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Les voies de signalisation dépendantes des SMADS

activable : mécanismes et conséquences fonctionnelles

2) Les voies de signalisation dépendantes des SMADS

Les protéines SMAD sont les homologues des protéines Sma (Small Body Size) chez Caenorabditis Elegans et des protéines MAD (Mother Against Decapentaplegic) chez la Drosophile, d’où le nom issu de la fusion des deux homologues. Ce sont des protéines composées de deux domaines globulaires MH1 et MH2 séparés par un domaine de liaison. Le segment amino-terminal MH1 contient une structure en épingle à cheveu qui possède des propriétés de liaison à l’ADN. Le domaine MH2, quant à lui, possède de nombreux motifs hydrophobes qui assurent l’interaction avec certaines protéines adaptatrices cytoplasmiques, avec les récepteurs du TGFE activés, ainsi qu’avec d’autres co-facteurs de transcription (Fig. 23). Dans le cas de la signalisation TGFE (TGFE1), le récepteur TERI recrute et phosphoryle

93 spécifiquement les protéines SMAD2 et SMAD3, appelés R-SMADs (pour receptor-regulated SMADs) [Massagué et al. 2012315]. Cette spécificité est due à la complémentarité entre les structures tertiaires de TER1 et celles des SMADs, bien que la phosphorylation du domaine GS soit importante pour l’interaction [Wrana et al. 2008314]. De manière intéressante, il semblerait que le taux de phosphorylation du domaine GS soit plus important pour assurer l’affinité de l’interaction TER1/R-Smads que la phosphorylation d’une Sérine en particulier [Wieser et al. 1995304]. La phosphorylation des SMADs par TERI se fait au niveau de deux Sérines C-terminales. Ce domaine MH2 phosphorylé interagit alors avec un autre domaine MH2

Figure 23 : Structure et complexation des SMADs. Les SMADs possèdent deux domaines globulaires MH1 et MH2 liés par une région linker. Alors que le domaine de fixation à l’ADN se situe dans le domaine MH1, le domaine MH2 contient une région hydrophobe permettant l’interaction avec de nombreux partenaires protéiques, et une autre région interagit avec les serines phosphorylées de TERI et des R-SMADs.

homologue (celui d’une autre R-SMAD). Un complexe de deux R-SMADs est alors formé. Ces R-SMADs peuvent alors se lier à SMAD4, via leur domaine MH2 phosphorylé. La voie canonique est alors enclenchée. Des études récentes détaillées ci-après montrent que ce complexe de R-SMAD peut également interagir avec d’autres partenaires protéiques indépendamment de SMAD4.

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a) Voie(s) canonique(s)

SMAD4 est considérée comme le SMAD effecteur (ou Co-SMAD). Le complexe formé par deux R-SMADs et par SMAD4 est considéré comme l’unité fonctionnelle principale de cette voie de signalisation [Massagué et al. 2012315]. Les protéines SMADs font indépendamment la navette permanente entre le cytoplasme et le noyau en absence de signalisation TGFE, en passant par les pores nucléaires via l’interaction avec des nucléoporines. Lorsque la voie canonique est activée, le transport du complexe oligomérique R-SMAD/SMAD4 se fait alors via des facteurs d’importation et d’exportations nucléaires [Chen et al. 2010316]. Dans le cas de la signalisation TGFE1, les R-SMADs sont SMAD2 et SMAD3. Il faut noter SMAD4 est le co-SMAD commun à la signalisation de la superfamille des TGFE, interagissant avec co-SMAD1, 5, ou 8 en aval de la signalisation des BMP et les Activines [Zhang et al. 2013317]. Il est aussi intéressant noter les travaux de Liu et al. [2016318] qui démontrent que les complexes SMAD2/SMAD2/SMAD4 et SMAD3/SMAD3/SMAD4 ont un sens biologique et régule des ensembles de gènes différents. Il y a donc peut-être des voies de signalisation canoniques (Fig. 24).

Une fois dans le noyau, le complexe R-SMAD/SMAD4 peut alors interagir avec une multitude de protéines nucléaires, dont d’autres facteurs de transcription, afin de reconnaître les séquences cibles et de recruter les activateurs et répresseurs transcriptionnels [Massagué et al. 2005319]. Les séquences cibles du complexe sont des régions possédant une séquence ou des concatémères de 5’-GTCT-3’, même si des variantes de cette séquence peuvent aussi être reconnues par le complexe. Des régions riches en GC peuvent également servir d’ancrage aux SMADs, comme c’est le cas du promoteur Sp1 [Xu et al. 2013320]. Cependant, la présence de co-facteurs de transcription est indispensable pour assurer la stabilité et la spécificité de leur fixation au niveau des promoteurs des gènes cibles du TGFE (Fig. 24). Le complexe R-Smad/Smad4 peut ainsi lier les facteurs de transcription RUNXs, AP1 ou SP1 en fonction du type cellulaire [Massagué et al. 2005319]. Par ailleurs il a été récemment démontré que la réponse au TGFE pouvait être régulée par les facteurs de transcription majeurs présents dans la cellule. Ainsi, après stimulation au TGFE, Oct4 détermine les cibles transcriptionnelles de Smad3 dans les cellules souches embryonnaires (cellules ES), Myod1 régule les sites de fixation de Smad3 dans les myotubes, et PU-1 fait de même dans les lymphocytes pro-B [Mullen et al. 2011321]. Enfin, le groupe de Massagué a récemment démontré que le complexe R-SMAD/SMAD4 pouvait induire et interagir avec le facteur de transcription SNAIL afin d’activer un programme d’apoptose dépendent du programme de TEM [David et al. 2016322].

95 Il a également été démontrer par des expériences de transcription in vitro et analyse de modification épigénétique, que Smad2 ne se lie pas à l’ADN nu mais à la chromatine, et que le recrutement de l’histone acétyltransférase p300 est requise pour l’activation transcriptionnelle des gènes cibles de Smad2 [Ross et al. 2006323]. Dans la même étude, les auteurs montrent que Smad2 est aussi capable de recruter Brg1, une ATPase appartenant au complexe de remodelage chromatinien SWI/SNF. Les R-SMAD et SMAD4 peuvent se complexer avec FOXO et recruter

Figure 24 : Voies de signalisation TGFEE dépendantes des SMADs. Les complexes R-SMADs/SMAD4 ont besoin de partenaires protéiques tels que d’autres facteurs de

transcription (TF) et modulateurs chromatiniens (Co-A /Co-R) pour assurer leur fonction et leur stabilité au niveau des promoteurs des gènes cibles. Les R-SMADs sont aussi capables de se lier à l’ADN en absence de SMAD4, mais la régulation de leur activité est encore

méconnue.

un complexe protéique pour déméthyler des gènes cibles du TGFE>Massagué 2012315]. Les Smad recrutent ainsi eux-mêmes les différents partenaires nécessaires à la répression ou l’activation de l’expression de leurs gènes cibles (Fig. 24).

Parmi les gènes cibles de la voie canonique, on retrouve dans les cellules épithéliales p15INK4B et p21CIP1, deux kinases cycline dépendantes (CDK) impliquées dans la régulation du cycle cellulaire. Le complexe SMAD2/3/4 active l’expression de ces CDK et diminue en

96 parallèle l’expression de c-myc. Il en résulte une cytostasie des cellules épithéliales qui permet de moduler l’état de différenciation des cellules, et de sensibiliser les cellules à la mort cellulaire [Grusch et al. 2011324].

Ainsi l’activation de la voie canonique peut avoir des fonctions extrêmement variées en fonction du type cellulaire exposé à la signalisation TGFE, et du profil d’expression des facteurs de transcription et des régulateurs chromatiniens susceptibles de se lier au complexe R-SMADs/SMAD4 (Fig. 24).

b) Signalisation dépendante de SMAD2/3 mais indépendante de SMAD4

Le fait que Smad2/3 puissent avoir un rôle indépendamment de SMAD4 a été suggéré par la différence de phénotype entre les souris déficientes pour Smad2 et celles déficientes pour Smad4 [Sirard et al. 1998325 ; Heyer et al. 1999326 ; Tremblay et al. 2000327]. De plus, des cellules tumorales pancréatiques déficientes pour SMAD4 présentent toujours une phosphorylation du complexe SMAD2/3 [Subramanian et al. 2004328 ; résultats non publiés du laboratoire]. Trois études récentes du groupe de Massagué ont montré que le complexe Smad2/3 pouvait se lier à l’ADN indépendamment de SMAD4. En effet, alors que le trio SMAD2/SMAD3/SMAD4 est déterminant dans l’inhibition de la prolifération des cellules progénitrices, le complexe SMAD2/SMAD3/TRIM33 induit la différenciation de la lignée érythroïde. La coexistence de SMAD4 et TRIM33 permet au TGFE d’exercer deux fonctions complémentaires dans ce cas [He et al. 2006329], via la formation en parallèle des complexes SMAD2/SMAD3/TRIM33 et SMAD2/SMAD3/SMAD4. Le complexe SMAD2/SMAD3/TRIM33 se fixe sur des gènes cibles du TGFE au niveau d’histones H3K9me3 grâce à la protéine TRIM33. La tri-méthylation d’histones H3 sur la Lysine 9 est une marque de gènes réprimés ou dont la transcription est suspendue momentanément (poised genes). Le complexe SMAD2/SMAD3/TRIM33 va alors permettre d’ouvrir la chromatine afin que le complexe SMAD2/SMAD3/SMAD4 puisse venir se fixer et activer la transcription. Cependant le recrutement du complexe SMAD2/SMAD3/TRIM33 n’est pas nécessaire à l’activation de tous les gènes cibles de SMAD2/SMAD3/SMAD4 [Xi et al. 2011330]. Ceci fait écho aux travaux du laboratoire démontrant que la délétion de TRIM33 dans l’épithélium pancréatique accélère la progression tumorale [Vincent et al. 2009331], et qu’au moins une partie des fonctions de TRIM33 est indépendante de SMAD4 [Vincent et al. 2012332]. Enfin, dans des cellules tumorales pancréatiques déficientes pour SMAD4, David et al. [2016322] ont identifié un ensemble de gènes régulés par le complexe SMAD2/3 et ayant une fonction pro-tumorale.

97 Cependant les partenaires protéiques du complexe SMAD2/3 au niveau de ces gènes n’ont pas encore été identifiés.

Ainsi, la voie de signalisation dépendante de SMAD2/3 et indépendante de SMAD4 a récemment ouvert la voie à un nouvel ensemble de possibles, et la détermination des partenaires protéiques du complexe R-SMAD en l’absence de SMAD4 est une étape majeure dans la compréhension de la complexité des effets du TGFE (Fig. 24).