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Mécanismes de mise en ordre chimique des nanoparticules de

Nous avons vu précédemment que les particules de FePt présentant une structure cœur(riche en Pt)-coquille(riche en fer) donnent la phase L10 après un recuit. Ce

résultat indique que le fer de surface est disponible et qu’il peut diffuser vers le cœur cristallisé riche en platine pour former la phase L10.

Tab. 6.3 – Propriétés magnétiques de nanoparticules de FePt chimiquement ordon- nées après un recuit à 650°C.

6 K 300 K

Éch. Msat (emu/cm3) Hc (kOe) Msat (emu/cm3) Hc (kOe)

A1 1050 15.5 960 7.6 C1 650 17.8 600 6.0 D1a 840 9.4 750 4.0 D4 730 15.7 660 10.3 D5b 916 20.0 870 16.0 E 1090 15.9 900 9.6

aParticules de 14 nm (tri en taille)

bParticules de 16 nm (tri en taille)

Nous avons voulu étudier les mécanismes de la mise en ordre chimique de ces particules, notamment les premières étapes lorsque le fer commence à diffuser vers le cœur. Pour cela, nous avons réalisé une série de recuit (d’une durée de 1 heure) sous vide à différentes températures (entre 300°C et 650°C) sur l’échantillon A1 qui présentent une structure cœur coquille. La structure et les propriétés magnétiques ont été analysées au cours de la mise en ordre chimique par diffraction de rayons X (λCo=1.789 Å) et des mesures d’aimantation.

La lecture des paragraphes §2.1.1 et §3.3.3 est vivement recommandée afin de suivre facilement le raisonnement.

La figure 6.4 montre les diagrammes de diffraction obtenus pour les nanoparti- cules de FePt après des recuits à différentes températures. Nous pouvons remarquer qu’il n’y a aucun changement de structure après un recuit à 300°C et 350°C. Ce n’est qu’après un recuit à 400°C, que nous voyons apparaître deux pics très larges et peu intenses qui correspondent aux pics de surstructure (001) et (110) de la phase chimiquement ordonnée L10 (ces pics sont repérés par une étoile dans la figure 6.4).

Ensuite, nous observons une augmentation de l’intensité de ces 2 pics de surstruc- ture lorsque la température de recuit augmente. Nous pouvons interpréter cette augmentation de l’intensité des pics de surstructures selon deux modèles :

– Toutes les particules de FePt sont partiellement ordonnées (paramètre d’ordre à longue distance inférieur à 1) et l’augmentation de l’intensité des pics de sur- structure est liée à celle du paramètre d’ordre à longue distance S (l’intensité des pics de surstructure est proportionnelle à S2) ;

– Certaines particules sont chimiquement désordonnée (S = 0) alors que d’autres sont parfaitement ordonnées (S ≈ 1) : l’augmentation de l’intensité des pics de surstructure est cette fois liée à l’augmentation du volume ordonné, c’est à dire du nombre de particules ayant un paramètre d’ordre S ≈ 1.

Le fait qu’il y ait une forte dispersion des propriétés physiques des particules (dis- persion en taille et surtout en composition [83]) implique que toutes les particules ne s’ordonneront pas à la même température et que certaines, trop éloignées de la stœchiométrie, ne s’ordonneront pas dans la phase L10 mais dans la phase L12.

Fig. 6.4 – Étude par dif- fraction de rayons X de la structure des particules de FePt (cœur-coquille ; échan- tillon A1) au cours de re- cuit à différentes tempéra- tures. Les 2 pics principaux de la phase chimiquement or- donnée (001) et (110) sont repérés par une étoile.

Il semble donc évident que les deux modèles proposés sont trop simples et que l’on se trouve dans un cas intermédiaire beaucoup plus complexe à traiter : à la fois l’ordre à longue distance S et le volume ordonné augmentent au cours du recuit.

De plus, nous pouvons remarquer que la largeur des pics de surstructure est toujours supérieure à celle ces pics fondamentaux. Cela indique que la taille des domaines (partiellement) ordonnés est plus faible que celle des domaines non or- donnés. Une analyse plus poussée montre que la taille des domaines ordonnés est même inférieure à la taille des particules. Ainsi, l’ordre chimique est sûrement dif- férent d’une particule à l’autre, mais il semblerait que, en plus, l’ordre chimique ne soit pas homogène au sein d’une même particule. Cette hypothèse a été vérifié au cours de recuit in-situ dans un microscope électronique en transmission (cf. §6.2). En effet, nous avons observé que l’ordre chimique apparaît d’abord à proximité de la surface des particules pour ensuite se propager à l’ensemble du volume de la par- ticule. Les images MET des figures 6.12 et 6.14 illustrent parfaitement le fait que l’ordre chimique, caractérisé par les plans (001), n’apparaît pas sur l’ensemble de la particule.

Tout ceci fait qu’il est très difficile d’ajuster correctement les diagrammes de diffraction, que ce soit avec un mélange de phase (phase désordonnée et phase chi- miquement ordonnée L10) ou seulement la phase partiellement ordonnée (S < 1).

Nous pouvons cependant dire qu’après un recuit à 400°C, nous sommes en présence d’un mélange de particules partiellement ordonnée (elles sont responsables de l’ap- parition des pics de surstructure très larges et peu intenses) et de particules peu ou

pas ordonnées. Dans ce cas, les pics fondamentaux du diagramme de diffraction, me- surée après un recuit à 400°C, peuvent être attribués aux particules chimiquement désordonnées, et leur ajustement avec FullProf donne un paramètre de maille de 3.86 Å. Cette valeur, nettement inférieure à celle obtenue avant recuit suggère que le cœur cristallisé des particules est maintenant plus riche en fer. Nous attribuons cette diminution du paramètre de maille à la diffusion du fer de surface vers le cœur de la particule.

Ce résultat montre que dès 400°C, le fer de surface est capable de diffuser pour enrichir le cœur de la particule, ce qui permet ensuite d’obtenir la phase chimique- ment ordonnée lors de recuit à plus haute température.

Les résultats de l’étude magnétique apportent des informations supplémentaires. En effet, nous pouvons voir sur la figure 6.5b une augmentation de l’aimantation à saturation des particules après un recuit à 300°C et 350°C, alors qu’aucun change- ment n’est visible au niveau de la structure. L’augmentation de l’aimantation peut être attribuée au fait que la surface redevient magnétique suite à la décomposition d’une partie des ligands fixés à la surface des particules (rappelons qu’il est très probable que la surface des particules soit non magnétique du fait de son interac- tion avec les ligands). L’augmentation de la température de Curie observée après un recuit à 300°C et 350°C (cf. fig. 6.5a) est cohérent avec le fait que plus de fer magnétique contribue à l’aimantation des particules. Cette augmentation de la tem- pérature de Curie après un recuit à 300°C se voit également très bien sur les cycles d’aimantation à température ambiante (fig. 6.6a) puisque l’aimantation suit dans ce cas la loi de Langevin, loi attendue pour des particules superparamagnétiques, alors qu’avant une variation linéaire avec le champ magnétique était observée (la température de Curie des particules avant recuit est inférieure à 300 K).

Lorsque la température de recuit est supérieure à 400°C, la diffusion du fer de surface vers le cœur augmente et la formation de domaine chimiquement ordonnée peut avoir lieu. Cela est confirmé par l’augmentation du champ coercitif et de l’ai- mantation à saturation, ainsi que par l’apparition, à température ambiante, d’un cycle d’aimantation ouvert. Un recuit à haute température (650°C) entraîne d’une part, la transformation en la phase L10 de la majorité des particules, qui est conforté

par la forte augmentation du champ coercitif, et d’autre part d’une forte coalescence des particules. En effet, les cycles d’hystérésis mesurés à 6 K et 300 K (cf. fig. 6.6) après un recuit à 650°C possède une rémanence réduite très supérieure à 0.5 qui est la valeur attendue pour une assemblée de particules aléatoirement orientées et sans interaction. La valeur observée, autour de 0.7, suggère que les particules sont en interaction d’échange [64, 149].

Cette étude montre que la mise en ordre chimique des nanoparticules présentant une structure cœur-coquille se déroule selon le schéma suivant :

– lors d’un recuit à 300°C, une partie des ligands liés à la surface des particules sont dégradés. Il en résulte une augmentation de l’aimantation à saturation et de la température de Curie car la surface redevient en partie magnétique. – à 400°C, le fer de surface commence à diffuser vers le cœur riche en platine

pour former un alliage homogène plus proche de la stœchiométrie. Cela s’ac- compagne d’une diminution du paramètre de maille et d’une augmentation de

Fig. 6.5 – Série de recuit de nanoparticules de FePt présentant une structure cœur- coquille (échantillon A1) : a) Mesures d’aimantation en fonction de la température pour différentes températures de recuit. b) Évolution avec la température de recuit de l’aimantation à saturation et des champs coercitif mesurés à 6 et 300 K.

Fig. 6.6 – Évolution avec la température de recuit (de 1 heure sous vide) des cycles d’aimantation mesurée à une température de a) 300 K et b) 6 K, pour des nanopar- ticules de FePt présentant une structure cœur-coquille (échantillon A1).

la température de Curie et de l’aimantation.

– à plus haute température, l’ordre chimique et le volume ordonné augmentent et une augmentation du champ coercitif, de l’aimantation et de la température de Curie est observée.

En conclusion, ces résultats sont cohérents avec le modèle structural proposé pour ces nanoparticules : un cœur cristallisé riche en platine et une surface riche en fer non magnétique.