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CHAPITRE I. Synthèse bibliographique

I.1. Les polluants métalliques dans le sol

I.2.1. Interactions sol-plante dans la rhizosphère

L’interface sol-racine, avec le cortège de microorganismes associés, apparaît comme

le premier lieu d’interactions entre les éléments métalliques et la plante. Le volume de sol

soumis à l’influence de l’activité racinaire se définit sous le terme de rhizosphère (Darrah,

1993; Hinsinger, 1998a). Ce volume de sol varie selon la nature des plantes, en particulier

l’extension du système racinaire et ses propriétés de surface, les éléments considérés et les

propriétés physico-chimiques du sol (Alloway, 1995). Pour les éléments peu mobiles, la

rhizosphère se limite au(x) premier(s) millimètre(s) de sol situé(s) autour des racines

(Hinsinger, 1998a).

L’activité racinaire modifie les paramètres physico-chimiques du sol dans la

rhizosphère, et par conséquent, la spéciation des éléments métalliques (Hinsinger, 2001)

(Figure I.2).

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Figure I.2. Interactions sol-plante dans la rhizosphère (d'après Hinsinger, 2001).

I.2.1.1. Changement des concentrations ioniques

Les plantes prélèvent de l’eau et des éléments en solution, ce qui entraîne une

augmentation ou une diminution des concentrations ioniques de la solution du sol dans la

rhizosphère (Hinsinger, 1998a). Les éléments présents en solution du sol sont transférés à

l’interface sol-racine par la diffusion et le flux de masse (Lorenz et al., 1994; Mc Laughlin et

al., 1998).

Le flux des ions présents en grandes quantités dans la solution du sol, comme le

calcium ou le magnésium, est souvent supérieur à la demande. Ces ions peuvent alors

s'accumuler dans la rhizosphère et entraîner dans les sols calcaires la formation des

précipités de carbonates de calcium, autour des racines (Jaillard, 1985; Hinsinger, 1998a). A

l’inverse, les éléments présents en faibles quantités dans la solution du sol, comme c'est

typiquement le cas des éléments traces, sont transférés en quantité comparable au

prélèvement de la plante (Hinsinger, 1998a). Ceci entraîne une diminution de la

concentration en métaux tels que Zn et Cu dans la rhizosphère. Cette diminution engendre

un gradient de concentration à l’interface sol-racine et un transfert diffusif de ces éléments

vers les racines.

Par le prélèvement racinaire, les plantes modifient les équilibres chimiques dans le

sol au voisinage des racines. En effet, le rapport éléments traces/majeurs varie car la

fraction d’un élément prélevé par la plante par rapport au stock initial est très supérieure pour

les éléments traces. Les métaux initialement adsorbés sur les phases solides du sol peuvent

ainsi passer en solution (désorption) pour établir un nouvel équilibre sol/solution du sol

(Hinsinger, 1998a).

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I.2.1.2. Changement du pH

Le prélèvement des nutriments par les racines peut également modifier le pH du sol

dans la rhizosphère, du fait de l’activité d’échange racinaire. En effet, pour maintenir leur

neutralité électrique, les racines végétales compensent leur absorption ionique par une

excrétion de charges. Quand elles prélèvent davantage de cations que d’anions, les racines

compensent le déficit de charge en excrétant un excès de charges positives sous forme de

protons, ce qui entraîne une acidification du milieu. Dans le cas contraire, quand la plante

prélève davantage d'anions que de cations, les racines relâchent des ions hydroxyles ou

bicarbonates (Hinsinger, 2001). Par exemple, la nutrition en azote se traduit soit par le

prélèvement d’anion nitrate (NO

3-

), soit de cation ammonium (NH

4+

) ou, dans le cas des

légumineuses en association avec des bactéries fixatrices, d’azote moléculaire (N

2

). De

nombreuses études montrent que les plantes qui prélèvent de l’ammonium ou de l'azote

moléculaire acidifient la rhizosphère, alors que celles qui prélèvent de l’azote sous forme de

nitrate tendent à l'alcaliniser.

Des acides organiques peuvent également être excrétés dans la rhizosphère par les

racines. Cependant, ces acides organiques, dissociés au pH du cytoplasme sous forme

anionique, contribuent très peu (moins de 0.3 %) à l'acidification de la rhizosphère

(Hinsinger, 1998b).

Par ailleurs, la respiration racinaire augmente la pression partielle de CO

2

dans la

rhizosphère, contribuant une fois encore à son acidification (Hinsinger, 1998b). La

contribution de ce dernier phénomène à l’acidification rhizosphérique est particulièrement

importante dans les sols calcaires du fait de la dissociation de l’acide carbonique.

Ainsi, en modifiant le pH de la rhizosphère, les plantes peuvent très diversement

affecter la spéciation et la biodisponibilité des éléments traces, dont Zn et Cu, en raison, par

exemple, de la dissolution de certains minéraux comme les carbonates, oxydes, phosphates,

silicates et libérer ainsi les éléments traces contenus dans ces minéraux.

I.2.1.3. Changement des conditions redox

Les systèmes enzymatiques de type réductase au niveau des membranes des

cellules racinaires contribuent à l’environnement réducteur dans le voisinage immédiat de la

surface des racines (Marschner, 1995). La consommation d’oxygène par les racines et par

les micro-organismes du sol contribue également à la baisse du potentiel redox. Ces

changements des conditions redox favorisent la dissolution des oxydes de Fe et de Mn vu

que les ions ferreux et manganeux sont plus solubles que les ions ferriques et manganiques.

A notre connaissance, aucune étude n'a été réalisée à présent sur l'influence des

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changements de potentiel redox dans la rhizosphère sur la spéciation et la biodisponibilité du

zinc et du cuivre.

I.2.1.4. Complexation des métaux avec des exsudats racinaires

Les racines végétales et les microorganismes rhizosphériques libèrent des exsudats

organiques de masse moléculaire élevée ou faible (Marschner, 1995). Les exsudats

racinaires varient selon la nature des espèces végétales et des microorganismes, et les

conditions de croissance de la plante (Kabata-Pendias and Pendias, 1992).

Les principales macromolécules exsudées par les racines sont le mucilage

(substance gélatineuse formée de polysaccharides), les ectoenzymes et les protéines. Ces

composés ont diverses fonctions biologiques dont l'amélioration des contacts sol-racine, la

protection des zones apicales des racines, ainsi que le prélèvement des nutriments

(Marschner, 1995).

Les polysaccharides, les acides organiques, les phénols et les acides aminés

représentent l’essentiel des exsudats de faible masse moléculaire (Marschner, 1995). Ils ont

la capacité de former les complexes solubles avec les métaux tels que Fe, Mn, Cu, Zn et Pb,

accroissant ainsi leur mobilité dans la rhizosphère (Mench et al., 1988; Marschner, 1995).

Parmi les ligands organiques simples, le citrate, l'oxalate et le malate présentent de fortes

affinités pour les métaux tels que Cu, Zn et Pb (Mench et al., 1988; Hinsinger et al., 2001).

Ces ligands augmentent également la solubilité de nombreux minéraux en complexant

l'élément constitutif du minéral (Jones, 1998). Le citrate et le malate peuvent dissoudre

facilement les oxyhydroxydes de Fe, en particulier, la ferrihydrite et la goethite. L’oxalate

ayant une forte affinité pour le Ca, il est susceptible de dissoudre certaines phases minérales

riches en calcium, comme par exemple l’apatite.

L’excrétion des acides organiques par les plantes est stimulée en réponse à une

déficience nutritionnelle en Fe. Ce comportement commun à toutes les familles végétales,

excepté les graminées, représente une stratégie pour l’acquisition du Fe (Marschner, 1995).

Parallèlement, les graminées, dans le cas de carence en Fe, adoptent une stratégie

particulière en sécrétant des phytosidérophores (acides aminés, en particulier, acide

mugénique et avénique) qui possèdent de fortes propriétés de complexation vis-à-vis de Fe

et de Mn, mais aussi de Zn et de Cu (Marschner, 1995). Le transport de Fe complexé est

ensuite réalisé via un système spécifique présent dans la membrane plasmique des cellules

racinaires (Marschner and Römheld, 1994). Les implications des phytosidérophores dans les

mécanismes de prélèvement des éléments traces, comme le Zn et le Cu, restent sujets à

discussion en raison d’une faible affinité des transporteurs de la membrane plasmique pour

les complexes phytosidérophore-Zn/Cu (Mench and Fargues, 1994a).

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I.2.2. Mécanismes de prélèvement et d’accumulation des métaux