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La pharmacie Lescot à Paris

11. La pharmacie Lhopitallier, un exemple unique ?

11.4 La pharmacie Lescot à Paris

La pharmacie Lescot est ouverte en 1795 par Jean-Louis Lescot. Le pharmacien fraichement

diplômé s’installe 14, rue de Grammont, dans le II

e

arrondissement de Paris. Il fait construire une

devanture de style Empire, couleur ébène avec des motifs dorés. Son ossature est formée de pilastres

soutenant un élégant fronton triangulaire. En un siècle, la pharmacie a changé de propriétaire mais on

peut toujours lire, inscrit en lettre d’or entre deux Renommées : LESCOT APOTHICAIRE.

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GUITARD, Eugène-Humbert. « La Gazette », dans : Bulletin de la Société d’histoire de la pharmacie, 2 – 3e année,

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Illustration 102 : La pharmacie Lemaire (anciennement Lescot) dans les années 1900.

Photographie de Jean-Eugène-Auguste Atget.

En 1913, Lemaire, le dernier propriétaire de la pharmacie prend sa retraite, sans avoir de

successeur. Au même moment, l’immeuble abritant la pharmacie subit des travaux de remaniement,

menaçant la belle devanture de Lescot. La Commission du Vieux Paris intervient alors auprès de

Georges Cain, conservateur au Musée Carnavalet et de la compagnie La France, propriétaire de

l’immeuble, afin de préserver la façade.

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Ainsi, plutôt que d’être détruite, la devanture est sauvée par

le musée Carnavalet et elle intègre ses collections d’enseignes.

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A l’époque, la Société d’histoire de la pharmacie aurait souhaité récupérer cette devanture pour

l’installer à l’entrée des collections de l’École de Pharmacie. Mais les membres furent prévenus trop

tard. Eugène Guitard dira à ce sujet : « à l’avenir, souhaitons-le, nos confrères se souviendront de

259 PHAM, Thi Tuan -Anh. op. cit., p. 43.

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Selon la thèse de madame Pham, madame Aubert, pharmacienne dans une officine de la rue Sainte-Anne à Paris au début des années 2000, souhaite faire protéger ses décors intérieurs qu’elle dit provenir de la pharmacie Lescot. A ce jour, la pharmacie de madame Aubert n’existe plus.

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l’existence de notre jeune musée et leurs avis diligents nous aiderons à l’enrichir. »

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Illustration 103 : La devanture de la pharmacie Lescot au musée Carnavalet, à Paris.

Crédit photographie : Clotilde Maisonnier.

Nous avons choisi de présenter quelques exemples de pharmacies transformées en pièces de

collection. Nous aurions pu citer la pharmacie Maire de Victor Hugo exposée au palais Lascaris à

Nice ou encore les pharmacies du musée de la faculté de Montpellier. La liste n’est pas exhaustive.

Les expériences du passé nous le montrent, il est difficile de concilier ancien et moderne dans

une pharmacie. Pour autant, les richesses des officines peuvent être sauvées et avoir une nouvelle vie.

Les boiseries et les pots de pharmacie sont visibles dans les pharmacies et admirés par le public. Ces

éléments sont souvent assimilés à du patrimoine et de ce fait la volonté de les préserver semble plus

évidente. Cependant, en réduisant le patrimoine pharmaceutique aux pots de pharmacie, on prive la

profession de son caractère. Avant d’être pharmacien, il y avait des apothicaires. Comme nous l’avons

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vu avec Trusson, l’art des préparations était au cœur du métier. Pendant longtemps, la thériaque et sa

bonne préparation permettait de juger la valeur d’un apothicaire. Par la suite, les spécialités maison

ont fait la renommée des pharmaciens. Il paraît important de préciser que l’art pharmaceutique c’est le

savoir faire du pharmacien. Tout naturellement, le matériel utilisé pour la réalisation des préparations

magistrales est considéré comme objet de l’art pharmaceutique.

La pharmacie Lhopitallier crée un précédent dans le cadre de sa sauvegarde au musée

Carnavalet. Pour la première fois, un préparatoire avec ses alambics, témoin de l’exercice d’un

pharmacien au XVIII

e

siècle, est sauvé. Nous n’avons pas recensé les pharmacies en France qui

détiennent encore de tels instruments mais il est probable qu’elles sont très peu nombreuses. Ainsi la

pharmacie Lhopitallier présentée au musée Carnavalet sera le lien entre les officines de l’ancien

régime et les pharmacies modernes.

Les boiseries et les pots, comme l’art des préparations et son matériel, ne représentent pas la

totalité du patrimoine pharmaceutique. Nous l’avons constaté au contact des personnes ayant

fréquenté la pharmacie Lhopitallier. La richesse de cette pharmacie, au-delà de son esthétique, vient

de l’accueil, des conseils et de l’écoute du titulaire et de son équipe. En définitive, qu’est ce qu’une

pharmacie sans son pharmacien !

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CONCLUSION

Lorsque les portes de la pharmacie Lhopitallier se sont fermées pour la dernière fois, c’est une

page de l’histoire qui s’est tournée. Ouverte depuis le XVIII

e

siècle dans le quartier latin, cette officine

a connu dix propriétaires différents. Chacun, à sa manière, a participé à la mémoire de la profession

pharmaceutique en préservant le patrimoine de la pharmacie au travers des siècles.

Ce travail se base sur ces trois éléments fondateurs : Histoire, Mémoire et Patrimoine. Au

travers de l’histoire de la pharmacie Lhopitallier, nous découvrons l’histoire d’une famille, d’une

profession mais aussi de Paris. En retraçant les générations de pharmaciens qui se succédèrent dans

l’officine nous avons réalisé leur portrait. L’étude de leur vie nous permet également de suivre

l’évolution du monde pharmaceutique jusqu’à nos jours et, ainsi, de mieux comprendre les défis

rencontrés par notre profession au fil des années.

Mais survoler 200 ans d’histoire n’est pas aisé. Bien que le fonds ancien de la BIU Santé soit

très important, des documents manquent et il n’est pas toujours facile de retrouver des informations

datant de deux siècles. Alors que ce travail se termine, on peut regretter que si peu d’éléments sur

Jules Monnier n’aient été retrouvés. Par ailleurs, nous aurions souhaité interroger les patients de la

pharmacie Lhopitallier sur leurs sentiments quant à leur officine de quartier et sa fermeture. Mais la

situation émotionnelle et le manque de temps ne nous l’ont pas permis. Enfin, nous laissons à d’autres

le soin de poursuivre ce travail par l’étude des documents manuscrits, ordonnanciers, factures et livres

de comptes de la pharmacie Lhopitallier, précieux indicateurs de l’histoire du médicament.

Aujourd’hui, les passants ne peuvent plus venir chercher leurs médicaments dans la pharmacie

Lhopitallier. En passant rue Soufflot, ils peuvent toujours admirer la devanture qui abrite désormais un

magasin de vêtements. Mais le patrimoine exceptionnel de l’officine n’a pas été perdu. Le généreux

don de Roger Lhopitallier a permis de sauver le préparatoire avec ses alambics, si rares de nos jours,

ainsi que ses boiseries. Il faut toutefois souligner que cette opération n’a été possible que grâce à

l’acceptation de ce don par le musée Carnavalet. Ce dernier a dorénavant la lourde tâche de valoriser

ce patrimoine en le présentant au grand public et aux professionnels de santé. Pour l’aider dans cette

démarche et perpétuer la mémoire du pharmacien, il pourra s’appuyer sur les témoignages du Livre

d’or et le film réalisé par Jean Trouchaud et Daniel Bour. Nous espérons, quant à nous, que cette thèse

aura pu contribuer à restituer l’âme de cette pharmacie au caractère unique, afin qu’elle vive pour de

nombreuses années encore.

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