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Nouvelle organisation de la profession et loi du 21 germinal an XI

3. De Nicolas-Denis Moutillard à Théodore Huraut

3.1 Nicolas-Denis Moutillard (1784 – 1850)

3.1.1 Nouvelle organisation de la profession et loi du 21 germinal an XI

Sous l'impulsion de Fourcroy, aidé par Vauquelin, le Consulat décide de réorganiser la

profession et de réformer les études pharmaceutiques. La loi promulguée le 21 germinal an XI (11

avril 1803), avait pour objectifs principaux :

 l’organisation de six écoles de pharmacie :

 la discipline des élèves ;

 la réception des pharmaciens (selon les modalités qui donneront naissance plus tard aux

diplômes de première et deuxième classe) ;

 mais aussi « la police de la pharmacie » ;

 et l’élaboration d’un Codex national.

Ce texte marque une date essentielle dans l’histoire du droit pharmaceutique. Il constitue à la

fois la première loi consacrée à l’ensemble des problèmes pharmaceutiques et le premier texte

pharmaceutique d’application territoriale générale. Son objet essentiel concerne la formation des

pharmaciens. Il s’agit de mettre en place un enseignement national qui pourrait prendre le relais de

la formation purement pratique dispensée par le régime corporatiste de l’ancien régime.

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Les systèmes corporatifs de l'Ancien régime sont complètement supprimés. L’État est

désormais responsable de la formation et de la réception des pharmaciens, de leur recrutement et de

leurs inspections. La loi réaffirme aussi le principe du monopole pharmaceutique. Les règles

commerciales de la profession sont également précisées : le pharmacien ne peut faire dans son

officine « aucun autre commerce ou débit que celui des drogues ou préparations médicinales ».

Celles-ci ne peuvent être vendues que dans les officines, à l’exclusion de toute distribution ou

étalage sur la place publique, et seulement sur la présentation d’une ordonnance signée par le

médecin. La vente des remèdes secrets est prohibée et les préparations « officinales » doivent être

effectuées suivant les formules d’un Codex que le gouvernement a pour mission de faire rédiger par

les professeurs des écoles de médecine et de pharmacie. Il est intéressant de noter que ces règles

sont encore d'actualité de nos jours.

87 FOUASSIER, Eric. « Le cadre général de la loi du 21 Germinal An XI », mars 2003. Article publié sur le site du

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La Société libre des pharmaciens est déchargée de la formation professionnelle et devient la

Société de pharmacie de Paris. L’École gratuite de pharmacie disparaît pour devenir l'École de

pharmacie dont Vauquelin est nommé directeur, Trusson en devient le directeur adjoint. L’État est

chargé des examens et du programme des études théoriques.

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3.1.1.1. L'organisation de l'enseignement

L’article premier de la loi du 21 germinal an XI annonce qu’« il sera établi une école de

Pharmacie à Paris, à Montpellier et à Strasbourg et dans les villes où seront placées les trois autres

écoles de Médecine suivant l’article XXV de la loi du 11 floréal an X ».

Si la loi présente, du point de vue de l’enseignement pharmaceutique, un incontestable

progrès, elle ne débouche pas, toutefois, sur une formation uniforme pour tous les pharmaciens. En

effet, le candidat à l’entrée dans la profession se voit offrir deux voies d’accès bien différentes : une

formation purement professionnelle consistant en un stage officinal de huit ans et une formation

mixte constituée par trois ans de stage et trois ans d’études théoriques dans une des écoles

nouvellement créées. Cette durée des études fait l’objet de l’article VIII de la loi :

Article VIII : Aucun élève ne pourra prétendre à se faire recevoir pharmacien sans avoir exercé,

pendant huit années au moins, son art dans des pharmacies légalement établies. Les élèves qui

auront suivi pendant trois ans les cours donnés dans une des écoles de pharmacie, ne seront tenus,

pour être reçus, que d’avoir résidé trois autres années dans ces pharmacies.

Dans le premier cas, les examens terminaux se déroulent devant les jurys départementaux

mis en place pour la réception des officiers de santé et n’ouvrent droit qu’à un exercice limité, le

diplômé ne pouvant s’installer que dans son département de réception. Dans le deuxième cas,

l’examen a lieu dans les écoles de pharmacie et permet d’exercer sur l’ensemble du territoire

national.

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88 DILLEMANN, Georges, BONNEMAIN, Henri, BOUCHERLE, André. op. cit., p. 41 à 43.

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Les modalités d’examen sont précisées ici :

Article XV : Les examens seront les mêmes dans les écoles et devant les jurys. Ils seront au nombre

de trois : deux de théorie, dont l’un sur les principes de l’art, et l’autre sur la botanique et l’histoire

naturelle des drogues simples ; le troisième, de pratique, durera quatre jours, et consistera dans au

moins neuf opérations chimiques ou pharmaceutiques désignées par les écoles ou les jurys.

L’aspirant fera lui-même ces opérations ; il en décrira les matériaux, procédés et les résultats.

Article XVI : Pour être reçu, l’aspirant, âgé au moins de 25 ans accomplis, devra réunir les deux

tiers des suffrages des examinateurs. Il recevra des écoles ou des jurys un diplôme qu’il présentera

à Paris au préfet de police, et dans les autres villes, au préfet du département, devant lequel il

prêtera serment d’exercer son art avec probité et fidélité. Le préfet lui délivrera son diplôme, l’acte

de prestation de serment.

Ces deux voies d'accès à la profession mènent à la création de diplômes de pharmaciens de

première classe et de deuxième classe. Le décret du 22 août 1854 rend les études obligatoires. Puis,

le décret du 26 juillet 1885 prévoit, pour les deux catégories, trois ans de stage et trois ans de

scolarité. Finalement, le diplôme de deuxième classe est supprimé en 1898 et le décret du 26 juillet

1909 précise les conditions d'obtention du diplôme de première classe par les pharmaciens de

deuxième classe. Le décret du 12 juillet 1877 institue le diplôme de « pharmacien supérieur » et le

règlement du 28 mars 1898 institue le « doctorat en pharmacie » de l’Université de Paris. Par la

suite, le serment est supprimé par la loi du 30 juin 1906 et des titres nouveaux sont créés.

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3.1.1.2. La réglementation de l'exercice professionnel

Concernant la « police de la pharmacie », la loi de germinal n'apporte pas de changement

majeur, elle ne fait qu'affirmer les règles qui se sont instaurées au fil du temps

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. Pour commencer,

elle établit le monopole des pharmaciens en imposant que seuls les pharmaciens diplômés sont en

droit d'ouvrir et d'exploiter une officine, de préparer et vendre des médicaments (article XXV).

Cependant, aucune sanction pénale n'est prévue en cas d'exercice illégal de la pharmacie. Il faudra

attendre mars 1903 pour que la chambre criminelle de la Cour de Cassation remédie à cet oubli.

90

BOUVET, Maurice. Histoire de la Pharmacie en France. Paris : Editions Occitania, 1937, pp. 336 - 337.

91 La police de la pharmacie est surtout définie par l'article 319 et 320 du code pénal. LEONARD, Jacques. La médecine

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Par ailleurs, la loi détermine les conditions générales d’exercice de la pharmacie : possession

du diplôme, obligation d’adresser une copie légalisée du diplôme au greffe du tribunal de première

instance et au préfet du département où la profession va être exercée. Elle stipule que le pharmacien

ne peut exploiter plus d’une officine (article XXV). Les modalités d’exploitation et d’exercice se

trouvent réaffirmées avec force : obligation de ne livrer et débiter des préparations médicinales ou

drogues composées que d’après les prescriptions des praticiens autorisés (médecins, chirurgiens et

officiers de santé), conformité des préparations aux formules rédigées dans les écoles de médecine,

interdiction de se livrer dans l’officine à un autre commerce que celui des drogues ou préparations

médicinales (article XXXII), prohibition des ventes sur la place publique (article XXXVI),

interdiction des remèdes secrets (article XXXII), réglementation de la détention et de la vente des

substances vénéneuses (articles XXXIV et XXXV).

Pour veiller au respect de toutes ces dispositions, un contrôle des officines est institué par

l'article XXI. Celui-ci repose sur les visites périodiques des officines par des membres des écoles de

médecine et de pharmacie, assistés d'un commissaire de police. Ces visites tendent notamment à

veiller à la bonne qualité des drogues et médicaments.

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Par décret du 3 mars 1859, l’inspection est retirée aux jurys médicaux et attribuée aux

Conseils d’hygiène publique et de salubrité. Finalement, l’inspection est rattachée, en 1926 au

Ministère de la Santé publique et de l’Éducation physique.

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Nicolas-Denis Moutillard, en passant son examen de maîtrise en 1809, est le témoin de cette

nouvelle législation qui se met progressivement en place.