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Limites pharmacologiques a.Traitement ciblé

PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE

ATB utilisé

VIII. Limites potentielles de la phagothérapie

4. Limites pharmacologiques a.Traitement ciblé

Les bactériophages ont la propriété d’être spécifiques d’une espèce de bactérie, et parfois de seulement quelques représentants de cette espèce. Le niveau de spécificité varie d’une espèce de phage à l’autre. Cependant il existe souvent plusieurs phages spécifiques de la même bactérie, au minimum une dizaine de bactériophages spécifiques d’une bactérie donnée. Cette spécificité provient de la reconnaissance par les phages de récepteurs particuliers localisés à la surface des bactéries[4, 11].

Une phagothérapie correcte nécessite de connaître la bactérie à combattre, et cela peut être contraignant pour l’utilisation en routine. Il y a plusieurs obstacles à cela [4, 45]:

- il est nécessaire d’isoler et d’étudier la bactérie responsable de la maladie, ce qui implique de réaliser un prélèvement correct et d’avoir un laboratoire performant. Cela demande de la maîtrise, du temps et des frais ;

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- la zone d’infection est parfois difficile à atteindre, ce qui complique encore la manoeuvre de prélèvement (et de traitement qui s’ensuit) ;

- certaines infections sont à germes multiples ;

- enfin, il est important d’isoler et de bien déterminer l’agent pathogène effectif et non pas un contaminant (contamination extérieure ou flore commensale), sous peine d’échec thérapeutique.

Cependant, les antibiotiques à spectre étroit connaissent le même problème, dans une moindre mesure. Cela explique le succès des antibiotiques à large spectre en première intention, et par conséquent l’augmentation actuelle des résistances aux antibiotiques. Lors d’antibiothérapie il arrive souvent qu’un antibiotique à large spectre soit mis en place, le temps d’identifier la bactérie et l’antibiotique le plus adapté contre elles, pour ensuite, si nécessaire, réadapter le traitement avec ce dernier [4].

De la même manière, il est possible d’employer un cocktail, permettant ainsi d’élargir le spectre d’action du traitement, et s’assurer par exemple que tous les germes incriminables soient bien éliminés.

L’isolement de la bactérie pathogène d’une maladie est important à réaliser, cependant, lors d’infection grave à évolution rapide, l’emploi d’un cocktail est fortement recommandé, pour le traitement d’attaque le temps de trouver le bactériophage spécifiquement dirigé contre cette bactérie.

b. Seuil bactérien

Lorsqu’une infection bactérienne n’en est encore qu’aux tous premiers stades, la population bactérienne est relativement faible, les chances de rencontres aléatoires entre les bactéries et les bactériophages sont donc faibles et le seuil de densité bactérienne nécessaire à la reproduction phagique n’est pas atteint. Les bactériophages ne sont alors pas efficaces contre cette infection car ils sont éliminés avant d’avoir atteint leurs cibles.

De même, si l’infection à traiter est due à des bactéries à multiplication lente, le seuil de population bactérienne nécessaire à atteindre est obtenu plus tardivement que sur une

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infection provoquée par des bactéries se multipliant rapidement. Il est alors possible de se retrouver dans une situation où les phages ne sont pas efficaces.

Ce point est donc à prendre en compte lors de mise en place d’une phagothérapie, pour ne pas se retrouver face à un échec thérapeutique. Pour éviter cet échec, il vaut mieux ne pas commencer une phagothérapie dès le tout début d’une infection, et privilégier des administrations multiples lors d’infection à croissance lente, contrairement aux infections à croissance rapide où un faible nombre d’administrations, voire une unique administration, suffit[54, 88]

c. Le phénomène de translocation

L’infection d’une bactérie par un phage se réalise à la faveur d’une collision aléatoire entre les deux éléments, et non pas à la suite d’une recherche active de la bactérie par le phage. Pour combattre une infection bactérienne, il est donc nécessaire de favoriser cette collision. Or, lors d’administration systémique de bactériophages, ceux-ci vont circuler dans l’organisme de manière aléatoire, il y a donc de fortes chances qu’une partie seulement des phages atteigne le lieu d’infection. Cela engendrerait donc une perte quantitative de phages efficaces. En outre, si ces phages arrivaient au lieu d’infection en sous-nombre par rapport au seuil de phages nécessaires à une bonne reproduction virale, le traitement ne sera pas efficace.

Les infections affectant les organes internes semblent ainsi théoriquement plus difficiles à combattre que celles locales (plaie cutanée, atteinte du tractus digestif, etc.). Pour obtenir une bonne efficacité de la phagothérapie, il vaut donc mieux privilégier les traitements locaux[63].

d. Infections à bactéries intracellulaires

En 1940, le traitement par phages de fièvre typhoïde due à Salmonella typhia donné des résultats thérapeutiques satisfaisants. Toutefois, les salmonelles ne sont que des bactéries intracellulaires facultatives. L’interprétation des résultats reste donc difficile.

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L’étude du génome de Legionellapneumophila, germe intracellulaire strict, a montré la présence de séquences génomiques comportant de fortes analogies avec celles des phages.

Ceci pourrait être une preuve indirecte de l’existence de bactériophages dirigés contre cette bactérie. De plus, le Centre National de Référence des légionnelles (Institut de Veille

Sanitaire) a cherché des preuves directes de cette existence. La conclusion de leurs travaux est qu’il existe des bactériophages dirigés contre ces germes intracellulaires stricts[89].

Enfin, les espèces bactériennes appartenant au genre Mycobacteriumont une multiplication intracellulaire. Il a été mis en évidence des phages dirigés contre ces bactéries, ils sont appelées mycobactériophages. Certaines espèces de mycobactéries ne sont pas ou peu pathogènes pour l'homme (Mycobacteriumsmegmatisou Mycobacteriumkansasii). Une étude a permis de mettre en évidence des phages non lytiques contre ces deux espèces bactériennes (infection chronique permettant la production de phages qui sont excrétés sans lyse de la bactérie), mais lytiques contre Mycobacteriumtuberculosis. In vitro, une souche de

Mycobacteriumsmegmatislysogénisée par le phage a été inoculée à une culture cellulaire

contaminée par le bacille de la tuberculose. Après avoir été phagocytée,

Mycobacteriumsmegmatislibère des phages capables de lyser Mycobacteriumtuberculosis.

Cette méthode a permis l’élimination de toutes les souches de mycobactéries pathogènes in

vitro[90].

La question d’une efficacité potentielle de la phagothérapie sur les bactéries intracellulaires demeure incertaine et nécessite donc des études supplémentaires, puisque les études citéesprécédemment semblent infirmer les prévisions théoriques.

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TROISIEME PARTIE :