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Le placement en cellule disciplinaire

Punition attachée à un ordre non exécuté, une défense transgressée (cette punition peut être naturelle ou sociale, morale, extérieure ou

1.2.4. Le placement en cellule disciplinaire

Art. D.251-3

La mise en cellule disciplinaire prévue par l’article D.251 (5°) consiste dans le placement du détenu dans une cellule aménagée à cet effet et qu’il doit occuper seul. La sanction emporte pendant toute sa durée la privation d’achats en cantine prévue à l’article D.251 (3°) ainsi que la privation des visites et de toutes les activités.

Toutefois, les détenus placés en cellule disciplinaire font une promenade d’une heure par jour dans une cour individuelle. La sanction n’emporte en outre aucune restriction à leur droit de correspondance écrite.

La durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder quarante-cinq jours pour une faute du premier degré, trente jour pour une faute du deuxième degré et quinze jour pour une faute du troisième degré. (…)

Les sanctions de mise en cellule disciplinaire sont inscrites sur le registre du quartier disciplinaire tenu sous l’autorité du chef d’établissement. Ce registre est présenté aux autorités administratives et judiciaires lors de leurs visites de contrôle et d’inspection.

Art. D.251-4

La liste des personnes présentes au quartier disciplinaire est communiquée quotidiennement à l’équipe médicale. Le médecin examine sur place chaque détenu au moins deux fois par semaine et aussi souvent qu’il l’estime nécessaire. La sanction est suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu.

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a) Description réglementaire de la cellule de discipline

Les instructions données aux chefs d’établissements pénitentiaires à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de 1996 détaillent l’aménagement standard de la cellule de discipline115 . Elle se compose

1/ du mobilier suivant : table fixée au mur et/ou au sol, tabouret ou chaise en plastique ou en dur fixé au sol, lit métallique avec éléments soudés, fixé au sol ou bas-flanc.

2/ de l’équipement suivant : sas-grille avec protection grillagée de la serrure extérieure de la grille d’accès, W.C, lavabo, fenêtre équipée de vitrage anti- effraction, de barreaudage haute résistance, de métal déployé et d’un système anti-yoyo116, éclairage avec point lumineux dans le sas, commandé de l’extérieur. b) le régime du quartier disciplinaire

1/ Couchage il se compose d’un matelas mousse avec housse, d’un traversin, de couvertures et de draps. Le couchage est laissé au détenu dans la journée, sauf prescriptions particulières du chef d’établissement pour des raisons d’ordre et de sécurité.

2/ Hygiène : chaque détenu placé au quartier disciplinaire effectue isolément une promenade d’une heure par jour. Il est conduit à la douche selon la fréquence prévue à l’article D.358117

. Le détenu doit maintenir la propreté de la cellule : des produits d’hygiène lui sont remis à cet effet. Par « produits d’hygiène », il faut entendre les produits ou objets qui sont nécessaires à la propreté corporelle (savon, dentifrice, brosse à dents) et non pas ceux qui concernent l’esthétique, la parfumerie ou le maquillage. Le détenu doit veiller à respecter les règles d’hygiène personnelle conformément aux dispositions de l’article D. 357118

. Il dispose du nécessaire de toilette à cet effet.

115 Le régime disciplinaire des détenus, manuel de présentation de la réforme à usage des personnels,

DAP, 1996.

116 Le « yoyo » consiste, pour les détenus, à se transmettre ou à faire circuler divers objets d’une cellule à

l’autre, au moyen d’une ficelle passée à travers les barreaux de la fenêtre d’une cellule.

117 « Les détenus prennent une douche à leur arrivée à l’établissement. Dans toute la mesure du possible,

ils doivent pouvoir se doucher au moins trois fois par semaine, ainsi qu’après les séances de sport et au retour du travail. Les conditions de l’utilisation des douches sont fixées par le règlement intérieur de l’établissement » (Art. D.358 du CPP).

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« La propreté est exigée de tous les détenus. Les facilités et le temps convenables leur sont accordés pour qu’ils procèdent quotidiennement à leurs soins de propreté. Une trousse de toilette comprenant des produits d’hygiène corporelle est fournie à tout entrant provenant de l’état de liberté. Le renouvellement en est assuré pour les détenus dont les ressources sont insuffisantes » (Art. D.357 du CPP).

98 3/ Habillement : les détenus placés au quartier disciplinaire conservent les vêtements qu’ils ont sur eux après que ceux-ci aient subi une fouille minutieuse. Le change de vêtements personnels doit être assuré très régulièrement pour permettre au détenu sanctionné de se maintenir dans un état satisfaisant de propreté. Les effets personnels sont limités aux besoins quotidiens de séjour au quartier disciplinaire : pantalon, chemise, veste ou blouson, pull, sous-vêtements, chaussures. Il n’y a pas lieu de retirer les bijoux du détenu.

4/ Régime alimentaire : est le même que celui de la détention ordinaire.

5/ Privations et exclusions accessoires : les privations de plein droit pendant la durée de la mise cellule concernent

– la cantine (exception faite du nécessaire de toilette, de correspondance et du tabac) – les colis (de Noël)

– les activités culturelles, de loisirs et de travail, individuelles ou en commun. – les séances d’éducation physique et sportive

– les appareils audio-vidéo, informatiques, jeux électroniques, etc.

Les objets et les articles remis de plein droit pendant la durée du placement en cellule de discipline sont les suivants :

– livres, journaux

– produits et objets de toilette nécessaires à l’hygiène personnelle quotidienne – articles d’enseignement

– tabac, allumettes

– nécessaire de correspondance

Par nécessaire de correspondance, il faut entendre essentiellement : papier à lettre, enveloppes, timbres, crayons, stylos-billes, stylos, recharges d’encre, etc… Une machine à écrire ne constitue pas un élément de ce « nécessaire de correspondance » : le détenu ne peut donc ni en cantiner une, ni se faire remettre celle qu’il possède éventuellement déjà.

6/ Visites et correspondance : le chef d’établissement peut autoriser, exceptionnellement, une visite à caractère familial notamment en cas d’évènement familial important. Il peut également autoriser cette visite à l’égard de la famille qui n’a pu être prévenue à temps du placement au quartier disciplinaire.

99 Aucune restriction de la correspondance écrite ne s’applique au détenu sanctionné. En revanche, dans le établissements pour peine, l’accès au téléphone est interdit pendant l’exécution de la sanction.119

7/ Suivi médical : le médecin intervenant à l’établissement pénitentiaire est avisé quotidiennement des placements en cellule disciplinaire, qu’ils le soient à titre préventif ou non. Il se rend au quartier disciplinaire pour y examiner chaque détenu au moins deux fois par semaine et aussi souvent qu’il l’estime utile. Le médecin peut en outre être amené à se rendre au quartier disciplinaire à la demande du chef d’établissement pour y examiner un détenu dont l’état de santé est préoccupant. Si le médecin constate que le maintien du détenu au quartier disciplinaire est de nature à compromettre la santé de celui-ci, il en fait mention sur le registre tenu à cet effet au quartier disciplinaire.

8/ Discipline du quartier :pendant le maintien au quartier disciplinaire, toute communication des détenus qui y sont placés avec d’autres détenus est interdite. Un comportement correct du détenu est exigé.

9/ Information sur le régime du quartier disciplinaire : le règlement du quartier disciplinaire est affiché dans le quartier. Chaque détenu placé au quartier disciplinaire se voit remettre une copie de ce règlement.

Aussi convaincant qu’apparaisse le souci de précision et de légalisme introduit par le décret d’avril 1996 dans la procédure disciplinaire (souci accru par l’intervention de l’avocat dans le dispositif), plusieurs questions peuvent être cependant encore adressées à l’autorité pénitentiaire. La première est relative à l’impartialité de l’instance disciplinaire :

L’autorité de poursuite est en même temps celle qui décide de la sanction, au mépris de la séparation des fonctions. De même, la commission est composée de deux assesseurs, avec voix consultative, désignés par le directeur président, sous l’autorité hiérarchique duquel ils sont placés 120

.

119 Cette distinction des établissements pour peine s’éteindra avec la mise en œuvre de la loi pénitentiaire

de 2009 étendant le droit de téléphoner à l’ensemble des prisons, maisons d’arrêt comprises (pour les seuls détenus condamnés cependant). L’interdiction de le faire pendant un séjour au mitard y sera appliquée de même manière.

120 Extrait du rapport Canivet, cité dans le rapport parlementaire La France face à ses prisons, tome 1,

100 Les entretiens conduits au quartier disciplinaire ont été l’occasion d’entendre la suspicion des détenus quant à la réalité de leurs droits à la défense dans ce contexte :

« Faut pas rigoler. C’est parole contre parole, y’a pas un chef qui reconnaîtra que le surveillant peut avoir tort. Ou qu’il s’est trompé. Ou qu’il veut nous faire la misère ? J’sais pas moi, c’est possible… Il dit que je l’ai insulté, j’ai beau eu expliquer que nan, pfff… Direct que j’allais y venir [n.d.r : au mitard] hé bien, j’y suis » 121.

… Suspicion qui semble cependant ne pas poser de problème particulier lorsque le détenu concerné reconnaît sa culpabilité :

« Bon, c’est comme au tribunal, hein ? T’as fait une connerie, tu payes. Il n’y a pas grand-chose à dire ».122

Comme si « faire une connerie » le rendait indéfendable. Cette idée, apparemment acceptée, ancrée dans l’image que beaucoup ont d’eux-mêmes (cf : «l’incorporation » chez Bourdieu), justifie une seconde remarque à l’endroit de l’organisation disciplinaire : l’assistance d’un avocat – d’autant plus essentielle lorsque le détenu convoqué devant la commission de discipline ne dispose ni d’une motivation suffisante, ni du capital culturel nécessaire pour se défendre par lui-même – rendue possible, n’est pas devenue obligatoire. Tributaire de considérations financières (l’aide juridictionnelle ne constituant pas toujours une motivation suffisante pour les avocats sollicités dans ce cadre), elle risque d’être parfois refusée précisément à ceux qui en auraient le plus besoin… constituant ainsi une nouvelle illustration de l’inconvénient qu’il y a à additionner diverses pauvretés (économiques, culturelles, relationnelles…) !

Enfin, une troisième critique, pertinente jusqu’à l’adoption de la loi pénitentiaire en novembre 2009, concerne la façon expéditive dont l’administration « règle » certains débordements, en marge de la procédure disciplinaire:

L’administration pénitentiaire continue de recourir à des mesures punitives déguisées, telles le transfert ou l’isolement, voire les développe, notamment au travers de l’instauration de régimes différenciés au sein des centres de détention (…) les régimes mis en place reposent en général sur un système d’exclusion d’une partie de la population pénale qui se trouve « cantonnée », isolée dans un bâtiment sans possibilité d’accès au travail, à l’enseignement, aux activités

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Entretien au Q.D, juillet 2008.

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culturelles. Les conséquences en matière d’individualisation de peine sont nombreuses : impossibilité de prétendre aux réductions de peine supplémentaires, difficulté pour obtenir un aménagement de peine… 123

Loin d’être niée, cette pratique est revendiquée comme un outil nécessaire de régulation de la détention par les chefs d’établissements :

Le transfèrement des détenus particulièrement pénibles est effectivement possible. Et c’est heureux, parce que dans une prison comme Vesoul, on ne dispose pas vraiment des moyens de contenir un gars qui s’avère dangereux. Mais pour obtenir son départ en dehors des orientations habituelles vers les établissements pour peine, il faut obtenir l’autorisation de la D.I [n.d.r : direction interrégionale des services pénitentiaires], bien démontrer qu’on a un problème sérieux avec ce détenu 124.

123 Observatoire International des Prisons, Les conditions de détention en France, éditions La Découverte,

2005, pages 97 et 112.

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