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Des pistes à explorer pour stimuler la conception couplée d’outils et de systèmes de culture

PARTIE 2 – RESULTATS

5.1. Des pistes à explorer pour stimuler la conception couplée d’outils et de systèmes de culture

L’étude du cas de l’Atelier Paysan ouvre des pistes pour explorer la question suggérée dans le rapport IRSTEA (Bournigal, 2014) « Comment concevoir des agroéquipements qui n’existent pas aujourd’hui pour des systèmes agricoles qui n’existent pas non plus ? ». Les résultats montrent qu’ils proposent une remise en cause du découplage historique de la conception des outils (par l’agro-industrie) et des systèmes de culture (par les agriculteurs), en proposant d’envisager leur émergence conjointe en ferme. L’étude du processus de conception du rouleau Faca Buzuk en systèmes légumiers sous couvert suggère que considérer les outils comme des objets à concevoir (et non comme des variables de contingence) offre aux agriculteurs de nouvelles opportunités de conception en situation (ex. après avoir observé un défaut de nivellement du sol, les concepteurs ont pu imaginer agir simultanément ou au choix sur le système de culture, par l’insertion d’un travail du sol approprié avant le semis du couvert ; et sur l’outil, en proposant d’ajouter un système de boogie).

L’étude du cas du rouleau Faca Buzuk rend compte du fait que l’émergence conjointe d’un outil et d’un système de culture est possible à plusieurs conditions. D’abord, ce processus implique d’engager une exploration en ‘double inconnu’, c’est-à-dire qu’on ne connait a priori ni le système de culture ni l’outil qui émergent en cohérence. Ensuite, c’est le fait de ‘rendre possible’ la conception en situation, par des agriculteurs, qui contribue à permettre d’explorer des interactions entre l’outil, le système de culture, l’évolution des milieux cultivés et les projets, sensibilité et conditions de travail des agriculteurs. Les propositions de l’Atelier Paysan dans ce sens reposent sur l’accompagnement à l’auto-construction des outils et à la production d’intelligibilités, de jugements et à l’acquisition de connaissances sur les interactions précédemment décrites. Les résultats montrent que c’est au cours de la conception en situation que se définit le caractère ‘adapté’ et ‘adaptable’ des outils (i.e. des outils évolutifs, transformables). L’étude de ce cas nous invite à réfléchir à l’adaptabilité des outils sur deux dimensions : à la fois l’adaptabilité d’un outil chez un agriculteur, dont le système de culture, le milieu ou les projets évoluent, ce qui contribue à leur robustesse (Darhnofer et al., 2010) ; et l’adaptabilité d’un outil entre plusieurs fermes, aussi évoqué par Lucas (2018), dans le cas des réseaux CUMA. Aussi, ces propriétés des outils reposent sur l’enjeu d’accroitre l’autonomie des agriculteurs dans leur conception – une définition de l’autonomie qui diffère ici de celle recherchée au cours de la conception d’outils dans

143 l’agro-industrie (où cette autonomie signifie diminuer la charge mentale des agriculteurs, notamment car certaines tâches sont réalisées par les machines et non pas par l’agriculteur). Cependant, rappelons que de tels processus de conception impliquent un fort engagement des agriculteurs, un investissement en formation et du temps, dont ils ne disposent pas toujours et pour lequel, jusqu’alors, ils ne sont pas soutenus.

Envisager la conception conjointe d’outils et de systèmes de culture pose cependant de nouvelles questions, et l’Atelier Paysan en défriche certaines, souvent dans l’action, en situation, et en capitalisant sur ses expériences. Envisager une contribution des EPST à cette dynamique impliquerait de rapprocher les travaux menés d’un côté en agronomie et de l’autre par les quelques chercheurs engagés sur l’innovation dans le machinisme, qui jusqu’à récemment collaborent peu (Piovan, 2018 ; Guillou, 2013) : que seraient des modèles agronomiques dans lesquels l’outil agricole pourrait être un objet à concevoir ? Quels modèles d’outils permettent de prendre en charge leur adaptabilité aux projets et situations de différents agriculteurs ?...

Ces résultats peuvent être discutés en regard de la notion de conception d’innovations couplées, introduite, dans le secteur agricole, par Meynard et al. (2017). Ces auteurs introduisent cette notion pour discuter de l’enjeu, aujourd’hui, de concevoir, de manière coordonnée, des innovations en amont (ex. des systèmes de culture au champ) et en aval (ex. procédés de transformation alimentaires) des filières agricoles. On propose d’étendre l’usage de cette notion à la conception couplée de systèmes techniques et d’objets venant en soutien à l’action des agriculteurs (qui, dans notre cas, se rapportent à des outils agricoles). Cette notion nous semble intéressante car elle offre une prise pour penser l’émergence d’innovations dont les processus de conception ont historiquement été découplés : d’un côté les systèmes de culture conçus, par des agriculteurs, et de l’autre la conception externalisée, d’outils, d’intrants (biocides, variétés)… par la R&D agricole. En agronomie, côté recherche, on trouve quelques travaux dans lesquels on discute de ces découplages (plutôt en relation avec les variétés). Par exemple, Jeuffroy et al. (2014) montrent que les modèles d’évaluation des variétés conçus hors des fermes ne permettent pas de prendre en compte la diversité des interactions à l’œuvre dans un système de culture en ferme, ou le rapport de Meynard et Jeuffroy (2006), qui souligne la dichotomie, dans des pistes de prospective sur l’avenir de la recherche sur les variétés, entre conception des variétés par la R&D d’un côté et conception des systèmes de culture de l’autre.

La logique d’une conception couplée d’innovations, telle que nous l’avons observée dans le cas de l’Atelier Paysan, pourrait être rapprochée, et mise en dialogue, avec les dynamiques à l’œuvre dans les réseaux de semences paysannes, décrites par Bonneuil et Demeulenaere (2007) ou Demeulenaere et Goldringer (2017), dans lesquels des agriculteurs, appuyés par des acteurs de la R&D agricole, conçoivent de nouvelles variétés en cohérence avec leurs systèmes de culture, leurs situations, leurs projets.

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5.2. Rôles endossés par l’Atelier Paysan : articuler étude de pratiques innovantes et conception en ferme

Qu’a-t-on appris de l’étude du cas de l’Atelier Paysan concernant les relations entre étude de pratiques innovantes et activités de conception ?

D’abord, en comparaison aux résultats du chapitre 2, l’étude du cas de l’Atelier Paysan rend compte de la façon dont une structure organise des explorations de pratiques variées autour d’un inconnu désirable (des outils pour une agriculture biologique et paysanne) et dans l’optique d’alimenter des dynamiques de conception distribuée dans les territoires. En particulier, les résultats rendent compte de plusieurs rôles qu’endosse l’Atelier Paysan pour organiser ces explorations de pratiques : (i) permettre, par différentes voies, la mise en commun de connaissances, issues d’expériences locales (en organisant des tournées de recensement d’innovations paysannes ; en offrant la possibilité à différents acteurs de mettre en commun, sur une plateforme internet, des apprentissages sur la conception d’outils en ferme…), (ii) transformer (ex. en générant des plans décontextualisés), organiser les connaissances émergeant de ces expériences, permettre leur mise en circulation pour qu’elles stimulent la conception de nouveaux outils, et permettre leur usage en situation (ex. en mobilisant les plans et témoignages au cours de formations à l’auto-construction)60. Enfin, c’est aussi parce que l’Atelier Paysan est une structure pérenne (à la différence de la majorité des initiatives présentées dans le chapitre 2) que les salariés sont en mesure de capitaliser sur des expériences et de réinvestir le fruit d’explorations passées. Parce que la structure est pérenne, ils sont en mesure (iii) de ‘rendre pensable’ et de faire vivre une visée partagée de transformation de l’agriculture dans laquelle des agriculteurs ou des partenaires de la R&D, distribués dans les territoires, peuvent s’identifier et s’organiser pour explorer un même champ de conception. On peut rapprocher ce dernier point de l’enjeu, décrit par Le Masson et Weil (2014) et par Berthet (2013) de formuler un ‘inconnu commun’ pour organiser des dynamiques de conception entre des acteurs a priori en concurrence ou en conflit (notons que dans le cas que nous avons étudié, c’est davantage le caractère distribué des activités de conception qui invite à la formulation d’un inconnu commun). Un autre résultat clé de ce chapitre porte sur l’étude approfondie d’une forme d’articulation entre ‘étude de pratiques innovantes’ et ‘activités de conception’ (un cas particulier identifié dans le chapitre 2 – se rapprochant des cas Auto’N ou Réseau Berry). Nous montrons comment et en quoi l’étude de pratiques innovantes au cours de leur réalisation, peut contribuer à ‘gérer l’exploration d’un espace inconnu’ dans une situation dans laquelle (i) on dispose de peu de connaissances a priori (ex. dans le cas de la conception du rouleau Faca Buzuk, on ne connaissait que très partiellement les interactions entre

60 Ces deux rôles peuvent être rapprochés de rôles décrits par Manzini (2015) dans des situations où des designers experts soutiennent la conception par des designers non experts ; il parle de ‘facilitateurs’, ‘activistes’ et de ‘promoteurs d’une culture de conception’, où les concepteurs experts stimulent, aident et soutiennent l’engagement et la réalisation d’activités de conception, ainsi que le partage de règles de conception auprès de non-experts.

145 techniques et avec l’outil qu’on souhaitait concevoir) et (ii) où on cherche à ce que les agriculteurs impliqués s’approprient et adaptent à leurs situations les objets en cours d’émergence. Le cas du rouleau Faca Buzuk montre notamment que c’est en amont, au cours de l’action et par confrontation à de nouvelles situations que se définissent progressivement des représentations systémiques (i.e. des modèles conceptuels) des objets en cours d’émergence. Nos résultats soulignent un trait original de ce type de processus : ces représentations systémiques servent à la fois à la définition progressive des outils et des systèmes techniques adaptés aux situations et projets des agriculteurs, et à l’émergence de

nouveaux contenus prescriptifs qui seront mis en circulation par l’Atelier Paysan (ex. les différentes versions des plans de l’outil). Comme nous l’avons souligné dans la partie « problématique », on évoque parfois dans la littérature l’émergence conjointe ‘de manières d’agir pour produire’ et ‘d’objets à visée prescriptive’ (ex. Lacombe, 2018; Prost et al., 2018), et nos résultats rendent compte de la réalisation de ce processus.

Plus précisément, plusieurs travaux ont déjà montré que les agriculteurs, en agissant dans leurs parcelles pour produire, obtiennent des informations, parfois surprenantes, qui les invitent à faire évoluer leurs systèmes techniques (Brédart et Stassart, 2017 ; Coquil, 2014). Certains évoquent, en relation avec les travaux de Schön (1983), le dialogue qu’ils établissent, au cours de l’action, avec les situations (ex. Cerf et al., 2012). Les résultats sur le processus de conception du rouleau Faca Buzuk montrent, dans le même sens, que c’est en réalisant des actions en situation, et par l’observation et l’interprétation de ce qui est en train de se faire, que les concepteurs, à la fois établissent des liens systémiques - c’est-à-dire qu’ils identifient des interactions - entre l’outil agricole, le système de culture envisagé et réalisé et l’évolution des états du milieu cultivé, et qu’ils sont en mesure de porter un jugement sur des choix qu’ils avaient faits (ex. en observant les réponses de la situation à leurs actions, les états du milieu les informent sur ce qui en résulte, qui avait été prévus ou non), ce qui les invite parfois à en envisager d’autres (ex. un jugement négatif invite à changer les espèces du couvert végétal, l’observation de la verse du couvert végétal invite à revisiter ses dates de plantation et/ou la date de passage de l’outil). En ce sens, le cas de la conception du rouleau Faca Buzuk en système légumier nous permet de montrer comment s’opère - par l’étude des pratiques, ici, en collectif - l’élaboration d’une représentation systémique, entre différentes entités vivantes et artificielles, au cours de l’action et dans l’objectif, ici, de la conception coordonnée de deux objets. Ainsi, les pratiques ‘innovantes’ sont étudiées au cours de leur mise en œuvre, et les étudier est génératif puisque cela contribue à faire émerger deux nouveaux objets. Nos résultats montrent aussi que cette étude permet, au cours de sa réalisation, l’identification de ce que nous avons appelé des ‘repères’ à la fois sur les conditions de réalisation et d’efficacité d’actions et sur les états du milieu souhaités en aval des actions. Ces repères peuvent être rapprochés d’indicateurs décrits par Toffoloni (2016), et nous montrons, dans le cas du rouleau Faca, leur rôle central dans les raisonnements pour la construction de représentations systémiques au champ au cours de la génération d’un nouvel objet. Aujourd’hui, l’Atelier Paysan trace peu ces repères (il se focalise davantage sur les

146 modélisations d’outils, inédits jusqu’à aujourd’hui). Un enjeu serait de davantage capitaliser sur ces repères qui pourraient servir de point d’appui pour, dans d’autres situations, envisager la conception conjointe d’outils et de systèmes techniques aux propriétés proches.

Une partie de notre étude s’est portée sur le cas du rouleau Faca Buzuk. Les salariés de l’Atelier Paysan rendent compte du fait que les traits de ce processus sont communs à ceux d’autres outils dont ils accompagnent l’émergence. Nos résultats gagneraient à être enrichis par l’étude comparée de plusieurs cas, et par une étude plus poussée des dynamiques collectives à l’œuvre, auxquelles nous nous référons mais que notre démarche de recherche ne nous a pas permis d’approfondir.

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L’étude de pratiques innovantes, source de

renouvellement des modèles conceptuels en agronomie, dans un

contexte de transition vers l’Agriculture Biologique

Ces résultats sont le fruit d’un travail réalisé en étroite collaboration avec Elise Favrelière et Aïcha Ronceux, respectivement ingénieure et chargée du projet VivLéBio à Agro-Transfert Ressources et Territoires. Ce chapitre mobilise des résultats du stage de césure de Florent Rodot, que nous avons co-encadré durant 5 mois.

Dans ce dernier chapitre de résultats, nous nous intéressons au projet VivLéBio, porté par Agro-Transfert Ressources et Territoires (AGT-RT), qui explore les modalités de gestion des adventices vivaces en Agriculture Biologique (AB) dans les Hauts-de-France. La gestion des vivaces a déjà fait l’objet de nombreux travaux de R&D, qui, jusqu’à récemment, étaient surtout centrés sur une maîtrise des vivaces à l’aide d’intrants de synthèse. La transition vers l’AB pose aujourd’hui de nouvelles questions aux agriculteurs, et interpelle les acteurs de la R&D dans la manière de venir en appui à ces changements en ferme. Dans le projet VivLéBio, l’hypothèse a été faite qu’étudier des pratiques innovantes d’agriculteurs en AB pourrait contribuer à enrichir les explorations agronomiques en appui à ces changements. C’est sur cette hypothèse que s’est ancrée notre collaboration avec les porteuses du projet VivLéBio : au travers d’une recherche intervention, nous avons exploré et suivi la construction de relations entre la réalisation d’une étude de pratiques innovantes et les expansions induites dans les raisonnements de conception en agronomie.

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Eléments d’introduction : gérer les adventices vivaces en

Agriculture Biologique ?

L’initiative sur laquelle nous portons notre attention dans ce chapitre vise à venir en soutien aux agriculteurs dans la gestion des adventices vivaces en Agriculture Biologique. Pourquoi s’intéresser à la gestion des adventices vivaces ?

D’abord, revenons sur ce que sont les ‘adventices’… On considère comme adventices toutes les espèces qui émergent sur une parcelle agricole sans qu’un agriculteur ait souhaité leur venue. Elles sont, de ce fait, depuis l’émergence de l’agriculture, des entités naturelles qu’on cherche ‘à gérer’, dans l’optique de permettre le développement d’espèces qu’on souhaite récolter (Figure 14). Gérer les adventices pour maitriser les problèmes qu’elles posent aux agriculteurs est un champ d’investigation qui a largement été exploré en agronomie, en relation avec diverses disciplines, comme l’écophysiologie, la malherbologie, la phytopharmacie ou l’écologie.

Figure 14. Les nuisibilités des adventices (d’après Macé et al., 2007 – traduit sur le site des mots de l’agronomie )

Les problèmes que posent les adventices sont de plusieurs ordres, comme le montrent Macé et al. (2007) (Figure 14) : ces adventices peuvent, sur une parcelle agricole, venir concurrencer (accès à la lumière, aux nutriments…) les espèces en culture, et ainsi impacter le rendement ; elles peuvent affecter la qualité du produit récolté, par le mélange de leurs graines avec celles des cultures, pénalisant ainsi leur valeur commerciale ; elles peuvent aussi contribuer à augmenter le nombre voire la durée des chantiers de travail (en ajoutant des interventions de désherbage, en contribuant à ‘bourrer’ les outils de récolte…) ; elle peuvent aussi abriter et maintenir des maladies ou parasites sur une parcelle agricole d’une année sur l’autre. On évoque le stock semencier du sol en référence au fait qu’une adventice présente un jour sur une parcelle a de grande chance de s’y redévelopper. Ainsi, pour toutes ces raisons, on cherche aujourd’hui à réduire les populations d’adventices car ‘elles posent problème’ (Figure 14) !

150 Parmi les espèces adventices, on distingue, classiquement, d’une part les ‘vivaces’ et les ‘pluriannuelles’ (on retiendra le terme ‘vivaces’ dans la suite du texte pour se référer à ces deux types d’adventices), et d’autre part les ‘annuelles’ ou ‘bisannuelles’. Contrairement à ces dernières, qui se multiplient principalement via la production de graines, les premières disposent d’organes spécifiques de stockage de réserves et de multiplication qui leur permettent de se reproduire sans nécessairement avoir recours à la production de graines. On parle de reproduction par voie végétative, qui s’opère soit à partir de racines tubérisées soit à partir de bourgeons situés sur des tiges souterraines ou rampantes (rhizomes, stolons,…), qui, dès lors qu’elles sont brisées (ce qui entraine une levée de la dormance), leur permettent de produire de nouvelles racines, de nouvelles feuilles et de nouveaux organes de multiplication. Historiquement, ces espèces étaient maitrisées par la présence, dans des rotations de cultures, de prairies pluriannuelles peu favorables à leur développement. Dans un contexte de déclin de la polyculture-élevage, lié à la spécialisation des exploitations et des bassins de production (Mignolet et al., 2012), ces adventices sont aujourd’hui majoritairement gérées à l’aide d’herbicides dédiés, conçus par la R&D agricole publique et privée. Leur gestion est d’autant plus contrainte que, pour certaines espèces comme le chardon, leur présence ‘en fleur’ sur les parcelles (donc au moment où elles peuvent se disperser par voie aérienne) est interdite, à certaines périodes de l’année, par la réglementation61.

Dans les régions de grande culture comme les Hauts-de-France, la croissance des surfaces en agriculture biologique se fait le plus souvent sans retour de l’élevage. Gérer les adventices vivaces en agriculture biologique –i.e. sans usage d’intrants de synthèse, et sans élevage, donc sans prairies temporaires dans les rotations de culture - soulève de nouvelles questions quant à leur gestion en pratique (quelles actions mettre en œuvre pour produire sans être infesté de vivaces ? Quels risques à laisser des vivaces dans un champ ? Comment se comportent ces vivaces ?...), et interpelle les contributions que peuvent faire des acteurs de la R&D pour soutenir le développement de l’AB.

C’est dans ce contexte que s’ancre le projet VivLéBio, à AGT-RT. Au travers d’une recherche- intervention, ce travail aura pour objectif d’éclairer des relations entre réalisation de ‘l’étude de pratiques innovantes’ et expansions dans les raisonnements agronomiques de conception. C’est donc au travers de l’étude d’une démarche en train de se faire, et à laquelle nous avons contribué, que nous avons exploré la question suivante :

Comment s’appuyer sur l’étude de pratiques innovantes pour enrichir les représentations agronomiques dans un contexte de transition vers l’AB ?

Dans le paragraphe suivant (§2), nous présenterons brièvement le projet VivLéBio, avant de présenter la méthode de recherche (§3) et les résultats (§4) qui seront discutés dans un dernier paragraphe (§5).

61 Le chardon est classé comme organisme nuisible par l’arrêté ministériel du 31 Juillet 2000. Sa propagation importante peut donner lieu à un arrêté ministériel, préfectoral ou municipal pour rendre la lutte obligatoire sur une zone et période donnée.

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Encadré 19. Mauvaise herbe - D’après ‘Les Mots de l’agronomie’ , Par Pierre Morlon et Nicolas Munier-Jolain

« Le problème des mauvaises herbes est consubstantiel à l’agriculture, apparue quand les hommes ont commencé à favoriser les plantes qu’ils désiraient récolter, et pour cela à « tirer les herbes qui par l’abondance des pluies & luxure de la terre, abondent et surmontent le grain nouvellement levé » (Estienne & Liébault, 1565, f. 98v). La