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5.3 M´ ecanismes et crit` eres de l’´ ejection de mati` ere

5.3.4 Fragmentation et ´ ecaillage

Le processus d’´ecaillage est une cons´equence brutale d’une mise en traction interne dans le solide. Il r´esulte du recouvrement des ondes de choc `a la suite de multiples allers-retours apr`es r´eflexion aux interfaces. Les interf´erences constructives peuvent donner lieu `a une forte traction localis´ee, induisant une contrainte pouvant d´epasser le seuil de fracture du mat´eriau. Sur la figure (5.12), nous avons sch´ematis´e le ph´enom`ene de forte traction ponctuelle engendrant l’´ecaillage. Nous devons souligner qu’il peut se produire en face avant, dans le cas d’un fort gradient de temp´erature `a la surface du mat´eriau, ou en face arri`ere, lors de la r´eflexion de l’onde de choc `a l’interface m´etal-air.

Métal chaud Métal chaud Métal chaud

Détentes

Compression

Croisement Traction

(3)

(1)

Métal froid

(2)

Métal froid Métal froid

Fig.5.12 – Sch´ematisation de l’´evolution des contraintes conduisant au m´ecanisme d’´ecaillage. (1) Chauffage de la cible. (2) Croisement des ondes de d´etente. (3) Ecaillage en face avant.

Le ph´enom`ene d’´ecaillage `a l’arri`ere d’un ´echantillon d’aluminium de 25 µm a ´et´e ´etudi´e ex-p´erimentalement par Tamura et al au moyen d’impulsions laser de 50 fs d’environ 25 J cm−2[148].

Le groupe de Vidal et al s’est r´ecemment int´eress´e `a ce type d’endommagement en se pla¸cant dans les conditions de l’exp´erience pr´ec´edente [154]. Ils ont assimil´e le processus de fracturation `

a une d´ecomposition spinodale se produisant cette fois loin du point critique. Lorsque l’´ evolu-tion de la contrainte en tracevolu-tion oblige la pression `a rentrer dans la zone instable d´elimit´ee par la courbe spinodale, ce groupe envisage une fracture dans le mat´eriau. Il s’agit d’un m´ecanisme d’´ecaillage de la face arri`ere du cristal qui d´epend de l’´epaisseur de la cible puisque l’onde de d´etente doit effectuer un aller-retour dans le mat´eriau. Ils ont d´etermin´e que, dans leur simu-lation, une tension critique de -12.8 Gpa avait alors ´et´e n´ecessaire pour observer la formation d’une ´ecaille dans le solide, obtenue grˆace `a une impulsion de 410 J cm−2. Cette fluence s’´eloigne

nettement des conditions de l’exp´erience et la d´etermination th´eorique de la tension de rupture sur la base du mod`ele de More et al ([104]) ne tient pas compte de l’existence de d´efauts naturels dans la cible, ce qui limite la pertinence de la valeur de fluence« critique » obtenue.

Chapitre 5 : Détermination de l’ablation de matière

Fig.5.13 – Microscopie optique d’une coupe d’un ´echantillon d’aluminium de 50 µm d’´epaisseur lors d’un processus d’´ecaillage face arri`ere [148].

Les principales caract´eristiques d’un choc conduisant `a un tel endommagement r´esident dans l’amplitude et la dur´ee de la traction appliqu´ee. Le caract`ere dynamique de la traction joue un rˆole fondamental dans le ph´enom`ene d’endommagement, et les seuils de fracture sta-tique diff`erent des seuils de fracture dynamique. Il semblerait que plus le temps d’application de la traction est ´elev´e, plus le seuil de rupture en traction est bas [16]. Pour ne pas tenir compte uniquement de l’amplitude atteinte par l’onde de traction, crit`ere dit de cut-off, nous avons impos´e le crit`ere de Tuler-Butcher [152]. Ce dernier int`egre les effets dynamiques dans sa formulation, notamment la dur´ee de la traction, en proc´edant `a une int´egration de la contrainte lorsqu’elle d´epasse un certain seuil. Il s’´ecrit sous la forme suivante :

 t 0  σ− σS σS λ dt≤ Kf (5.5)

o`u σS est le seuil en contrainte, λ le coefficient d’´evolution, et Kf repr´esente la valeur seuil de l’int´egrale, au del`a de laquelle il y a rupture. Il permet de mod´eliser l’endommagement fragile et ductile mais il ne d´ecrit pas la refermeture des cavit´es lors d’une compression. Les valeurs de ces coefficients sont r´epertori´ees dans le tableau (5.1) ci-dessous :

Param`etre σS λ KF Mat´eriau/Unit´e GPa s.u. s

Aluminium 1 2.02 3.8× 10−7

Cuivre 0.36 2 7.7× 10−7

Tab. 5.1 – Valeurs num´eriques des param`etres m´ecaniques utilis´es dans l’utilisation du crit`ere de Tuler-Butcher [125, 152].

Dans nos simulations, le seuil statique de fracturation est d´epass´e en face avant d’une cible de cuivre, pour des ´ecailles dont les ´epaisseurs peuvent atteindre 60 nm `a 3 J cm−2 et 300 nm

`

a 10 J cm−2, `a condition de n´egliger le crit`ere de Tuler-Butcher. Par application de ce dernier,

aucune ´ecaille ne se forme aux fluences consid´er´ees (0 `a 30 J cm−2). Soulignons toutefois que

les param`etres de ce crit`ere n’ont pas ´et´e d´etermin´es pour les conditions d’irradiations

secondes. Il convient donc de consid´erer ce crit`ere avec pr´ecaution. Dans le cas de l’aluminium, des contraintes en traction de l’ordre de 0.6 GPa ont ´et´e observ´ees. Elles sont inf´erieures au seuil de fracture fix´e `a 1 GPa, ce qui ne permet pas d’envisager ce type de dommage. Nous avons ´egalement simul´e le cas exp´erimental de Tamura et al afin d’identifier une ´ecaille en face arri`ere. Dans nos simulations, une traction sup´erieure au seuil de fracturation (1 GPa) apparaˆıt, pouvant former une ´ecaille de 4.5 µm d’´epaisseur `a l’arri`ere d’une cible d’aluminium de 25 µm, si nous estimons que le temps d’application de cette contrainte est suffisant. Elle se formerait au bout de 5 ns mais le crit`ere de Tuler-Butcher n’est, cette fois encore, pas respect´e puisqu’elle ne s’applique que sur une centaine de picosecondes.

Le processus d’´ecaillage en face avant pourrait constituer un autre m´ecanisme d’ablation, `

a condition que la traction dans le solide ait une dur´ee suffisamment longue pour autoriser la fracturation. Pour cela, il faudrait disposer d’un mod`ele de fragmentation en phase solide plus adapt´e aux d´eformations ultrabr`eves, provenant, par exemple, d’une mod´elisation de dy-namique mol´eculaire ou de r´esultats exp´erimentaux. Notons toutefois que nous n’avons pas eu connaisance de l’observation de fragments solides dans la mati`ere ´eject´ee en surface d’´ echan-tillons de cuivre, et qu’il est donc probable qu’une contrainte en traction trop br`eve ne produise pas de fracture. En revanche, nous avons pu reproduire les conditions n´ecessaires `a la formation d’une ´ecaille en face arri`ere dans le cas d’une cible mince irradi´ee par une impulsion de forte intensit´e. Des confrontations entre ce type d’exp´eriences et nos simulations pourraient fournir de nouvelles informations sur les propri´et´es cin´etiques de la fragmentation et ainsi conduire `a l’ajustement des mod`eles existants, d´edi´es aux d´eformations de dur´ee plus longue.

Chapitre 5 : Détermination de l’ablation de matière