaux.

Figure 7 : Structure et ultrastructures des complexes tubulaires observés dans le cas de pancréatite chez l’homme. D’après Bockman et al. 198283. A) Histologie de pancréas humain de patient atteint de pancréatite. On observe des structures canalaires composées de cellules de type canalaires (Cn) et des cellules acineuses (Ac). B) En microscopie électronique à transmission, on observe clairement des cellules acineuses contenant des granules de zymogènes (Zym) et des cellules de type canalaires (sans les granules de zymogène) formant une structure tubulaire comme en témoigne la présence centrale d’une lumière (Lum).

Modèles d’études animaux

Un des modèles les plus simples et faciles à mettre en place est l’injection de caeruléine, un analogue de la cholécystokinine (CKK) déclencheur hormonal de la sécrétion des granules acineux contenant les enzymes digestives. Injectée en intrapéritonéal à des doses supra-physiologiques, la caeruléine stimule donc dans un premier temps la sécrétion d’enzyme digestive de manière aberrante [Hofbauer 199885], et déclenche des signaux pro-inflammatoires (expression de ICAM-1 détectée par les neutrophiles) [Zaninovic et al. 200086]. Après 1 à 2 jours de traitement à la caeruléine, on observe une apoptose massive des cellules acineuses pouvant s’accompagner de nécrose. Les cellules acineuses subsistantes subissent un changement morphologique semblable à celui observé chez l’homme, avec la formation de

39 structure canalaires (Fig. 8A). Ce phénomène est caractérisé par une diminution de l’expression des enzymes digestives et une augmentation de l’expression de marqueurs normalement spécifiques des canaux tels que CK19 ou Sox9 [Jensen et al. 200587] (Fig. 8B). Cela permet entre autres de limiter l’ampleur de la pancréatite (arrêt du processus d’autodigestion) et de mettre en place des cellules « progénitrices » capables de repeupler et régénérer l’organe. Une à deux semaines après la fin du traitement, on observe en histologie un retour à la normal du tissu pancréatique, indiquant qu’un processus de régénération a été mis en place. La simplicité de ce système a permis d’étudier relativement facilement les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la pancréatite et la régénération exocrine consécutive. Le compartiment endocrine est épargné par cette technique.

Des procédés chirurgicaux ont également été développés afin d’étudier la régénération du compartiment exocrine. La ligature du canal pancréatique (PDL pour Pancreatic Duct Ligation) en amont de la jonction avec le canal biliaire, simule une pancréatite obstructive [Xu et a l. 200869 ; Solar et al. 200922]. La remontée des sucs pancréatiques jusqu’au tissu pancréatique entraîne une atrophie rapide des cellules acineuses mais ne touche pas le compartiment endocrine [Walker et al. 198788]. Un deuxième modèle chirurgical, la pancréatectomie partielle (Ppx), permet d’étudier la régénération à la fois du compartiment exocrine et du compartiment endocrine [Lehv et al. 196889 ; Bonner-Weir 198390 ; Dor et al. 200463]. Dans ce modèle, il a été montré que les jeunes rongeurs ont beaucoup plus de facilité de régénération que les animaux plus âgés [Watanabe et al. 200591], de la même manière que la régénération intervient chez l’enfant [Berrocal el al. 200592] et pas chez l’adulte après retrait chirurgical [Tsiotos et al. 199993].

Participation des lignées pancréatiques à la régénération du tissu exocrine

En réponse à un dommage ou à une inflammation, la régénération du pancréas exocrine peut potentiellement impliquer l’ensemble des types cellulaires pancréatiques (acineuses, canalaires, endocrines). Cependant lors de l’observation histologique de pancréas ayant subi un dommage important, seules les cellules acineuses adoptent une morphologie canalaire (Fig. 8A). On observe alors une diminution de l’expression des enzymes digestives et des marqueurs acineux (Amylase, Ela1, Cpa1, Mist1, Nr5a2), la réexpression de protéines canalaires telles que CK19, MUC1, Sox9, Hnf1b ainsi que de marqueurs de cellules progénitrices (Hes1) [Puri et al. 201476 ; Iovanna et al. 199294 ; Jensen et al. 200587 ; Pinho et al. 201195] (Fig. 8B). Ces cellules, bien que ressemblant à des canaux, ont donc été davantage considérées dès le départ comme

40 des cellules progénitrices. Les cellules acineuses étant issues directement des cellules multipotentes progénitrices au cours du développement du pancréas (Fig. 3), on peut imaginer que les cellules adultes ont un « accès » facile à la dédifférenciation.

Figure 8 : Description morphologique et moléculaire du processus de dédifférenciation acineuse. A) Au cours d’un processus d’inflammation, les cellules acineuses acquièrent progressivement un phénotype similaire aux cellules canalaires. La lumière s’agrandit, et les cellules deviennent de plus en plus cuboïdales. B) Au niveau moléculaire, cette

transformation s’accompagne d’une perte de l’expression des enzymes digestives et des facteurs de transcription acineux, et d’un gain d’expression de gènes canalaires et progéniteurs.

Des expériences de lignage cellulaire in vivo ont permis de montrer que la régénération du tissu acineux se faisait majoritairement à partir des cellules acineuses [Jensen et al. 200587 ; Desai et al. 200771 ; Blaine 201072]. Dans ces conditions, les cellules acineuses sont aussi à l’origine de nouvelles structures canalaires matures [Blaine et al. 201072] (Fig. 9A). Lorsque les cellules acineuses sont éliminées dans leur quasi-totalité, les canaux peuvent également participer à leur régénération [Criscimanna et al. 201196]. Plus précisément, il semble qu’une sous-population de cellules canalaires possède des propriétés progénitrices : les cellules DCLK1+ [May et al. 201097, Bailey et al. 201498] (Fig. 9B). A l’instar de ce qui est observé

41 dans le compartiment endocrine où les cellules D peuvent donner naissance à de nouvelles cellules E in vivo uniquement à partir du moment où le compartiment E est détruit à 99%. Là encore, un processus de contrôle et de régulation du réservoir de cellules acineuses nécessaires à la régénération semble être en place. L’étude clé du groupe de Chris Wright [Pan et al. 201399] a conforté l’hypothèse selon laquelle les cellules acineuses sont des cellules progénitrices facultatives. Ils ont utilisé une recombinase CRE inductible au tamoxifen et dont l’expression est sous le contrôle du promoteur Ptf1a, spécifique de la lignée acineuse chez l’adulte. En combinant les techniques de lignage cellulaires et la PDL, ils montrent, alors qu’une partie des cellules acineuses entrent en apoptose, que d’autres présentent une signature moléculaire équivalente à celle des cellules multipotentes progénitrices présentes à l’extrémité des branches canalaires embryonnaires. En effet, après régénération, non seulement les cellules acineuses, mais également certains canaux et certaines cellules endocrines sont issues des cellules acineuses définitivement marquées avant la PDL. De plus, une ablation chimique du compartiment endocrine amplifie la participation de la lignée acineuse dans la régénération du compartiment endocrine. Ainsi, ces cellules issues de la dédifférenciation des cellules acineuses pourraient correspondre aux cellules progénitrices facultatives du pancréas, puisqu’elles conservent la capacité de se dédifférencier en cellules progénitrices auto-réplicatives et mutlipotentes (Fig. 9A). Cela fait écho à l’étude publiée par Talchai et al. [201266] où, dans un modèle murin simulant le diabète, les auteurs montrent que les cellules E n’entrent pas en apoptose, mais perdent leur identité dans un processus de dédifférenciation. Ces cellules E dédifférenciées ont le potentiel de se redifférencier en cellules productrices d’hormone par la suite. L’ensemble de ces travaux souligne l’importance de déterminer les facteurs et les mécanismes qui permettent à certaines cellules de se dédifférencier pour se régénérer au lieu de rentrer en apoptose.

Enfin, une hypothèse controversée anime le domaine de la médecine régénérative depuis de nombreuses années. En effet, une population de cellules pancréatiques, nommée cellules centro-acineuses (découverte en 1962 et dont l’existence même a été controversée au départ) pourrait aussi participer à la régénération des cellules du pancréas exocrine. Les cellules centro-acineuses sont localisées à l’interface entre les cellules centro-acineuses et les cellules canalaires, et présentent la caractéristique d’exprimer des marqueurs des cellules progénitrices dans les conditions physiologiques, comme la voie de signalisation Notch (Kopinke et al., 2011100; Kopinke et al., 2012101) et l’enzyme ALDH1 [Rovira et al. 2010102]. De plus, leur capacité à former des sphères réplicatives capables de se différencier dans tous les types cellulaires

42 pancréatiques in vitro confortent l’idée qu’elles possèdent des propriétés de cellules souches adultes (Fig 9C). Cependant ceci n’a pas été confirmé in vivo [Rovira et al., 2010102 ; Cleveland et al. 2012103].

Ainsi, lorsque le pancréas subit un stress pathologique, apoptose et dédifférenciation se mettent en place en parallèle au sein du tissu épithélial pancréatique afin de limiter la progression de la pathologie et/ou pouvoir repeupler et régénérer l’organe. Nous allons maintenant voir dans quelle mesure le microenvironnement peut influencer cette régénération.

Figure 9 : Régénération du compartiment exocrine suite à une pancréatite. La régénération peut se faire depuis les cellules acineuses (A), les cellules canalaires (B) ou les cellules centro-acineuses (C). Abbréviations : Macrophages (MI), Neutrophiles (NI), cellules dendritiques (DC), Phosphatidyl-Inositol 3 Kinase (PI3K), Hedgehog (Hh), Macrophage Stimulated 1 (Mst1), Yes Associated Protein (YAP).

Rôle du microenvironnement dans la régénération

Si l’on compare la régénération du pancréas à un processus de cicatrisation suite à un dommage, il est intuitif de comprendre qu’elle est associée à une fibrose et une inflammation. Les fibroblastes résidents dans l’espace interstitiel du pancréas (Pancreatic Stellate Cells ou PSCs) vont proliférer et être activés durant l’inflammation, c’est-à-dire qu’ils acquièrent les

43 caractéristiques de myofibroblastes (tel que l’expression de l’D-smooth muscle actin D-SMA) [Omary et al. 2007104]. Les PSCs et les cellules du système immunitaire liées au processus inflammatoire sont donc les deux types cellulaires pouvant avoir un rôle majeur dans la régénération de l’organe.

Si l’on considère l’importance de l’interaction entre le mésenchyme et l’épithélium pancréatique naissant au cours de l’embryogénèse pancréatique, il n’est pas aberrant de penser que les PSCs puissent jouer un rôle primordial dans la pancréatite. Notamment, ils pourraient jouer le rôle d’émetteur de cytokines permettant la dédifférenciation des cellules exocrines/endocrines. Cependant, peu d’études ont cherché à vérifier cette hypothèse, étant donné la découverte relativement récente de ces PSCs [Bachem et al. 1998105]. Par exemple, l’activation de la voie Hh dans le compartiment fibroblastique permettrait la production par les PSCs de cytokines nécessaires à la régénération du tissu exocrine dans le cadre d’une pancréatite [Mathew et al. 2014106].

Le compartiment immunitaire joue un rôle primordial dans la mise en place de la pancréatite. En effet les macrophages recrutés très précocement au cours du processus d’inflammation, sécrètent du TNFD qui stimule la production de trypsine par les cellules acineuses, aggravant