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Antibiothérapie et phagothérapie

PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE

ATB utilisé

VI. Antibiothérapie et phagothérapie

Les bactériophages et les antibiotiques ont une action commune, à savoir le contrôle et/oul’éradication d’une bactérie pathogène. Leur mode d’action respectif est, par contre,radicalement différent. Une majorité d’articles récents propose la phagothérapie commealternative à l’antibiothérapie, lorsque celle-ci est devenue inefficace. Ceci contribue à placerla phagothérapie dans une situation inconfortable, qui a, par le passé, semé le trouble

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sur sonefficacité. La question est de savoir si l’association de ces deux thérapies est intéressante et mérite d’être explorée. Comme c’est le cas dans l’étude menée par l’Institut de Thérapie Expérimentale Immunologique LudwikHirszfeld , certains travaux tendent à montrer que l’association del’antibiothérapie et de la phagothérapie n’a pas d’intérêts cliniques. Les antibiotiquesadministrés en association aux phages, ainsi que les modalités d’administration des deux thérapies ne sont pas toujours documentées[65].

Certains scientifiques émettent, au contraire, l’hypothèse qu’une telle association peut être bénéfique. Les phages, appliqués localement, vont permettre de réduire la masse bactérienne dans un premier temps. La cinétique de l’action lytique des phages étant rapide, elle laisse le temps aux antibiotiques d’atteindre une concentration suffisante au niveau du foyer infectieux. Le fait que les antibiotiques ne soient pas détruits par les phages et que ces derniers peuvent être autoproduits in situ renforce leurs actions. Cette stratégie en deux temps permet aussi de pallieràlanon destruction des bactéries quiescentes par les phages. Dans un premier temps, la phagothérapie agit sur le foyer infectieux actif. Dans un second temps, l’antibiothérapie intervient sur un faible inoculum. Il a été montré que l’addition à des cultures bactériennes de faibles doses d’antibiotiques, qui bloquent la division cellulaire et induisent la formation de filaments, augmente significativement la production phagique. De tels antibiotiques augmentent le volume bactérien, permettant ainsi une surproduction de phages et accélèrent la lyse de la bactérie par les phages. Ce phénomène est appelé la « synergie phages-antibiotiques » (PAS) ; Il a été mis en évidence avec des antibiotiques de la famille des β-lactamines et des quinolones (figure 10). De plus, ce phénomène a été confirmé avec différents phages non apparentés. On peut donc supposer que les antibiotiques leur confèrent un avantage commun[66].

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Figure 10 : Le phénomène de « Synergie Phages-Antibiotiques » (PAS) avec le phage MFP sur Escherichia coli MFP[66] .

Sur la gauche, un antibiogramme montrant la sensibilité de la souche uropathogèneEscherichia coli MFP à différents antibiotiques. Cette souche est résistante à l’amoxicilline et à latriméthoprime/sulfaméthoxazole (absence de halo d’inhibition autour des deux pastilles). Sur la droite,le même antibiogramme avec addition de plusieurs centaines de phages virulents MFP dans le tapis bactérien. Les plages de lyse sont beaucoup plus importantes à proximité des antibiotiques β-lactames, aztréonam et cefixime (indiqués avec des +). L’augmentation de la taille des plages, phénomène PAS, est causée par une surproduction de phages et une lyse plus rapide des bactéries par les phages. La gentamicine et la tétracycline n’ont pas donné de réponse PAS (taille de plages de lyse normale autourdes halos).

Cette synergie phages-antibiotiques pourrait être utilisée à des fins médicales thérapeutiques ou prophylactiques (figure 11). La question est de savoir si le phénomène PAS est une simple curiosité biologique, utile pour la phagothérapie, ou s’il correspond à une particularité, jusque-là inconnue, des cycles de vie phagique, à savoir la capacité des phages à

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s’adapter à un environnement moins favorable pour la croissance bactérienne. La présence naturelle de faibles quantités d’antibiotiques, sécrétés par des champignons et certaines bactéries (actinomycètes par exemple) dans l’environnement, constitue une forte pression de sélection pour l’émergence de stratégie de résistance. La filamentation chez les bactéries en présence de certains antibiotiques en est une. Cette stratégie s’avère avantageuse pour l’évolution. Les phages profitent de la physiologie altérée des bactéries « stressées », pour amplifier le nombre de phages produits par cycle d’infection, par rapport aux situations plus saines. D’un point de vue écologique, cette stratégie peut s’expliquer : sous l’effet des antibiotiques, les bactéries hôtes de ces phages sont vouées à disparaître ou à voire leur nombre décroître. La production de phages supplémentaires permettrait alors aux phages de perdurer jusqu’à la rencontre de nouveaux hôtes, dans des environnements plus sains. Une sorte de « mutualisme » existerait donc entre les organismes producteurs d’antibiotiques et les phages capables de PAS, pour concurrencer plus efficacement les bactéries sensibles. Cette synergie entre producteurs d’antibiotiques et phages pourrait jouer un rôle dans l’équilibre des populations microbiennesdans les sols, les eaux ou à l’intérieur de l’être humain[66].

L’intérêt d’une telle association a également été démontré en vivo, chez des poulets. En effet, l’administration conjointe de phages dirigés contre Escherichia coli et d’antibiotiques (l’enrofloxacine) a montré une efficacité thérapeutique supérieure à celle de chacun des traitements pris individuellement. Cette association a d’ailleurs permis la survie de l’intégralité des poulets infectés, ce qui n’a pas été le cas en les traitant avec les phages ou les antibiotiques seuls[67].

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Figure 11 : Le phénomène de « synergie phages-antibiotiques » (PAS) dans l’environnement(A) et en phagothérapie (B)[66]

Certains champignons et bactéries produisent des antibiotiques contre d’autres bactéries, en compétition pour les mêmes ressources (1). Les phages infectent plus efficacement les bactéries « stressées » par les antibiotiques (2) et se propagent donc plus rapidement. Ce scénario représente une sorte de mutualisme entre les phages et les producteurs d’antibiotiques, pour éliminer les compétiteurs bactériens (3).

Dans le cadre de la phagothérapie, des traitements mixtes d’antibiotiques et de phages pourraient permettre une élimination plus efficace des bactéries pathogènes, en limitant l’agression de la flore endogène commensale et saprophyte grâce à la grande sélectivité phagique.