3. De Nicolas-Denis Moutillard à Théodore Huraut
3.2 Théodore Huraut (1813 – 1855)
3.2.2 Contributions de Théodore Huraut-Moutillard au domaine scientifique
Tout en gérant son officine, Huraut souhaite apporter sa contribution au domaine
scientifique. Dans ce but, il soumet sa candidature à la Société d’Émulation pour les sciences
pharmaceutiques en 1841. Cette société, initialement fondée par les internes en pharmacie des
hôpitaux, accepte dorénavant des travailleurs étrangers à l'internat, pourvu qu'ils apportent un
mémoire original relatif à un sujet de sciences physiques, naturelles ou médicales. Huraut est admis
à l’unanimité au sein de cette société comme membre titulaire grâce à son « Étude sur la
constitution des produits désignés sous les noms d'uréthane, oxaméthane, etc, et leurs analogues ».
Il est élu trésorier l'année suivante et le reste jusqu'en 1850.
102Illustration 35 : Nomination de Huraut au poste de trésorier de la Société d’Émulation
pour les sciences pharmaceutiques.
BIU Santé Pharmacie. Registre 71 : Société d’Émulation pour les sciences
pharmaceutiques. Procès verbaux des séances. 6 août 1846 – 15 juillet 1856. Séance
extraordinaire annuelle du 27 mars 1847.
d’un aperçu sur la nature des sels. Paris : Poussielgue, imprimeur de l’école de pharmacie, 1839.
100 DECAVE, M. op. cit., p. 470. Aucun registre de la BIU Santé Pharmacie ne mentionne ce fils Moutillard.
101 Ibid., p. 471.
102 Ibid. La BIU Santé Pharmacie possède les registres 70 à 73 consignant les procès verbaux de la Société d’Émulation
pour les sciences pharmaceutiques de 1843 à 1864. Nous ne pouvons donc pas vérifier les dires de Decave concernant la date d’admission de Huraut au sein de la Société, ainsi que sa prise de fonction en tant que trésorier. La première nomination à ce poste apparait pour les années 1847 à 1848. Par ailleurs, le nom « Huraut » est parfois retrouvé écrit « Hurauet ».
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En 1851, malgré une santé de plus en plus fragilisée, il accède au poste de vice-président de
la Société d’Émulation, qu’il occupera jusqu’en 1853.
Illustration 36 : Huraut est élu vice-président de la Société d’Émulation.
BIU Santé Pharmacie. Registre 71 : op. cit.
Dans le même temps, il effectue de nombreuses recherches sur la chimie végétale et la
pharmacie. Il publie ainsi vingt-deux notes, entre autres sur la préparation du chloroforme, de
l'iodure de plomb et du sirop de ratanhia, ainsi que sur l'origine du soufre chez les végétaux. Ces
travaux lui valent la reconnaissance de ses pairs.
103Illustration 37 : Travaux de Huraut.
BIU Santé Pharmacie. Registre 71 : op. cit.
En 1900, André-Pontier cite Huraut parmi d’autres pharmaciens célèbres : « Huraut, établi à
Paris, aborde ce problème difficile du rôle de l’azote atmosphérique dans la vie des êtres organisés,
et cet autre problème de l’origine du soufre dans les végétaux croissant dans des terrains exempts
de composés sulfurés ou sulfatés. »
104103 BIU Santé Pharmacie. D HUR : Dossier biographique de Théodore Huraut.
71
Il est élu membre résidant de la Société de pharmacie de Paris en 1846 et en devient le
secrétaire en 1850.
105Il compte parmi ses amis d'autres pharmaciens célèbres, qui ont laissé leurs
noms dans l'histoire, tels que Dorvault, à qui il aurait donné l'idée de son ouvrage l'Officine.
106Dorvault cite à plusieurs reprises les procédés de Huraut dans son livre. Une citation parmi
d'autres : « Depuis que nous avons émis cette idée sur l'évaporation au bain-marie de l'alambic,
notre ami, feu Huraut-Moutillard, a fait connaître un appareillage qui transforme l'alambic en un
véritable appareil sous vide ».
107Toutefois, l'esprit scientifique de Huraut ainsi que son grand respect pour la pratique
pharmaceutique l'amènent à éprouver un profond mépris pour les pratiques des charlatans de
l'époque. Il réprouve particulièrement les nouvelles réformes de la pharmacie qui autorisent
l’apparition de réclames dans les journaux. Son sentiment d'honnêteté pharmaceutique et sa crainte
d'être confondu avec un confrère moins scrupuleux, le poussent à adjoindre à son nom, le nom de
son respecté prédécesseur. C'est pourquoi il est souvent cité sous le nom de « Huraut-Moutillard »
dans la littérature.
108Parallèlement à son activité de pharmacien rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, à ses
travaux de recherche et à son implication dans les sciences pharmaceutiques, Huraut trouve le
temps de prendre part aux affaires publiques. Il occupe le poste d'administrateur du bureau de
bienfaisance, d'administrateur de la caisse d'épargne et de membre du conseil de salubrité de son
arrondissement. Il se voit même remettre la médaille d'argent en récompense de son dévouement
lors de l'épidémie cholérique survenue en 1849.
109Déjà très touchée par le choléra en 1832, la
France subit une deuxième pandémie de cette maladie en 1849. Cette dernière fait plus de 100 000
morts en six mois.
110Huraut exerce aussi en tant que pharmacien au Lycée Napoléon, établissement
situé place de l'église Sainte-Geneviève, non loin de sa pharmacie.
111105 DECAVE, M. op. cit., p. 471. La BIU Santé Pharmacie possède l’ensemble des procès verbaux de cette société dans
les registres 70 à 73 (voir note 102).
106 VIGIER, M.P. « Sinapismes et cataplasmes », article paru dans : L'Union pharmaceutique : journal de la Pharmacie
centrale de France, 15 septembre 1887, p. 17.
107 DORVAUX. op. cit., p. 479.
108 DECAVE, M. op. cit., pp. 475 - 476.
109
Ibid, p. 476.
110
« Note statistique sur le choléra de 1832, 1849 et 1854 », dans : Journal de la société statistique de Paris, tome 6,
1865, p. 321.
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Son état de santé se détériorant, il est contraint de renoncer à ses activités. Il décède en 1855
à l'âge de 42 ans.
112Aucun document n’indique que Théodore Huraut se soit marié ou ait eu des
enfants. Son père semble être venu s'occuper de lui pendant sa maladie.
113La pharmacie rue de la
Montagne-Sainte-Geneviève ne trouvera un successeur que quelques mois plus tard, en 1856 avec
Ambroise Buirat.
114Cette succession marque la fin d'une transmission familiale du patrimoine qui aura perduré
pendant presque 100 ans. Mais il va aussi s'agir d'un changement encore plus profond. En effet, lors
de son achat, Buirat sait déjà que l'emplacement de l'officine, rue de la
Montagne-Sainte-Geneviève, va être détruit par les travaux du baron Haussmann. Cette transition marque ainsi la fin
de l'apothicairerie de la Montagne-Sainte-Geneviève et le début de l'histoire de la pharmacie de la
rue Soufflot.
112 BIU Santé Pharmacie. D HUR : op. cit.
113 DECAVE, M. op. cit., p. 476.
114
Dans sa notice nécrologique, Décave indique qu’Huraut décède en 1855. Or, comme nous allons le voir par la suite, Ambroise Buirat n’obtient son diplôme qu’en 1856. Aucune information n’a été retrouvée permettant de savoir précisément si l’officine rue de la Montagne-Sainte-Geneviève est restée ouverte pendant cette période et si elle l’était, qui s’en est occupée.