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Autres phénomènes remarquables concernant les voyelles :

5. Les démonstratifs.

a. composés de ille :

-sujet masculin singulier : on trouve des graphies marquant la vocalisation du [l], d’autres gardent un « l » graphique, avec ou sans « u » devant : Lam 1259, Mon 74 chieus, Lam 1668 chius, Mon 1131 chiuls et cilz.

-régime masculin singulier : Lam 1257, Lam 1436 cel ; pour les formes renforcées, celi : Prol 258 celi, OM 430 celli.

-sujet masculin pluriel : Lam 1259, 1371 chil, Lam 1522 cil.

-régime masculin pluriel : les formes franciennes et picardes cohabitent. Lam 1335 chiauls, Lam 1340 chiaus, Mon 1172 chaus ; Lam 1385, Mon 620 cheaus, Lam 1911 cheuls.

- sujet féminin singulier : Lam 91 celle - régime féminin singulier : Mon 746 cellui.

Au cas régime singulier, celui et celi obéissent à une répartition inverse par rapport aux formes attendues : celi masculin, celui féminin.

b. composés de iste :

-sujet masculin singulier: Lam 1402, Lam 1728 chis, Prol 44 cis

-régime masculin : cest n’apparaît pas, probablement concurrencé et remplacé par cel. -sujet masculin pluriel : Lam 1493 cist

-sujet féminin : Beg 126 cheste, Lam 589 ceste.

-régime pluriel : masculin et féminin se confondent. Lam 2124 ces orgieuls, ces vanités,Lam 2125 ches humaines creatures, Mon 477 ches abbés et ces moines, Non 489 ces abbeies.

c. composés de hoc :

-une forme tonique chou : Lam 1572 pour chou

-une forme à voyelle caduque élidable, Or V 30 che, Mon 105 qui sait ce , Or VII 9 ch’a

6. Le verbe.

a. Présent de l’indicatif.

-désinences de première personne :

1. désinence zéro :

Or I 60 mai ind. pst. P1, Med 580 doi, Lam 1186 criem, Lam 231 defin…

2. désinence étymologique « c », « ch », par évolution phonétique normale des bases latines terminées par [ty], [ky] (francien « z ») : Lam 1193 senc, Lam 1027 meffac, Lam 1030 mac, Lam 1230 maich.

3. désinence analogique « c », « g » (Fouché, Le Verbe, § 91) : Lam 340 oc, Non 173 och, Non 689 voic, Lam 361 crienc, Non 131 voic, OM 215 entenc, Lam 1320 tienc. Dans ce dernier cas il s’agit peut-être simplement de l’assourdissement des finales chuintantes sonores (Gossen § 45, 80) depuis la forme régulière tieng (Lam 845).

- désinences de troisième personne :

persistance de « s » étymologique devant « t » : dist Lam 51, plaist Mon 130

- à la quatrième personne pour iestre, une forme ancienne sons, Non 348 ; la forme habituelle est somes.

- par analogie avec cette forme normale de iestre à la quatrième personne, -omes est devenu en picard et wallon une désinence de P4 du présent et du futur (Gossen §

78). On relève un témoignage de cette tendance, Mon 450 portommes, à côté des désinences normales -ons.

- pooir figure souvent à la sixième personne sous la forme pueient : OM 433, Mon 1127. Cette forme est difficile à expliquer à partir de potent. Peut-être y a-t-il eu insertion d’un [y] pour combler l’hiatus, un peu comme les [ ] qui apparaissent après [ü] en hiatus (voir supra, phonétique).

b. Présent du subjonctif

-désinence de première personne « c », « ch », « ge ». (Gossen §80)

Les subjonctifs issus de verbes à finale ty + a(m), ky + a(m), mentiam, sentiam, taceam, aboutissent régulièrement en picard à mench, sench, etc : Prol 362 senche, Mon 1399 hache (< hatiat)… A l’image de ce qui se produit dans une moindre mesure à la première personne de l’indicatif, la chuintante finale a pu passer pour une marque morphologique, et a été ajoutée à la base d’un peu tous les verbes. L’essentiel des subjonctifs présents du texte est en « c » ou « ch », « ge », quelle qu’ait pu être l’évolution phonétique normale des bases.

Exemples de formations analogiques : Lam 1419 atenge, Med 604 diche, Mon 355 liche, Mon 356 viche, Or I 20 kieche Non 595 osche, Lam 2132 emploice, OM 219 renge, Med 380 descorge, Med 1287 acorge…

Un [e] atone a pu s’intercaler entre la base verbale et la « désinence » du subjonctif : il y en a plusieurs exemples hors de la partie du texte étudiée, Gossen signale ainsi « paiechent », « on remirece ». Il est possible d’interpréter ainsi, avec une variation graphique , la forme étrange de courcier, Mon 308 : coraiche, qui est à l’évidence un subjonctif présent (que Dieu ne se coraiche), peut-être formé selon un schéma du type base cor + [e] graphié « ai » + « che ».

- désinence de quatrième personne : régulièrement « ons ». Lam 1348 prions, Mon 1771 prendons, Lam 1788 puissons, Mon 18 resistons.

c. Conditionnel, futur.

- Un [ ] s’insère régulièrement entre une labiale ou dentale appuyée et le [r] des terminaisons de futur et conditionnel. Gossen (§ 74) écrit à ce sujet qu’il s’agit plus en picard d’une tendance phonétique que de créations analogiques d’après les futurs de première conjugaison. L’insertion du « e » svarabhaktique est systématique : par exemple Lam 1203 reprenderoient, Lam1231 maiterai, Lam 1287 deveras, Lam 1648 pierderai, Prol 252 prenderoit, Mon 120 fainderont, Med 320 avera…

- Il y a au au contraire effacement du [ ] entre deux [r] : Med 453 durra, Med 454 endurra, OM 647 demorroit.

- Pour iestre, les formes refaites alternent avec les formes héréditaires : iers Lam 1042, iert Lam 1303, sera Lam 638, seras Mon 975.

-Comme à l’imparfait, les quatrièmes et cinquièmes personnes du conditionnel sont en « -iens », « -iés », toujours monosyllabiques: poriens Lam 62, Mon 1079 deveriés..

d. Passé simple.

- à la première personne, on trouve parfois la désinence analogique « c », « ch » (voir présents) : Et 99 vic, Lam 203 peuc, Lam 1580 peuch, Lam 244 euc. On notera que pooir et avoir ont leurs formes fortes en « eu ».

- désinences de quatrième personne « - ins ». C’est le produit phonétique normal de « - imus », conservé dans trois formes : Mon 4 presins, Mon 25, Mon 1743 promesins, Mon 3, Mon 1513 fesins (voir Fouché, Le Verbe, § 137 : ce conservatisme est un trait wallon).

- les sixièmes personnes du parfait sont en « –isent » là où le francien a « –irent, isdrent, istrent » (Gossen §77) : Non 141 fisent, Mon 49 prisent, Et 306 quisent. Il n’y a pas d’exemple de formes franciennes dans le texte.

- conséquence de ce dernier point, les « s » des conjugaisons sigmatiques ne se sont pas effacés. On explique la disparition dès le XIIème siècle de ces « s » en francien par l’influence de veoir (veïs, veïmes, veïstes), les sixièmes personnes se terminant de la même manière (« -irent ») dans les conjugaisons sigmatiques et non sigmatiques ; le picard ayant « -isent », le point de contact n’existe pas et la particularité des verbes à parfait sigmatique se maintient. On trouve ainsi disistes Lam 692, promesis Mon 143…

- tenir, venir : les troisièmes personnes sont parfois en « iunt »1, Med 21 viunt, Lam 235 reviunt, maintieunt (hors corpus), à côté de vienrent Med 149, vint Et 247. Tenir est par ailleurs par deux fois conjugué sur un paradigme faible en « u » (Fouché, Le Verbe, § 166) : Or VII 7 tenurent, Lam 536 tienut. Cela fausse le vers à chaque fois ; le scribe a dû transcrire sa propre prononciation au lieu de ce qui était dicté ; la lecture est en plus douteuse, voir la note en Lam 536.

- comme pour les subjonctifs à « marque de mode » [ ] , un [ ] caduc s’est intercalé avant la chuintante dans praiëchierent, Lam 1679. La métrique exige qu’on le prononce.

e. Subjonctif imparfait.

- les hiatus ont disparu : Lam 1467 deusce, Lam 276 eust, Med 46 peuse, Med 290 peust…

- certains subjonctifs imparfaits présentent une séquence graphique « ewi », « eui », la combinaison de w + i n’ayant pas eu lieu dans les formes faibles du passé (trait du Nord et du Nord-Est, voir Gossen, § 22). Ces formes dialectales coexistent cependant avec des formes sans i : Lam 1313 dewisse, Lam 214 ewisse, Lam 1339

1

pewisse, Lam 1823 peuwist, Non 657 peuist, mais Med 290 peust, Lam 1467 deusce, etc.

- on relève un cas de disparition du s devant t à la troisième personne : Mon 762 viestit.

f. Imparfait

- les désinences de quatrième et cinquième personne, -iens et -iés, sont monosyllabiques : Non 5 estiens, Mon 1081 estiés…

- on note pour le paradigme refait de iestre une forme picarde, OM 14 estiemes. Ces formes en « -iemes » sont apparues depuis « -iens » par analogie avec sommes, chantames, etc. (Gossen § 79).

g. Impératif :

Pour la seconde personne du singulier, les formes calquées sur la première personne du présent alternent avec des impératifs comportant un « t » final, analogique de la P3 : Mon 240 crien, Non 472 enteng, Lam 1090 tien, mais Lam 1494 croit, Lam 1333 reprent , Lam 1334 prent . Il y a aussi un cas d’alignement sur la deuxième personne du singulier, probablement pour assurer une rime à l’œil : Lam 1791 t’en avises (rime avec mises).

III. Syntaxe.