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Physique du renversement d’aimantation de nanoparticules magnétiques

Nous avons vu précédemment les propriétés physiques de l’alliage FePt ainsi que la morphologie adoptée par des particules de taille nanométrique. Ce paragraphe, lui, est consacré aux modèles physiques décrivant le comportement magnétique d’une assemblée de nanoparticules magnétiques. Pour une taille donnée de la particule, deux comportements magnétiques bien différents sont observés selon la valeur de la température :

– un comportement ferromagnétique à basse température (cycle d’aimantation ouvert, rémanence non nulle) ;

– un comportement similaire au paramagnétisme, appelé superparamagnétisme, au-dessus d’une certaine température critique (champ coercitif nul, rémanence nulle).

Nous présenterons dans un premier temps le superparamagnétisme puis nous termi- nerons par le modèle de Stoner-Wohlfarth qui décrit le retournement cohérent de l’aimantation d’une particule monodomaine ferromagnétique.

2.3.1

Le superparamagnétisme

Un matériau magnétique peut posséder une structure en domaines, c.-à-d. qu’il se subdivise en régions uniformément aimantées dans des directions différentes (do- maines) séparées par des parois (par exemple parois de Néel ou de Block) afin de minimiser l’énergie magnétostatique (Fig. 2.6a). Dans le cas général, l’énergie totale inclut en plus du terme magnétostatique, les énergies d’échange, d’anisotropie de volume (magnétocristalline par exemple) et de surface. L’énergie magnétostatique étant proportionnelle au volume tandis que l’énergie associée à la création des parois est surfacique, il existe un volume critique en-dessous duquel la création de domaines magnétiques n’est plus favorable et une aimantation uniforme dans l’ensemble du volume devient la configuration la plus stable (Fig. 2.6b). Pour un cristal sphérique, le rayon critique Rc en dessous duquel l’aimantation est uniforme est [59] :

Rc =

9γ µ0Ms2

(2.3) avec γ l’énergie de paroi par unité de surface et Msl’aimantation à saturation. Dans

le cas du fer, γ = 3 × 10−3 Jm−2, et Ms = 1.71 × 106 Am−1, on en déduit Rc = 7.3

nm.

L’énergie d’anisotropie d’une particule ferromagnétique monodomaine est pro- portionnelle, en première approximation, à son volume V . Dans le cas où la particule magnétique présente une anisotropie uniaxiale, la direction prise par l’aimantation en l’absence de champ magnétique extérieur est celle de l’axe d’anisotropie. L’ai- mantation présente ainsi deux états stables (Fig. 2.7a et c) séparés par une barrière d’énergie (Fig. 2.7b) : EB = KUV avec KU la densité d’énergie associée à l’aniso-

Fig. 2.6 – a) Matériau magnétique possédant une structure en domaines afin de minimiser son énergie ma- gnétostatique. b) En dessous d’une taille critique Lc, une aimantation

uniforme devient la configuration la plus stable.

barrière d’énergie EB séparant les deux configurations stables diminue et peut de-

venir inférieure à l’énergie thermique (kBT ). La particule se comporte alors comme

un « spin géant » dont la direction fluctue aléatoirement du fait de l’agitation ther- mique, mais sans remettre en cause l’existence d’un arrangement ferromagnétique des spins : c’est le superparamagnétisme.

Le temps de relaxation τ associé au retournement de l’aimantation a été donné par L. Néel en 1949 [60] :

τ = f0−1exp EB kBT



(2.4) Avec EB la barrière d’énergie à franchir pour retourner l’aimantation de la parti-

cule (EB ≈ KuV ), f0 la fréquence d’essai, dont la valeur communément admise est

f0 ≈ 109 Hz. Selon la valeur du temps de mesure tm par rapport au temps de relaxa-

tion τ , le comportement magnétique d’un ensemble de nanoparticules est différent. En effet, si tm >> τ , les particules se comportent comme un système paramagné-

tique (superparamagnétisme). Au contraire, si tm < τ , les propriétés magnétiques

sont quasi-statiques (état « bloqué »). Théoriquement, on définit la température de blocage TB séparant ces deux états par la relation suivante : tm = τ . On obtient

alors :

TB =

EB

kBln(tmf0)

Au dessus de cette température critique (TB), les nanoparticules magnétiques se

comportent comme des spins géants dont la direction d’aimantation va fluctuer aléa- toirement à cause de l’agitation thermique (superparamagnétisme). Lorsqu’il n’y a Fig. 2.7 – Évolution de l’énergie d’une particule ferromagnétique en fonction de l’angle θ entre l’aiman- tation et l’axe d’anisotropie en ab- sence de champ magnétique extérieur. L’énergie Ea associée à l’anisotropie

uniaxiale est de la forme : Ea =

pas d’interaction entre les nanoparticules et que leur anisotropie peut être négligée, l’aimantation moyenne en présence d’un champ magnétique H suit une loi en H/T donnée par la fonction de Langevin L(x), dont la représentation graphique est don- née ci-dessous : < M > M0 = L(x) = coth(x) − 1 x (2.5) avec x = µ0m0H kBT

où H est le champ magnétique appliqué, T la température et m0 le moment ma-

gnétique d’une particule. Ce modèle uti- lise une description classique selon laquelle l’aimantation de chaque particule peut prendre une direction quelconque.

Nous utiliserons deux développements limités de cette fonction : L(x) ≈ x/3 pour x << 1 (haute température ou faible champ) et L(x) ≈ 1 − 1/x pour x >> 1 (faible température ou champ élevé).

Ce modèle ne prend en compte que l’énergie de Zeemann, et une meilleure expression pour l’aimantation de nanoparticules superparamagnétiques est obtenue en prenant en compte l’anisotropie et en appliquant la statistique de Boltzmann. Dans le cas d’une anisotropie uniaxiale, le moment magnétique moyen d’une assem- blée de particules, dont la direction de leur axe d’aimantation facile est aléatoire, est donné par [61] :

hm(H, T )i = msat(T ) Z π 0 sin ψ1 Z Z π 0 Z 2π 0

exp[−α sin2θ + β(cos θ cos ψ + sin θ sin ψ cos φ)] × (cos θ cos ψ + sin θ sin ψ cos φ) sin θ dθ dφ dψ (2.6) avec Z = Z π 0 Z 2π 0

exp[−α sin2θ + β(cos θ cos ψ + sin θ sin ψ cos φ)] sin θ dθ dφ et

α = KV kBT

β = Msat(T )V H kBT

Les différents angles utilisés sont illustrés sur la figure 2.8. La formule 2.6 n’étant valable qu’à l’équilibre thermodynamique, les états métastables ne sont pas pris en compte. Par exemple, le phénomène d’hystérésis ne peut pas être décrit par ce modèle. Cependant, ce modèle est toujours valable à fort champ, car il n’y a plus d’état métastable. Dans la limite des forts champs magnétiques appliqués, l’équation 2.6 devient (premier terme du développement limité en 1/H) :

hm(H, T )i ≈ msat(T )  1 − kBT µ0H hMsat(T )V i  (2.7)

Fig. 2.8 – Définition des axes et des angles pour repérer l’axe d’anisotropie et l’aimantation d’une particule ainsi que le champ magnétique appliqué.

2.3.2

Le modèle de Stoner-Wohlfarth

Nous venons de voir le modèle théorique décrivant le comportement magnétique de nanoparticules dans l’état superparamagnétique. Nous allons maintenant présen- ter le modèle de Stoner-Wohlfarth qui décrit le retournement, à température nulle, de l’aimantation d’une particule ferromagnétique dans l’état bloqué. Ce mo- dèle décrit en première approximation le comportement magnétique des nanoparti- cules pour des températures inférieures à la température de blocage TB.

Ce modèle à deux dimensions permet de décrire le retournement cohérent de l’aimantation d’une particule monodomaine ferromagnétique [62]. La température du système est supposée nulle et l’anisotropie uniaxiale. Les différents angles du système sont représentés sur la figure 2.8, avec φ = 0 puisque ce modèle est à 2 dimensions. La direction de l’aimantation prise par la particule en présence d’un champ magnétique est alors déterminée en minimisant son énergie qui ne comporte que 2 termes : l’anisotropie uniaxiale Eanisotropie et l’énergie de Zeemann EZeeman :

E = Eanisotropie+ EZeeman (2.8)

= KuV sin2θ − µ0HMsV cos(ψ − θ)

Dans le cas d’une particule de forme ellipsoïdale, l’énergie du champ démagnétisant peut se mettre, à une constante près, sous la même forme que l’énergie d’anisotro- pie uniaxiale. Il suffit alors de remplacer la constante d’anisotropie uniaxiale Ku

par une constante d’anisotropie effective Keff qui tient compte de l’anisotropie de

forme et magnétocristalline. En utilisant des variables réduites, e = E/KuV et h =

µ0HMs/2Ku = H/Ha, où Ha représente le champ d’anisotropie (Ha= 2Ku/µ0Ms),

on obtient :

e = sin2θ − 2h cos(ψ − θ) (2.9) La position d’équilibre de l’aimantation correspond à l’un des deux minimums de l’énergie : ∂e ∂θ θm

= 0 ⇒ sin θmcos θm− h sin(ψ − θm) = 0 (2.10)

∂2e ∂θ2 θm ≥ 0 ⇒ cos(2θm) + h cos(ψ − θm) ≥ 0 (2.11)

Fig. 2.9 – Cycle d’hystérésis prévu par le modèle de Stoner-Wohlfarth pour une assemblée de particules ma- gnétiques identiques, sans interaction et dont les axes d’anisotropie sont aléatoirement distribués dans l’espace.

et l’aimantation projetée dans la direction du champ magnétique appliqué est donnée par :

M = Mscos(ψ − θm) (2.12)

Pour un angle ψ donné, la résolution des équations 2.10 et 2.11 permet de déterminer la position d’équilibre de l’aimantation pour différentes valeurs de champ magné- tique et d’obtenir ainsi un cycle d’hystérésis. Comme la température du système est supposée nulle, le renversement de l’aimantation se produit seulement lorsque la barrière d’énergie séparant les deux minimums d’énergie s’annule, c-à-d. lorsque la dérivée seconde (équ. 2.11) en θm s’annule. La valeur du champ magnétique réduit

h à laquelle se produit ce renversement est alors :

h = (sin2/3ψ + cos2/3ψ)−3/2 (2.13) Pour une assemblée de particules identiques, sans interaction et dont les axes d’ani- sotropie sont aléatoirement distribués dans l’espace, on obtient le cycle d’hystérésis à température nulle représenté sur la figure 2.9. Dans ce modèle, le champ coercitif Hc et l’aimantation rémanente Mr vérifient :

Hc = 0.48 Ha Mr = 0.5 Ms

Nous pouvons noter que la valeur de la rémanence dépend de plusieurs paramètres : – le type d’anisotropie : dans le cas d’une orientation aléatoire des axes d’ani- sotropie, la rémanence est égale à 0.5 pour une anisotropie uniaxiale, et est supérieure à 0.83 pour une anisotropie cubique (0.831 pour K > 0 et 0.866 pour K < 0)[63] ;

– une direction privilégiée (texture) dans l’orientation des axes d’anisotropie : la rémanence varie de 0 à 1 lorsque l’angle entre l’axe d’anisotropie des particules et le champ magnétique appliqué varie de 90° à 0° ;

– les interactions entre particules : la rémanence diminue pour des particules en interaction magnétostatique, alors qu’elle augmente dans le cas d’interaction d’échange [64].

2.4

Synthèse par voie chimique de nanoparticules