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Discours d'acteurs, paroles des gens : projets et usages d'espace public 134

B. Représentations de l’espace vécu 119

II. Traces d'usages, images de quartier, paroles des gens 121

3. Discours d'acteurs, paroles des gens : projets et usages d'espace public 134

Gilles VODOUHE Entre Hautepierre et Emmertsgrund apparaissent des différences flagrantes dans les conceptions et les usages de l'espace public ainsi que les comportements des habitants. Plus précisément, l'espace public est un indice des attitudes de responsabilité écologique et probablement des compétences environnementales respectives des populations des deux grands ensembles. La présence d'un environnement naturel avec une forte présence végétale à Emmertsgrund, d'un cadre plus minéral à Hautepierre donnent un autre contexte et un autre sens à l'espace public. Dans les deux grands ensembles, on a affaire à des populations plutôt défavorisées. La précarité, la vulnérabilité sociale, n'incitent pas à des pratiques éco-responsables et des compétences environnementales. Mais la responsabilité des acteurs

institutionnels est engagée aussi : à Hautepierre, l'absence de pistes cyclables

incitent à l'utilisation de la voiture. Les configurations spatiales respectives des deux grands ensembles peuvent jouer comme circonstances aggravantes.

L'étude proposée, en rapport avec une thèse de doctorat, a dû se concentrer sur Hautepierre. Ce quartier fait parti des 10 zones urbaines sensibles de l'agglomération Strasbourgeoise et figure parmi les 25 quartiers difficiles du Ministère de l'intérieur. Il est classé en catégorie 1 (donc prioritaire pour bénéficier des subventions pour le renouvellement urbain). La Ville de Strasbourg s'est engagée dans un processus de rénovation urbaine de ce quartier dont la convention a été signée fin 2009. Nous nous intéressons au choix de faire de ce quartier un "quartier jardin". Un tel choix au moment ou Strasbourg communique beaucoup sur la "ville durable et solidaire" a suscité notre curiosité et pose plusieurs questions : Pourquoi revenir sur une forme urbaine qui était à l'origine de la réalisation de ce quartier. Il faut dire que Hautepierre est issu d'une "hybridation" entre deux courants opposés, le courant culturaliste (Sitte, Howard...) et le courant progressiste (Cabet, Proudhon, Le Corbusier...), pour reprendre le classement de Françoise Choay. Ce qui fait que la forme urbaine de Hautepierre intègre le principe de la séparation des fonctions du mouvement moderne dont fait partie son concepteur Pierre Vivien et des principes des cités-jardins de Howard. 40 ans après ce grand projet d'urbanisme social a vite vieillie. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la non durabilité de cette forme urbaine : il y a les modes de vie des habitants, le manque de gestion urbaine et aussi l'influence de cette forme urbaine sur les modes de vie des habitants. On parle souvent de labyrinthe à propos de Hautepierre par rapport à sa forme urbaine. En plus de la difficulté à s'orienter du fait de sa géométrie hexagonale, il y a l'illisibilité de ses espaces qui fait de sa structure en nids d'abeilles un puzzle urbain. Les opérations de résidentialisation corrigeraient ces défauts dans le cadre du projet de rénovation urbaine. Faire de Hautepierre un quartier jardin, en corrigeant les erreurs induisent par sa structure urbaine suffira-t-il à le rendre durable et vivable ? Est-ce que le quartier jardin serait plus durable qu'un éco-quartier ? Quelle est la part de responsabilité des habitants dans la durabilité d'une forme urbaine ?

Le recours à des entretiens semi-directifs auprès des différents acteurs (habitants, élus, fonctionnaires de la Ville, bailleurs sociaux...) constitue la base d'une exploration du mode d'habiter des populations: la relation entre mode de vie et genre de vie, la relation entre l'individu et l'environnement (c'est-à-dire son espace de vie)... Cela suppose de s'intéresser à leurs usages par rapport à l'espace public et aussi comment ces populations vivent cet espace. L'analyse des entretiens nous permettra de savoir si le mode d'habiter des habitants a une part de responsabilité plus importante sur le devenir du quartier. Ces entretiens aborderont les thématiques tels que: la consommation et la production de déchets, le tri des déchets, le transport et les différentes pratiques de l'espace.

Les travaux de réhabilitation et d'amélioration du quartier ne peuvent faire l'économie de la prise en compte des attitudes (réponses) des habitants vis- à-vis du mode d'habiter. Une corrélation (correspondance) entre les comportements vis-à-vis des déchets et celle vis-à-vis du logement et des espaces publics constitue une hypothèse plausible. L'estime de soi et la valorisation de sa position sociale ne peuvent se vivre indépendamment du respect pour le cadre de vie, en relation avec les effets des politiques locales et des modes de gestion par les bailleurs sociaux en matière de maintenance des espaces publics et du logement.

Liste des entretiens menés

Les acteurs – H (habitant), P (professionnels ou techniciens de la ville), E (élus)

P5 : Guillaume Equilbey, urbaniste et collaborateur de Laurent Bécard pour le PRU de Hautepierre, un court entretien a été réalisé le 3 mai 2009 dans son agence à Strasbourg. P2 : Éric Chenderowsky, architecte urbaniste et Directeur de l'Urbanisme de l'Aménagement et de l'Habitat à la CUS, l'entretien a été réalisé le 27 mai 2009 dans son bureau à la cité administrative à Strasbourg, il a 45 ans au moment de l'entretien.

Philippe Bies, Vice-président de la CUS et président de CUS-Habitat en charge de la rénovation urbaine, entretien réalisé le 25 novembre 2009 dans son bureau à la cité administrative. Il a 45 ans au moment de l'entretien.

H8 : Joëlle Quintin, éducatrice en environnement pour l’association Eco-conseil, habitante et membre du conseil de quartier, l'entretien a été réalisé le 1 décembre 2009 dans le local de l'association des jardins de nos rêves à Hautepierre.

P4 : Laurent Bécard, urbaniste au Cabinet Bécard & Palay, il a réalisé le PRU de Hautepierre pour la ville de Strasbourg, l'entretien a été réalisé le 23 avril 2010 dans son cabinet à Paris. P6 : Marie Petitmengin, ingénieure en aménagement du territoire, spécialisée dans l’urbanisme, travaille depuis 3 ans chez Section Urbaine sur le PRU de Hautepierre, l'entretien a été réalisé le 7 mai 2010 dans son bureau à la Section Urbaine à Strasbourg.

E4 : Fabienne Keller, sénatrice, conseillère municipale, ancienne maire de Strasbourg, l'entretien a été réalisé le 21 mai 2010 dans son bureau à Strasbourg.

B4 : Karine Sylvestri, ingénieure en structure et en charge de la maîtrise d'ouvrage chez Sibar, l'entretien a été réalisé le 15 juin 2010 dans son bureau à Strasbourg.

H12 : Bernard Revollon, professeur des lycées en retraite depuis novembre 2010, il est habitant de Hautepierre et propriétaire de sa maison à la maille Karine, il a 63 ans au moment de l'entretien qui a eu lieu le 27 novembre 2010.