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Application de l’ellipsom´ etrie au sondage de l’´ etat de mati` ere

8.3 Observation temporelle de la dynamique ultrarapide

8.3.2 Application de l’ellipsom´ etrie au sondage de l’´ etat de mati` ere

Nous allons pr´esenter ici des r´esultats provenant d’exp´eriences d’ellipsom´etrie, r´ealis´ees par Yoneda et al [105, 162]. Cette exp´erience originale permet d’acc´eder non seulement `a la r´ eflec-tivit´e mais aussi `a la phase. L’ellipsom´etrie est une m´ethode `a deux faisceaux dans laquelle une des deux composantes polaris´ees sert de r´ef´erence pour l’amplitude et la phase de l’autre. Nous pr´esenterons succintement le diagnostic r´esultant de ce type d’exp´erience. Ceci nous permettra de d´efinir les quantit´es mesur´ees par l’exp´erience, que nous comparerons `a nos simulations dans lesquelles nous avons impos´e des conditions similaires d’interaction.

L’ellipsom´etrie est une technique optique visant `a d´eterminer les propri´et´es des surfaces et des films minces. Elle est bas´ee sur le fait que lorsque la lumi`ere lin´eairement polaris´ee est r´efl´echie `a incidence oblique, l’onde r´efl´echie est elliptiquement polaris´ee. La forme et l’orien-tation de l’ellipse d´ependent de l’angle d’incidence et de la polarisation de l’onde incidente et des propri´et´es de r´eflexion du mat´eriau. Il est alors possible de mesurer la polarisation de la lumi`ere r´efl´echie avec une lame quart d’onde suivie d’un analyseur. Une onde plane incidente se propageant dans la direction z et l’onde r´efl´echie `a la surface du mat´eriau s’´ecrivent :

    Ei(r, t) =   Ex+ Ey exp[i(kz− ωt)]  Er(r, t) =  rpEx+ rsEy exp[i(kz− ωt)]

Dans le syst`eme de coordonn´ees choisi, les axes x et z d´efinissent le plan d’incidence et l’axe y est perpendiculaire `a ce plan. Les r´eflectivit´es rp et rs contiennent l’action de l’´echantillon sur la composante parall`ele (p) et la composante perpendiculaire (s) au plan d’incidence. Les propri´et´es optiques du mat´eriau se d´eduisent des propri´et´es des ondes incidentes et r´efl´echies `a travers les amplitudes et les phases de chacune d’entre elles. Le rapport des intensit´es s’´ecrit :

 Ir Ii  p = | rpEx|2 | Ex |2 =| rp |2=Rp (8.4)  Ir Ii  s = | rsEy |2 | Ex|2 =| rs |2=Rs (8.5) Contrairement `a la r´eflectom´etrie, une seule mesure ellipsom´etrique permet d’acc´eder `a deux param`etres. En cons´equence, les parties r´eelles et imaginaires de la fonction di´electrique com-plexe ˜ sont directement accessibles sans avoir recours `a plusieurs mesures ou `a une analyse de type Kramers-Kronig [113]. De plus, les mesures ellipsom´etriques sont relativement insensibles aux fluctuations de la source ou `a l’´etat de rugosit´e en surface du mat´eriau. Alors qu’en r´ eflec-tom´etrie des pertes d’´energie sont possibles, li´ees au fait qu’une partie de la lumi`ere peut ˆetre r´efl´echie en dehors de l’angle solide de l’instrument de mesure, notons que l’intensit´e absolue n’est pas n´ecessaire en ellipsom´etrie.

Dans l’exp´erience de Yoneda et al, un faisceau pompe de 300 fs amplifi´e par un laser excimer Kr*F d’une fr´equence de 248 nm a ´et´e utilis´e. Le plasma cr´e´e par cette impulsion a ´et´e sond´e `

a l’aide d’une impulsion de 120 fs `a 745 nm d´elivr´e par un laser Ti : Sapphire inclin´e de l’angle permettant un maximum d’absorption en polarisation (p), soit 64, par rapport au faisceau

pompe et polaris´e `a 45 afin d’avoir l’´egalit´e des composantes (s) et (p). Leur exp´erience fournit

l’´evolution temporelle de deux quantit´es ind´ependantes. La premi`ere, X, d´epend uniquement du rapport des r´eflectivit´es (s) et (p), et la seconde, Y , d´epend ´egalement de la diff´erence de phase (δ) entre ces deux polarisations :

             X = r 2 p r2 s = Rp Rs Y = (I3− I4) (I3+ I4) = 2| rs || rp| sin(δ) | rs|2 +| rp|2 (8.6)

Les r´esultats exp´erimentaux obtenus, montrant l’´evolution de ces deux quantit´es, sont pr´ e-sent´es sur les figures (8.5) et (8.6) suivantes. Nous y avons ajout´e les simulations num´eriques correspondantes, pour les deux fluences donn´ees, r´ealis´ees au moyen du code Delpor.

Fig. 8.5 – D´ependance temporelle du rapport des r´eflectivit´es p et s (X) dans une cible d’or pour deux intensit´es distinctes du laser pompe.

Le sursaut sur les courbes exp´erimentales ainsi que sur nos simulations pr´esent´ees pour (X) refl`ete le premier changement d’´etat `a 300 fs. Dans nos simulations, le point de fusion marque le d´ebut de l’expansion de la cible. Le minimum obtenu du rapport des r´eflectivit´es correspond au maximum atteint par le taux de collisions dans le mat´eriau soit au maximum de temp´erature

Chapitre 8 : Application à l’interprétation de résultats expérimentaux

et donc `a l’instant de la thermalisation ´electron-ion. Cette relaxation semble avoir lieu tr`es tˆot, dans la premi`ere picoseconde.

Fig. 8.6 – D´ependance temporelle du rapport des intensit´es (Y ) dans une cible d’or pour deux intensit´es distinctes du laser pompe.

Pour l’intensit´e la plus faible, la simulation num´erique restitue correctement le rapport X =Rp/Rsavec un l´eger retard pour la d´ecroissance. La restitution de la seconde quantit´e (Y) est moins performante. Pour l’intensit´e la plus forte, la simulation ne r´eussit pas `a rendre compte de la forte disparit´e des r´esultats exp´erimentaux en fonction de l’intensit´e du laser pompe.

Par contre, pour les deux intensit´es, nous obtenons une courbe unique sur le diagramme de la figure (8.7) page suivante. Ces courbes pr´esentent les trajectoires ellipsom´etriques dans le plan (X,Y ). Nous pouvons noter que les courbes exp´erimentales ne sont pas identiques `a celles report´ees pr´ec´edemment, pour (X) et pour (Y ), ce qui tend `a montrer que les intensit´es ne sont pas identiques `a celles utilis´ees dans nos simulations, pour lesquelles nous avons gard´e les intensit´es utilis´ees pr´ec´edemment. Nous voyons clairement que nos simulations ne permettent pas de distinguer des effets diff´erents lors de l’augmentation de l’intensit´e, puisque nos deux courbes se superposent presque. Dans cette situation, il est difficile de donner une interpr´etation des r´esultats obtenus.

Dans le plan (X,Y ), caract´eristique de l’´etat thermodynamique du plasma, les points se placent sur une courbe assez peu dispers´ee dans le cas de l’intensit´e 7× 1012 W cm−2. Ce n’est

pas le cas pour l’intensit´e de 3× 1013 W cm−2, o`u les points obtenus au-del`a de la premi`ere

picoseconde font apparaˆıtre un nuage totalement en dehors de la courbe principale. Ainsi, dans le cas des faibles intensit´es, le retour s’effectue par le mˆeme chemin que pendant le chauffage,

contrairement au cas des plus hautes intensit´es. Les auteurs expliquent ce comportement par la formation d’ions d’or n´egatifs due `a la recombinaison. Celle-ci serait directement li´ee au refroi-dissement rapide du plasma retrouvant sa neutralit´e en raison de la forte affinit´e ´electronique de l’or (2.3 eV) `a comparer au potentiel d’ionisation ´elev´e (9.2 eV). La courbe principale obtenue avec la faible intensit´e et les premiers instants de la forte intensit´e correspond `a une ionisation simple de l’or durant le chauffage laser et en plus, pour la faible intensit´e, au processus inverse, i.e. la recombinaison vers l’´etat atomique neutre.

Fig. 8.7 – R´esultats exp´erimentaux et calcul´es de trajectoires ellipsom´etriques dans une cible d’or pour deux intensit´es distinctes du laser pompe.

Les comparaisons de simulations num´eriques avec des exp´eriences de type pompe-sonde peuvent ainsi s’av´erer tr`es enrichissantes pour comprendre les r´esultats exp´erimentaux et de valider ainsi les propri´et´es de transport introduites dans nos simulations. Les propri´et´es de la mati`ere sont alors sond´ees et nous pouvons remonter `a l’´etat de la mati`ere au cours de sa transformation pendant et apr`es une irradiation laser. Ces exp´eriences effectu´ees dans le cas d’impulsions ultracourtes fournissent une m´ethode originale de visualisation de l’´evolution ultrarapide du m´etal. Ceci ouvre de nouvelles perspectives pour mod´eliser des exp´eriences d´ej`a r´ealis´ees ou pour imaginer des exp´eriences d´edi´ees qui pourront permettre de valider les donn´ees d’´equation d’´etat ou de coefficients de transport dans les plasmas denses.

CHAPITRE

9

Application `a la mise en forme temporelle d’impulsions ultracourtes

Comme nous l’avons vu dans le chapitre pr´ec´edent, la r´eflectivit´e et la transmitivit´e affichent une d´ependance temporelle marqu´ee. Celle-ci r´esulte du fort taux de chauffage et de la violente hydrodynamique engendr´ee. Ainsi, il est probable qu’avec des formes d’impulsion appropri´ees, nous pourrions am´eliorer la quantit´e ou la qualit´e des dommages occasionn´es. C’est le sujet de ce nouveau chapitre o`u nous allons fournir une analyse des effets pr´ef´erentiellement sollicit´es lors d’impulsions dont le profil temporel est particulier.

Ayant pour objectif d’apporter une meilleure compr´ehension des m´ecanismes fondamentaux, il est n´ecessaire d’envisager de nouvelles exp´eriences dont la pr´evision des r´esultats peut fournir une pr´e-optimisation des conditions exp´erimentales. Ce type de confrontation peut ´egalement permettre de d´egager les param`etres importants qui pourront ˆetre ajust´es par l’exp´erience pour un meilleur r´esultat.

Nous pr´esenterons dans un premier paragraphe une ´etude de l’effet d’une double-impulsion ultracourte sur les processus d’ablation que nous connecterons `a la variation de la r´eflectivit´e optique. Nous verrons ensuite deux mises en œuvre exp´erimentales possibles. La premi`ere, pro-grammable par valve optique, permet de g´en´erer deux impulsions s´epar´ees d’un retard ajustable pouvant aller jusqu’`a quelques picosecondes. A l’inverse, la seconde permet une mise en forme temporelle passive, en d´edoublant une impulsion unique de telle sorte que les deux pics soient retard´es d’un temps inf´erieur `a une picoseconde. Chacune d’entre elles fera l’objet d’une ´etude num´erique d´edi´ee pour estimer les param`etres thermodynamiques du mat´eriau et ainsi rendre compte de l’´etat atteint par les mat´eriaux irradi´es.

9.1 Effet d’une double-impulsion sur l’absorption optique et

l’ablation

Cons´ecutivement `a une irradiation laser, nous avons vu que les propri´et´es optiques et ther-miques en surface du mat´eriau ´evoluaient de mani`ere significative. Il est alors l´egitime de penser qu’une seconde impulsion interagissant avec le milieu produirait des effets diff´erents de ceux in-duits par la premi`ere impulsion rencontrant le solide froid. La variation des indices optiques au cours du temps entraˆıne une modification de la quantit´e et du profil de l’´energie incidente ab-sorb´ee. Il parait ainsi int´eressant de pouvoir relier la r´eflectivit´e d’une impulsion principale aux effets potentiels qu’engendrerait une seconde impulsion. De plus, il a ´et´e observ´e exp´ erimentale-ment une diminution des bourrelets entourant la zone d’ablation dans cette configuration [140]. La figure (9.1) illustre ce ph´enom`ene en comparant l’endommagement r´esultant d’impulsions simples et de double-impulsions de 180 fs.

Fig. 9.1 – Photographies MEB de structures obtenues sur une cible de silicium `a la suite de 3 impulsions laser `a 780 nm de 180 fs, F=2.3 J cm2 simples (`a gauche) et doubles (`a droite), retard´ees de 22 ps [140].