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CHAPITRE IV. Bilan de la phytoremédiation

IV.1. Effet du traitement sur le sol

IV.1.2. Effet sur le sol au niveau du système racinaire

Les fourchettes entre les taux d’extraction obtenus dans le sol en dehors du système

racinaire (valeur minimale) et dans le sol au niveau du système racinaire (valeur maximale)

dans un compartiment végétalisé caractérisent le gradient d’influence racinaire en

conjonction avec le traitement physico-chimique, dans un volume de sol donné, pour une

période de la croissance végétale donnée, et pour une densité de plantation donnée. Ces

paramètres du système sont à prendre en compte pour une estimation de l’efficacité. La

densité de plantation, par exemple, est un paramètre essentiel, car elle conditionne

directement le volume du système racinaire dans un compartiment végétalisé. Il faut noter

que la densité de plantation pratiquée sur le site pilote dans notre cas (2 plantes/m

2

) est

faible par rapport à la densité de plantation habituellement pratiquée dans des procédés type

« filtres plantés de macrophytes » (8 plantes/m

2

) (Hammer, 1989). Une densité de plantation

plus importante permettrait d’augmenter le volume du système racinaire dans un

compartiment, et d’améliorer l’efficacité globale au niveau du compartiment végétalisé.

Le sol au niveau du système racinaire contient, pour une part, le sol rhizosphérique,

qui est en contact direct avec les racines et dans lequel l’influence racinaire est maximale.

De ce fait, les taux d’extraction dans le sol au niveau du système racinaire représentent le

mieux l’effet de l’espèce végétale, et plus particulièrement l’effet de la rhizosphère. Etant

donné que les systèmes sol-plantes d’un même casier ont été soumis au même traitement

physico-chimique (irrigation dans le casier témoin, irrigation plus citrate dans le casier

citrate), les différences en taux d’extraction observées entre les sols des différentes plantes

du même casier pourraient être caractéristiques de l’effet de l’espèce végétale.

Pour chacune des espèces végétales dans le casier témoin, les taux d’extraction

obtenus dans le sol au niveau du système racinaire se situent dans l’ordre suivant :

Zn > Pb > Cu. En moyenne pour les trois espèces végétales, ces taux sont de 50 % (Zn),

39 % (Pb) et 27 % (Cu) (Tableau IV.4). Ces observations suggèrent que la mobilité et la

biodisponibilité des métaux dans le système sol-plante représente en ordre décroissant :

Zn > Pb > Cu. Notons que dans le sol initial avant phytoremédiation, le zinc a été associé

majoritairement à des minéraux secondaires (oxyhydroxyde de fer, phosphate, et

phyllosilicate) et le cuivre a été associé essentiellement à la matière organique (cf.

Chapitre III, Chapitre VI). La plus forte extraction du zinc par rapport au cuivre suggère

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a priori que dans ce type de sol les phases porteuses minérales seraient plus facilement

altérées que la matière organique.

En tenant compte des tendances, l’effet de l’espèce végétale est globalement le

suivant : phragmite > saule ≈ iris. Les taux d’extraction dans les sols de l’iris et du saule sont

quasiment identiques et représentent 37-38 % (Zn), 23-24 % (Pb) et 7-8 % (Cu). En

comparaison avec ces deux espèces, les taux d’extraction dans le sol du phragmite sont

sensiblement supérieurs pour Zn (75 %) et Pb (71 %), et plus particulièrement pour Cu

(65 %). Au regard de l’incertitude liée au dosage (<5 % pour Zn et Cu, <8 % pour Pb), les

différences entre les taux d’extraction dans le sol du phragmite et ceux de deux autres

plantes dans le casier témoin (37 % pour Zn, 47 % pour Pb, et 57 % pour Cu) sont

significatives. Le nombre limité de prélèvements par compartiment ne permet pas de mettre

en évidence le caractère significatif de ces différences au regard de la variabilité de mesure

liée au prélèvement. Néanmoins, on peut constater que les mêmes tendances entre les

espèces végétales, et les différences similaires sont observées également dans le casier

redox et le casier citrate, l’extraction dans ces deux casiers dans le sol du phragmite étant de

17-31 % (Zn), 27-47 % (Pb) et 25-46 % (Cu) supérieure par rapport aux sols de deux autres

plantes (Tableau IV.4). Ces observations suggèrent que l’extraction supérieure obtenue dans

le sol du phragmite ne peut être due que partiellement à la variabilité de la mesure. L’effet

supérieur du phragmite sur le sol pourrait expliquer ces différences.

En effet, le sol au niveau du système racinaire (sol rhizosphérique + sol

non-rhizosphérique moyen) du phragmite dans le casier témoin est 2.5 (Zn) à 2.6 fois (Pb et Cu)

plus appauvri que les sols de l’iris et du saule (Tableau IV.3). L’appauvrissement plus

important du sol du phragmite en métaux suggère une plus forte réactivité de la rhizosphère

du phragmite par rapport à celles de l’iris et du saule. Parallèlement à l’appauvrissement en

métaux, le sol du phragmite est 2.5 fois plus riche en carbone organique que les sols de l’iris

et du saule (Tableau IV.3) et 3.4 fois plus riche que le sol initial (Tableau IV.1). Cet

enrichissement indique une plus forte concentration des composés organiques exsudés

dans la rhizosphère du phragmite (rhizodéposition carbonée), et par conséquent, une plus

forte activité biotique, puisque le carbone produit est la source majeure d’énergie pour les

microorganismes (Hinsinger, 1998b). Il est possible que les plantes n’exsudent pas tout à fait

les mêmes composés organiques, et n’abritent pas les mêmes microorganismes. En

particulier, le phragmite, qui est une espèce graminée, peut exsuder des phytosidérophores

(acides aminés) qui possèdent des capacités de complexation de Fe, Zn et Cu bien

supérieures à celles d’autres exsudats racinaires tels que les acides carboxyliques ou

phénoliques (Treeby et al., 1989; Marschner and Römheld, 1994; Hinsinger, 1998a). La

rhizosphère apparemment plus active du phragmite permettrait de remobiliser plus

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organique porteuse de Cu, par compétition avec des composés organiques exsudés dans la

rhizosphère.

Comme nous l’avons vu précédemment, en tenant compte des tendances, l’ajout du

citrate apporte un effet supplémentaire. Dans le sol au niveau du système racinaire du casier

citrate, pour les trois plantes, les taux d’extraction obtenus apparaissent supérieurs par

rapport au casier témoin. En moyenne pour les sols de trois plantes, ces taux augmentent de

15 % pour Zn, 6 % pour Pb et 24 % pour Cu (Tableau IV.4). L’augmentation la plus élevée

est observée pour le saule vis-à-vis de Cu (+41 %) et vis-à-vis de Zn (+23 %), suivie de l’iris

vis-à-vis de Cu (+22 %) et vis-à-vis de Zn (+14 %), suivie du phragmite vis-à-vis de Cu

(+11 %) et vis-à-vis de Zn (+7 %). L’augmentation de l’extraction de Pb est comparable pour

les sols de trois plantes (+6 %). Ces observations suggèrent que l’application du citrate au

système sol-plante favorise la remobilisation et l’extraction des métaux dans l’ordre

décroissant : Cu > Zn > Pb. Cette tendance, observée sur le site pilote (système

sol-plante-citrate), est en accord avec la tendance observée lors des essais au laboratoire, lorsque le

citrate a été appliqué au sol en absence des plantes (système sol-citrate). L’ensemble de

ces observations suggère que sur le site pilote le traitement au citrate produit sur le sol un

effet supplémentaire à l’effet des plantes et de l’irrigation. L’effet du citrate sur le sol semble

être qualitativement le même en absence comme en présence des plantes, et il se traduit

par la remobilisation des métaux suivant leurs affinités pour le citrate. La remobilisation dans

l’ordre Cu > Zn > Pb sous l’action du citrate correspond globalement à l’ordre de stabilité des

complexes métal-citrate, les complexes Cu-citrate étant les plus stables (log K = 5.90), suivis

des complexes Zn-citrate (log K = 4.98) et Pb-citrate (log K = 4.08) (cf. Chapitre III). Etant

donné l’échantillonnage limité, l’absence de répétitions, l’absence du casier soumis à

l’irrigation sans plantes sur le site pilote, l’effet du citrate ne peut pas être rigoureusement

dissocié et quantifié. Il faut noter par ailleurs que le traitement au citrate lors de l’expérience

de phytoremédiation a été effectué ponctuellement, durant un mois, environ cinq mois après

le début et dix mois avant la fin de l’expérience de la phytoremédiation. De ce fait, les

différences observées à la fin de la phytoremédiation entre les sols des différentes espèces

végétales pourraient être dues à d’autres facteurs tels que, par exemple, la croissance et la

propagation du système racinaire, ce qui expliquerait les différences entre les espèces

végétales observées dans le temps.

En résumé de cette partie, une première approche d’évaluation de l’effet du

traitement sur le sol, en termes de concentrations totales, montre que la phytoremédiation

avec les trois plantes dans le dispositif des casiers a permis d’extraire une fraction

importante des métaux du sol en seize mois. L’extraction des métaux du sol suggère leur

remobilisation sous l’action combinée des plantes et des traitements physico-chimiques.

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L’extraction la plus importante est obtenue dans le sol au niveau du système racinaire des

plantes. Ceci est dû à l’effet de la plante résultant de l’influence racinaire, et plus

particulièrement de l’effet de la rhizosphère. Les tendances montrent que l’iris et le saule

obtiennent des taux d’extraction similaires, qui sont de 37-38 % pour Zn, 23-24 % pour Pb et

7-8 % pour Cu. Par rapport à ces deux plantes, le phragmite apparaît sensiblement plus

efficace pour la remobilisation et l’extraction de Zn (75 %) et de Pb (71 %), et permet surtout

de remobiliser et d’extraire une fraction importante de Cu (65 %). La phytoremédiation

assistée par l’ajout du citrate favorise la remobilisation et l’extraction des métaux dans l’ordre

décroissant : Cu > Zn > Pb, pour les trois plantes. Les tendances dégagées laissent

supposer que la phytoremédiation dans ce dispositif des casiers pourrait impliquer deux

mécanismes : le prélèvement et l’accumulation des métaux par les plantes et/ou la lixiviation

des métaux du sol.