• Aucun résultat trouvé

A. Histoire des deux quartiers, fabrication de l'espace 32

II. L'espace conçu – Hautepierre 33

2. Le Plan d’urbanisme directeur de 1963 38

… et une idée initiale d’échelle urbaine reprise à une autre échelle de quartier à Hautepierre

Bernard PAGAND Le Plan d'urbanisme directeur (PUD) de Pierre Vivien fait le constat du double héritage médiéval et de la fin du 19e siècle de la ville, encore en 1963, en lien

avec une échelle adaptée au "pas de l’homme et à la vitesse des bêtes de trait". Ces structures doivent alors s’adapter (en 1963) à une révolution dont les composantes sont :

- la vitesse mécanique, - l’automatisation,

- la transformation des circuits de distribution.

Pierre Vivien indique la nécessité pour la ville de s’adapter à ces nouvelles données tant dans son centre existant que dans ses développements périphériques.

Strasbourg lui paraît prédestinée à un grand avenir économique entre Bâle et Wissembourg (?), prédestinée à la Charte d’Athènes sur les développements linéaires industriels. Son échelle est médiane entre Vosges et Forêt Noire, Strasbourg étant évaluée comme la deuxième ville en terme de migration quotidienne de travailleurs après le "monstre parisien".

Ces efforts doivent donc s’orienter vers une organisation harmonieuse des relations habitat-travail ce qui suppose des structures nouvelles spécifiques (donc on verra l’application à échelle réduite à Hautepierre).

Le système autoroutier permet aux circulations lointaines de pénétrer dans la ville pour éviter une surcharge de la circulation urbaine, il est nécessaire "de superposer à ce réseau, un réseau secondaire répondant aux besoins des échanges internes".

C’est ce que Vivien appelle le "maillage" qui divise le territoire en "unités de voisinage" d’une surface moyenne d’environ cent hectares, constituant une maille kilométrique à l’échelle de l’automobile.

"Ces voies de maillage ne seront donc plus encombrées par le stationnement des véhicules puisque, non accessibles aux riverains, la fonction de stationnement y disparaîtra d’elle-même."

Sur ces voies de maillage, Vivien imagine un nombre limité de carrefour desquels on accède aux voies internes des unités de voisinage et aux parkings répartis en périphérie afin de réserver le centre "aux migrations des piétons".

"L’échelle de ces unités permet aux piétons de les parcourir en 20 min alors que l’automobile les contourne en 1 min."

A l’intérieur de ces mailles, chacun peut se déplacer sans risque de "mort mécanisée" :

- la ménagère va au centre d’achats, - l’enfant à l’école,

- l’employé à son bureau,

des petites industries de transformation (sans nuisance)… comme à Coventry…"

Curieusement ce ne sont pas les nouvelles structures qui auraient à s’intégrer à l’ensemble déjà existant, mais "les axes de peuplement du système radioconcentrique actuel pourront être incorporés sans heurt aux nouvelles structures". La réunion de plusieurs unités de voisinage constituerait un quartier avec son centre et ses équipements.

La relation avec le centre impose une rénovation urbaine de son immédiate périphérie, Halles, Krutenau, fronts de Neudorf.

Toutes ces opérations de l’immédiat péricentre devront permettre la construction de silos à voitures situés à 10 ou 15 minutes du noyau historique à sauvegarder dans sa forme et son potentiel commercial et tertiaire (un travail sur la Petite France est aussi prévu) et à le desserrer de la petite industrie et d’une hyper-concentration.

Le grand schéma est proche du Plan Calsat (1957-59) avec un linéaire industriel le long du Rhin et le maintien d’une ceinture verte (lois 1922-27).

Plan du groupement d'urbanisme (1959) établi par Jean-Henri Calsat ; Pierre Vivien, Plan d'urbanisme directeur (PUD) de Strasbourg, 1967.

Le réseau viaire urbain dans le PUD et les prémices des mailles

Pour "pénétrer au cœur de l’agglomération au plus près possible de ce noyau urbain central", trois bretelles (Nord, Ouest, Sud) sont proposées desservant dans le même temps les faubourgs nord, ouest et sud.

Pour se déplacer rapidement du nord au sud ou d’ouest en est, les bretelles de pénétration sont reliées à une rocade se prolongeant à l’est jusqu’en Allemagne. Cette rocade s’impose pour Vivien afin de répartir les flux vers ou à partir du noyau urbain. Des stationnements doivent être prévus à ces accès, à dix ou quinze minutes à pied du centre.

Ces grands axes sont complétés par des voies express intra-urbaines qui forment un réseau qui couvre la ville "d’une résille dont l’unité de maille" est de l’ordre du kilomètre (cf. schéma 3 du PUD).

Schéma illustrant le principe de maillage (schéma 3), PUD, 1963.

Voie express, profils en travers avec contre-allées (schéma 4), PUD, 1963.

Le schéma 3 indique le maillage proposé et l’échelle de la maille mécanique évaluée dans une logique globale qui passera du fait d’un échec de réalisation à une échelle très inférieure (200 m) dans la réalisation de Hautepierre, finalement à l’intérieur d’une maille du PUD originel. Les carrefours de ces mailles devront tous être étudiés de façon à pouvoir "dans leur phase définitive fonctionner sans feux rouges ni ralentissements sensibles". Vivien prévoit une emprise telle qu’elle puisse permettre un carrefour à plusieurs niveaux "sans cisaillement". La continuité est différente de ce qui sera prévu à Hautepierre, mais le principe est là et bien entendu en intra-urbain. L’organisation des mailles du réseau doit permettre une traversée de la ville

en 10 minutes d’est en ouest et en 20 minutes du nord au sud pour une ville de 9 kilomètres sur 18 kilomètres. Ce type de performance est rappelé pour Lyon dont le maire "se vante d’avoir aménagé la traversée de sa ville en 18 minutes".

La traversée rapide nécessite un certain nombre d’aménagements techniques ou la largeur des voies n’est pas l’essentiel, mais beaucoup plus l’évitement des encombrements aux points de ralentissement, donc il est montré la nécessité :

- de limiter les carrefours et les accès latéraux, - d’assurer une visibilité large,

- "d’éviter tout débouché direct des riverains", - d’interdire le stationnement,

- de limiter ou de séparer les passages des piétons.

Tous éléments que l’on retrouvera à Hautepierre avec cet écart que ce qui était prévu pour un quartier va se développer à l’intérieur même d’un quartier, y compris l’emprise de la voirie automobile, sinon exactement dans les dimensions, du moins dans les principes puisque pour remplir les conditions décrites ci-dessus les caractéristiques proposées correspondent à une emprise de 50 mètres, 30 pour la voie express proprement dite et 10 mètres de part et d’autre "pour des marges de reculement plantées ou d’éventuelles contre-allées de desserte des riverains". (cf. schéma 4)

Schéma d’une maille kilométrique du PUD (schéma 5).

Les schémas 5 et 6 montrent l’organisation de la maille kilométrique quand au réseau de voies express avec un aménagement particulièrement attentif des carrefours dits d’extrémité (A’, B’, C’, D’). Ceci constituera un point très faible de Hautepierre à l’origine de sa configuration avec un quartier quasiment pas relié aux autres. Mais ces idées entraîneront, par transposition et dans un schéma interne au quartier, une proposition et une réalisation sans heurts ou frottements pour la circulation automobile inscrite dès lors dans une échelle d’intra-quartier.

Le schéma 6 du PUD montre l’organisation fonctionnelle de la maille dans lequel s’inscrit celle des mailles de Hautepierre, bien entendu à échelle réduite et correspond davantage à ce qui se fera à la Villeneuve de Grenoble mais cette fois à échelle supérieure en dimension par rapport à l’exposé de Vivien, la Villeneuve d’Echirolles jouxtant celle de Grenoble correspondrait à cette échelle, à ce schéma de voirie et à ce principe d’organisation.

Ici, en l’absence de préconisations sur le bâti on ne peut juger des écarts, mais dans les deux cas cités un bâti périphérique élevé englobe la maille, de type strasbourgeois, proposée par Vivien (et non pas Hautepierroise), assez largement mais mêle aussi les types au pied des immeubles, la résidentialisation des rez-de-chaussée a été, à Villeneuve Echirolles, largement répandue par ailleurs.

Il apparaît parfois la critique, au plan Vivien, d’une erreur d’interprétation du plan Buchanan par réduction d’échelle, le vice du maillage de Hautepierre semble en tout cas procéder d’une perte d’échelle entre une pensée d’organisation en maille-quartier-unité de voisinage adapté à une pensée en maille-îlot-unité de voisinage assez vaste il est vrai mais sans commune mesure avec les corrélations imaginées dans le PUD.