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CHAPITRE IV. Bilan de la phytoremédiation

IV.2. Phytoaccumulation des métaux

La figure IV.I présente les concentrations des métaux mesurées dans les parties

aériennes et dans les racines des plantes du casier témoin et du casier citrate à la fin de la

phytoremédiation. Rappelons que l’échantillonnage des plantes sur le site pilote a été limité

à une plante par compartiment, sans réplicas (cf. Partie II.3.4, Chapitre II). Ceci ne permet

pas en toute rigueur de statuer sur le caractère significatif des différences observées entre

les espèces végétales, ce qui limite la portée des conclusions qui peuvent être tirées lors de

leur comparaison. Néanmoins, il est possible à partir de ces données de dégager les

tendances générales de l’accumulation des métaux chez ces plantes.

Les concentrations mesurées dans les tissus végétaux en absence du traitement au

citrate (casier témoin) montrent que ces plantes accumulent naturellement de faibles teneurs

en métaux (Figure IV.1, a,c). Ceci n’est pas surprenant puisque les plantes utilisées sont des

plantes tolérantes et non hyperaccumulatrices. Les concentrations mesurées dans notre cas

sont du même ordre de grandeur que les concentrations généralement observées pour ces

types de plantes (Ye et al., 1998; McCabe et al., 2001; Ye et al., 2003). D’après les

tendances, parmi les trois éléments mesurés dans les tissus végétaux, l’élément le plus

accumulé est le zinc. Parmi les trois plantes, c’est le saule qui accumule le plus de zinc. Les

teneurs en plomb et en cuivre dans les tissus de trois plantes sont comparables et

sensiblement inférieures à celles en zinc, les teneurs apparemment plus élevées étant

observées dans les racines par rapport aux parties aériennes. Le cuivre est un élément très

phytotoxique pour la plupart des végétaux supérieurs, avec un seuil de la phytotoxicité de

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cuivre dans les parties aériennes des plantes sont faibles, et ne dépassent pas le seuil de la

phytotoxicité du cuivre. En même temps, les teneurs dans les parties aériennes sont

globalement inférieures à celles dans les racines. Ces observations suggèrent que ces

plantes adoptent des mécanismes physiologiques de résistance vis-à-vis du cuivre au niveau

des racines.

Figure IV.1. Concentrations des métaux dans les parties aériennes (a, b) et dans les racines (c, d)

des plantes dans le casier témoin et dans le casier citrate. L’incertitude sur le dosage est estimée à

<10% (Zn), <15% (Pb, Cu).

En tenant compte des tendances, en présence du citrate (casier citrate), les teneurs

en métaux dans les racines des plantes augmentent dans la majorité des cas

(Figure IV.1, d). Ceci suggère que l’apport du citrate augmente la solubilité des métaux dans

le sol et favorise leur transfert vers les racines. Or, il apparaît que l’apport du citrate n’induit

pas, et diminue même, le transfert et l’accumulation des métaux dans les paries aériennes

des plantes, comme le montre la diminution générale des teneurs en métaux dans les parties

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aériennes des plantes en présence du citrate par rapport au témoin (Figure IV.1, b). Les

teneurs en métaux dans les parties aériennes sont de 4 à 43 fois moins élevées que celles

dans les racines, suivant le métal et la plante. Ce phénomène est illustré par la diminution

des coefficients de translocation des métaux, soit des rapports entre les concentrations

mesurées dans les parties aériennes et dans les racines (C

p.a.

/C

racines

) (Tableau IV.5).

Tableau IV.5. Coefficients de translocation (C

p.a.

/C

racines

) des métaux dans les plantes.

Casier Témoin Casier Citrate

Iris Phragmites Salix Iris Phragmites Salix

Zn 0.20 0.68 1.24 0.24 0.23 0.21

Pb 0.03 0.94 0.06 0.04 0.02 0.04

Cu 0.18 0.55 0.12 0.13 0.13 0.06

A l’exception de l’iris, la translocation racines - parties aériennes diminue

sensiblement dans le casier citrate. Bien que les plantes de ce casier soient exposées aux

concentrations plus élevées des métaux solubles et donc potentiellement biodisponibles,

aucun symptôme de toxicité apparent sur la production de la biomasse, sur la croissance et

sur la physiologie des plantes n’a été observé. Ces tendances laissent supposer qu’en

présence de l’excès des métaux solubles les plantes adoptent des mécanismes de

détoxication, qui leur permettent de tolérer la présence des métaux toxiques dans le sol et de

réguler l’accumulation des métaux dans les tissus en limitant leur transfert vers les parties

aériennes.

La biomasse totale des plantes par compartiment des casiers a été déterminée

comme le produit de la biomasse sèche mesurée à partir d’une plante (racines plus parties

aériennes) par le nombre de plantes dans le compartiment (10 plantes par compartiment soit

2 plantes/m

2

). Ainsi, sur le site pilote, le saule produit 10 kg de la biomasse par compartiment

soit 1887 g/m

2

, l’iris 9 kg par compartiment soit 1698 g/m

2

, et le phragmite 7 kg par

compartiment soit 1321 g/m

2

.

La masse des métaux accumulés dans les plantes a été déterminée par

compartiment comme le produit de la concentration dans les plantes (racines et parties

aériennes) par la biomasse totale des plantes dans le compartiment. Les valeurs obtenues

se situent dans l’intervalle entre la valeur minimale obtenue pour le phragmite dans le casier

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témoin et la valeur maximale obtenue pour le saule dans le casier citrate : 1.3.-8.7 g de Zn,

0.3-3.2 g de Pb et 0.4-1.8 g de Cu. Les stocks totaux des métaux dans le sol initial par

compartiment ont été calculés à partir des concentrations des métaux dans le sol

(Tableau IV.1) et de la masse du sol sec par compartiment, qui est estimée à 1881 kg (cf.

Partie II.2.2., Chapitre II). Les stocks des métaux dans le sol initial par compartiment

s’élèvent à 4084 g de Zn, 1142 g de Pb et de 715 g de Cu. Il apparaît alors que par rapport

au stock initial des métaux dans le sol, la masse des métaux accumulés dans les plantes est

d’environ trois ordres de grandeur inférieure. Ceci est illustré par le calcul des fractions des

métaux extraits du sol par accumulation dans la biomasse des plantes (F

p

), soit des

pourcentages de la masse des métaux accumulés dans les plantes par rapport à la masse

des métaux dans le sol initial (Tableau IV.6) selon la formule suivante :

F

p

(%) = M

p

/M

i

= Q

p

C

p

/Q

i

C

i

× 100, (4)

où M

p

et M

i

représentent la masse du métal dans les plantes (racines plus parties aériennes)

et la masse du métal dans le sol initial, respectivement, C

p

et C

i

sont les concentrations

(mg/kg) du métal dans la plante (racines plus parties aériennes) et dans le sol initial

respectivement, Q

p

est la biomasse par compartiment (kg MS) et Q

i

est la masse du sol sec

par compartiment (1881 kg MS).

Tableau IV.6. Pourcentages des métaux accumulés dans la biomasse des plantes (racines

plus parties aériennes) par rapport au stock initial dans le sol.

Casier Témoin Casier Citrate

Iris Phragmites Salix Iris Phragmites Salix

Zn 0.06 % 0.03 % 0.16 % 0.05 % 0.05 % 0.21 %

Pb 0.05 % 0.02 % 0.03 % 0.04 % 0.06 % 0.28 %

Cu 0.12 % 0.05 % 0.10 % 0.11 % 0.12 % 0.25 %

Les résultats obtenus montrent que, malgré la production de biomasses importantes,

en absence comme en présence du citrate, ces plantes de milieux humides n’accumulent

dans leurs tissus qu’une faible fraction des métaux. Cette fraction apparaît non-significative

par rapport au stock initial des métaux dans le sol, puisqu’elle ne dépasse pas 0.21 % de Zn,

0.28 % de Pb et 0.25 % de Cu du stock initial dans le sol. Ceci indique que dans ce dispositif

de traitement, le mécanisme de la phytoaccumulation n’est impliqué que de manière

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marginale. La fraction accumulée dans les plantes apparaît faible par rapport à la fraction

totale extraite du sol (7 à 82 %) si l’on tient compte de l’extraction dans le sol au niveau du

système racinaire (Tableau IV.4). Ceci suggère que dans ce dispositif de traitement,

l’extraction des métaux du sol est due majoritairement à leur lixiviation. Le principal

mécanisme impliqué dans la décontamination du sol dans ce dispositif apparaît donc un

phénomène de la lixiviation, induite par l’action des plantes, et plus précisément par l’activité

racinaire, en conjonction avec l’irrigation (plus le citrate lorsqu’il est appliqué), qui peut être

désignée par le terme phytolixiviation.