6. Henri Lhopitallier (1897 – 1991)
6.3 La pharmacie Lhopitallier pendant la Seconde Guerre mondiale
Henri se marie en 1925 à Henriette Duchemin, originaire d’Honfleur. Ils emménagent au 3,
rue Soufflot et ils auront huit enfants entre 1927 et 1942. Plus tard, Henri déménage dans
l'appartement du 5, rue Soufflot avec sa femme et les plus jeunes enfants, pendant que les aînés
restent au numéro 3.
181 DILLEMANN, Georges, BONNEMAIN, Henri, BOUCHERLE, André. op. cit., pp. 43 - 44.
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Dans les années 1930, notre pharmacien réalise une publicité, s’appuyant sur l’histoire
séculaire de son officine et sur la conscience professionnelle des différents titulaires, pour mettre en
avant sa pharmacie.
Illustration 64 : Publicité réalisée par Henri Lhopitallier.
Crédit photographie : Virginie Claude.
En 1935, il décide de vendre sa pharmacie à Suzanne Boutry afin d'en acheter une autre,
plus importante, au 2, place Sacco-Vanzetti, à Clichy.
183Illustration 65 : Achat d’une pharmacie à Clichy.
Document issu des archives personnelles de la famille Lhopitallier.
183 Archives commerciales de la France. Journal Officiel d'Annonces Judiciaires et Légales, paru le vendredi 26 avril
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Suzanne Boutry est née le 20 juillet 1910 à Paris et est reçue pharmacienne le 19 janvier
1935.
184Illustration 66 : Enregistrement du diplôme de Suzanne Boutry.
Répertoire de réception des pharmaciens. Volume 3 : 1916 à 1945. Faculté des sciences
pharmaceutiques et biologiques (Université Paris Descartes). Service de la scolarité.
C'est une amie de la famille Lhopitallier. Elle fait son stage de début d'études dans la
pharmacie de la rue Soufflot puis elle seconde Henri. N'ayant pas les moyens d'acquérir seule une
officine, Henri lui propose de reprendre la sienne. Suzanne Boutry reverse une part des bénéfices à
Henri et celui-ci accepte de reprendre l'officine quand elle voudra s'installer seule. Ainsi de 1935
jusqu'en 1946, la pharmacie de la rue Soufflot est dirigée par Suzanne Boutry. Le changement de
propriétaire n'étant que temporaire, le nom sur la devanture n'est pas modifié, Suzanne Boutry
ajoute juste son nom sur la porte de l'officine et sur les étiquettes des médicaments.
Illustration 67 : Etiquette pour flacon d’alcool à 90° du temps de Suzanne Boutry.
Retrouvée dans un des ordonnanciers Lhopitallier.
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Conformément à la loi du 11 septembre 1941 (articles 21 et 36), Suzanne Boutry fait une
demande de licence d’exploitation pour la pharmacie rue Soufflot. Elle l’obtient le 15 mai 1943
(Annexe 26).
La pharmacie reste ouverte pendant toute la durée de la guerre et de l'occupation. Elle frôle
une nouvelle fois la destruction lors de la libération de Paris en août 1945. Les combats font rage
entre les Forces françaises de l'intérieur (FFI) et les troupes allemandes. Les FFI tiennent le
commissariat du V
earrondissement, situé rue Soufflot, tandis que les Allemands leur font face avec
leurs chars du côté du Luxembourg. Les obus tirés atteignent le Panthéon, laissant des trous dans les
colonnes. Un de ces projectiles touche également la façade en bois de la pharmacie. L'impact est tel
que la pharmacie semble s'être déplacée. Dans l'ordonnancier couvrant les années 1942 à 1945, la
page correspondant au jour de la Libération est vide à l'exception de la phrase « libération de Paris,
glace brisée ».
185Illustration 68 : Libération de Paris. Ordonnancier 1942 – 1945.
BIU Santé Pharmacie. [MS 2.10] : op. cit.
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Les alambics, eux aussi, sont menacés pendant cette guerre. En effet, bien que permettant la
production des eaux aromatiques, l'alambic est l'outil de la distillation, ou l'art de fabriquer de
l'alcool. Or l'alcool est un problème en France depuis de nombreuses années. Déjà dans les années
1870, on voit se former des « sociétés de tempérance » ayant pour but de combattre ce que l'on
nommait à l'époque « l'ivrognerie ».
186Cette prise de conscience des dangers de ces boissons va
entraîner la prise de mesures visant à limiter la production et la vente d'alcool. A la veille de la
Seconde Guerre mondiale, le fléau alcoolique perdure ; pire, on craint une déferlante d'alcoolisme
ouvrier avec l'arrivée du Front populaire au pouvoir et l'adoption des mesures sociales comme la
semaine de 40 heures ou les congés payés.
187Des réformes strictes sont finalement entreprises par le gouvernement d'Édouard Daladier,
puis par celui de Vichy. Le décret du 20 juillet 1940 interdit la distillation à domicile, entraînant la
mise sous scellés des alambics.
188Mais Paris est occupée par les Allemands et l’application du
décret n’est pas une priorité. A la fin de la guerre néanmoins, Henri reçoit une lettre des impôts
indirects l'informant qu'un inspecteur doit passer prochainement afin de détruire ses alambics. Henri
décide d'écrire une lettre en faisant valoir que malgré la guerre et son grand besoin de cuivre,
l'ennemi a respecté son matériel, conscient de sa beauté, mais que c'est finalement un fonctionnaire
de la Quatrième République qui va être chargé de cette destruction. Un inspecteur est malgré tout
mandaté ; il reconnaît la valeur des alambics et plutôt que de les détruire, il y appose des scellés.
Henri est mobilisé en 1939, il est nommé Commandant et part exercer dans les hôpitaux
jusqu'en 1941.
189Il revient ensuite à Paris et il exerce dans sa pharmacie de Clichy tout en aidant
Suzanne Boutry si le besoin s'en fait sentir. En 1946, Suzanne Boutry a suffisamment d'économies
pour acheter une pharmacie bien à elle. Henri reprend, comme convenu, l'officine de la rue Soufflot
et revend celle de Clichy.
186 NOURRISSON, Didier. Alcoolisme et antialcoolisme en France sous la Troisième République : L'exemple de la
Seine Inférieure. Paris : la Documentation française, 1988, tome I, p. 306.
187
Ibid., tome II, p. 888.
188
Bulletin de l'Institut National des appellations d'origine des vins et eau-de-vie. Paris : 138, avenue des Champs-Élysées, numéro 33, mars 1950, p. 13.
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Illustration 69 : Rachat de la pharmacie rue Soufflot par Henri Lhopitallier à
Suzanne Boutry.
Document issu des archives personnelles de la famille Lhopitallier.
Le général De Gaulle ayant restauré la possibilité d'exercer le double métier de
médecin-pharmacien au lendemain de la guerre, Henri peut de nouveau pratiquer la médecine dans sa
pharmacie.
190Cependant, étant le seul pharmacien présent dans l'officine, il ne peut se consacrer
pleinement à sa passion. Il devra attendre pour cela que son dernier fils, Roger, obtienne à son tour
le diplôme de pharmacien et vienne le seconder.
En 1964, la pharmacie est de nouveau témoin d’un évènement qui a marqué Paris. Le 19
décembre 1964, les cendres de Jean Moulin entrent au Panthéon. Le général De Gaulle passe devant
le n°3 de la rue Soufflot et malgré le vent et le froid, les gens se serrent devant la pharmacie
Lhopitallier pour écouter le fameux discours d’André Malraux.
190 Article 20 du décret d'application du 11 juillet 1946 concernant la loi du 11 septembre 1941 : « l'exploitation d'une
officine est incompatible avec l’exercice d'une autre profession, notamment avec celle de médecin, sage-femme, dentiste, même si l’intéressé est pourvu des diplômes correspondants. Toutefois, les médecins diplômés avant le
1-1-1948, (…) sont admis à exercer leur métier concurremment avec la pharmacie. » Issu du dossier 354 : La
documentation française, notes et études documentaires : la pharmacie et l'industrie pharmaceutique française. Paris, 2 novembre 1950, numéro 1398, p. 9 à 13.