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Pharmacodynamie a.Effets directs

PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE

ATB utilisé

V. Pharmacologie de la thérapie phagique

2. Pharmacodynamie a.Effets directs

Pendant longtemps, peu d’études véritablement ciblées sur la pharmacodynamique ont été publiées. De nombreux travaux expérimentaux dont le but était plutôt d’étudier les résultats de la thérapie ont livré quelques informations sur ce domaine mais les informations devraient être considérées avec précaution du fait du manque de méthodologie scientifique

Plusieurs scientifiques se sont intéressés à la dynamique de population des bactériophages au sein de l’organisme et ont élaboré des modèles mathématiques théoriques pour la décrire ,ou se sont basés sur des études plus expérimentales [49-53].

Par exemple, dans leur étude sur ce point, Kasman et ses collaborateurs ont confirmé les informations déjà présentées auparavant par Wiggins et Alexander. Tout d’abord, ils ont indiqué que l’interaction entre phage et bactérie était, comme pour tous les virus, due à une collision aléatoire entre les deux éléments. Ensuite, ils ont observé qu’une trop faible population bactérienne ne permettait pas un bon développement de la population des bactériophages, et ont donc conclu à l’existence d’un seuil de densité bactérienne nécessaire à

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atteindre pour la bonne prolifération des phages. Dans le cas d’une faible concentration bactérienne initiale, la population bactérienne met du temps à atteindre la densité nécessaire à une augmentation de la concentration en bactériophages. Il apparait de plus qu’une faible probabilité de rencontre entre phages et bactéries, selon le site d’infection, le nombre de phage administrés, etc., augmenterait la valeur de ce seuil, et vice versa [11,52, 54].

Ainsi, débuter une phagothérapie au plus tôt est primordial pour la guérison, mais la débuter trop tôt, c’est-à-dire alors qu’il n’y a encore qu’une faible population bactérienne au niveau du site d’infection, ne permettrait pas aux phages de se propager et ceux-ci seraient éliminés de l’organisme avant même d’avoir initié un début de thérapie.

b. Effets indirects

Interaction avec le système immunitaire il est reconnu que les protéines, surtout sous forme d’assemblage particulaire, sont très souvent fortement immunogènes lorsqu’elles sont introduites dans un organisme. De plus, normalement, le système immunitaire de tout être vivant réagit à l’intrusion d’un agent infectieux (virus, bactérie ou parasite). La capside des bactériophages étant de nature protéique et le phage lui-même étant un virus, il est donc légitime de s’intéresser aux effets immunologiques que peut induire l’introduction de bactériophages dans un organisme.

La recherche a établi que les phages diffusant dans un organisme étaient reconnus comme des intrus par le système immunitaire de cet organisme (Dublanchet et Patey, 2011). Diverses expériences ont été menées sur de nombreuses espèces de phages en ciblant différents facteurs tels que le mode d’administration, et ont permis d’observer que, selon les cas, il existait une immunostimulation, une immunosuppression ou encore une immunotolérance [10, 55].

Effets des phages sur les phagocytes

La première description de l’influence des phages sur les phagocytes a été rapportée par Felixd’Hérelle, qui a étudié l’effet de phages dirigés contre Shigellasur les « leucocytes » decochons d’inde (l’auteur n’a pas spécifié s’il étudiait les cellules péritonéales, qui sont

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principalement des macrophages, ou des leucocytes périphériques, qui sont majoritairement des granulocytes). Après l’incubation de bactéries, de phages et de leucocytes pendant 10 minutes, l’index phagocytaire des cellules a augmenté de manière importante par rapport au contrôle (composé seulement de bactéries et de leucocytes). Felix d’Hérelle a également mis en avant que le développement de la résistance bactérienne contre les phages est accompagné d’une résistance des bactéries à la phagocytose. Il a alors conclu que les phages agissent comme des opsonines (substance qui se lie à des antigènes et induit leur phagocytose par des macrophages, des monocytes ou des leucocytes neutrophiles) qui participent manifestement à la phagocytose bactérienne. Cet effet est selon lui médié par un facteur soluble présent dansles préparations phagiques[56].

Une autre étude menée chez les cochons d’inde a démontré que le phage T5 n’affecte pas la phagocytose d’Escherichia coli par les granulocytes. Les phages adsorbés aux bactéries pouvaient rester actifs jusqu’à la phagocytose des bactéries par les granulocytes. Cependant, des travaux menés par les mêmes auteurs montrent que le phage T2 pourrait diminuer la phagocytose bactérienne (par les granulocytes) de différentes espèces bactériennes, dont

Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Mycobacteriumtuberculosis, chez les chevaux.

Les auteurs ont montré que cet effet était dose dépendant : à une concentration phagique de 1010/mL, l’inhibition de la phagocytose était presque totale alors qu’à de plus faibles concentrations de phages, la diminution de l’activité des granulocytes était plus modérée. Le processus d’inhibition est également temps dépendant : l’augmentation de la durée d’incubation entraîne une diminution de la destruction bactérienne par la phagocytose. Enfin, le processus peut être provoqué par des phages qui sont actifs ou inactifs et il est impacté par la température. La plus forte inhibition intervient d’ailleurs lorsque les phages sont inactivés par les anticorps, ce qui suggère que les complexes immuns auraient un rôle prépondérant dans la diminution de la phagocytose bactérienne parles granulocytes[57].

Une autre étude s’est intéressée aux effets de deux phages T4 et F8 (dirigés contrePseudomonas aeruginosa) sur la phagocytose d’Escherichia coli .Lesexpériences in

vitro, par coincubation des 2 phages avec les cellules phagocytaires, ontmontré une inhibition

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Cependant, l’incubation d’Escherichia coli avec le seul phage T4 (et les cellulesphagocytaires) entraîne une légère augmentation de l’efficacité de la phagocytose. Des résultats similaires ont été obtenus avec les neutrophiles et les monocytes. Dans cette mêmeétude, des expériences menées sur des souris ont montré que le phage T4 augmente l’intensitéde la phagocytose par les neutrophiles, lorsque les souris sont infectées par des bactéries. Acontrario, lorsque les souris ne sont pas infectées, le phage T4 diminue faiblement laphagocytose par les monocytes et n’a pas d’effets significatifs sur l’intensité de la

phagocytose par les neutrophiles[58].

In vitro, le monitoring de la phagocytose de Staphylococcus aureus par des neutrophiles

isolés de patients traités par thérapie phagique, a révélé que les phages pourraient, à terme, diminuer la phagocytose. La corrélation entre l’altération de la phagocytose et le traitement phagique n’est pas clairement établie. Cependant, l’activité des neutrophiles des patients a retrouvé un niveau normal 3 mois après l’arrêt du traitement phagique. De plus les phages accélèrent le turn-over des neutrophiles. Cela a été montré par l’augmentation du nombre de cellulesimmatures et la diminution concomitante du nombre de cellules matures[41].

En conclusion, la phagocytose des bactéries par des granulocytes et des monocytes peut être inchangée, augmentée ou diminuée en fonction des phages utilisés, des doses administrées ainsi que des bactéries étudiées [38].

Effets sur les cellules tueuses NK

Peu d’études s’intéressent aux lymphocytes NK (cellules tueuses naturelles). Les bactériophages pourraient avoir un impact sur les cellules NK. En effet, une étude révèle que le nombre de cellules NK était diminué chez une partie des patients, après 49 à 84 jours d’administration de bactériophages par voie intrarectale. En revanche, il n’y avait pas de modification du nombre de cellules tueuses naturelles lors d’administration par voie topique ou orale[38].

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En ce qui concerne les cellules dendritiques, il a été mis en évidence une diminution de l’activité phagocytaire de ces cellules suite à l’administration de phages par voie orale. Ceci aurait pour conséquence de limiter leur rôle dans le déclenchement de la réponse immunitaire Adaptative[40].

Interactions des phages avec les lymphocytes T et B

Les données suggèrent que les préparations phagiques pourraient moduler les fonctionsimmunitaires par des interactions directes avec les lymphocytes T et B. De manière générale,les préparations purifiées de phages semblent provoquer des effets immunodépresseurs.

Cependant, certaines préparations (notamment les lysats de phages anti-staphylococciques)auraient, quant à elles, des effets immunostimulateurs. Des études ont rapporté une diminution de la réaction cutanée à la tuberculinede cochons d’Inde tuberculeux, suite à l’administration intrapéritonéale demycobactériophages.

De plus, ces auteurs ont démontré que lorsque les mycobactériophages étaient ajoutés à des cultures de lymphocytes, ils pouvaient inhiber, de manière dosedépendante, l’activation de ces lymphocytes induite par des phytohémagglutinines. Le fait que les phages puissent exercer in vitro une activité immunodépressive a été confirmé par des études montrant qu’une préparation purifiée de phages T4 inhibait la prolifération des lymphocytes T humains induite par le complexe CD3-TCR [40, 59].

Cependant, ont montré que il y a des préparations purifiées de phages dirigés contre

Staphylococcus aureus pourraient exercer des effets stimulateurs sur l’activité des

splénocytes[60].

Un autre axe de recherche s’intéresse à l’adhésion des phages aux cellules immunitaires. Les cellules T humaines interagissent avec des phages T4 et HAP1 (phage T4 mutant sans protéine Hoc). Les expériences menées sur des protéines phagiques recombinantes purifiées ont montré que les cellules T humaines adhèrent à la protéine gp 24(une protéine de la capside du phage T4) et non pas aux protéines Hoc Les anticorps monoclonaux bloquant les chaînes communes des intégrines β1 et β3 diminuent significativement ces interactions. Ceci suggère

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que les interactions dépendent, au moins en partie, de la fixation à des récepteurs appartenant à la famille des intégrines. De plus, les expériences semblent montrer que la protéine VLA-5 (intégrine α5β1) est la principale intégrine responsable de l’adhésion des cellules T humaines à la protéine gp 24.

Les phages pourraient également diminuer la production, in vitro, d’immunoglobulines induites par des alloantigènes, ainsi que la réponse en anticorps spécifiques chez les souris

. De plus, les phages inhibent l’activation de NF-kB, un facteur de transcription clef dans la régulation de nombreux gènes, dont ceux codant pour des cytokines pro-inflammatoires Ces effets immunodépresseurs des phages in vitro ont été confirmés par des expériences in vivo. Ces dernières ont montré que les phages ontconsidérablement augmenté la survie d’une transplantation cutanée allogénique, que ce soitchez des souris sensibilisées ou non sensibilisées, ainsi que la réponse inflammatoire auniveau du site de transplantation [40, 61].

Effet des phages sur la production de cytokines

Plusieurs études ont montré que les phages peuvent affecter, substantiellement, la productionde diverses cytokines. Les effets sur la production de cytokines peuvent néanmoins varier enfonction des phages administrés et des infections étudiées [38].Une augmentation de la synthèse de cytokines a ainsi été observée après l’inoculation depréparations phagiques. Par exemple, l’administration d’une préparation purifiée de phagesdirigés contre Staphylococcus

aureus a eu pour conséquence d’activer la production d’IL-6dans des splénocytes cultivés

invitro[60].

Au contraire, d’autres travaux démontrent une diminution de la concentration de certainescytokines dans l’organisme. L’administration de phages dirigés contre

Klebsiellapneumoniaeà des souris infectées (infections cutanées compliquées en bactériémies)

a entraîné unediminution des concentrations en IL-1β, TNF-α et IL-10 dans le sérum et dans poumons des souris [62]. La diminution des cytokines IL-6 et TNF-α a également été mise en évidence suite à l’administration de suspensions de bactériophages pour traiter des infections respiratoires à Pseudomonas aeruginosa[63].

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Ces données expérimentales ont été confirmées chez l’homme par une étude clinique qui a démontré que la thérapie phagique influence la production de cytokines chez les patients traités. Les effets de la phagothérapie sont variables selon le niveau de TNF-α des patients avant le début du traitement : ceux ayant un niveau sérique bas, voire modéré, de TNF-α ont vu une normalisation (augmentation) de la production de cytokines sous traitement phagique ; ceux ayant un niveau initialement élevé de TNF-α ont vu le taux de TNF-α diminuer lors du traitement phagique. Les phages agissent de manière similaire, in vitro sur des cellules de patients atteints de mononucléose, sur la production de cytokines induite par des lipopolysaccharides[64].

Conséquences

La plupart des observations décrites sur les interactions avec le système immunitaire résultent d’études in vitro. Ces interactions varient selon de nombreux paramètres : le mode d’administration des phages, le type et la localisation de l’infection, la dose et la nature des phages utilisés. De plus, il faut garder en mémoire que, malgré l’étape de purification, une suspension phagique contient toujours une faible quantité de débris bactériens, qui peuvent également interagir avec le système immunitaire. De la même manière, les fragments de lyse bactérienne entraînés par la phagothérapie peuvent interagir avec le système immunitaire.

L’importance des phénomènes immunologiques liés à la phagothérapie au sein de l’organisme n’est pas clairement définie. Des études plus approfondies sont donc nécessaires à une bonne connaissance de l’impact des phages sur le système immunitaire.