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Administration de cocktails phagique

PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE

ATB utilisé

VII. Administration de cocktails phagique

Un cocktail est une préparation contenant un mélange bien établi et caractérisé debactériophages. Des préparations thérapeutiques ont été commercialisées en France et étaient décrites dans le dictionnaire Vidal. Il y avait 5 cocktails différents distribués par le laboratoire Robert et Carrière : Bacté-Coli-Phage, Bacté-Intesti-Phage,

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Phage, Bacté-Pyo-Phage et Bacté-Rhino-Phage. Ces préparations avaient des indications qui différaient selon le germe et l’infection en cause. Elles ont été disponibles jusqu’en 1978[4].

1. Avantages potentiels

La sélectivité phagique est très étroite : les phages peuvent être dirigés contre une, ou éventuellement quelques espèces bactériennes, mais souvent seulement contre certaines souches bactériennes d’une espèce donnée. Cette sélectivité impose une thérapie « ciblée » : l’utilisation d’un phage particulier est limitée à un petit nombre d’espèces ou de souches bactériennes. Afin d’augmenter le spectre d’activité des bactériophages, il est possible de mélanger des phages dirigés contre différentes souches bactériennes d’une même espèce ou contre différentes espèces bactériennes pouvant être responsables d’une pathologie[68].

Au regard de la thérapie phagique, il est important de savoir que les phages peuvent avoir despropriétés pharmocodynamiques et pharmacocinétiques différentes. Ces différences peuventimpacter le traitement phagique et notamment la capacité des phages à éliminer unepopulation bactérienne donnée. En particulier, il y a trois principales variables : la capacitéd’un phage thérapeutique à atteindre la bactérie cible, la capacité à détruire ces bactéries unefois qu’elles sont atteintes, et la capacité des phages à se répliquer suffisamment

in situ pouratteindre des densités phagiques permettant un succès thérapeutique. Chacune de

ces variablestend à varier en fonction du génotype phagique, du génotype de(s) bactérie(s) cible(s) ainsique des conditions physiologiques et environnementales, en particulier les facteurs chimiques,immunologiques et anatomiques du patient qui peuvent modifier les déplacements phagiques,l’adsorption et l’infection du bactériophage. Statistiquement, plus on administre de phages,plus on a de chance qu’au moins un phage puisse atteindre la souche bactérienne cible, serépliquer au cours de l’infection bactérienne et permettre la lyse de la bactérie. De plus, si lesphages constituant le mélange ont des modes d’infection différents (via différents récepteurs), alors la probabilité d’un échec thérapeutique due à une mauvaise reconnaissance entre phageset bactéries ou due aux conditions physiologiques ou pathologiques, est réduite.

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Les contraintes temporelles, comme lors d’une infection aiguë mettant en jeu le pronosticvital du patient, sont difficiles à appréhender en thérapie phagique. En effet, l’espèce, lasouche, le génotype bactérien ou même le niveau de sensibilité de la bactérie à un phagespécifique ne sont pas toujours connus et compliquent la mise en place du traitementphagique. Le traitement par un phage monovalent risque alors d’être inefficace, puisquepotentiellement non adapté au pathogène en cause. Puisque les cocktails permettent de ciblerdavantage d’espèces bactériennes et d’obtenir davantage de succès thérapeutique, dans unplus grand type de situations, ils semblent plus adaptés aux traitements présomptifs. Ilspermettent en outre d’éviter un délai d’administration trop important.

L’association de différents phages au sein d’un cocktail peut diminuer le risque d’évolutionvers la résistance. En effet, plus le nombre de mutations indépendantes nécessaires à larésistance d’une bactérie est important, plus la probabilité que cette bactérie deviennerésistant est faible. Même si un faible nombre de bactéries cibles deviennent résistantes à undes phages du cocktail, il est peu probable, en dehors d’une résistance croisée, que des mutations ultérieures permettent une résistance de la bactérie contre tous les phages ducocktail. En effet, un phage de la formulation, au moins, devrait être actif contre le pathogènemuté, bloquant dans le même temps la propagation et l’évolution de la résistance en détruisantcette bactérie. Pour cela, la formulation doit contenir plusieurs phages lytiques dirigés contreune même souche bactérienne.

La formulation de cocktails facilite également le développement et la commercialisation destraitements phagiques. Cette approche permettrait d’utiliser plus longtemps la préparationréalisée, ce qui est un argument important pour les industriels (en termes de retour surinvestissement et de problématique quant aux autorisations nécessaires à une mise sur lemarché). De plus elle rendrait plus facile l’utilisation de la spécialité dans différentes régions,si différentes souches d’une même bactérie circulent à travers le monde. Le coût dudéveloppement des cocktails est probablement plus important que celui des préparationsmonophagiques. Néanmoins, il ne devrait pas être un frein important au regard des avantagesque la formulation de cocktails peut fournir, d’autant que les productions phagiques restenttrès économiques.

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Enfin, le mélange de phages en cocktails ne devrait pas modifier la sécurité phagique, dans lamesure où les phages qui les composent n’entraînent pas de nombreux effets indésirables. La sécurité phagique, lors de l’administration en association, a d’ailleurs été démontré[69, 70].

2. Limite des cocktails

Deux limites principales peuvent réduire l’efficacité des cocktails phagiques contre une population bactérienne donnée. Tout d’abord, il est possible que les coinfections d’une même bactérie par des bactériophages différents impactent négativement la productivité phagique (la réplication). En effet, lesphages peuvent ne pas être compatibles durant le phénomène d’infection bactérienne, ce qui réduirait l’importance de la réplication d’un ou plusieurs bactériophages[71]. Ce problème est minoré si un traitement passif est envisagé, puisque dans ce cas, la préparation phagique doit simplement être bactéricide. De plus, plus le nombre de phages présents dans un cocktail est élevé, plus le risque d’incompatibilité entre les phages est important.

En incluant davantage de phages dans une préparation, on augmente les besoins en bactériespour une réplication phagiquein situ et on réduit la densité de chaque espèce phagique au seindu cocktail. Au début du traitement phagique, les ratios entre les densités phagiques et lesdensités de bactéries cibles sont relativement bas. Le risque de coinfections est donc moindre.

De plus, lorsque toutes les bactéries sont infectées, suite au développement in situ despopulations phagiques, le phénomène de coinfections ne pose plus problème (si toutes lesinfections demeurent bactéricides). Les problèmes de coinfectionsphagiques interviennentdonc à la transition entre ces deux états.

Les phages d’un cocktail ont des propriétés pharmacodynamiques différentes et en particulier, des capacités de réplication différentes. Donc, lors d’un traitement actif, la croissance

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Le phénomène de coinfectionsphagiques peut être problématique lors du traitement actif des biofilms bactériens. En règle générale, les phages pénètrent activement dans les biofilms bactériens, avant de se multiplier à l’intérieur, ce qui permet la libération de phages plus profondément dans le biofilm. Des titres élevés de phages dans les cocktails favorisent les coinfections et peuvent gêner la bonne réplication phagiqueinsitu. Dans ce cas, les cocktails peuvent s’avérer moins efficaces que les traitements phagiques par des cocktails à densités moindres ou que les traitements monophagiques. Deux stratégies permettent de limiter ce phénomène : la réduction de la diversité du cocktail phagique (en particulier, le retrait des phages incompatibles après des observations au laboratoire), ou l’administration de doses répétées qui permet de pallier à la moindre production phagiqueinsitu[69].

La mise en place de courbes doses-effets, lors du développement des protocoles phagiques, peut permettre de mieux appréhender la multiplication phagique, le phénomène de coinfection, et la pénétration phagique dans les biofilms bactériens en fonction du titre en phages de la préparation[72].

La seconde limite potentielle est la capacité des cocktails phagiques à empêcher l’évolution de la résistance bactérienne aux phages. Dans un cocktail, il n’est pas certain que le phage, ayant l’arsenal nécessaire pour détruire la bactérie mutante résistante, soit à des densités suffisantes pour permettre une rencontre avec la population bactérienne mutée. D’autant plus que les mutants bactériens résistants peuvent être présents à de faibles densités au sein de la population bactérienne. Si un traitement actif est envisagé pour éliminer la bactérie mutante, les densités respectives en phages et bactéries peuvent être inadéquates. Néanmoins, si les bactéries mutantes se multiplient et atteignent des densités suffisantes, alors un traitement actif peut être envisagé (avec des titres appropriés en phages). De plus, le problème de la résistance bactérienne peut être surmonté par l’administration de doses phagiques importantes et répétées, dans le cadre d’un traitement passif. En effet, il n’y a pas d’auto-amplification phagiquein situ lors d’un traitement passif. Les administrations phagiques répétées permettent de maintenir les densités phagiques à des seuils suffisants pour permettre la lyse des bactéries résistantes[73].

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Enfin, les cocktails sont des préparations « standards » et ne sont pas forcément les plus appropriées lors d’infections graves. La sensibilité des bactéries aux phages du cocktail doit toujours faire l’objet de vérifications, si possible au préalable. Il est également possible d’envisager les cocktails comme des solutions de première intention, en attendant que la préparation spécifique contenant le (ou les) phage(s), virulent(s), dirigé(s) contre le pathogène soi(en)t disponible.