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PROJET DE PROMOTION DU BIEN-ETRE AU TRAVAIL SUR UN SITE PILOTE

Période 2 : conduite du changement à

2.4.3 La place prépondérante de l’observation

Nous avons accordé une place importante à l’observation à la fois comme technique de recueil de données mais aussi, une fois de plus, comme stratégie d’interaction avec le terrain.

L’observation présente de nombreux avantages : « Elle se démarque de l’entretien par la

73 possibilité qu’elle offre de saisir sur le vif l’expérience d’individu quotidien. Les sujets éprouvent souvent beaucoup de difficultés à relater des évènements qui s’inscrivent dans la routine » (Groleau, 2003, p. 21364). Nous avons pu faire ces constats lors du travail mené auprès des équipes soignantes sur le temps des transmissions dans l’hôpital 2. En apparence aisée et intuitive l’observation se révèle finalement regrouper des activités complexes et variées. Elle réclame un engagement particulier à travers l’utilisation de « méthode d’investigation très exigeante, tant du point de vue de la pratique du chercheur que de l’architecture globale de la recherche » (Gavard-Perret, 2012, p.166). Le fait de pouvoir observer in situ permet l’étude de phénomènes dans leur contexte naturel, c’est-à-dire spontané, non construit artificiellement par le chercheur (Gavard-Perret, 2012, p. 204). L’observation peut présenter un biais reposant sur la nature de la relation entre l’observateur et l’observé c’est pourquoi nous prendrons soin dans la partie consacré à la méthodologie des deux parties de la recherche d’indiquer comment s’est négocié l’accès au terrain. La réflexivité du chercheur est une fois plus le garant de la qualité des données collectées.

Malgré une qualité d’accès au terrain nous gardons à l’esprit que ce mode de collecte de données doit être complété par la consultation des documents internes ou des entretiens car comme le souligne Giroux (2003, p .62)65 « le chercheur ne peut observer tout le réel dans sa grande complexité[…] il doit également être conscient que, malgré son souci d’obtenir les données importantes, certains facteurs indépendants de sa volonté en limitent l’accès » et ce même dans le cadre d’une étude de cas contemporaine avec une présence régulière hebdomadaire .

QU’EST-CE QU’OBSERVER ? COMMENT PROCEDER A UNE OBSERVATION PARTICIPANTE

L’observation est une technique qui permet de voir et d’entendre ce qui se passe autour d’un phénomène. L’œil et le regard du chercheur sont ses meilleurs outils. Mais « voir » ne suffit pas. L’intérêt repose aussi sur le recueil de la parole des acteurs observés. Il s’agit d’un exercice d’attention vigilante à l’environnement de travail (dans le cadre d’une observation participante telle que nous l’avons vécue) : l’observation demande une concentration soutenue

64 Groleau, C. (2003). L’observation. Conduire un projet de recherche. Une perspective qualitative. Editions EMS.

Colombelles, 211-244.

65 Giroux, N. (2003). L’étude de cas. Conduire un projet de.

74 (Groleau, 200366). Le chercheur évolue au milieu des personnes observées et échange avec elles sur les évènements qui viennent de se dérouler et sur leur ressenti. Cette double casquette de professionnel et d’observateur permet un recueil de qualité même si elle n’est pas toujours aisée à porter. En tant que « participant observateur » nous avons apprécié de pouvoir disposer

« d’un plus grand degré de liberté pour mener nos investigations » (Baumard et al, 2007, p.24567) Ainsi nous pouvions observer de l’intérieur (point de vue interne ou insider) et nous saisir des évènements grâce à une connaissance intime de l’organisation puisque que nous y occupions un poste (et un bureau) en particulier dans l’hôpital 1. Notons que l’observation participante est tout à fait compatible avec une RI (Moisdon, 1984) puisque « c’est une forme d’observation qui vise à provoquer les interactions les plus profondes avec les personnes observées, allant jusqu’à modifier intentionnellement leur activités afin d’en instruire la question de recherche» (Gavard-Perret, 2012, p.172).

Observer demande de s’interroger à différents niveaux. Tout d’abord sur quoi (au plan de l’institution, d’un groupe professionnel, d’une unité de service…) devons-nous porter notre regard, sur qui, à quel moment. Nous avons au cours de notre recherche porté notre regard sur l’institution et ses régulations internes autour du développement et de la mise en œuvre d’un projet transversal. Ces observations de l’institution ont été particulièrement riches dans l’hôpital 1 sur la première période du fait de notre « installation » au cœur du service RH où nous étions présents deux à trois jours par semaine (janvier 2013-Aout 2014) puis en moyenne une fois par semaine (septembre 2014 –décembre 2015). Nous avons pu échanger régulièrement avec la DRH lors d’entrevues au moins mensuelles en plus des temps de réunions partagées. Les trajets à pieds jusqu’aux salles de réunion dans des bâtiments assez éloignés ont été l’occasion d’échanges informels sources d’informations sur les évolutions à venir de l’hôpital, les ressentis sincères de la DRH sur des points traités en réunion (la gestion des postes vacants par les chefs de pôle) et donc des propos spontanés qui ne pourraient être tenus en réunion ou devant d’autres acteurs stratégiques. Dans l’hôpital 2, nous avons pu dans une vision toujours institutionnelle constater la différence de propos tenus en réunion et lors de temps d’échanges bien plus francs entre la DRH et la DS de l’hôpital 2 : leur discours « sans filtre » révélaient un agacement de demandes incessantes de reconnaissance des agents, un étonnement devant l’incapacité des soignants à faire face à des situations de travail relevant pourtant de leur compétence selon la

66 Groleau, C. (2003). L’observation. Conduire un projet de recherche. Une perspective qualitative. Editions EMS.

Colombelles, 211-244.

67 Baumard, P., Donada, C., Ibert, J., & Xuereb, J. M. (2007). La collecte de données et la gestion de leurs sources.

Méthodes de recherche en management, 228-262.

75 DS. Ces temps ont été indispensables à une meilleure compréhension des enjeux des hôpitaux que nous accompagnions : ils reposent sur une légitimité du chercheur (reconnu compétent et opérationnel sur sa mission) et une relation de confiance basée sur des liens authentiques.

« Plusieurs facteurs vont influencer le potentiel de l’observateur à tisser des liens authentiques avec les membres de l’organisation » (Groleau, 2003, p. 225). Dans l’hôpital 2 nous avons surtout observé les équipes de soins sur leurs lieux de travail, en réunion mais aussi lors des transmissions. Nous avons été vigilants à garder un esprit critique tout au long de ces observations en recueillant les avis et les points de vue de différents acteurs. Les relations de confiance créées avec des personnes occupant des fonctions à différents niveaux hiérarchiques ont permis des sources de données variées (DRH, DS, préventeurs, cadres de santé, représentants de syndicat, infirmiers…) pour une vision plus proche de la réalité.

POURQUOI OBSERVER ?

Nous avons utilisé les démarches empiriques qui utilise l’observation in situ (pour nous à l’hôpital public) pour décrire des faits (la conduite d’un projet RH) et produire de nouvelles théories (sur les modalités de la conduite du changement à travers la mobilisation de la sociologie de la traduction dans une perspective normative).

Dans un premier temps, nous avons observé pour enrichir la collecte de données primaires en complément des éléments recueillis par entretiens collectifs. L’observation des activités permet de repérer des éléments tacites ou des éléments de la routine du travail et que l’enquêté ne pense pas à signaler (comme un logiciel inadapté à la réalisation de tableau de bord dans le service RH de l’hôpital 1). (Gavard-Perret, 2012, p.178). Observer permet aussi de voir le décalage entre un discours managérial et les pratiques effectivement appliquées : ainsi même si les bienfaits du management participatif dans la conduite du changement à l’hôpital est intégré aux discours des deux DRH, dans les faits il s’avère plus complexe pour ces dernières de le mobiliser et de le mettre en place car c’est une démarche chronophage et elles ont un emploi du temps très serré.

Mais nous avons aussi observé pour produire de nouvelles théories. Pour cela l’observation intervient en parallèle du travail théorique par immersion ethnographique comme nous l’avons déjà évoqué avec le grounded theory (Glaser et Strauss, 1967). Observer c’est aussi éviter le biais de la reconstruction a posteriori autant chez les enquêtés.

76 COMMENT OBSERVER ?

Notre dispositif d’observation se réalisant sur une longue période, il a pris une forme assez souple reposant principalement sur l’interaction avec les acteurs de terrain en particulier lors des tables rondes. Nous avons déjà précisé les modalités leur fonctionnement en tant que support d’observation d’un travail de réflexion collective visant une stratégie d’amélioration du bien-être au travail.

Nous avons aussi pris en compte la question de la délimitation du périmètre de de l’observation, mais comme le souligne Becker (2002, p.131)68 elle est difficile à résoudre en contexte naturel a priori : « Lorsque j’enseigne le travail de terrain, j’insiste toujours auprès des étudiants pour qu’ils commencent leurs observations et leurs entretiens en notant « tout » dans leurs carnets ». C’est ainsi que nous sommes arrivés sur le terrain dans l’hôpital 1, dans une logique peu restrictive, pour recueillir des éléments de compréhension du contexte hospitalier et les particularités liées à l’établissement (niveaux d’autonomie de la gestion des pôles, historique de la fusion). Le périmètre était en revanche bien plus délimité à notre arrivée sur le site pilote : nous venions observer l’état de bien-être au travail puis nous avons encore resserré notre champ de vision sur le point précis des transmissions professionnelles.

Le tableau ci-dessous reprend les différentes positions possibles dans un système d’observation dynamique : comme le souligne Latour (repris par Becker) c’est la combinaison de ces 4 stratégies qui permet un recueil complet et donner sens aux observations. Elles permettent une forme d’objectivation des données subjectives (Girin, 1986)69. Nous avons mobilisé durant notre recherche ces différentes formes d’observation en fonction des lieux et de nos objectifs comme nous le précisons dans le tableau suivant.

68 Becker, HS, (2002), Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris, La découverte.

69 Girin, J. (1986). L'objectivation des données subjectives. Eléments pour une théorie du dispositif dans la recherche interactive. Qualité des informations scientifiques en gestion, Méthodologies fondamentales en gestion, 170-186.

77 Tableau 9 : Système d’observation dynamique 70:

Position Périmètre d’observation fixe

Objectif : Saisir la structure temporelle et la diversité des activités (exhaustivité)

Modalités : Vie avec l’équipe par une observation continue avec imprégnation ethnographique et discussions spontanées avec les acteurs

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