CHAPITRE IV. Bilan de la phytoremédiation
IV.3. Phytolixiviation des métaux
La migration des métaux vers les lixiviats au cours du traitement a été confirmée par
les mesures des concentrations dans les lixiviats prélevés périodiquement lors de la
phytoremédiation. Il faut noter que, puisque le dispositif des casiers ne permettait pas le
prélèvement direct des lixiviats dans les drains, les prélèvements mesurés ont été effectués
dans les regards situés à la sortie des casiers et contenant des mélanges des lixiviats issus
des sols de trois espèces végétales, car le dispositif ne permet pas de les séparer (cf.
Partie II.3.1, Chapitre II). Les prélèvements mesurés ont été préalablement filtrés à 0.45 µm,
ils ne tiennent donc compte que des éléments dissous et des éléments sous forme de
particules extrêmement fines (cf. Partie II.3.5, Chapitre II). Par ailleurs, les prélèvements
mesurés n’ont pas été continus, mais très espacés dans le temps, ce qui ne permet pas de
s’assurer s’ils sont quantitativement représentatifs de la lixiviation dans le temps pour toute
la durée d’expérience. En outre, bien que les apports totaux en eau puissent être
grossièrement estimés, l’irrigation des casiers a été très contrastée, et il est difficile de savoir
quels volumes d’eau ont réellement percolé dans le sol, et à quels moments, et quelle est la
part d’évapotranspiration. Les mesures périodiques des concentrations des éléments et des
paramètres physico-chimiques (Eh, pH) dans les lixiviats, mises en parallèle avec les
résultats de l’étude de la spéciation, permettent de décrire le phénomène de la lixiviation au
cours du traitement de façon qualitative (cf. Chapitres V, VI), mais elles ne sont pas
suffisantes pour établir en toute rigueur un bilan quantitatif du flux de la lixiviation.
Pour obtenir une information quantitative sur la part de la lixiviation dans ce dispositif,
le flux de la lixiviation est estimé par l’établissement d’une balance de masse des métaux,
pour chaque compartiment végétalisé, à partir des mesures directes des métaux dans le sol
et dans les plantes. La quantité lixiviée est estimée par la différence entre la variation de
stock des métaux dans le sol et la quantité accumulée dans les plantes par compartiment
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estimée à 1881 kg, à partir du volume total de sol mis dans les casiers et des dimensions
des casiers (cf. Partie II.2.2., Chapitre II). Cependant, il est difficile d’estimer la masse du sol
après seize mois de phytoremédiation. Il est probable qu’elle a diminué suite au traitement
puisqu’un tassement de la couche de sol a été observé, et les fractions fines du sol ont pu
migrer vers les lixiviats. Pour s’affranchir de cette difficulté, la balance de masse entre l’état
initial et l’état final est établie par unité de masse de sol, soit pour un kilogramme de sol
(Tableau IV.7).
Le sol initial avant phytoremédiation a été homogénéisé et, comme nous l’avons vu
précédemment, peut être considéré comme homogène. Le stock initial des métaux dans un
kilogramme de sol avant phytoremédiation est calculé comme la moyenne des
concentrations mesurées dans le sol des casiers, après l’homogénéisation, la mise en dépôt
et avant la plantation du sol.
Pour calculer le stock résiduel des métaux dans le sol après phytoremédiation, il est
nécessaire de tenir compte de l’hétérogénéité du sol induite par le traitement, et de
considérer l’ensemble du sol dans un compartiment végétalisé. Les volumes de deux types
de sol représentant l’ensemble du sol d’un compartiment à l’état final, à savoir le sol au
niveau du système racinaire (sol rhizosphérique + sol non-rhizosphérique moyen) et le sol en
dehors du système racinaire (sol non-rhizosphérique extrême), ne peuvent pas être mesurés
directement. Néanmoins, il est possible d’estimer leurs proportions relatives dans le volume
total de sol d’un compartiment, à partir des dimensions du compartiment, de la profondeur de
la couche de sol, de la densité de plantation et des caractéristiques des systèmes racinaires.
Chaque compartiment végétalisé est d’une superficie de 4 × 1.3 m
2en surface et de 1 × 0.3
m
2au fond, il contient au fond une couche de gravier de 0.5 m d’épaisseur (massif drainant)
et par-dessus une couche de sol de 0.5 m d’épaisseur. Le volume total de sol dans un
compartiment est de 1.8 m
3. Le sol est végétalisé avec 10 plantes soit une densité de 2
plantes par m
2(cf. Partie II.2, Chapitre II). En seize mois de culture, de mai 2002 à
septembre 2003, les plantes ont accompli un cycle végétal annuel complet plus un été. Elles
ont développé des systèmes racinaires de grandes tailles, extensifs, ramifiés et denses (cf.
Figure II.8, Chapitre II). Les longueurs des racines mesurées à la fin de la phytoremédiation
sont d’environ 40-60 cm pour les trois types de plantes. Si l’on tient compte de la profondeur
initiale de la couche de sol (0-50 cm) et du tassement du sol observé après seize mois de
traitement, on peut considérer que les racines ont exploité toute la profondeur de la couche
de sol. A partir de la longueur racinaire mesurée, et de la densité et l’architecture des
systèmes racinaires observées à la fin de la phytoremédiation, en moyenne pour trois types
de plantes, le volume de sol colonisé par le système racinaire d’une plante peut être exprimé
approximativement par un cube de dimensions 0.5 × 0.5 × 0.5 met de volume de 0.125 m
3.
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peut être estimé alors à 1.25 m
3, ce qui correspond à 70 % de volume total de sol dans un
compartiment (1.8 m
3). Par la différence entre le volume total de sol dans un compartiment et
le volume de sol au niveau du système racinaire, le volume de sol en dehors du système
racinaire peut être estimé à 0.55 m
3soit 30 % de volume total de sol. Le stock résiduel des
métaux dans le sol est calculé alors comme la moyenne entre le sol au niveau du système
racinaire et le sol en dehors du système racinaire, pondérée par les proportions relatives de
ces sols dans le volume total de sol dans un compartiment.
Tableau IV.7. Balance de masse des métaux (mg) établie pour un kilogramme de sol (MS).
Stock initial dans le sol
aStock résiduel dans le sol
bCasier Témoin Casier Citrate
Iris Phragmites Salix Iris Phragmites Salix
Zn 2171 1367 788 1380 1106 639 941
Pb 607 474 273 482 447 255 434
Cu 380 349 202 362 274 160 222
Quantité extraite du sol
cQuantité phytoaccumulée
dQuantité lixiviée
eCasier Témoin Casier Citrate
Iris Phragmites Salix Iris Phragmites Salix
Zn <5 803 1383 787 1065 1532 1226
Pb <2 133 334 125 160 352 172
Cu <1 31 178 19 106 220 157
a
Moyenne calculée sur les quatre échantillons de sol prélevés chacun dans les quatre casiers du site
pilote après l’homogénéisation, puis la mise en dépôt du sol et avant la plantation.
b
Moyenne entre le sol au niveau du système racinaire (sol rhizosphérique + sol non-rhizosphérique
moyen) et le sol en dehors du système racinaire (sol non-rhizosphérique extrême), pondérée par les
proportions estimées de ces sols (70 et 30 %, respectivement) dans le sol total d’un compartiment
végétalisé à la fin de la phytoremédiation.
c
Quantité calculée par la différence entre le stock initial et le stock résiduel.
d