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Ancrages théoriques de la recherche

Encadré 3. Extrait de l’étude de Carrington et Skelton (2003)

N’allez pas vers un système de quota, parce qu’à la fin de la journée, ce que vous voulez c’est de la qualité […]. Je ne voudrais pas être dans cette situation où je sens que la seule raison pour laquelle je suis entré dans une institution, ou que j’ai un eu un travail est ma couleur. Parce que cela semble tendre vers [impliquer que], vous ne me regardez pas, vous regardez ma couleur de peau et dites : Sur cette base, nous pensons que vous êtes un bon role-model (Imran, étudiant indo-britannique)53.

La question de l’insertion professionnelle touche également les choix des lieux d’enseignement.

Il a été constaté à plusieurs reprises que les enseignants issus de la diversité culturelle exerçaient principalement dans les écoles les plus hétérogènes (dites urbaines dans la littérature anglo-saxonne) (Shen, 1998 ; Lefebvre, 2009 ; Schneider & Lang, 2016). Ce choix semble en accord avec les motivations évoquées précédemment : changer l’école, changer la vie des élèves issus de la diversité culturelle, rendre l’école plus diverse… Toutefois, il peut aussi être expliqué par l’exclusion, le sentiment d’isolement parfois ressentis par ces enseignants (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras, 201454) ou encore par les discriminations dont ils peuvent faire l’objet (Schneider & Lang, 2016), lorsqu’ils travaillent dans des milieux culturellement homogènes ou aisés.

Enfin, l’insertion professionnelle des enseignants issus de la diversité culturelle laisse transparaitre des enjeux de pouvoir déjà présents dans la société. Ces enseignants se retrouvent souvent à des postes au « statut moins élevé » (Carr & Klassen, 1997, p.73) (tels que :

53 Traduction par l’auteure

54 La recherche de Niyubahwe et al. (2014) est principalement centrée sur les enseignants formés à l’étranger ; nous nous permettons cet emprunt car nous supposons que le sentiment d’exclusion dû au fait d’appartenir à une minorité culturelle s’applique à plusieurs catégories d’enseignants issus de la diversité.

enseignant de la langue d’instruction comme langue seconde) et souffrent parfois de discrimination sur leur lieu de travail (McNamara & Basit, 2004).

3.4.2. Enseigner : compétences pédagogiques et leur ancrage

L’acte d’enseigner n’est pas neutre, il est empreint d’idéologies personnelle, politique, sociale, de souvenirs, de conceptions de l’enseignement et est ainsi rendu unique. Toutefois, la littérature nous permet de distinguer ce qui rend l’acte d’enseigner des enseignants issus de la diversité culturelle, différent de celui des enseignants issus du groupe majoritaire.

Premièrement, il se distingue de par son ancrage. Certains de ces enseignants ont développé une vision critique de la société et de l’école (Kohli, 2009 ; Su, 1997 ; Magaldi, et al., 2018 ; Hachfeld, et al., 2011). D’ailleurs, ils sont généralement plus critiques que leurs pairs des groupes majoritaires à propos de l’indifférence aux différences (Legendre, 2004), du racisme (Kohli, 2009) ou des discriminations au sein même de l’institution scolaire (Carr & Klassen, 1997).

Cette étude révèle que les Enseignants de Couleur possèdent souvent une compréhension personnelle des races et du racisme ; une compréhension dont les enseignants Blancs ne disposent pas forcément. Les programmes de formation d’enseignants peuvent mieux servir les élèves s’ils reconnaissent ce savoir comme une force et offrent un espace, comme cette étude l’a fait, pour que les enseignants issus d’une minorité raciale partagent et réfléchissent à leurs expériences et observations. C’est avec une réflexion critique sur la race que ces enseignants peuvent utiliser leur perception comme un outil pour comprendre les expériences des élèves et lutter contre le racisme dans les écoles (Kohli, 2009, p.249)55.

Très peu d’études francophones portent sur ce sujet, toutefois, celle de Kadri et Rio (2007) corrobore, dans une certaine mesure, les études nord-américaines puisque certains enseignants issus de l’immigration (principalement maghrébine) se servent de leur connaissance de la discrimination comme un tremplin pour diriger leur action enseignante. Les auteurs disent à leur propos qu’ils :

[…] ont aussi en commun une « vocation » ancienne pour le métier d’enseignant, ou pour l’humanitaire.

Ils sont assez sensibles aux autres et souvent engagés socialement dans les associations. […] et ont fortement ressenti une discrimination, une relégation ethnique et sociale durant leur trajectoire scolaire et sociale. […] Ils ont donc une expérience douloureuse de la différence et de la difficulté. Or, cette difficulté les détermine dans l’exercice de leur métier et dans leur façon d’être qui se heure cependant, selon eux, à l’inertie de leurs collègues (Kadri & Rio, 2007, p.43).

En plus d’avoir développé une conscience critique vis-à-vis de l’institution scolaire et de sa prétendue égalité, les enseignants issus de la diversité culturelle sont susceptibles de partager un grand nombre d’expériences extrascolaires avec leurs élèves :

Les enseignants de couleur sont à même de bien comprendre les élèves de couleur et leurs références culturelles car ils ont une vie extrascolaire similaire à nombreux de leurs élèves. […]. En terme de construction et d’établissement de connaissances raciales et culturelles à propos de leurs élèves, les enseignants se rendent dans la même église qu’eux, fréquentent les mêmes barbiers et salons de beauté (voir aussi Siddle-Walker, 2000), et comprennent les défis structurels auxquels leurs élèves sont

55 Traduction par l’auteure

confrontés, tels que se faire suivre dans une grande surface en raison de son origine raciale et ethnique (Sleeter, 2013, p.178).

Des motivations pour enseigner aux pédagogies mises en œuvre en classe, ces enseignants ancrent leur pratique dans cette connaissance des inégalités, mais aussi des cultures des élèves susceptibles d’en être les victimes.

La conscience des inégalités (Schmeichel, 2012) et la construction des connaissances basée sur les expériences de vie quotidienne des élèves (Ladson-Billings, 1994 ; Gay, 1995a, cités par Sleeter, 2013) sont à la base de l’enseignement culturellement pertinent. Cette pédagogie, ancrée dans le multiculturalisme critique, est souvent mobilisée par les enseignants issus de la diversité culturelle ; ils seraient d’ailleurs les plus à même de l’utiliser (Villegas & Irvine, 2010).

D’ailleurs, il est tout à fait possible de faire un lien entre les motivations principales de ces enseignants (devenir acteurs de la justice sociale, rendre le curriculum multiculturel et favoriser la réussite des élèves (Su, 1997 ; Magaldi, et al., 2018 ; Shen, 1998)) avec les fondements de l’enseignement culturellement pertinent. Dans cet ordre d’idée, les enseignants issus de la diversité culturelle sont les plus enclins à proposer aux élèves un matériel de classe proche de leur réalité extrascolaire (Dee, 2004), ce qui facilite les liens entre l’école et la maison et renforce indirectement le sens donné aux apprentissages.

De plus, les enseignants issus de la diversité sont les plus susceptibles d’avoir des attentes élevées envers leurs élèves, notamment ceux aussi issus de la diversité (Irvine, 2003 ; Villegas

& Irvine, 2010 ; McNamara & Basit, 2004). Comme nous l’expliquions précédemment, les attentes des enseignants ont un impact non négligeable sur les résultats des apprentissages (McKown & Weinstein, 2008) : ici, elles enclenchent potentiellement un parcours scolaire réussi. A cela s’ajoute le fait que la présence d’un enseignant qui est culturellement proche de l’élève diminue « la menace du stéréotype », qui pousse les élèves à devenir acteur des stéréotypes véhiculés à leur propos (Dee, 2004).

De nombreuses études ont montré la relation d’interdépendance entre la présence d’un enseignant issu de la diversité culturelle et l’évolution des facteurs de la réussite scolaire (Pitts, 2007 ; Villegas & Irvine, 2010 ; Farkas, Grobe, Sheehan, & Shuan, 1990).

Les résultats scolaires semblent parfois directement impactés par la présence de ces enseignants (Pitts, 2007 ; voir aussi Clewell, et al., 2005 ou Evans, 1992 cités par Villegas & Irvine, 2010).

L’étude de Pitts (2007) se basant sur les données relatives à la composition ethnique de l’école publique au Texas propose une analyse de l’impact de la représentativité du corps enseignant sur les performances des élèves. Pour ce faire, l’auteur croise les données ethniques des enseignants, des membres de l’administration scolaire, des élèves et leurs résultats à une évaluation standardisée (le TAAS : Texas Assessment of Academic Skills56). Son étude met en exergue un impact statistiquement significatif de l’enseignant sur les performances des élèves issus de minorités culturelles : « Lorsque la composition ethnique des enseignants correspond à celle des élèves, les élèves afro-américains et hispaniques semblent avoir de meilleurs résultats à l’examen TAAS, ce qui est un résultat [de recherche] important » (Pitts, 2007, p.517)57. Bien que le résultat à une évaluation soit ici considéré comme l’aboutissement de

56 Evaluation des compétences académiques du Texas (test standardisé pratiqué au niveau de l’Etat du Texas).

57 Traduction par l’auteure

l’enseignement, on constate également dans la littérature que la présence d’un enseignant qui ressemble aux élèves a un impact sur leurs « habitudes de travail » (Farkas, et al., 1990). Se renforçant, elles peuvent alors modifier un parcours scolaire et influencer le devenir de l’élève.

A noter que toutes les études ne convergent pas vers une amélioration des résultats scolaires.

En Allemagne par exemple il a été démontré que certains enseignants issus de la migration n’ont pas d’impact sur des élèves également issus de la migration (Rotter & Timpe, 2016, cités par Bressler & Rotter, 2017).

Bien qu’ayant un statut souvent secondaire dans la littérature sur les enseignants issus de la diversité culturelle, la dimension linguistique a également été abordée. Par exemple, la recherche de Georgi (2016) montre que peu d’enseignants mobilisent leur langue première dans la classe, comme un outil de transmission du savoir ; certains l’utilisent parfois pour faire de la discipline (Georgi, 2016) et d’autres, lors de moments informels afin d’encourager ou de créer des relations de confiance avec les élèves (Georgi, Ackermann, & Karakaş, 2011, cités par Karakaş, 2013).

Enfin, lorsque des enseignants issus de la diversité culturelle sont plus représentés dans les écoles, il semble que les orientations en éducation spéciale diminuent (Meire, 1993, cité par Villegas & Irvine, 2010).

Pour résumer, cinq caractéristiques pédagogiques de ces enseignants ont été identifiées (Villegas & Irvine, 2010), les voici :

- Ils ont des attentes élevées envers tous leurs élèves - Ils utilisent une pédagogie dite culturellement pertinente

- Ils développent des relations positives basées sur l’attention et la confiance avec leurs élèves

- Ils se confrontent aux problématiques liées au racisme - Ils défendent les intérêts des élèves

En considérant ces résultats, il apparait nécessaire de diversifier le corps enseignant. Leur regard, leurs attentes et leurs motivations participe à la transformation du système vers un fonctionnement plus équitable et plus juste, et cela au profit des élèves les plus discriminés.

3.4.3. Etre enseignant : face aux élèves, incarner un « role-model »

Leurs origines, leur nom de famille, ou leur couleur de peau peuvent conférer aux enseignants issus de la diversité culturelle un statut particulier dans l’école, celui de role-model58. Leur présence, inspirante pour les élèves, incarne à la fois le changement et la réussite (Dee, 2004 ; Carrington & Skelton, 2003 ; Villegas & Irvine, 2010). Karakaşoğlu (2000, cité par Bressler &

Rotter, 2017), a d’ailleurs mis en évidence le fait que « devenir un role-model » est l’une des raisons pour laquelle certains enseignants issus de la diversité culturelle se dirigent vers la profession enseignante.

58 Dans un souci de clarté, nous gardons ici l’appellation anglophone de ce concept.

S’ils incarnent la réussite c’est qu’ils sont des anciens élèves issus de minorités culturelles qui ont aujourd’hui un statut socialement valorisé. Ils ont dépassé les obstacles de l’école ou de la société et exercent devant des élèves qui peuvent alors s’identifier à cette émancipation vis-à-vis des stéréotypes qui leur sont attribués (Mercer & Mercer, cités par Villegas & Irvine, 2010).

Avoir face à eux des adultes qui leur ressemblent et dont le parcours est réussi peut être une source d’inspiration et de motivation pour les élèves (Cole, 1986 ; King, 1993 ; Waters, 1989, cités par Villegas & Irvine, 2010). On peut dire que ces enseignants leur permettent de rêver à d’autres possibles, et qu’en quelque sorte, ils les libèrent du poids des stéréotypes.

Ces enseignants incarnent le changement. Dans une institution scolaire monoculturelle, ils participent à sa diversification et à une nouvelle répartition des rôles socialement valorisés (Carrington & Skelton, 2003). Leur présence permet de lutter contre les stéréotypes généralement attribués aux minorités et ainsi changer le regard de tous les élèves à leur propos (Mercer & Mercer, 1986, cités par Villegas & Irvine, 2010). On peut alors dire qu’ils permettent une rupture entre « minorité culturelle » et « rôle social défavorisé » ou « emploi peu qualifié ».

Il faut également dire que les liens créés entre les élèves et ces enseignants sont privilégiés (Carr & Klassen, 1997 ; Magaldi, et al., 2018) car la ressemblance et la proximité culturelle inspirent de la confiance et de la compréhension (Carr & Klassen, 1997). Les enseignants peuvent devenir des confidents privilégiés ou des défenseurs du point de vue des élèves issus de la diversité culturelle (Bressler & Rotter, 2017 ; Magaldi, et al., 2018). Au regard de ces arguments, les enseignants role-model semblent permettre la réduction de l’écart entre les élèves et l’institution scolaire.

C’est tout de même avec précaution qu’il faut analyser la théorie du role-model. Premièrement, malgré ces nombreux attraits, une distinction est nécessaire entre sa conception passive et sa conception active ou autrement dit entre le fait d’être un model et d’agir en tant que role-model (Hopson, 2014). Hopson (2014) met particulièrement en garde contre le risque d’essentialisation des enseignants issus de la diversité culturelle :

Etre un symbole est problématique car cela essentialise la fonction d’enseignant issu d’une minorité à sa simple représentation physique. N’importe quelle personne racialisée peut être un symbole, mais pas n’importe quelle personne racialisée peut être un role-model (Hopson, 2013, p. 24)59.

La thématique du role-model oscille entre aubaine pour les élèves et risque d’essentialisation des enseignants. Deuxièmement, la méta-analyse conduite par Villegas et Irvine (2010) met en évidence le manque véritable de recherche empirique à propos du role-model ; les effets produits n’ont quasiment jamais fait l’objet d’analyse. Toutefois, Pitts (2007) en démontrant que la diversification du corps enseignant a plus d’impact que celle des membres de l’administration scolaire sur les résultats des élèves issus de minorités culturelle, participe au renforcement empirique de la notion de role-model. Il suppose qu’en termes de diversité culturelle les enseignants ont plus d’impact, probablement en raison de leur proximité avec les élèves, que les directions d’école (Pitts, 2007).

59 Traduction par l’auteure

Troisièmement, l’étude de Pole (1999, cité par Bressler & Rotter, 2017) a mis en évidence le possible rejet que peuvent vivre des enseignants noirs aux Etats-Unis face à des élèves noirs60. Ceux-ci ne sont pas pris pour modèles, mais plutôt pour des représentants des valeurs de la culture dominante.

Il semble alors nécessaire de manier le concept de role-model avec précaution et d’interpréter les résultats de la recherche comme un « potentiel » chez certains enseignants et non pas comme un trait caractéristique immuable.

3.4.4. Etre enseignant issu de la diversité culturelle : face aux parents d’élèves

Puisque l’écart culturel constaté entre la culture scolaire et les publics scolaires concerne également les familles, il est nécessaire de s’intéresser à la manière dont les enseignants issus de la diversité peuvent représenter une main tendue de l’institution vers ceux qui en sont les plus éloignés. Plusieurs travaux ont abordé la question des relations famille-école dans cette perspective (McNamara & Basit, 2004 ; Aujla-Bhullar, 2018 ; Schneider & Lang, 2016). Il semble que ces enseignants puissent sensiblement améliorer la communication avec certains parents, notamment ceux issus de minorités culturelles (McNamara & Basit, 2004). L’un des enseignants interrogés pour la recherche de McNamara et Basit (2004) explique d’ailleurs que sa présence a été particulièrement bien accueillie par les parents partageant son origine culturelle. Ces derniers se sentaient, pour une fois, libres de pouvoir parler de leur enfant à un enseignant.

La question des langues parlées par les enseignants issus de la diversité culturelle est donc primordiale. Leur recrutement peut participer à la diversification des compétences linguistiques présentes au sein d’une institution originellement monoculturelle et faciliter la relation avec certaines familles. Nombreuses des enseignantes interrogées par Aujla-Bhullar (2018) ont confirmé cette hypothèse et expliqué « la chance qu’elles ont ressentie lorsqu’elles ont pu communiquer avec des familles dans leur première langue » (p.68). Certains enseignants interrogés par Georgi (2016) ont également précisé que leurs compétences linguistiques pouvaient être des ressources qu’ils partagent avec d’autres collègues afin de les aider dans l’établissement du contact avec certains parents.

Cependant, l’usage de la langue maternelle des enseignants n’est pas toujours une évidence.

Parfois, certaines oppressions liées à la hiérarchisation des langues et à la dévalorisation des cultures sont intériorisées par les enseignants (Aujla-Bhullar, 2018). Cela les conduit à un usage

« prudent » de leur langue et réduit au strict minimum, autrement dit aux situations qui le

« nécessitent absolument » (Aujla-Bhullar, 2018, p.69).

Alors que la proximité entre les cultures des élèves et celles des enseignants est très souvent valorisée dans la littérature (voir par exemple : Sleeter, 2013), dans la relation famille-école, d’autres enjeux doivent être pris en compte. L’excès de proximité peut avoir des effets indésirables tels que l’établissement d’une nouvelle forme de malentendus entre les parents et

60 Un constat similaire a été observé en Grande-Bretagne avec des enseignants britanniques issus d’une migration asiatique (Maylor, 2009, cité par Bressler & Rotter, 2017).

l’enseignant. Pour certains d’entre eux, l’enseignant devient une « extension » de l’unité familiale (Magaldi, et al., 2018), ce qui peut être une position relativement inconfortable pour ce dernier (Magaldi, et al., 2018).

Enfin, il faut également prendre en considération des résultats de recherche portant sur les perceptions négatives de certains parents quant aux enseignants issus de la diversité culturelle.

Certains auteurs évoquent de la suspicion (Aujla-Bhullar, 2018), d’autres de la méfiance (Lefebvre, 2009) et d’autres encore du racisme (Carrington & Skelton, 2010) ou de la discrimination (Schneider & Lang, 2016). Dans ces configurations les parents remettent en cause les compétences (pour ce qui est de la méfiance et de la suspicion) ou tout simplement la présence des enseignants issus de la diversité culturelle.

3.4.5. Enseignants issus de la diversité culturelle : catégorie unique et précautions multiples S’il est vrai que la littérature mobilisée dans notre analyse met en évidence de nombreux avantages pédagogiques relatifs aux enseignants issus de la diversité culturelle, il convient de manier cet objet de recherche avec précaution. Cette dernière partie d’analyse de la littérature ne vise pas à invalider les études ou réflexions présentées précédemment, mais plutôt à les mettre en tension à l’aide de réflexions, moins présentes dans les références mobilisées, mais tout de même essentielles à une appréhension critique de l’objet de recherche « enseignants issus de la diversité culturelle ».

Premièrement, plusieurs auteurs mettent en évidence l’hétérogénéité du groupe « enseignants issus de la diversité culturelle (Santoro, 2016 ; Bressler & Rotter, 2017 ; Legendre, 2004). Il convient alors de garder à l’esprit que l’identité est un concept malléable, que les appartenances culturelles sont diverses qu’elles ne doivent pas être essentialisées. Ainsi, si des tendances apparaissent parmi le groupe des enseignants issus de la diversité, il est nécessaire de laisser une place pour les particularismes et les différences interindividuelles. La typologie proposée par Bressler et Rotter (2017) met en évidence ces différences. Ils ont identifié trois types d’identité professionnelle mais expliquent que deux d’entre elles se situent aux extrémités du spectre des typologies identifiées.

Tableau 3. Deux identités professionnelles des enseignants issus de la diversité culturelle

1) Le type « immigrant compétent » : se voit comme une posture ressource pour les élèves et cela en plus de son rôle d’enseignant. Il dépasse ainsi le cadre strictement pédagogique de la relation

« enseignant/élève ». Il fait plus appel à des ressources personnelles qu’à la pédagogie, ce qui peut nuire au professionnalisme enseignant.

2) Le type « professionnel pédagogique » : développe son identité professionnelle grâce à des ressources pédagogiques et non pas grâce à des ressources personnelles. De manière générale, il fait plus appel à la pédagogie qu’à son expérience personnelle.

Source : Bressler et Rotter (2017)

Bien que très brièvement développée ici cette typologie nous permet de mettre en perspective la littérature que nous analysons. Si celle-ci met en avant des avantages et des tendances très

marquées, les travaux de Bressler et Rotter (2017) nous permettent de nuancer certains apports et d’insister sur les dimensions individuelles de la construction d’une identité professionnelle.

Il convient alors de prendre en compte les avantages relevés par de nombreux chercheurs sans pour autant les imposer comme unique vérité à tous les enseignants issus de la diversité culturelle.

Concernant l’hétérogénéité de ce groupe, Legendre (2004) a distingué dans son étude différentes biographies des enseignants issus de la diversité. En fonction des origines de leurs parents (couple mixte, deux parents étrangers), l’auteure a mis en évidence des tendances

Concernant l’hétérogénéité de ce groupe, Legendre (2004) a distingué dans son étude différentes biographies des enseignants issus de la diversité. En fonction des origines de leurs parents (couple mixte, deux parents étrangers), l’auteure a mis en évidence des tendances