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La place de la diversité culturelle dans la formation des enseignants à Genève enseignants à Genève

Question de recherche 2 : Quelle est la place accordée à la diversité culturelle dans la formation initiale des enseignants à Genève ?

7. La place de la diversité culturelle dans la formation des enseignants à Genève enseignants à Genève

Si à la manière de Irvine (1990), on considère les enseignants comme une partie de la solution et non pas comme le problème lorsqu’il s’agit d’éducation interculturelle, il est nécessaire de s’intéresser aux outils qu’on leur fournit afin d’agir en tant que professionnels dans des milieux très hétérogènes. En effet, l’objet de notre étude n’est pas tant de chercher à expliquer les causes des inégalités scolaires, mais plutôt de comprendre le fonctionnement des mécanismes susceptibles de les faire diminuer (et idéalement disparaitre). Elle vise également à comprendre dans quelle mesure il est possible de donner un statut de ressource à la diversité afin d’en faire une force dans l’enseignement.

Ainsi, depuis notre première question de recherche, nous procédons à un saut des prescriptions de type institutionnel ou politique à une mise en œuvre d’un cursus de formation d’enseignants.

La formation et les approches interculturelles sont donc toujours centrales dans notre analyse, mais sont cette fois-ci étudiées depuis le cœur d’une formation existante. Ce changement d’échelle nous permet de poursuivre notre quête de compréhension de ce que sont les approches interculturelles, des formes qu’elles prennent et des manières dont elles sont transmises aux futurs enseignants. Cette suite d’analyse, plus micro, nous permettra d’effectuer différents « zooms » relatifs à la place de la diversité culturelle dans la formation initiale des enseignants.

Nous nous interrogeons plus précisément sur la manière dont celle-ci est organisée et dont les savoirs nécessaires à une prise en compte positive de la diversité culturelle sont dispensés. Pour cela, nous avons choisi d’analyser les plans d’études afin de connaître la place laissée aux questions relatives à la diversité culturelle dans le cursus des futurs enseignants à Genève. Ces documents quantifient le prescrit et l’organisent en unités de formation ; leur analyse permet donc de connaître le poids de l’interculturel mais aussi sa légitimité dans le programme de formation en enseignement primaire.

C’est également la rencontre avec les acteurs de sa mise en œuvre, les formateurs, qui complète nos analyses à propos de l’interprétation et de la mise en œuvre du curriculum prescrit.

Mais tout d’abord, nous avons souhaité savoir qui composait la formation et nous sommes intéressés aux profils culturels des étudiants.

7.1. Qui sont les enseignants de demain ?

Afin de connaitre le profil culturel des futurs enseignants, nous avons distribué notre questionnaire de recherche dans les trois volées composant le bachelor en sciences de l’éducation, orientation Enseignement primaire lors du semestre de printemps 2016. Nous avons récolté 286 questionnaires, dont 10 qui ont été jugés inexploitables110. Les 276

110 Un questionnaire est jugé inexploitable lorsque : l’étudiant n’a pas signé le formulaire de consentement joint ; l’étudiant affirme s’orienter dans une formation autre que l’enseignement primaire ; le formulaire est très peu rempli (ou rempli de manière incompréhensible).

questionnaires restants ont été traités avec le logiciel SPSS. Toutes les statistiques présentées ici sont basées sur les données dites valides111.

7.1.1. Nationalités, origines et expériences de migration

Dans un premier temps, nous nous sommes penchés sur les nationalités des étudiants du bachelor. Nos questionnaires ont permis d’en distinguer quatre catégories :

1) Catégorie « Tous suisses confondus » : comprend les étudiants nationaux et binationaux ayant la nationalité suisse (cette catégorie regroupe les catégories 2 et 3)

2) Catégorie « Suisses uniquement » : comprend les étudiants n’ayant que la nationalité suisse

3) Catégorie « Binationaux » : comprend les étudiants ayant deux nationalités dont la nationalité suisse

4) Catégorie « Etrangers » : comprend les étudiants n’ayant pas la nationalité suisse, mais pouvant avoir une ou plusieurs autres nationalités

Tableau 15. Nationalités des étudiants du bachelor en sciences de l’éducation, orientation Enseignement primaire (semestre de printemps 2016)

Cursus

Nationalités Tronc commun BSEP2 BSEP3 Bachelor complet

Tous suisses confondus 115 88.46 % 72 93.5 % 62 89.85 % 249 90.22 % Suisses uniquement 50 38,46 % 31 40.26 % 32 41.56 % 113 40,94 %

Binationaux 65 50 % 41 53.25 % 30 43.48 % 136 49,27 %

Etrangers 15 11.54 % 5 6.49 % 7 10.14 % 27 9.78 %

Total 130 100 % 77 100 % 69 100 % 276 100 %

Afin de mieux comprendre leur signification pour la profession enseignante, nous avons choisi de comparer ces données à trois populations de référence. Premièrement, nous nous intéressons à la population estudiantine de l’Université de Genève. Les chiffres concernant la nationalité des étudiants étant uniquement disponibles sous forme de graphique, nous ne pouvons qu’estimer la part d’étudiants suisses dans un intervalle allant de 70% à 75% de la population étudiante totale (Observatoire de la Vie Etudiante, 2013). De cette première comparaison, il ressort que les étudiants suisses sont surreprésentés au sein du cursus de formation en enseignement primaire. La formation des enseignants semble attirer une population plus homogène culturellement que l’ensemble des formations universitaires.

Deuxièmement, c’est avec la population genevoise que nous avons choisi de comparer nos données. Cette fois-ci c’est une sous-représentation qui attire notre attention : les étudiants étrangers représentent un peu moins d’un étudiant sur dix dans le bachelor (9,78%) alors que les personnes étrangères représentent 40,2% de la population genevoise (pour l’année 2017 ; Statistique Genève, 2018). Cette deuxième mise en perspective renforce l’homogénéité déjà observée du futur corps enseignant.

111 Le logiciel SPSS permet d’identifier le nombre de données valides (ex : sur les 130 étudiants de tronc commun, 4 n’ont pas précisé s’ils avaient vécu plus de 5 années à l’étranger ; le logiciel émet un pourcentage « valide » à partir des 126 autres).

Troisièmement, ce sont cette fois-ci les élèves qui sont au cœur de notre comparaison. A Genève, en 2016, ils sont plus de 43,27% (pour l’année scolaire 2017/2017) à être étrangers au sein de l’école obligatoire (OFS, 2018d) et plus précisément, ils sont 39,41% au sein de l’école primaire (République et Canton de Genève, 2018a). Ce troisième axe de comparaison corrobore de nombreux constats déjà observés dans la littérature : le corps enseignant (et ici le futur corps enseignant) est bien plus homogène culturellement que les publics scolaires.

Ces trois premiers constats sont intéressants dans la mesure où ils mettent en évidence une véritable surreprésentation des personnes suisses dans la formation des enseignants à Genève.

Toutefois, comprendre la composition du futur corps enseignant et s’intéresser aux profils culturels des étudiants nécessite de dépasser la dichotomie « nationaux/non-nationaux ».

Inclure les étudiants binationaux (ayant la nationalité suisse) dans notre étude, nous permet justement de complexifier notre analyse. Ces étudiants représentent presque la moitié des effectifs (49,27% % dans le bachelor complet). Parmi eux, se trouvent des personnes naturalisées, étant bilingues (voire trilingues) ou ayant vécu une migration, permettant au corps enseignant de se rapprocher petit-à-petit des caractéristiques des élèves. Pour cette raison, nous nous sommes intéressés aux nationalités représentées dans le bachelor112. Pour rendre notre analyse plus synthétique, nous présentons ici les nationalités groupées par régions géopolitiques. Deux annexes (Annexe 4 et 5) de ce travail permettent d’accéder aux détails complets des nationalités des étudiants ayant répondu à notre questionnaire.

Figure 12. Représentation des nationalités chez les étudiants étrangers et binationaux du bachelor en sciences de l’éducation, orientation Enseignement primaire à Genève

Etudiants étrangers Binationaux

Informations complémentaires :

Les nationalités les plus représentées dans la catégorie UE/AELE sont : France, Italie et Portugal.

Informations complémentaires :

Les nationalités les plus représentées dans la catégorie UE/AELE sont : France, Italie, Portugal et Espagne.

La catégorie Autre comprend les pays d’Europe ne rentrant pas dans la catégorie UE/AELE ; ce sont des pays appartenant à la région des Balkans occidentaux : Kosovo, Serbie, Bosnie, Albanie.

112 Statistique établie sur la base : N= nombre total de nationalités (chaque fois qu’un étudiant mentionne une nationalité elle est comptabilisée, avec les binationaux, il y a donc plus de nationalités que d’étudiants). « n » =

nombre de fois une nationalité apparait ; soit : (𝑛

Pour comprendre l’importance de ces chiffres, il est nécessaire de se reporter à la composition de la société genevoise. La population étrangère en 2014113 était composée à 61% de personnes originaires de pays de l’Union Européenne (UE) ou de l’Association Européenne de Libre-Echange (AELE) (OCSTAT, 2017). On constate alors une surreprésentation de ces nationalités dans la formation des enseignants.

On constate également des adéquations. Premièrement, les quatre nationalités les plus représentées dans la population sont également les plus représentées dans la formation des enseignants (France, Italie, Portugal, Espagne). Deuxièmement, les personnes originaires d’Amérique du Nord et du Sud semblent également proportionnellement représentées dans le bachelor. De plus, en nous basant sur les langues parlées par les élèves, il semble que les nationalités des étudiants du bachelor puissent être représentatives d’une grande partie d’entre eux. En effet, hormis le français, les trois langues les plus parlées par les élèves dans le canton de Genève, sont l’espagnol, le portugais et l’italien (SRED, 2018).

En outre, plus de 20% des élèves parlent une autre langue que les trois précédemment citées ou que le français (SRED, 2018). Au regard de nos statistiques, il est possible que ceux-ci soient alors moins représentés par la diversité relative du corps enseignant.

Notre analyse montre également des décalages significatifs. A Genève, 9% des personnes étrangères sont originaires d’un pays d’Afrique. Au sein de la formation des enseignants, seuls 4% des binationaux et 4% des étudiants étrangers sont originaires de ce continent, ce qui correspond à sept étudiants dans tout le bachelor, dont six ayant une double nationalité. De plus, si l’on dépasse l’analyse en terme de continent, on constate que quatre des sept étudiants sont tunisiens, et que les trois autres sont respectivement : mauricien, érythréen et ghanéen. Malgré une absence de chiffres précis concernant les nationalités des élèves, il nous semble que trois futurs enseignants originaires d’Afrique subsaharienne seulement, dans l’ensemble du bachelor, sont probablement peu représentatifs de la diversité des élèves. D’ailleurs, rien qu’en 2015/2016, 7% (soit 98 élèves) des élèves primo-arrivants allophones parlaient une langue africaine (Evrard, Hrizi, Ducrey, & Rastoldo, 2016).

Le constat est similaire pour l’Asie : 8% de la population étrangère est originaire de ce continent contre seulement 5% des étudiants binationaux (soit 8 étudiants) et 0% des étudiants étrangers du bachelor.

De l’analyse de la sous-représentation des nationalités asiatiques et africaines ressort un constat intéressant : moins une nationalité est représentée dans le bachelor, plus les étudiants en étant porteurs sont également porteurs de la nationalité suisse ; comme si l’appartenance nationale était un facteur déterminant en ce qui concerne l’orientation dans le domaine de l’enseignement.

Enfin, nous avons choisi de nous centrer sur les nationalités pouvant être qualifiées de

« balkaniques » c’est-à-dire, pour notre échantillon : Croatie (2 étudiants), Roumanie (1), Albanie (1), Kosovo (2), Bosnie (1), Serbie (1) et dans une certaine mesure (puisque certaines classifications l’incluent alors que d’autres non) Grèce (1). Nous avons choisi d’élargir notre analyse des nationalités balkaniques par rapport à ce qui est présenté dans le graphique

113 Chiffres présentés dans le document « communications statistiques » produit par le SRED (2018), daté du mois d’avril 2017.

précédent. En effet, celui-ci était calqué sur la classification proposée par l’OCSTAT (2017) afin de pouvoir mener des comparaisons avec la population genevoise. Ainsi, même avec cet élargissement, ces étudiants ne représentent que 3,26% des étudiants du bachelor, ce qui semble relativement peu par rapport aux 11% d’élèves de l’enseignement obligatoire ayant pour première langue une langue balkanique (République et Canton de Genève, 2018d)114.

Un retour aux données brutes nous permet de voir une diversité que l’on pourrait qualifier d’invisible. Parmi les étudiants uniquement suisses, certains d’entre eux sont nés à l’étranger (ou en dehors de Suisse romande) ou ont des parents nés à l’étranger (ou en dehors de Suisse romande). Ils sont peu dans notre échantillon : 7 étudiants nés à l’étranger et 31 étudiants ayant au moins un parent né à l’étranger.

Ces données montrent l’importance de complexifier la question des appartenances culturelles et invitent au développement d’analyses qualitatives dans ce domaine afin de laisser les individus s’identifier de la manière dont ils le souhaitent et non pas par un classement arbitraire et statistique.

Ces constats à propos des nationalités représentées dans le bachelor en Sciences de l’éducation orientation Enseignement primaire, soulèvent deux aspects. Premièrement, il semble que l’accès à la profession enseignante soit un indicateur du degré d’amalgamation d’un groupe culturel à la société d’accueil. En effet, parmi les nationalités les plus représentées on retrouve celles des migrations les plus anciennes (des années 1970), à savoir : italienne, portugaise et espagnole. Les vagues migratoires en provenance des balkans et notamment d’ex-Yougoslavie sont quant à elles particulièrement peu représentées dans la formation des enseignants et cela peut être dû au caractère plus récent de cette migration115.

Deuxièmement, ces chiffres nous amènent à nous questionner sur une éventuelle (auto)-sélection des étudiants étrangers : se disqualifieraient-ils automatiquement de filières comme les sciences de l’éducation ou de profession comme l’enseignement ? Et le caractère national et ici cantonal de la forme scolaire créerait-il une clôture infranchissable autour de l’école ? L’expérience de migration est également l’un de nos indicateurs de la diversité culturelle. Pour la mesurer, nous avons demandé aux étudiants s’ils avaient déjà vécu plus de cinq ans à l’étranger. Sur l’ensemble du bachelor, c’est presque un cinquième des étudiants qui ont répondu par l’affirmative (18.49 %). L’importance de ce chiffre remet en question et nous impose une redéfinition de notre item « expérience de migration ». Parmi le cinquième d’étudiants justifiant une expérience de vie à l’étranger, 65,31% d’entre eux ont la nationalité française et sont susceptibles de vivre en zone frontalière. Ainsi, deux catégories d’étudiants

114 Les données concernant les nationalités se restreignant au statut national/non-national, nous nous permettons l’usage des langues parlées pour extrapoler les origines des élèves.

115 Bien que la migration originaire d’ex-Yougoslavie ait débuté dans les années 60 pour des raisons économiques, celles-ci était une migration provisoire ; l’objectif des populations n’était pas de rester sur le territoire suisse. Par contre, cette modalité a changé dans les années 1990 et c’est à partir de ce moment que les regroupements familiaux se sont développés parmi cette population migrante (Von Aarburg, 2002).

sont à distinguer : ceux ayant vécu à l’étranger sans expérience de mobilité internationale et ceux ayant vécu à l’étranger avec une expérience de mobilité internationale.

Si la distinction est nécessaire, elle n’est pas hiérarchisante car malgré une proximité apparente, de nombreuses références culturelles pouvant impliquer une distance entre professionnels français et autochtones sont évoquées dans certains entretiens menés pour cette recherche.

Du reste, seuls 6.41 % des étudiants du bachelor répondent à la définition originelle de notre item « expérience de migration ».

***

Au cours des entretiens menés pour cette recherche, des étudiants ou enseignants ont affirmé que le corps enseignant genevois était déjà très divers et que la Genève internationale se reflétait dans l’école. Les chiffres analysés dans ce chapitre confirment leurs dires, 33 nationalités sont représentées dans le bachelor. Néanmoins, par rapport à la population du canton, les personnes étrangères restent sous-représentées dans la formation des enseignants.

Ce constat amène une réflexion à propos du système éducatif et des critères de sélection des futurs enseignants et fait émerger deux hypothèses pouvant expliquer la sous-représentation des étudiants étrangers au sein de la formation. D’un côté, les élèves étrangers (et encore plus ceux issus de la première génération) sont les moins susceptibles de poursuivre des études universitaires ; ils sont les plus fréquemment orientés dans l’enseignement spécialisé, dans les filières à exigence élémentaire et sont statistiquement ceux risquant le plus de quitter l’école prématurément (OFS, 2017). D’un autre côté, les étudiants ayant suivi des parcours alternatifs116 ne sont pas forcément égaux face à l’admission en Formation en enseignement primaire. Il leur manque parfois la formation en langues étrangères (allemand et anglais) qui est requise lors de la procédure d’admission. En effet, les formations professionnelles, dont ces étudiants sont susceptibles de provenir, ne forment parfois qu’à l’une de ces deux langues. Il est alors de la responsabilité de l’étudiant de financer et de se former à la pratique de la langue allemande ou anglaise, et ce, en parallèle de ses études.

Ces hypothèses rejoignent celle avancée par Schneider et Lang (2016), les deux auteurs estiment que la faible représentation des étudiants issus de la diversité culturelle en formation en enseignement prend racine relativement tôt dans leur parcours scolaire. Ils sont les moins orientés vers les filières à exigences élevées et sont les moins susceptibles d’obtenir l’Abitur, ce diplôme du secondaire 2 nécessaire lors de l’entrée à l’université.

Aussi, l’école reflète peut-être encore trop son élitisme, son appartenance à des catégories socialement favorisées et ses caractéristiques nationales. Ainsi, il est possible que ces facteurs, par système d’engrenages, participent à l’(auto)exclusion des étudiants étrangers.

Enfin, nos résultats peuvent être analysés dans une perspective nationale puisque Sieber et Bischoff (2007), auteures d’un rapport à destination de la Conférence des Recteurs et Rectrices des Hautes Ecoles Pédagogiques (COHEP) se sont penchées sur la diversification culturelle des profils des futurs enseignants. Elles constatent que les étudiants « ayant une biographie multiculturelle restent l’exception au sein des établissements de formation des enseignantes et

116 C’est-à-dire ceux étant notamment entrés à l’Université via des passerelles ou des procédures d’admission alternatives (ne nécessitant pas la Maturité : le titre du secondaire 2 équivalent au Baccalauréat français).

enseignants. […] » (p.35). Elles concluent en ajoutant que « non seulement les écoles suisses, mais aussi les établissements de formation des enseignantes et enseignants semblent cultiver « les traditions monolingues et monoculturelles » (cf. Gogolin 1994) » (p.35). Nos résultats montrent un écart entre la réalité genevoise et cette étude menée en 2007. Le futur corps enseignant genevois est culturellement divers, mais comme nous le décrivions précédemment, cette diversité reste encadrée par la question de la citoyenneté nationale.

Sans valoriser la diversité au sein de l’école par la promotion d’un corps enseignant qui reflète la diversité des classes genevoises, les élèves étrangers auront toujours aussi peu de modèles à qui s’identifier. Au regard de nombreuses recherches évoquées précédemment, les enseignants issus de la diversité culturelle sont susceptibles de développer des pratiques « culturellement pertinentes » (Villegas & Irvine, 2010) et par conséquent de participer à la réduction des écarts de réussite entre élèves étrangers et nationaux. D’une part, leur présence permettrait de casser un cycle d’inégalités. D’autre part, elle permettrait de casser les images stéréotypées liées aux personnes migrantes dans la société (Mercer & Mercer, cités par Villegas & Irvine, 2010). Il semble donc nécessaire de les attirer vers des professions telles que l’enseignement.

7.1.2. Perception de sa diversité lors de l’entrée en formation

Tout au long de cette recherche, nous postulons que la diversité du corps enseignant est une richesse. Cette vision n’est pas encore très répandue chez les étudiants. En effet, nous leur avons demandé, via notre questionnaire, s’ils avaient mentionné leur culture dans leur dossier de candidature pour entrer en formation en enseignement primaire. Il était demandé aux étudiants de préciser s’ils l’avaient mentionnée dans leur lettre de motivation ou dans leur curriculum vitae. Cette distinction est importante car la lettre de motivation est personnelle et introspective, et elle dépasse le caractère administratif d’un curriculum vitae.

Tableau 16. Mention des cultures dans les dossiers de candidature en Formation en Enseignement Primaire (FEP)

Les données récoltées grâce à la passation de notre questionnaire mettent en évidence un très faible usage de la culture dans les lettres de motivation qui représentent pourtant un élément essentiel du dossier de candidature pour entrer en Formation en enseignement primaire. Seuls 11,3% du total des étudiants ont mentionné leur culture dans leur lettre de motivation. Parmi eux, 13,6% des étrangers et 14,2% des étudiants binationaux. On note également que plus de la moitié des étudiants n’ont pas fait mention de leurs origines culturelles dans leur dossier de candidature.

Au regard des recherches mentionnées précédemment, une origine diverse pourrait être considérée comme un atout à faire valoir lors de la sélection pour entrer en formation en enseignement primaire. Pourtant nos données montrent que cette conception positive de la diversité est très peu prise en compte par les étudiants. Ces chiffres peuvent avoir plusieurs explications. Premièrement, comme évoqué plus haut, il se pourrait que les étudiants ne perçoivent pas une identité culturelle comme une potentielle force pédagogique. Il ne s’agirait donc pas d’une volonté de cacher une culture, mais plutôt une indifférence ou une forme de

Au regard des recherches mentionnées précédemment, une origine diverse pourrait être considérée comme un atout à faire valoir lors de la sélection pour entrer en formation en enseignement primaire. Pourtant nos données montrent que cette conception positive de la diversité est très peu prise en compte par les étudiants. Ces chiffres peuvent avoir plusieurs explications. Premièrement, comme évoqué plus haut, il se pourrait que les étudiants ne perçoivent pas une identité culturelle comme une potentielle force pédagogique. Il ne s’agirait donc pas d’une volonté de cacher une culture, mais plutôt une indifférence ou une forme de