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Analyse des modèles murins modélisant une inactivation de la voie TGF EE dans un

DANS L’ADKP POUR PROPOSER UNE STRATEGIE THERAPEUTIQUE

B) Etude des inactivations génétiques de la voie de signalisation

2) Analyse des modèles murins modélisant une inactivation de la voie TGF EE dans un

contexte tumoral pancréatique

Comme décrit dans le premier chapitre de ce manuscrit, la mutation KRASG12D est présente dans 95% des ADKP et la mutationTP53 dans approximativement 70% des tumeurs. Grâce aux modèles de souris génétiquement modifiées (GEMM, Genetically Engineered Mouse Models), Hingorani et al. [2003183 ; 2005436] ont développé des souris permettant l’expression conditionnelle du mutant oncogénique KRASG12D (LSL-KRASG12D) et de TP53R172H (LSL-TP53R172H) spécifiquement dans le compartiment épithélial pancréatique grâce à l’expression de la recombinase Cre sous le contrôle du promoteur de Pdx1, un facteur d’expression exprimé à E8.5 dans les progéniteurs initiaux pancréatiques. L’activation oncogénique de KRASG12D

permet le développement lent de lésions de type PanIN de bas grade qui évoluent avec le temps vers des lésions de plus haut grade et occasionnellement vers un carcinome invasif de type ADKP. L’expression combinée du mutant P53 permet quant à elle le développement d’ADKP en 3 mois avec un fort potentiel métastatique, et dont les caractéristiques histologiques, physiopathologiques, moléculaires, et le comportement vis-à-vis de traitements chimiothérapeutiques utilisés en clinique et similaire à ce qui est observé chez les patients. Ce sont d’excellents outils pour 1) étudier l’influence de l’activation ou de l’inactivation de gènes

116 candidats sur la progression tumorale et 2) tester de nouvelles stratégies thérapeutiques au niveau préclinique.

Etant donné la proportion de tumeurs présentant une inactivation de la voie TGFE, le développement de modèles murins transgéniques affectant la voie du TGFE dans un contexte tumoral pancréatique a été assez rapide (Tableau 5). La délétion homozygote de SMAD4 dans un contexte KRASG12D accélère la progression tumorale via le développement d’IPMN [Bardeesy et al. 2006166 ; Kojima et al. 2007185], alors que la délétion hétérozygote de SMAD4 accélère la progression tumorale induite par KRASG12D via le développement de MCN [Izeradjene et al. 2007186]. Dans cette dernière étude, l’évolution des MCN en ADKP est conditionnée par la perte d’hétérozygotie de SMAD4 (résultant en une inactivation homozygote) et la perte de fonction des suppresseurs de tumeur p16 ou p53. Il est important de noter que les animaux Pdx1-Cre ; LSL-KRASG12D ; INK4A/ARF+/lox ; SMAD4lox/lox développent des ADKP plus rapidement que les animaux Pdx1-Cre ; LSL-KRASG12D ; INK4A/ARF+/lox, et affectent le phénotype des tumeurs. En effet, alors que la délétion hétérozygote de INK4A/ARF conduit au développement de tumeur sarcomatoïdes, c’est-à-dire peu différenciées, l’inactivation combinée de SMAD4 restore un phénotype différencié des tumeurs. De manière surprenante, ces tumeurs, bien que mieux différenciées, ont davantage tendance à développer des métastases [Bardeesy et al. 2006166]. L’implication d’une TEM indépendante de SMAD4, ou d’une dissémination métastatique indépendante de la TEM, dans ce phénotype métastatique n’a pas encore été déterminée. Une étude récente propose que l’activation de STAT3 dans les cellules pancréatiques cancéreuses inactivées pour la voie TGFE régule la tension épithéliale et facilite la dissémination métastatique [Laklai et al. 2016437].

L’ensemble de ces études inactive uniquement la voie canonique du TGFE. Ainsi des travaux plus tardifs se sont intéressés à l’effet de l’inactivation des récepteurs au TGFE. En 2009, Adrian et al. génèrent des animaux Elastase-KRASG12D ; TERIKO qui permettent l’activation oncogénique de KRAS dans le compartiment acineux en combinaison avec une délétion ubiquitaire de TERI. Ils démontrent que cela aboutit à une réduction de la tumorigénèse pancréatique en dépit d’un agrandissement de la taille des lésions canalaires. Bien que les auteurs attribuent à TERI un rôle pro-tumoral, il est impossible de déterminer si cette fonction est associée à la délétion de TERI dans le compartiment épithélial, dans le compartiment stromal ou à un effet systémique dès les premières étapes de la tumorigénèse pancréatique. Les auteurs ont récemment clarifié leurs résultats avec une nouvelle étude [Principe et al. 2016438] et

117 démontrent, bien qu’indirectement, que le ralentissement de la progression tumorale associée à la délétion ubiquitaire de la signalisation TGFE est principalement due à l’inactivation du TGFE dans le compartiment fibroblastique et immunitaire. L’inactivation de TERII dans les souris Ptf1a-Cre ; LSL-KRASG12D accélère également la progression tumorale pancréatique, via a séquence classique PanIN-ADKP. Les animaux développent des ADKP et décèdent de la tumeur primaire au bout de 8 semaines en moyenne. Bien qu’aucune métastase ne soit détectée autour de 8 semaines, les quelques animaux Ptf1a-Cre ; LSL-KRASG12D ; TERIIlox/lox étant toujours en vie à 25 semaines présentaient des métastases au foie et aux poumons [Ijichi et al. 2006187].

Plus récemment, il a été montré que la délétion de SMAD4 accélérait également la croissance des tumeurs de souris Pdx1-Cre ; LSL-KRASG12D ; TP53R172H (KPC). De manière surprenante, alors que la délétion conditionnelle hétérozygote de SMAD4 dans l’épithélium augmente la prolifération de la tumeur primaire (souris Pdx1-Cre ; LSL-KRASG12D ; TP53R172H ; SMAD4lox/lox), elle abolit les métastases normalement présentes dans le modèle KPC, suggérant que l’expression de SMAD4 dans un contexte p53 muté est nécessaire à la dissémination métastatique. Cependant, la perte d’hétérozygotie de SMAD4, ou bien la délétion génétiquement contrôlée de SMAD4 à l’état homozygote, accroît encore davantage la prolifération de la tumeur primaire et restaure une dissémination métastatique équivalente aux souris KPC. Les auteurs sont parvenus à montrer que ces phénotypes étaient directement liés au niveau d’expression de Runx3. Lorsque p53 est muté mais SMAD4 est présent, Runx3 est stablement exprimé et stimule la dissémination métastatique. Lorsque p53 est muté mais que SMAD4 est inactivé de manière hétérozygote, Runx3 est faiblement exprimé et le potentiel métastatique est diminué. Lorsque SMAD4 est totalement inactivé, un autre mécanisme de stimulation de l’expression de Runx3 est mis en place et restaure le potentiel métastatique [Whittle et al 2015439].

Enfin, les papiers publiés par notre laboratoire démontrent que l’inactivation de TRIM33 combinée à l’activation oncogénique de KRAS dans l’épithélium pancréatique, accélère la progression tumorale via le développement de tumeurs cystiques [Vincent et al. 2009331 ; Vincent et al. 2012332]. TRIM33 est décrit comme un régulateur positif ou négatif de la voie de signalisation TGFE. D’une part il est capable de coopérer avec SMAD2 et SMAD3 pour activer transcriptionnellement un ensemble de gènes cibles du TGFE [He et al. 2006329]. D’autre part il est capable de mono-ubiquitinyler SMAD4 et d’entraîner sa dégradation par le protéasome [Dupont et al. 2005440]. L’inactivation combinée de SMAD4 et TRIM33 lorsque KRAS est

118 activée mène à un phénotype plus sévère que la délétion de TRIM33 seul, indiquant que les fonctions de suppresseurs de tumeur de TRIM33 sont en partie indépendantes de SMAD4 [Vincent et al. 2012332]. Cependant, les mécanismes moléculaires sous-jacents restent à élucider.

Tableau 5 : Comparaison des caractéristiques physiopathologiques des patients et des modèles murins présentant une inactivation de SMAD4.

Ainsi les modèles murins génétiquement modifiés permettant d’étudier l’inactivation de SMAD4 dans un contexte tumoral pancréatique, possèdent des caractéristiques physiopathologiques proches de ce qui est observé chez l’homme (Tableau 5). Il semblerait que le statut de SMAD4 soit primordial si l’on aborde la question du ciblage thérapeutique de

119 SMAD4. SMAD4 activé par le TGFE limite en partie la prolifération des cellules tumorales portant l’activation de Kras et la mutation de p53 ou INK4A/ARF, mais confère un potentiel métastatique à ces tumeurs. En l’absence de SMAD4, le frein cytostatique que le TGFE peut générer via SMAD4 n’est plus présent et la prolifération des cellules tumorales est accentuée, et des mécanismes alternatifs se mettent en place et favorisent la dissémination métastatique. Ceci peut se faire via des voies alternatives ou bien via les voies de signalisation indépendantes de SMAD4. Il faut donc passer outre la dualité du TGFE pour comprendre de manière intégrée son rôle dans la tumorigénèse pancréatique et proposer une stratégie thérapeutique.

Un autre membre de la famille p53, P73, est également impliqué dans la régulation des fonctions du TGFE dans le cadre de la tumorigénèse pancréatique. En effet, il a été montré que la perte de l’isoforme Transcriptionally Active p73 (TAp73) accélérait la progression tumorale et la TEM dans des modèles de souris génétiquement modifiées. Les auteurs ont montré que l’induction d’une TEM par la perte de p73 était due à une activation des voies TGFE indépendantes des SMADs via la diminution de l’expression des SMADs et du biglycan, une protéine matricielle séquestrant le TGFb actif au sein de la matrice extracellulaire [Thakur et al. 2016441].

C) Passer outre la dualité du TGFEE pour saisir une vision