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Ancrages théoriques de la recherche

Encadré 1. Extrait d’une interview de C. Sleeter (2009) 24

Je me souviens d’une discussion avec une enseignante de maternelle qui donnait une leçon aux alentours de Thanksgiving, à propos des pèlerins et des indiens s’asseyant ensemble lors du premier Thanksgiving. Elle voulait utiliser cela comme un outil pour enseigner à propos des cultures indigènes. « Mais ce n’est pas l’histoire », j’ai dit. « D’un point de vue des personnes indigènes, la vraie histoire est celle d’un génocide et d’une appropriation des terres. Il est important pour les enfants de comprendre cette histoire. Du point de vue des personnes indigènes aujourd’hui, ce qui est important c’est la réclamation des terres, de la

souveraineté, de la reconstruction économique, de la reconstruction des cultures qui ont été dévastées. Si les enfants aujourd’hui veulent vraiment comprendre les relations entre blancs et peuples indigènes, il faut l’intégrer à un contexte historique précis.

Source :

Sleeter, C. (2009). Diversity vs. white privilege. An interview with Christine Sleeter. In W. Au. (Ed.) Rethinking multicultural education.

Teaching for racial and cultural justice (1st ed., pp.37-44). Milwaukee Wisconsin: Rethinking schools.

Cette expérience racontée marque l’importance du curriculum prescrit. Il est un des garants du développement des compétences interculturelles, mais aussi du rapprochement de l’école avec la diversité des élèves. En incluant une perspective critique et non-ethnocentrée, il permet l’inclusion d’élèves issus des minorités mais également une analyse globale des problématiques actuelles liées aux enjeux relatifs à la diversité culturelle.

La littérature francophone s’est bien plus penchée sur l’aspect universel de l’école, sans pour autant se centrer sur les contenus d’enseignement (voir par exemple : Bastenier, 2015 ; Sabatier, 2006 ; Sarot & Moro, 2016). Dans le contexte européen, la réflexion sur la différence culturelle semble avoir peu atteint les curricula, du moins pas dans un objectif visant leur modification en faveur de la diversité :

Cette focalisation quasi unique sur la différence culturelle et sur l’ethnicité des minorités a fait de la pédagogie interculturelle une sous-discipline marginalisée par rapport à la pédagogie générale laquelle n’a été que très peu touchée par les propositions de prise en compte de la pluralité linguistique et culturelle.

[…]

Pour ceux qui reconnaissent l’importance de ne pas ignorer les différences, il n’est pas encore évident de pouvoir préciser les conséquences théoriques et curriculaires d’une prise en compte des différences (Allemann-Ghionda, 2002, p.167)25.

23 Traduction par l’auteure

24 Traduction par l’auteure

25 Ici, l’emprunt à la littérature suisse permet d’appuyer les propos traitant du contexte européen ; une centration sur la suisse est proposée dans la suite de cette revue de la littérature.

Deux approches des curricula en contexte francophone ont tout de même été observées dans la littérature. La première concerne l’analyse des ouvrages de littérature enfantine, qui met notamment en exergue une surreprésentation des enfants blancs, et une sous-représentation des enfants noirs « dans des situations ordinaires de l’expérience enfantine » (Francis, 2015, p.77).

L’auteure explique que ces résultats corroborent l’étude « menée par la HALDE sur les manuels scolaires (2008). Dans leur grande majorité, les personnages [de couleur noire] sont confrontés à la pauvreté, à l’exclusion, au racisme tandis que les récits abordent la quête d’identité ou encore la tolérance » (Francis, 2015, p.77).

La seconde concerne l’analyse des curricula sous l’angle de la religion. Cette dernière est principalement abordée d’un point de vue historique et ne doit surtout pas entrer en concurrence avec une sacro-sainte laïcité : « En France, l’école est investie par une laïcité porteuse de l’ethnicité nationale mais qui ne voit dans celle des autres que la manifestation d’un communautarisme intolérable » (Bastenier, 2015, p.177). On peut déduire de ce constat que les curricula semblent être des outils de l’universalisation et pour cela peuvent être hermétiques à l’expression de la pluralité culturelle.

En la [l’école publique] mettant en place, il a certes cherché à remplacer l’universalisme de l’Église par celui des Lumières, mais en se contentant très largement de reprendre le modèle pédagogique conçu antérieurement par les jésuites pour leurs collèges destinés aux élites sociales. Aujourd’hui encore et à bien des égards, il persévère dans cette ligne en ne prenant pas en compte la différenciation sociale et culturelle entraînée par l’afflux de publics toujours plus hétérogènes (Bastenier, 2015, p.181).

Le curriculum caché est, de par sa nature, plus complexe à analyser. Toutefois, les « savoirs, compétences, représentations, rôles [et] valeurs » qui ne « [figurent jamais] dans les programmes officiels ou explicites » façonnent les apprentissages des élèves et donc leur parcours scolaire (Forquin, 1985, cité par Mosconi, 2004, p.165-166). Il est donc essentiel de s’y intéresser dans la mesure où chaque élève devrait pouvoir bénéficier des mêmes opportunités de réussite.

Bourdieu et Passeron, déjà dans les années soixante et soixante-dix, développaient une réflexion quant aux attentes implicites de l’école (Bautier & Rochex, 1997). Leur critique portait principalement sur le fait que le système éducatif exigeait des élèves des notions non-enseignées (Bautier & Rochex, 1997). L’écart entre l’école et les élèves se façonnant au travers de ces implicites est susceptible d’impacter les performances scolaires des enfants :

A mobilisation initiale équivalente, les malentendus portant sur les postures et activités intellectuelles requises par l’appropriation des savoirs et de la culture peuvent, lorsque le fonctionnement de l’institution scolaire et les pratiques de ses professionnels ne permettent pas de les lever, ou lorsqu’ils contribuent à les créer ou à les renforcer, leurrer durablement certains élèves quant à la nature du travail intellectuel et des activités pertinentes pour apprendre et, par là, les détourner de la voie de l’apprentissage, et aboutir, par effet de cumul, à des situations, des parcours et des acquisitions scolaires très contrastés (Bautier, &

Rochex, 1997, p.3).

L’école, en véhiculant une série de savoirs non-explicités renforce la distance avec des publics scolaires n’étant déjà pas familiers de sa culture. De plus, qualifié de « dispositif hégémonique »

(Jay, 2003, p.4), le curriculum caché entrave le développement de l’éducation multiculturelle

« en aidant à maintenir la domination des connaissances académiques dominantes (mainstream) » (Jay, 2003, p.4)26.

3.2.3. Les conséquences sur les trajectoires scolaires

L’écart culturel que nous décrivons au travers de cette revue de la littérature a des conséquences néfastes sur les parcours de certains élèves issus de la migration. Les attentes des enseignants se façonnent parfois en fonction de l’origine ethnique des élèves (McKown, & Weinstein, 2008). Cela signifie que plus ils les perçoivent comme capables de réussir, plus leurs actions pédagogiques vont favoriser leur réussite (McKown & Weinstein, 2008). D’ailleurs, il a été démontré que des enseignants aux Etats-Unis attendaient plus des élèves issus des groupes

« European American » et « Asian American » que des élèves afro-américains ou latinos (Baron, Tom, & Cooper, 1985, cités par McKown & Weinstein, 2008). Ces attentes créent un conditionnement chez certains élèves les poussant à agir de sorte à y correspondre ; cette tendance à répondre au stéréotype est aussi appelée « prophétie auto-réalisatrice » (Bressoux &

Pansu, 2003 ; Jussim & Harber, 2005, cités par Desombre, Delelis, Lachal, et al., 2008). En plus de rendre des élèves acteurs des stéréotypes véhiculés à leur sujet, de basses attentes envers leurs capacités académiques peuvent induire une inquiétude à ce propos et ainsi « accroitre leur susceptibilité à répondre aux effets de ces attentes (McKown & Weinstein, 2002, 2003 ; Steele, 1997; Steele & Aronson, 1995) » (McKown, & Weinstein, 2008, p.236)27.

Pour résumer, la question des attentes est un cercle vicieux créant chez les élèves issus des minorités une tendance à l’échec… parfois – inconsciemment – attendue par les enseignants.

Figure 3. Les attentes des enseignants et leurs effets sur les élèves

Inspiré de: McKown & Weinstein, 2008 ; Desombre et al., 2008

26 Traduction par l’auteure

27 Traduction par l’auteure

Les enseignants ont de faibles attentes envers leurs élèves issus des

minorités

Ces élèves agissent en fonction de ces attentes (faibles) et produisent des résultats y correspondant

(faibles) Les attentes sont

confirmées et renforcent les stéréotypes

L’environnement dans lequel les élèves évoluent va également avoir un impact sur leur réussite ou leur échec. Tout d’abord, il est nécessaire d’analyser l’environnement au regard des attentes que nous venons d’évoquer :

Par exemple, plus les enfants perçoivent l’enseignant traiter les élèves performants et peu performants différemment, plus forte sera la relation prédictive entre les attentes de l’enseignant et les performances de fin d’année, même lorsque celles-ci ont été préalablement contrôlées (Brattesani, Weinstein, &

Marshall, 1984 ; Kuklinski, & Weinstein, 2001) »28 (McKown, & Weinstein, 2008, p.238).

De plus, un climat de classe ne valorisant pas la culture des élèves peut avoir un impact négatif sur leurs résultats (Heat, 1983, cité par Dean, 1989). En somme, les groupes minoritaires ne sont pas voués à l’échec si on leur permet de développer des rapports positifs à leur propre culture et à celle de l’école (Cummins, 1986, cité par Dean, 1989).

Cette question des conséquences académiques est récurrente dans la littérature puisqu’elle conduit notamment à une surreprésentation des élèves issus de la diversité culturelle dans des classes spécialisées (Ogbu, 1987). Ces derniers sont également les plus orientés vers des

« filières peu prestigieuses du système éducatif » (Vallet, & Caille, 2000) ou sont les plus susceptibles de décrocher (Vallet, & Caille, 2000) ou encore de subir une orientation dite

« contrariée » (Brinbaum & Guégnard, 2012), c’est-à-dire qui ne correspond pas à leurs choix mais à une attribution faite par les acteurs scolaires.

A termes, la combinaison de ces facteurs peut amener les jeunes issus de la diversité culturelle à être plus souvent confrontés au chômage et à la discrimination (Brinbaum & Guégnard, 2012).

Nous parlerons alors de « discrimination systémique ».

Cette littérature soulève de nombreuses questions et notamment : peut-on réellement attribuer à l’origine ethnique la responsabilité d’un parcours scolaire « défaillant » ou l’école et son système de sélection doivent-ils être remis en cause ? Et de manière générale, peut-on faire porter aux élèves issus de la migration la responsabilité d’orientations, d’échecs et de difficultés vécues au sein du système éducatif ? Cela questionne également sur les logiques de fonctionnement du système : peut-on vraiment faire reposer ces conséquences sur l’unique rôle de l’enseignant ? Ces enjeux nous incitent à développer une recherche analysant différents niveaux d’un système éducatif.

3.2.4. Les relations familles-école

Comme énoncé précédemment, l’analyse de l’écart culturel entre l’école et ses publics scolaires nous a amené à considérer les familles comme un élément constitutif de notre objet de recherche. Les parents issus de minorités culturelles vivent également les conséquences des normes implicites propres à la culture scolaire et sont ainsi devenus les sujets de nombreuses études à ce propos.

Les relations familles-école sont de plus en plus soumises à des injonctions de collaboration dans lesquels les parents sont amenés à être acteurs de la scolarité de leur enfant (Périer, 2017 ; Payet, 2017). De nouvelles politiques éducatives visent un rapprochement entre ces deux entités

28 Traduction par l’auteure

(école et famille) (Périer, 2017). En outre, il est nécessaire de comprendre ce qui les tient à distance l’une de l’autre. Il faut préciser que la littérature à propos de l’écart entre familles et école ne concerne pas uniquement les familles issues de la migration, elle concerne également celles issues de milieux socio-économiques défavorisés (voir par exemple : Hache, 2017 ou Kanouté, 2007, pour une présentation des deux perspectives). Toutefois, malgré une forte présence de l’analyse de ces dynamiques à travers un prisme de l’appartenance sociale, il est nécessaire de prendre en compte les origines ethniques des familles afin de ne pas « passer sous silence, les spécificités des origines ethnoculturelles, trajectoires migratoires et modes d’existence d’une partie des familles, elles-mêmes diversifiées dans leur rapport à l’école et à l’avenir de leurs enfants (Santelli, 2016) » (Périer, 2017, p.229). De plus, la question de l’appartenance sociale, souvent amenée par des études statistiques permettant la comparaison des élèves (ou des familles), peut nous faire passer « à côté des enjeux pratiques et de ce qui peut peser sur leur résolution par les acteurs concernés » (Payet, 2000, p.194). Ainsi, la question des relations familles-école a donc une légitimité à être abordée sous l’angle de l’origine culturelle et de l’ethnicité.

La diversité des rapports à l’école peut être à l’origine de malentendus et donc d’incompréhensions entre l’institution scolaire et les parents (Kanouté, 2007 ; Vatz-Laaroussi, Kanouté, & Rachédi, 2008). Cet écart, et parfois cette rupture entre deux mondes est souvent

« interprétée sous l’angle du différend, de l’inconciliable, qui expliquerait les difficultés scolaires chez ces [ceux issus de la migration] élèves » (Kanouté, & Vatz-Laaroussi, 2008, p.260). Mais nous parlons bien ici « d’interprétation » et effectivement certains enseignants tendent à avoir une vision négative de l’implication de certaines familles : la recherche de Hohl (1996, cité par Kanouté, 2007) montre par exemple que « la faible présence de ces familles29 à l’école ou dans le suivi scolaire est assimilée à un manque d’intérêt dans l’éducation de leurs enfants, alors que les parents vivent une « impuissance douloureuse à apporter une forme d’aide scolaire, voire à comprendre ce que l’on attend d’eux et de leurs enfants » (Hohl, 1996, p.60)»

(Kanouté, 2007, p.70).

Les représentations des familles sont donc parfois tronquées et sans une explication globale de leurs attitudes vis-à-vis de l’école, certains enseignants déplorent un « manque de collaboration » de leur part (Vatz-Laaroussi, et al., 2008, p.297) en d’autres termes ils dénoncent une démission parentale.

Du côté des enseignants, ce thème de la démission des parents reste présent, par-delà les démentis argumentés de la recherche, en ce qu’il permet notamment d’externaliser hors de la classe ou de l’école la cause des difficultés ou de l’échec (Périer, 2005) (Périer, 2017, p.242).

A propos de participation et d’implication, les familles migrantes développent parfois des stratégies pour agir dans l’école qui sont mal interprétées par l’institution et à la source de nouveaux malentendus (Kanouté, 2007 ; Payet, 2017). En faisant appel à des membres de leurs communautés, en « s’appuyant sur les savoirs et les savoir-faire de « proches » arrivés depuis plus longtemps, parlant la langue, s’étant intégrés et, pour certains, ayant eu des parcours de

29 Cette recherche portait sur des familles immigrantes et analphabètes.

réussite […] » (Payet, 2017, p.28), ces familles se font accuser de « communautarisme » alors qu’elles mobilisent en fait des « ressources plus accessibles et plus sécurisantes » (Payet, 2017, p.28). Dans le cadre du travail scolaire, « des enseignants peuvent ainsi stigmatiser le « repli ethnique » de parents qui se font assister à un entretien par un oncle, une cousine, ou tout autre membre de la parentèle plus compétents qu’eux » (Payet, 2017, p.28). Ils peuvent également appeler « démission parentale » le fait de confier les devoirs d’un enfant à un ainé de la famille (Payet, 2017).

La question de la langue parlée par les familles est également mentionnée par des enseignants comme étant l’un des facteurs renforçant la distance entre la maison et l’école (Hache, 2017).

Les parents non locuteurs de la langue scolaire étant encore plus mis à distance et encore plus soumis à une injonction de confiance envers l’école (Périer, 2017). La langue n’est pas toujours valorisée (Young, 2017), ni utilisée comme ressource, elle semble seulement pouvoir justifier l’origine familiale des difficultés scolaires (Hache, 2017). Aux aspects linguistiques s’ajoutent également les facteurs culturels. Les familles, au regard du discours d’enseignants, ne transmettent pas les codes nécessaires à l’intégration de l’élève dans la culture scolaire et sont ainsi des obstacles à sa réussite (Hache, 2017). Parfois, « […] le style parental de ces familles, qualifié socialement de dysfonctionnel, d’autoritaire, de traditionnel ou de patriarcal, [qui] est mis en cause pour expliquer l’échec des enfants, parce qu’il ne correspondrait pas aux valeurs de la société québécoise moderne » (Vatz Laaroussi, Kanouté & Rachédi, 2008, p.293) ou de manière plus générale, aux valeurs de l’école. Les cas de violence dans les familles sont également interprétés par les enseignants : une tendance a été observée quant à leur généralisation conséquemment associée à une altérité incompatible avec l’école (Payet, 1992).

Ainsi, à travers le discours des enseignants, une mise à distance des familles peut être identifiée.

Elles ne correspondent pas à la norme et sont ainsi des vecteurs de difficultés scolaires.

La collaboration famille-école, souvent décrite comme nécessaire à la réussite scolaire des élèves (Deslandes, 2006 ; Beauregard, & Grenier, 2017) semble alors reposer sur un ensemble de malentendus nécessitant d’être désamorcés. Pour cela, la littérature s’est également penchée sur le discours des familles migrantes quant à leur relation à l’école et aux enseignants (Liboy,

& Venet, 2011 ; Beauregard, & Grenier, 2017). Avant toute chose, il est nécessaire de revenir sur le stigmate relatif à la démission parentale. Payet (2017) évoque de nombreuses études ayant démontré que ce « désintérêt des milieux populaires vis-à-vis de l’école » (p. 36) est en fait inexistant et certains des ouvrages sur lesquels repose ce propos sont centrés sur les familles issues de la migration (notamment, Changkakoti & Akkari, 2008 ; Hohl, 1996, cités par Payet, 2017). L’étude de Simon (2003) décrit à ce propos comment des familles maghrébines ont intégré « le crédo-républicain en matière d’éducation » (p.48) et placent ainsi de nombreux espoirs en l’institution scolaire. Celle-ci est alors valorisée et trouve un réel sens au sein de la structure familiale.

Une fois cette première affirmation contrée, il faut comprendre pourquoi certaines familles donnent aux enseignants l’impression de ne pas s’impliquer. Certaines barrières comme la langue ou la culture, mais aussi d’autres liées au statut socioéconomique des familles issues de la migration telles que « des horaires de travail non flexibles, un manque de ressources, des problèmes de transport et de stress reliés à la vie dans des quartiers défavorisés […] »

(Deslandes, 2006, p.148) peuvent empêcher des familles de s’approprier le monde scolaire afin d’y évoluer de la manière attendue par l’institution. Ce manque d’appropriation de l’école par les parents est aux origines du rapport inégal qu’ils entretiennent avec l’institution, pouvant alors provoquer « un sentiment d’impuissance et d’injustice » face aux rôles « qu’ils ne peuvent endosser, sur le plan scolaire comme en matière d’éducation » (Périer, 2017, p.248).

La littérature a également mis en exergue la peur que peut impliquer la non-maitrise des codes culturels scolaires (Chapellon, 2011) :

Son besoin pressant de suivre le parcours scolaire de sa fille de 13 ans apparaissait contrecarré par l’angoisse que son manque de maîtrise des codes français ne lui nuise. On voyait poindre ainsi une sorte de crainte de contagion. Comme si sa position de parent immigré était une maladie transmissible à sa descendance, contre laquelle les murs du collège formaient une frontière aseptique. Cette image parentale dévalorisée était commune à toutes les participantes. Elles évoquaient l’impression que leurs foyers avaient quelque chose de contagieux, qui rejaillirait tôt ou tard sur leur descendance ! (Chapellon, 2011, p.211)30.

La fracture entre le monde scolaire et le monde familial est particulièrement bien illustrée par cette mère qui se retrouve simultanément confrontée à son désir de soutenir son enfant et à sa peur de lui nuire en lui imposant son « manque de maitrise des codes français » (Chapellon, 2011, p.211). Encore une fois, ce n’est donc pas l’implication ou la volonté des parents qui est à mettre en cause, mais bien l’écart entre les familles et l’institution.

En outre, certaines familles issues de la migration, alors qu’elles n’ont peut-être pas les bons codes culturels pour communiquer avec des enseignants, ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de vouloir comprendre et appuyer leurs enfants dans leur scolarité (Beauregard, & Grenier, 2017).

En effet, en interrogeant certaines d’entre elles, Beauregard et Grenier (2017) ont mis en lumière de nombreuses interactions entre l’école et les familles. Ces dernières demandant des informations et de l’aide pour soutenir leur enfant. Toutefois, les deux auteures ont également relevé un sentiment d’ingérence de l’école dans les pratiques familiales (Beauregard, &

Grenier, 2017). Par ailleurs, il convient de ne pas réduire cette analyse une simple corrélation entre origine migratoire et distance avec l’école. Les travaux de Périer (2017) ont montré que certains parents maghrébins en France peuvent s’impliquer dans des instances scolaires telles que le Conseil d’école. Il faut tout de même noter que ces formes de participation restent minoritaires chez les familles issues de la migration (Payet, 2017).

De cette partie de la revue de la littérature sur la relation entre école et familles, il est essentiel de ne pas oublier l’une de ses plus importantes composantes : l’élève, puisque « […] la collaboration familles-écoles n’est pas qu’un duo : elle se joue dans un triangle où l’enfant acteur a une place essentielle […] » (Kanouté, & Vatz Laaroussi, 2008, p.260). Souvent abordés dans la littérature, les thèmes liés à la réussite ou l’échec scolaire des élèves issus de la migration mobilisent souvent la question des pratiques parentales ou de la collaboration entre les familles

De cette partie de la revue de la littérature sur la relation entre école et familles, il est essentiel de ne pas oublier l’une de ses plus importantes composantes : l’élève, puisque « […] la collaboration familles-écoles n’est pas qu’un duo : elle se joue dans un triangle où l’enfant acteur a une place essentielle […] » (Kanouté, & Vatz Laaroussi, 2008, p.260). Souvent abordés dans la littérature, les thèmes liés à la réussite ou l’échec scolaire des élèves issus de la migration mobilisent souvent la question des pratiques parentales ou de la collaboration entre les familles