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Ph´ enom´ enologie de la transition liquide-gaz proche du point critique

5.3 M´ ecanismes et crit` eres de l’´ ejection de mati` ere

5.3.3 Ph´ enom´ enologie de la transition liquide-gaz proche du point critique

l’´epaisseur de peau. Nous avons vu au chapitre 2 comment elle se propageait par la suite plus profond´ement dans le milieu tout en ´etant progressivement transf´er´ee aux ions. La temp´erature ´electronique est largement sup´erieure `a celle des ions pendant ce processus de chauffage mais la relaxation compl`ete de l’´energie intervient typiquement dans les premiers instants de la mise en vitesse du mat´eriau. Ainsi, il est l´egitime de consid´erer que le d´ecouplage en temp´erature n’a plus d’influence apr`es ce chauffage que nous pouvons pratiquement qualifier d’isochore. La mati`ere d´ecrite dans ce paragraphe doit donc ˆetre vu comme un syst`eme `a une seule temp´erature. Les figures (5.9) et (5.10) reproduisent les chemins thermodynamiques de l’aluminium et du cuivre suivis par quelques mailles lors d’une simulation r´ealis´ee pour une impulsion de 5 J cm−2,

λ =800 nm, τL=150 fs. Les parcours suivis par ces couches infinit´esimales, prises `a diff´erentes profondeurs dans le solide initial, sont repr´esent´es dans un diagramme de phase (P-ρ). Ils vont nous permettre d’analyser le comportement dynamique du mat´eriau lors des transitions de phase et ainsi de d´eterminer les fronti`eres entre les diff´erents ´etats du mat´eriau afin d’interpr´eter les exp´eriences d’ablation.

Fig. 5.9 – Chemins thermodynamiques suivis par diff´erentes mailles dans l’aluminium pour diff´erentes profondeurs dans un diagramme (P-ρ). Les courbes binodale, spinodale, fusion ainsi que le point critique () sont repr´esent´es sur le diagramme.

Chapitre 5 : Détermination de l’ablation de matière

Fig.5.10 – Chemins thermodynamiques suivis par diff´erentes mailles dans le cuivre pour diff´ e-rentes profondeurs dans un diagramme (P-ρ). Les courbes binodale, spinodale, de fusion ainsi que le point critique () sont repr´esent´es sur le diagramme.

Aussitˆot apr`es l’impulsion, le mat´eriau peut ˆetre vu comme un solide chaud `a haute pression. La mont´ee en pression du mat´eriau se caract´erise par une transition verticale dans le diagramme (P-ρ) puisque sa densit´e reste identique `a sa densit´e froide ρ0. Le niveau de pression atteint est totalement d´efini par l’´equation d’´etat utilis´ee. Le relˆachement de la contrainte induit une diminution progressive de la densit´e lors de la mise en d´etente du mat´eriau. La pression dimi-nue durant cette phase d’expansion m´ecanique et le m´etal se refroidit presque adiabatiquement puisque l’´energie n’a pas le temps d’ˆetre transf´er´ee vers l’ext´erieur. Si la temp´erature initiale exc`ede la temp´erature critique, le mat´eriau liquide se comporte comme un gaz en d´epit de sa forte densit´e, typique de la phase liquide. Il ne se produit alors aucun changement de phase. L’expansion se poursuit jusqu’`a atteindre la ligne binodale `a partir de laquelle il entre dans un r´egime `a deux phases. En traversant la ligne binodale comme un liquide homog`ene, il se pr´esente sous la forme d’un liquide surchauff´e qui tend `a se transformer en bulles de gaz `a un taux augmentant avec le degr´e de surchauffage du fluide. Comme nous pouvons le remarquer sur les deux figures, la pression chute nettement `a densit´e constante au voisinage de la densit´e correspondant `a l’abscisse d’intersection du chemin thermodynamique que nous assimilerons `

a l’isentrope et de la binodale. La vitesse du son, d´efinie par cs = (∂P/∂ρ)1/2S , montre ici un

premier point de discontinuit´e et s’abaisse alors consid´erablement. Il s’agit de la principale caract´eristique observable avant le franchissement de la binodale. La travers´ee de la zone de m´elange liquide-gaz s’effectue `a pression presque constante, alors que la densit´e diminue pro-gressivement, de mani`ere tr`es lente puisque la vitesse d’expansion est limit´ee par la vitesse du son lors de la transition de phase (typiquement quelques centaines de m`etres par seconde). Une seconde chute de pression apparaˆıt ensuite lorsque la cellule sort de la zone biphasique et se comporte comme un gaz. Une seconde discontinuit´e dans la vitesse du son est associ´ee `a cette transition m´elange-gaz [166] et cs augmente fortement.

Pour des profondeurs sup´erieures `a 200 nm (non repr´esent´ees sur les figures), une fine couche du mat´eriau peut d´epasser la courbe de fusion, en vert sur les figures, tout en conservant une densit´e sup´erieure `a celle de la zone m´etastable lors de la diminution de la pression. Il s’agit d’une couche de liquide `a densit´e constante de quelques dizaines de nm, d´elimit´ee par le substrat solide et le m´elange liquide-gaz, se d´epla¸cant `a vitesse constante. Les fronti`eres tr`es marqu´ees entre cette couche et le reste du mat´eriau tendent `a faire penser qu’elles pourraient expliquer les figures d’interf´erences observ´ees par von der Linde et Sokolowski-Tinten lors de l’interaction d’un laser sonde avec un film en expansion [137, 138]. En effet, comme le montre la figure (5.11) obtenue `a partir d’exp´eriences de microscopie optique r´esolues en temps, un syst`eme d’anneaux de Newton apparaˆıt pendant une centaine de nanosecondes lors de la vaporisation de la surface d’un ´echantillon solide apr`es une impulsion laser ultracourte dont la fluence avoisine la fluence seuil d’ablation. Deux surfaces r´efl´echissantes distinctes sont n´ecessaires pour qu’un tel ph´enom`ene se produise. Il a donc ´et´e suppos´e qu’une couche de liquide, dont les bords marquent les sauts de densit´e, devait ˆetre responsable de cette double r´eflexion [5, 63].

Fig. 5.11 – Exemples d’anneaux de Newton observ´es par Sokolowski-Tinten et al dans un ´echantillon d’aluminium (`a gauche) et d’or (`a droite) [138]. Le temps s´eparant l’irradiation de la mesure est inscrit en bas `a droite de chaque figure.

Comme nous l’avons expliqu´e au chapitre 4, la cr´eation d’une onde de rar´efaction est im-putable `a la perte de convexit´e de l’isentrope dans le diagramme (P-V) lorsque celui-ci sort de la zone de coexistence. Elle se propage alors vers l’int´erieur du mat´eriau et va se r´efl´echir `a la fronti`ere avec le solide froid. L’onde de d´etente incidente et l’onde transmise vont interf´erer `a l’int´erieur de la zone de coexistence, ce qui provoque l’expansion de chacune des cellules lors de

Chapitre 5 : Détermination de l’ablation de matière

leur transition de phase [63, 64, 5]. Il s’ensuit une ´evaporation progressive due au m´ecanisme de nucl´eation homog`ene, et le milieu passe continˆument d’un liquide contenant des bulles de gaz `a une vapeur compos´ee de quelques gouttelettes. Le milieu `a deux phases subit alors constamment une d´eformation qui diminue avec la mise en vitesse progressive de la cellule vers la surface libre. Le taux de d´eformationT est une grandeur permettant de d´efinir cette vitesse relative du fluide vis `a vis de l’´el´ement qui le pr´ec`ede, il est d´efini par le rapport entre le diff´erentiel de vitesse et l’´epaisseur de la cellule [53] :

T = uE − uI

zE − zI

(5.4) o`u uE et uI sont respectivement les vitesses ext´erieures et int´erieures de chacune des cellules comme nous les avions repr´esent´ees sur la figure (4.2). Nous pouvons d’ores et d´ej`a faire le lien entre ce taux de d´eformation et les diagrammes (P-ρ) obtenus dans nos simulations. Il est en effet apparu que T ´etait de l’ordre de 109 s−1 dans nos simulations et qu’il ´etait positif,

sans osciller autour de z´ero durant cette phase d’expansion du liquide. Au contraire, la couche liquide plus en profondeur et de plus forte densit´e, par exemple `a 300 nm de profondeur dans les simulations correspondant aux figures ici pr´esent´ees, subit un taux de d´eformation tr`es fluc-tuant autour de z´ero, ne semblant pas privil´egier de direction d’expansion. Cette remarque est primordiale pour pouvoir d´efinir correctement notre crit`ere d’ablation comme nous le verrons dans la prochaine section.

Si le chauffage isochore initial est suffisamment intense, le mat´eriau est soumis `a une ex-pansion adiabatique sans entrer dans le liquide `a deux phases, comme nous pouvons l’observer sur les figures (5.9) et (5.10) pour les mailles les plus proches de la surface. Il suit le parcours d’isothermes au dessus de TC et se comporte donc comme un gaz id´eal. Derri`ere le front de choc, la densit´e diminue et la trajectoire du chemin thermodynamique suit une loi de type gaz parfait proche de l’adiabatique de Sackur-Tetrode avec P∝ ρ5/3. Dans ce cas de figure, une onde de rar´efaction est ´egalement cr´e´ee comme nous l’avions pr´ecis´e au cours du chapitre 4. Comme l’ont fait n´eanmoins remarquer Bulgakova et al [20], la vitesse du son a tendance `a aug-menter derri`ere l’onde de rar´efaction alors qu’elle diminuait consid´erablement durant le passage de l’´etat liquide `a l’´etat gazeux. Il en r´esulte que dans l’hypoth`ese o`u la majorit´e des cellules serait port´ee au-dessus du point critique, l’onde de rar´efaction prendrait un profil diff´erent et favoriserait ainsi une ´ejection du mat´eriau en surface exempt de gouttelettes.