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Pippi är med på skolutflykt / Fifi se promène / Fifi en excursion

5. Analyse comparative des deux traductions françaises

5.2. Fifi Princesse / Pippi Långstrump går ombord

5.2.2. Pippi är med på skolutflykt / Fifi se promène / Fifi en excursion

Accompagnant ses amis et leurs camarades de classe lors d’une excursion organisée par la maitresse d’école, Pippi, déçue que le nom bois aux monstres ne reflète pas la réalité, décide de se faire passer pour le monstre. On notera une fois encore les différences entre les titres plus au moins éloignés de l’original.

« De ma vie, je n’ai vu un ogre aussi fougueux », se disait-elle. En effet, l’ogre grimpait sur un arbre comme un singe, atterrissait sur le poney et poursuivait,

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au galop de sa monture, les enfants qui essayaient de se cacher dans les buissons.

Sans cesser de galoper, il se penchait, attrapait quelques enfants au vol, puis repartait ventre à terre vers la caverne en hurlant :

« Et maintenant, je vais vous faire cuire pour le dîner ! »

L’une des petites filles (elle s’appelait Ulrika) demeurait à la lisière de la forêt.

(Loewegren, 1988 : 115-116)

- Ma foi, je n’ai jamais vu un monstre aussi sauvage, murmura-t-elle.

C’était bien vrai. Le monstre surgissait en hurlant, s’emparait de trois ou quatre enfants et les ramenait sur son épaule à la tanière. Le monstre grimpait à toute vitesse au sommet d’un arbre, sautait d’une branche à l’autre avec l’agilité d’un singe. Le monstre enfourchait son cheval et chassait les petits au galop, il se baissait, les attrapait au passage et fonçait à sa tanière avec ses proies en criant : - Je vais vous faire cuire pour mon dîner !

Les enfants s’amusaient tellement qu’ils auraient voulu que le jeu ne s’arrête jamais. Mais, tout à coup, le silence le plus complet se fit. Tommy et Annika se précipitèrent pour voir ce qui s’était passé. Ils trouvèrent le monstre assis sur une grosse pierre, avec quelque chose dans le creux de sa main.

- Regardez, il est mort, dit le monstre.

Un oisillon était mort. Il s’était tué en tombant de son nid.

- Oh comme c’est triste ! dit Annika.

Le monstre acquiesça.

- Mais, Fifi, tu pleures, dit Tommy.

- Pleurer ? Moi ? je ne pleure jamais ! - Mais tu as les yeux rouges, ajouta Tommy.

- Rouges ? dit Fifi en empruntant le miroir de M. Nilsson. Tu appelles ça rouge ? Ah ! Si tu avais été avec mon papa et moi à Djakarta ! Il y avait un type aux yeux tellement rouges que la police lui interdisait de se promener dans la rue.

- Pourquoi ? demanda Tommy.

Les enfants accoururent de partout pour voir ce que le monstre fabriquait. Le monstre déposa délicatement le stupide petit oiseau sur un coin de mousse tendre.

- Si je pouvais, je te rendrais la vie, dit-elle en soupirant.

27 Puis le monstre rugit :

- Je vais vous faire cuire pour mon dîner ! Les enfants se cachèrent dans les buissons.

Une des élèves de la classe, Ulla, habitait tout près du Bois des Monstres.

(Gnaedig, 2015 : 173-174)

On pourra d’abord discuter des différences dans le choix des mots de chacune des deux traductions. Si on les compare au texte de Lindgren certains détails sont omis ou légèrement transformés. On notera que Loewegren qui a pour habitude de franciser tous les noms des personnages, change également le nom du Ulla en Ulrika qui, précisons-le, n’est pas un prénom typiquement français. On peut alors légitiment se questionner sur l’intérêt de ce changement.

Mais ce qui nous intéressera plus particulièrement ici, c’est la partie concernant la découverte de l’oisillon et de la réaction de Pippi. Dans la traduction de Gnaedig le lecteur a accès à une Pippi chagrinée par la découverte d’un oisillon mort, mais qui refusant de l’admettre invente une histoire abracadabrantesque pour détromper ses amis et leur montrer qu’elle est une petite fille forte. Si l’on suit le résonnement qui voudrait que dans la traduction de Loewegren les mensonges y sont pour la plupart absents, on peut tout de même se demander pourquoi le passage concernant l’oisillon est supprimé. Là encore, on pourra émettre l’hypothèse que c’est pour ne pas présenter la mort d’un être vivant que la décision de couper cette partie a été prise.

Mais ce faisant, on perd cet aspect ou plutôt une nuance du caractère de Pippi qui peut aussi être peinée.

Ne concernant que la traduction de Gnaedig, un autre point pourra attirer notre attention.

On remarque que ce passage comporte deux parties. Dans la première on ne réfère jamais au personnage de Pippi en utilisant son nom, c’est « le monstre » qui est mis en scène. Or quand Tommy se rend compte que Pippi est affectée par sa découverte, il s’adresse à elle en l’appelant par son nom. On voit alors qu’on a d’un côté le monstre qui par essence est dénué d’affecte et de l’autre, Pippi qui elle est sensible. S’instaure alors une sorte d’alternance entre le monstre et la petite fille. Gnaedig rend bien ce jeu entre les deux personnages. Cependant, à la fin de ce passage Gnaedig écrit « Puis le monstre rugit : Je vais vous faire cuire pour mon dîner », or si l’on se penche sur le texte de Lindgren on peut noter que l’auteure écrit quant à elle, ”Sen gav hon till ett förfärligt rytande. Nu ska jag koka er till middag, skrek hon”. En effet, l’utilisation du pronom personnel hon, « elle » en français, indique que l’auteure parle de Pippi et non du monstre. Ceci pourrait alors représenter la réunion du monstre et de Pippi en un seul et même

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personnage, puisque le reste du temps Lindgren utilise soit le nom Pippi, soit le substantif

« vidundret ».

Après avoir terminé de jouer au jeu du monstre, la classe poursuit son chemin vers la maison d’Ulla qui habitant non loin de là, a eu la permission de convier ses camarades et Pippi a un goûter. Sur la route les enfants et la maitresse vont être les témoins d’une scène marquante.

Un cheval vieux et fatigué, n’ayant pas la force de tirer la charrette dont une des roues avait glissé dans un fossé, se voit injustement battre par le charretier Blomsterlund/Butard. Pippi qui ne peut supporter la vue de ces mauvais traitements et va donc se charger de donner une leçon au charretier tout en aidant le vieux cheval.

« Maintenant, lui dit-elle, montre-nous si tu es aussi vaillant à porter ce sac que tu l’étais à rosser ton cheval ! »

Butard se mit en marche. Il peinait en silence sous son fardeau et soufflait comme un bœuf. Fifi saisit les brancards de la charrette et la traîna jusqu’à la ferme.

« Le transport est gratuit, ainsi que le voyage dans les airs ! » dit-elle, après avoir traîné la charrette jusque dans la cour de la ferme.

Puis elle s’en alla. Butard bouche bée, la suivait des yeux.

« Vive Fifi Brindacier ! » crièrent les enfants, quand elle revint près d’eux. La maîtresse lui fit des compliments.

« Tu as été parfaite, ma petite Fifi, dit-elle. Il faut pour être bon pour les animaux. Pour les grandes personnes aussi, bien entendu. » (Loewegren, 1990 : 120)

- Allez, on va voir si tu es aussi doué pour porter des sacs que tu l’étais à manier le fouet.

Fifi brandit le fouet.

- Normalement, je devrais t’en faire tâter un peu, puisque tu as l’air d’aimer tellement ça. Mais ce fouet m’a l’air un peu déglingué, dit-elle en en brisant un morceau. Je dirais même plus, complètement déglingué, ajouta-t-elle en le cassant en petits bouts.

Blomsterlund se mit en marche avec le sac sur le dos, sans dire un mot. Si, il grognait un peu. Fifi prit la charrette par les brancards et la poussa jusque chez Blomsterlund.

- Voilà, le transport est gratuit, et le baptême de l’air aussi. Fifi tourna les talons et Blomsterlund resta longtemps à la regarder s’éloigner.

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Les enfants accueillir Fifi par un « Vive Fifi ! » quand elle les rejoignit. La maîtresse était également très contente et elle complimenta Fifi.

- Tu as bien agi. Il faut être bon envers les animaux. Et envers les gens aussi, bien sûr.

(Gnaedig, 2015 : 176-177)

Ce passage met en lumière plusieurs choses. Une fois encore on remarque le souci constant de franciser les noms avec ce Butard chez Loewegren. Ce qui saute ensuite aux yeux c’est l’accent mis sur la pénibilité de la tâche que réalise la jeune héroïne. En effet, on voit qu’étonnamment, sa force phénoménale est quelque peu amputée puisqu’elle traîne la charrette comme si le chargement était trop lourd, alors que les termes employés par Gnaedig sont plus neutres. On pourra toutefois, apporter une précision en disant que l’utilisation du verbe traîner plutôt que pousser (chez Gnaedig) a peut-être pour origine la volonté de conserver l’information directionnelle que le verbe dra, « tirer » en français, qu’utilise Lindgren, donne au mouvement.

On voit ensuite, que le passage dans lequel Pippi menace le charretier de lui infliger une correction à la mesure de celle subie par le cheval, avant de casser le fouet, est absent. Ce passage, que Gnaedig inclut dans sa version, met en scène une inversion de la balance des pouvoirs entre l’enfant et l’adulte. L’adulte risque la punition administrée par Pippi. Un autre élément vient confirmer que la raison justifiant la suppression de ce passage est bien le fait que l’adulte perde sa supériorité vis-à-vis de l’enfant. Lorsque la maîtresse félicite Pippi pour son intervention elle lui dit tout de même d’être bonne pour « les grandes personnes aussi ». Or si l’on se tourne vers l’original suédois, Lindgren écrit « Man ska vara god mot djur. Och mot människor också förstås », comme la traduction de Gnaedig le montre fort justement puisqu’il écrit quant à lui : « Il faut être bon envers les animaux. Et envers les gens aussi, bien sûr ».

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