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Pharmacien rue Soufflot

Octave Lhopitallier se marie en 1892 avec mademoiselle Lemaître, une des filles du maire

de Tours. Il vient de finir ses quatre années d'internat et, grâce à la dot de sa femme, il peut acheter

la pharmacie de Jules Monnier. Pendant que sa femme s'occupe de la comptabilité, Octave sert les

clients et ses préparateurs s'occupent des commandes. De son travail à Broca, il garde le goût des

analyses. Il installe un petit laboratoire à l'arrière de sa pharmacie. Muni d'un microscope, d'un

162Archives nationales. op. cit., p. 4.

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CHAST, François. (dir.) Internat en pharmacie Paris – île de France. Annuaire 1815 - 1998, histoire faits et

anecdotes. Paris : Association des Anciens Internes et Internes en Pharmacie des Hôpitaux de Paris – Ile de France, 1999, p. 259.

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spectromètre à flamme et d'éprouvettes, il propose à ses patients de doser le sucre dans leurs urines

ou encore de réaliser le dosage de l'albumine. Il consigne les résultats de ses analyses dans des

registres qu'il conserve précieusement dans sa pharmacie.

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C'est un homme de devoir,

perfectionniste dans son travail et qui attend le même sérieux de la part de ses employés. Les

apprentis sont logés dans la salle de réserve de la pharmacie et l'un d'entre eux a inscrit son ressenti

sur les murs, à l’abri des étagères.

Illustration 55 : Il s'agit d'une référence au vers de Pétrone « parva domus magna quies »

détourné ici en « magna domus parva quies » - « plus grande est la maison, plus petit est le

repos ». On lit également « AνάρΧή » qui voudrait dire « contrainte ».

Crédit photographie : Dominique Kassel.

Il reprend la pharmacie en l'état, la seule grande modification qu'il apporte est le

remplacement de la devanture afin que la pharmacie porte le nom des Lhopitallier. L'électricité est

installée dans la pharmacie vers 1906 ; c'est le premier local de l'immeuble à bénéficier d’un tel

dispositif. Octave peut ainsi se procurer la matière première nécessaire à ses préparations, en

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Lors de la cessation d'activité de la pharmacie, on retrouva le registre comprenant les analyses effectuées de 1907 à 1911 par Octave Lhopitallier, ainsi qu'un guide des manipulations chimiques qui devait lui servir de référence pour pratiquer les dosages. L’un de ces carnets d’analyse est conservé à la BIU Santé Pharmacie.

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téléphonant à ses grands fournisseurs, Darrasse frères ou encore à la Coopérative des pharmaciens.

On peut lire le numéro de téléphone de la pharmacie sur les bons de livraison : « Odéon 3633 ».

Octave et sa famille habitent au-dessus de la pharmacie. Le téléphone n'étant pas encore disponible

dans le logement, un système de communication particulier s'installe entre l'appartement et

l'officine. Quand les enfants manquent de discipline, madame Lhopitallier souffle dans un petit

sifflet, le son se propage à travers un tuyau jusqu'à Octave, qui travaille dans son préparatoire. Il

interrompt son étude pour répondre à cet « appel » à l'aide d'un ustensile en forme d'entonnoir relié

au tuyau.

Le 4 juin 1908, il assiste, depuis sa pharmacie, à la cérémonie du transfert des cendres

d’Émile Zola au Panthéon durant laquelle Alfred Dreyfus est victime d'un attentat. Il sera également

témoin du transfert des restes de Léon Gambetta le 11 novembre 1920.

Vers 1912, une caisse enregistreuse nationale « Pascaline » apparaît sur le comptoir de la

pharmacie. Fabriquée aux États-Unis, elle est en bronze, chose rare : par la suite, elles seront

fabriquées en acier pour un coût plus faible et une plus grande maniabilité. Cette caisse trônera

pendant 100 ans devant les clients, devenant un des emblèmes de la pharmacie. Pourtant Octave est

d'abord réticent à l'idée de cette dépense qu'il trouve excessive. C'est finalement après des vacances

dans sa famille en Touraine qu'il trouve cette caisse, payée par un de ses cousins, à son retour dans

la capitale.

Illustration 56 : La caisse enregistreuse nationale datant de 1912.

Crédit photographie : Virginie Claude.

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L'exercice professionnel a évolué depuis l'époque de Bataille et Trusson. La fabrication des

suppositoires ou des ovules est facilitée en officine par l’apparition des moules en 1893.

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Les

meubles à casiers spécifiques contenant les plantes perdent peu à peu de leur intérêt au profit

d’étagères, plus propices à accueillir les nouvelles spécialités pharmaceutiques.

Le préparatoire, qui existe depuis l’installation rue Soufflot par Buirat, est toujours

fonctionnel. Celui-ci est composé d'une grande paillasse recouverte de carreaux en faïence blanche,

datant du XIX

e

siècle. La structure est en fonte et briques réfractaires, trois foyers sont fermés par

des portes scellées et ils sont surmontés par des cuves rondes de bain-marie encastrées. Sur cette

paillasse, on retrouve une bassine ronde avec un couvercle en cuivre, un petit alambic en cuivre, un

grand alambic ainsi qu’une écumoire en cuivre rouge. Le grand alambic comprend trois parties en

cuivre ainsi qu’une partie réfrigérante formée d'un serpentin, d'une cuve, d'un entonnoir et de

robinets. Tout ce matériel date du XVIII

e

siècle. A côté, on trouve un grand mortier en fonte datant

de la même époque, posé sur un billot et muni de deux pilons en bois dont un double. Au moment

de la fermeture de la pharmacie en 2012, on y trouve aussi un autoclave, un manomètre et des

balances qui ont été ajoutés plus tard à ce préparatoire.

Illustration 57 : Préparatoire – Les alambics.

Crédit photographie : Virginie Claude.

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Illustration 58 : Préparatoire – Alambics et mortier.

Photographie issue des archives personnelles de la famille Lhopitallier.

Illustration 59 :Préparatoire – Le mortier

Crédit photographie : Virginie Claude.

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Les alambics sont les instruments de la distillation, servant à la préparation d’eaux distillées

ou aromatiques. De forme variable, l'alambic se compose, au-dessus d'un foyer, d'un récipient

(cucurbite) où l'on dispose les matières soumises à la distillation. La cucurbite est surmontée d'un

couvercle (chapiteau), lui-même prolongé d'un système de condensation des vapeurs (serpentin ou

réfrigérant).

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Il fonctionne selon ce système : il faut surélever un grand récipient en cuivre dans

lequel est placé une grille au fond et une « tour » en fer au milieu. On rajoute de l'eau commune et

on place l'alambic qui sera retenu par un couvercle et attaché au bord du récipient. Pour chauffer

l'eau, il suffit d'allumer le feu dans la tour. Si l'eau est trop chaude, on peut ouvrir un tuyau de cuivre

pour la faire sortir ou on ajoute de l'eau fraîche via un tuyau au niveau du couvercle. Ce système

permet de conserver l'humidité des parties subtiles et prévient leur ramollissement. En effet, le feu

n'étant pas au contact direct avec l'alambic, il n'a pas d'action délétère. Les herbes, feuilles ou fleurs

sont incisées ou pilées et placées directement dans l'alambic, puis l’eau est tirée aussitôt. Les eaux

distillées ne peuvent pas être conservées plus d'un an et doivent être gardées à l’abri de la lumière et

de la chaleur.

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Bien que toujours en état de fonctionner, l'étude des ordonnanciers retrouvés dans la

pharmacie

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montre qu'Octave n'utilise plus ces appareils à la fin de son exercice.