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Particules de FePt homogènes en composition

6.2 Microscopie électronique en transmission : recuit « in-situ »

6.2.2 Particules de FePt homogènes en composition

Le deuxième échantillon dont nous avons étudié les processus de mise en ordre chimique lors de recuits in-situ est celui présenté au chapitre 5.1. Ces particules de FePt, synthétisées à l’aide du protocole Fe0 Pt2+ dioctylether pentadécanenitrile

présentent une distribution bimodale centrée autour de 4.0 nm et 13.9 nm. Les plus petites sont constituées d’un seul cristallite, alors que les plus grosses sont polycristallines. Des recuits à 650°C permettent d’obtenir la phase L10 pour ces

deux populations de particules (voir §6.1).

Les cartographies chimiques des éléments Fe et Pt réalisées sur les particules de FePt de 14 nm suggèrent une structure plus homogène (fig. 6.13) que celle des particules étudiées précédemment. Le même résultat est obtenu pour les particules de 4 nm de diamètre, bien que dans ce cas là, les cartographies sont moins bien résolues et plus bruitées du fait de la petite taille des particules. Ces résultats montrent donc que l’utilisation du pentadécanenitrile à la place de l’amine oléique permet d’obtenir des particules bien plus homogène en composition.

a) 550°C, 7 min b) 550°C, 17 min c) 550°C, 35 min

d) 550°C, 48 min e) 600°C, 5 min f) 600°C, 25 min

Fig. 6.14 – Évolution de l’ordre chimique dans des nanoparticules de FePt lors d’un recuit in-situ à 550°C (protocole Fe0 Pt2+ dioctylether, pentadécanenitrile).

Nous remarquons que l’ordre chimique apparaît d’abord sur les bords des particules puis se propage à l’ensemble de la particule lorsque la durée du recuit, et/ou la température augmentent. Pour les plus grosses particules, la cinétique de mise en ordre chimique semble plus lente. Nous remarquons que même en augmentant la température à 600°C, la coalescence des particules est très limité.

Pour observer les mécanismes de mise en ordre chimique, nous avons réalisé sur ces nanoparticules un recuit in-situ de 50 min à 550°C (fig. 6.14). Nous remarquons que la mise en ordre chimique débute à partir de la surface des nanoparticules (fig. 6.14a, b), pour ensuite se propager à l’ensemble de la particule (fig. 6.14c). Ce résultat a déjà été obtenu au §6.2.1, pour des particules présentant une morphologie de type cœur (riche en Pt) - coquille (riche en Fe). Il semble donc être lié à la faible taille de l’objet étudié, et non à sa structure interne. Il faut cependant augmenter la température à 600°C pour commencer à voir des nanoparticules complètement ordonnées telles que celle montrée à la figure 6.14e où les plans (001) de la phase chimiquement ordonnée sont visibles sur l’ensemble de la particule. Nous remarquons d’ailleurs un plan d’anti-phase dans cette particule, ce qui indique que les défauts structuraux étendus peuvent apparaître et subsister dans de très petites particules, même lors de recuit à haute température. Comme il y a peu de particules sur la membrane de carbone, la coalescence est très limitée, même après un recuit à 600°C pendant 25 min (fig. 6.14f ).

a) b) c) d)

Fig. 6.15 – Images MET en haute résolution (prises à température ambiante) de nanoparticules de FePt (protocole Fe0 Pt2+ dioctylether, pentadécanenitrile) où les plans (001) de la phase chimiquement ordonnée L10 sont visibles, après un recuit

à 650°C de 20 min. Nous remarquons que si l’ordre chimique est amélioré après un recuit à haute température, certaines particules n’apparaissent toujours pas to- talement ordonnées. La polycristallinité et l’épaisseur relativement importante des grosses nanoparticules de 14 nm pourraient expliquer que les plans (001) ne soient jamais visibles sur l’ensemble de ces particules.

après un recuit de 48 min à 550°C, les plans (001) de la phase ordonnée L10 sont

visibles seulement sur les bords (fig. 6.14d ). Cependant, les particules étant rela- tivement grandes (14 nm), des effets d’absorption et de diffusion inélastique liés à la forte épaisseur traversée par les électrons ne permettraient pas l’observation des plans (001) sur l’ensemble de la particule. Ceci peut également venir du fait que les différents cristallites constituant ces grosses particules n’ont pas la même orientation. Il est donc tout à fait possible que ces particules soient entièrement ordonnées.

Nous avons poursuivi le recuit en augmentant la température à 650°C, mais l’instabilité de la membrane de carbone à cette température ne nous a pas permis de réaliser des images en haute résolution. Des images ont toutefois pu être réalisées à la suite de ce recuit (20 min à 650°C), l’échantillon étant revenu à température ambiante. Quelques-unes de ces images de nanoparticules - chimiquement ordonnées - sont présentées dans la figure 6.15. Le recuit à 650°C a amélioré l’ordre chimique puisque environ 25% des particules où les plans (001) de la phase L10 sont visibles

présentent un ordre chimique sur l’ensemble de leur volume (fig. 6.15a) Toutefois, il subsiste encore de nombreuses particules où seule une partie du volume apparait ordonné (fig. 6.15b). Cela est d’autant plus vrai pour les grosses particules, où les plans (001) ne sont jamais visibles sur l’ensemble de la particule (fig. 6.15c, d ). Les raisons évoquées précédemment (polycristallinité, forte épaisseur) pourraient expliquer cette observation.

Comme les contrastes observés en MET en haute résolution résultent de l’interfé- rence des différents faisceaux diffractés par l’échantillon et de la fonction de transfert du microscope (et donc du réglage de la focalisation), les images sont souvent diffi- cile à interpréter et la comparaison avec des simulations est parfois nécessaire pour remonter à la structure cristalline de l’échantillon. De plus, il faut en toute rigueur réaliser une série d’images de la même zone de l’échantillon pour différentes valeurs de la focalisation (technique couramment appelée série focale) afin de déterminer

Fig. 6.16 – Les différents détecteurs en STEM : le champ clair (BF) récupère les électrons transmis ayant peu interagi avec la matière ; le champ sombre annulaire (ADF) récupère les électrons diffractés par le matière cristalline et ceux diffusés inélastiquement ; le champ sombre annulaire grand angle (HAADF) ne récupère que les électrons diffusés inélastiquement et permet d’obtenir un contraste chimique lié au numéro atomique (contraste ≈ Z2).

sans ambiguïté la structure de l’échantillon.

Une alternative pour observer l’ordre chimique dans les nanoparticules consiste à utiliser une autre technique où l’interprétation des résultats est directe : le STEM (microscopie électronique en transmission à balayage) en mode HAADF (champ sombre annulaire à grand angle). Le principe du STEM HAADF repose sur la diffu- sion inélastique des électrons par les noyaux constituant l’échantillon. Les électrons qui ont interagi avec le noyau par l’intermédiaire de la force de Coulomb sont for- tement déviés (diffusion de Rutherford) et un détecteur annulaire permet de les récupérer (fig. 6.16). Le nombre d’électrons diffusé aux grands angles est d’autant plus important que le numéro atomique6 Z de l’élément chimique est élevé, et on peut montrer que le contraste d’une image STEM-HAADF est proportionnel à Z2.

Le contraste ainsi mesuré en chaque point de l’échantillon - lorsque sa surface est balayée par faisceau d’électrons convergeant de quelques Angstroems - permet de réaliser des images avec un contraste chimique (contraste en Z) et une résolution atomique.

Dans le cas du FePt dans la phase chimiquement ordonnée L10, la structure

cristalline correspond, dans la direction de l’axe cristallographique c, à une succes- sion de plan pur de fer et de platine qui ont des numéros atomiques très différents (ZPt= 78 et ZFe = 26). L’observation de ces plans atomiques (001) sera donc aisée

en STEM-HAADF pour les particules correctement orientée avec le faisceau d’élec- trons (axe c perpendiculaire au faisceau). Ainsi, contrairement aux images MET en

6Le numéro atomique Z d’un élément chimique correspond au nombre de protons qui constitue,

Fig. 6.17 – Images STEM en mode HAADF de nanoparticules de FePt (protocole Fe0 Pt2+ dioctylether, pentadécanenitrile) après un recuit à 650°C pendant 20 min. L’ordre chimique est visible sur l’ensemble de la particule de l’image a), mais seule- ment sur une partie pour la particule de l’image b), qui est orientée suivant l’axe [110], où un plan d’anti-phase et des macles sont également visibles.

haute résolution qui ne permettaient pas de conclure, pour les grosses nanoparticules de FePt, si l’ensemble ou seulement une partie de la particule est chimiquement or- donnée après un recuit à 650°C, les images STEM-HAADF pourraient apporter plus aisément une réponse directe (sous réserve d’une orientation favorable de la parti- cule par rapport au faisceau). Les observations STEM-HAADF ont été réalisées par Pascale Bayle-Guillemaud sur un microscope électronique en transmission FEI Titan.

Le faisceau d’électron étant concentré sur une taille de quelques Angstroems, la densité de courant est particulièrement élevée. Aussi, des problèmes de contamina- tion, liés à la présence de matière organique à la surface des particules, apparaissent et rendent difficiles l’obtention d’images avec une résolution atomique. Concernant les nanoparticules de 4 nm, les images STEM-HAADF montrent et des particules to- talement ordonnées (fig. 6.17a) et d’autres partiellement ordonnées, ce qui confirme les observations MET en haute résolution. Pour les particules de 14 nm, nous n’avons pas observé de particules ordonnées sur l’ensemble de leur volume. Ces particules étant polycristallines, les différentes orientations des cristallites constituant les par- ticules ne permettent pas l’observation de l’ordre chimique sur l’ensemble de la particule. Cependant, dans le cas d’un cristallite bien orienté par rapport au fais- ceau d’électrons (de façon à pouvoir observer l’alternance de plans pur de Fe et Pt), le STEM-HAADF devrait permettre de déterminer sans ambiguïté si l’ensemble du cristallite est chimiquement ordonnée ou seulement une partie. Ainsi, nous avons pu observer en STEM-HAADF de nombreuses particules polycristallines de FePt présentant sur un même cristallite (6.17b) la coexistence d’une zone désordonnée (zone 3) et ordonnée (zone 4). Dans cette dernière zone, nous observons également une paroi d’anti-phase où les plans purs de platine sont décalés d’une valeur égale

à la moitié du paramètre de maille c. Cette particule, qui est orientée suivant l’axe [110], présente la particularité de posséder plusieurs défauts étendus de type macle. Ainsi, deux zones ordonnées (zone 1 et 4) sont séparées par une zone non ordonnée et orientée différemment (zone 2). L’angle entre les plans (001) des zones ordonnées et les plans (111) de la zone non ordonnée est d’environ 164°. Comme la particule est en axe de zone [110], l’angle entre les plans (200) et (111) est de 55°, ce qui implique que la désorientation des plans (200) au niveau du plan de macle est d’environ 109° (soit un angle de 71° entre les normales à ces plans).

6.2.3

Conclusion

L’étude, effectuée par en microscopie électronique en transmission lors de recuits in-situ, montre que la mise en ordre chimique débute par la formation d’un germe complètement ordonné à la surface de la particule. Ce germe croît ensuite dans tout le volume de la particule lorsque la température de recuit augmente (ou sans doute pour des recuits plus longs que ceux réalisés ici). L’apparition de la phase chimique- ment ordonnée requiert la rupture puis la création d’un grand nombre de liaisons chimiques. Le fait que les atomes proches de la surface soient plus mobiles peut expliquer pourquoi la mise en ordre chimique débute à la surface des particules. L’autre explication proposée est liée à la structure des nanoparticules de FePt syn- thétisées par voie chimique : un cœur riche en platine et une surface riche en fer. En effet, lorsque la diffusion du fer de surface vers le cœur cristallin (déficient en fer) débute, la stœchiométrie est probablement et naturellement d’abord obtenue à la surface de ces particules. Ainsi, la phase chimiquement ordonnée L10 peut y ap-

paraître plus rapidement. À l’opposé, le temps requis - ou la température nécessaire - pour ordonner chimiquement le cœur riche en platine dans la phase L10, est plus

important car la diffusion du fer de surface vers le cœur est un préalable à la mise en ordre chimique.

D’autres observations en MET lors de recuit in-situ sont prévues afin de mieux comprendre les mécanismes de mise en ordre chimique dans les nanoparticules de FePt. L’accent sera mis sur l’étude de la cinétique de mise en ordre chimique en fonction de la taille des particules afin de vérifier l’existence d’une taille critique en dessous de laquelle la phase L10 n’est plus stable. Cette étude permettra peut-

être de vérifier ou d’invalider l’hypothèse, émise par Chepulskii et al. à partir de simulations Monte Carlo, selon laquelle l’absence d’un ordre chimique relativement élevé, observée expérimentalement lors de recuits à 600°C de particules de FePt de faibles tailles (3.5 nm), est essentiellement un problème de cinétique plutôt que d’équilibre thermodynamique [150].