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c Organisation du volume : foliotation, réclames.

I. Phonétique et graphies

1. Voyelles.

A

[a] accentué et libre donne normalement [ẹ], par allongement de la voyelle sous l’accent puis diphtongue et réduction : [a] > [aa] > [aẹ] > [ẹ]. On le trouve notamment : - dans les terminaisons masculines de participes passés issues de –atu (m), graphiées dans le manuscrit « -et » : Prol 16 registret, Mon 27 delitet… , dans les noms à finale < -atu (m) , -ate : formes marquées graphiées « -és », formes non marquées « -et », peckiés (par ex.Lam 365) / peckiet (par ex. Lam 1045), Lam 431 necessitet, Lam 432 pitet.

- à l’intérieur du mot : Lam 375 tecke, Or II 1 Peres, etc..

Contrairement à ce qui se passe en général dans les parlers picards (Gossen § 1), il semble qu’il n’y ait pas eu de fermeture supplémentaire en [ẹi] : aucune graphie ne suggère cette évolution dans le manuscrit.

Dans la séquence issue de [-awu] < -avu, -aucu, -auca, -agu : on touve « au » là où le francien aboutit à « ou » ou « eu ». clavu > clau dans les composé clawetees Mon 1729, claucefÿet Or III 15, * aucas > awes Prol 507, * hauware > hauver OM 1025, paucu > pau Lam 207.

Dans les participes passés féminins où la terminaison en –ata s’est touvée après [y], on aboutit à [iẹ ] puis [i ] ; c’est un trait caractéristique des parlers picards. Tous les participes passés féminins avec base finissant par une palatale se comportent ainsi : pas d’exemple de terminaison [iẹ ]. Ainsi cauchies Non 494, edefiies Mon 650, liie < legata Non 631, exauchie Non 4, lanchies Non 496, cointiies Non 495… Le manuscrit donnait régulièrement dans ces finales après [i] terminant la base des graphies en « – ye(s) » (lye, cointyes). Nous avons transcrit « iie(s) », le « y » correspondant ici clairement à un double « i ».

[a] accentué et entravé :

-dans le produit de talis, qualis : [a] + [l] vocalisé donne « eu », « ieu » : teus, queus, tieus, quieus (Gossen § 5) , par diphtongaison du [ẹ ] issu de [a] conditionnée par [w] < [l] vocalisé. La vocalisation semble s’être produite, l’alternative (chute du [l] donc tes, ques) n’étant pas représentée. Le copiste note cependant toujours « l » : tels Lam 1790, quels Mon 360, telz Non 424, quelz Mon 360, sans prendre acte de la vocalisation, et pas de trace de triphtongue [iẹu].

- même évolution pour les terminaisons issues de –alis : morteus (graphie conservatrice Lam 1181 morteuls), venïeuls Lam 1182.

-[a] + [y] donne normalement une diphtongue [ai] puis [ẹy] qui se réduit à [ẹ] dans magis > mais, graphié mes , facis > fais, fes, etc. On notera que sur le modèle de cette évolution (une ancienne diphtongue [ay] donnant [ẹ]), la graphie « ai » note couramment le son [ẹ], par exemple dans leaice Lam 1098 (alterne avec laice, leesce, leche), rikaice qui rime avec noblece (ailleurs noblaice), risait Lam 2057, etc.

Il a pu parfois y avoir monophtongaison de [ay] en [a] au lieu du passage à [ẹy], comme en témoignent les rimes aumare / vestiare / bare / contraire, Mon 781-784. Un argument pour cette monophtongaison serait le phénomène similaire qui substitue « o » à « oi » dans memore, tempore, glore, voir ci-dessous. On peut cependant penser que les graphies « ai » et « a » sont interchangeables (Gossen, § 6) et qu’il est donc difficile de trancher entre une prononciation [ẹ] ou [a] du produit de [a] + [y] dans les exemples précédents. Dans rades Mon 1699, la rime avec « pades » (« pattes ») suggèrerait une réduction similaire en [a].

- áticu donne « -aige » ou « -age ». Même type de confusion dans les graphies que ci- dessus, voir Gossen § 7 . On trouve une grande majorité de graphies « –age » mais des rimes hors corpus sage / lunage / avantage / salvaige.

- [a] + [ ] : il y a pu y avoir des confusions –ail / eil, avec peut-être fermeture du [a] en [e] sous l’influence fermante du [l] mouillé : on rencontre les rimes oreille / merveille / pareille / travaille (OM 861-864), travaille / esveille Med 733-734

- [a] en hiatus avec la voyelle accentuée passe normalement à [ ]. L’ hiatus n’existe apparemment plus dans les subjonctifs imparfaits et formes faibles des passés : seusce Lam 1792, deusses Prol 7, ni dans la plupart des noms et adjectifs : Non 359 meure < matura. Le « e » reste toutefois noté dans la plupart des cas (mais : viesture Non 120). En cas de réduction de l’hiatus, on peut hésiter entre une prononciation [ü] ou [ ] ; voir les rimes eure / demeure / meure / fourkeure, Non 357-360.

- il y a confusion régulière entre les groupes « ar » et « er » devant consonne : darrain Mon 538, emperkiet Mon 123 ( de emparkier), kierkier Mon 642 (la confusion a dû se faire avant la diphtongaison des [e] entravés, cf. ci-dessous)

- [a] + [y] donnerait normalement [ẹ] mais on constate comme en syllabe accentuée une monophtongaison en [a] ou une utilisation d’une graphie « a » pour [ẹ] : mascielles Mon 116, lassai Lam 251, fasons Mon 137, encrassier Mon 1028.

[a] initial :

-il se conserve parfois après [k] et [g] au lieu de passer à [ẹ], [ ], dans la mesure où la consonne vélaire ne se palatalise pas devant [a] en picard. On a donc enkaïr (en + kaïr) Or I 47, cajus Lam 1564, chavances OM 1047, mais qui alternent dans le manuscrit avec enkeïr (en + keïr) Or I 42, cheens Lam 253, chevance Lam 738.

-[a] initial se conserve en hiatus : flayaus Prol 457, praiechierent Lam 1679, s’aümbra Or V 15, aourer Lam 1237, aempliras Lam 1269.

-[a] initial peut se substituer à « e » étymologique : manechiés Mon 1464.

Remacle (§ 3, p. 42) signale une prédilection du wallon pour le [a] initial et explique ainsi les interversions entre « a » et « e » dans cette position. On relèvera ainsi, en dehors de groupes « ar » et « er » qui sont assez interchangeables en picard également, un rawarde en Mon 1001.

E ouvert, [ę]

[ę] accentué et libre, donne normalement [iẹ] puis [yẹ] : bien < bene, etc.

Il arrive en wallon que la diphtongue se réduise à [i] (Gossen § 10). Ici le texte se place plutôt du côté picard : liege < electus, Med 472.

Les [ę] entravés, accentués ou non, diphtonguent :

Contrairement à ce qui se passe en francien, les [ę] accentués ou en position protonique, ou encore les [ę ] issus d’un ancien [a] passé à [ę] dans le groupe « ar » > « er », diphtonguent systématiquement malgré l’entrave. Carricare donne karkier, kerkier, puis après diphtongue kierkier Mon 642 ; on trouve ainsi apriés Lam 5, bielle Non 306, sievir Non 613, viestis Et 100, tiere Or I 14, iestre, viespres Et 143, fieste Et 178, demisieles Beg 22, etc…

C’est un phénomène plus spécifiquement wallon, même s’il affecte aussi d’autres parlers du nord-est. Les graphies « ie » apparaissent très majoritairement dans le manuscrit.

[ę] accentué, au contact d’un l ou l mouillé devant consonne, donne [ẹau] puis en francien [ au] puis parfois [ ], mais en picard « iau » : haiaume Mon 349, biauls Or II 23.

E fermé, [ẹ]

[ẹ] accentué et libre : il diphtongue normalement pour donner [ẹi] puis [oi], [oẹ], [wẹ], toujours graphié « oi » : loire Mon 180, hoir Mon 54… Mais dans les infinitifs sir (OM 504), veir Lam 1503, kaïr, keïr et leurs composés, il a dû y avoir attraction par la deuxième conjugaison, en raison de nombreux points de contact au parfait (Gossen § 17).

[ẹ] accentué issu de [ĕ] ou [ĭ] latins, au contact de l ou [ ] mouillé avec entrave, donne en francien [ẹw] puis [ ] : ceux, eux, cheveux... Ailleurs ( partout sauf dans le Centre, la Normandie et le Nord-Ouest) [ẹw] passe à [ęw] puis [ au] et plus spécifiquement en picard à [yau] puis [au]. Ainsi illos > eaus ou iaus, *ecce illos > ceaus ou chiaus. Le manuscrit donne majoritairement des formes en [yau], [au] : Lam 1201 chiaus, Lam 2152, 2156 yaus, Med 137 iauls, Mon 1172 chaus, consaus Prol 468, mais quelques formes en [ au] : Mon 48 eaus.

[ẹ] accentué fermé par [y] : tegula, regula, donnent tieule Mon 1273, rieule Mon 30, riule Mon 169.

[ẹ] accentué + nasale : en francien « oin » (avoine, moins), en picard graphies uniformes « ain » ; avaine Et 116, mains < minus Lam 509, paine Mon 1484, etc. « Le picard ignore (…) l’évolution à oin survenue dans l’Est et dans certains mots de la langue nationale » (Gossen, § 19).

[ẹ] initial :

- devant une consonne labiale, il donne parfois [ü] : prumerain Mon 406, prumiere Et 12, frumee Or V 20.

- il peut de fermer en [i] : yretage OM 475, hiraut Mon 352, Climenc, particulièrement devant [ ] et [ ] mouillés : signeur Mon 502, grigneur Mon 620, milleur Mon 504, Lam 116 mignier (<manducare), migneur Mon 412.

[ẹ] protonique + [y] : on trouve soit la diphtongue attendue [oi], soit une réduction à [ii] ou [i]. Les infinitifs sont majoritairement en [i] : ottrÿer Lam 201, prÿer Beg 31 castÿer Non 135, esbanÿer Non 244 ; nient Or IV 40, mais loyen Prol 175, moyen Prol 174.

Fermeture de la diphtongue non accentuée [ei] en [i] (pas de passage à [oi]) devant [s]) : poisson Mon 1173 mais pissoniers Mon 1176, demisieles Beg 22, sissante Lam 256, recognisance Lam 216, orisons Lam 71, mais ocquoison Prol 388.