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Phénomènes d’instabilités dans une couche de mélange plane

2. REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3. Phénomènes d’instabilités dans une couche de mélange plane

L’interface de deux flux parallèles l’un à l’autre et ayant des vitesses ou des densités différentes est couramment observée dans de nombreux phénomènes naturels et applications pratiques. Un mélange intense des deux flux se produit dans la région présentant un gradient du paramètre spécifique et, par conséquent, ces types d’écoulements systèmes de fluides sont généralement appelés couches de mélange. L’interaction des deux courants se traduit par une forte action de cisaillement et, par conséquent, la couche de mélange est fondamentalement une représentation d’une classe plus large d’écoulement non visqueux à cisaillement libre. Cette configuration d’écoulement domine un certain nombre de phénomènes, notamment l’écoulement dans les jets et les sillages, la dispersion des polluants dans l’atmosphère, la météorologie en relation avec la formation de cyclones, entre autres.

(a) (b)

Figure 9.: (a) Vorticity distribution in a free-shear layer theoretically computed by Michalke (1965b). (b)

Smoke visualisation showing vortex formation in a jet flow (flow from left), reproduced from Freymuth

(1966).

Les couches de mélange provenant de conditions initiales laminaires sont caractérisées par un mouvement ordonné de structures d’écoulement à grande échelle et atteignent leur auto-similarité beaucoup plus tard que celles qui résultent de conditions initiales turbulentes. Les couches de mélange réellement turbulentes sont quant à elle caractérisées par des mouvements à petite échelle qui permettent un mélange efficace au niveau moléculaire. En fait, les mécanismes qui conduisent à la transition laminaire-turbulente dans les couches de mélange ont été largement étudiés. Si l’état de la couche limite entrante est un facteur primordial dans le développement ultérieur d’une couche de mélange auto-similaire, un certain nombre d’autres paramètres (tels que l’épaisseur du bord de fuite, le niveau de turbulence du courant libre, etc.) peuvent également avoir un effet (Dziomba & Fiedler, 1985).

2.3.1. Instabilité de type primaire

Les écoulements à cisaillement libre, y compris les couches de mélange et les jets, présentent un profil de vitesse avec un point d’inflexion. Il est bien connu, grâce aux travaux menés par Lord Rayleigh (1880), qu’un fluide non-visqueux dont le profil de vitesse comporte un point d’inflexion est instable à certaines perturbations ondulatoires de faible amplitude. Les champs d’écoulement à cisaillement libre sont instables aux perturbations résultant du mécanisme d’instabilité de Kelvin-Helmholtz (KH) qui est susceptible de provoquer des instabilités secondaires tridimen-sionnelles pouvant faciliter l’apparition rapide de turbulences. Taylor (1935) postule que le mouvement au sein de la couche de mélange était homogène et isotrope.

Cependant, les efforts théoriques de Michalke Michalke (1965a,b) ont confirmés l’existence de tourbillons discrets dans les couches de cisaillement libre. En fait, Michalke (1965b) a utilisé l’équation non linéaire de Helmholtz sur un profil de vitesse hyperbolique-tangente pour com-prendre la formation des tourbillons dans les écoulements à cisaillement libre. Ainsi il a était observé que la couche de cisaillement libre devenait plus mince dans certaines régions et plus épaisse dans d’autres, l’épaisseur étant directement liée à la présence de structures cohérentes large-échelles (figure 9a). Ceci a été très bien corroboré par les expériences de visualisation par injection de fumée, comme celle de Freymuth (1966) dans l’écoulement de jet illustré en figure 9b. Plus tard, Winant & Browand (1974) ont découvert que ces structures fluidiques à large-échelles se développent plus en aval et forment un train périodique de tourbillons bidi-mensionnels. En raison de petites variations de la force de ces tourbillons ou de l’espacement entre eux, les tourbillons voisins peuvent s’enrouler les uns autour des autres et, par diffusion visqueuse, former un tourbillon unique de plus grande dimension. Il a été constaté que cette association ou fusion de tourbillons était responsable de la croissance de la couche de mélange. De plus, les résultats suggèrent que l’entraînement du fluide irrotationnel ne se produit pas

seulement en raison de la diffusion du vortex de la couche de mélange vers l’écoulement po-tentiel extérieur. Mais un entraînement plus important se produit lors de l’appariement des tourbillons, où le fluide irrotationnel entre les tourbillons de l’appariement est englouti dans le tourbillon résultant. Dans une couche de mélange non forcée, ces interactions tourbillonnaires se produisent de manière stochastique dans l’espace et le temps, entraînant une croissance linéaire. Ho & Huang (1982) ont étudié l’influence des instabilités aux sub-harmoniques sur l’évolution de la couche de mélange, en focalisant particulièrement l’analyse sur le processus d’appariement des structures cohérentes à large-échelle.

2.3.2. Instabilité de type secondaire

Outre les tourbillons à grande échelle dans le sens de l’envergure issue des instabilités primaires décrites précédemment, Brown & Roshko (1974) ont également observé des stries distinctives dans les visualisations en plan de la couche de mélange. Ces traînées dans le sens de l’écoulement sont causées par des instabilités secondaires prévalant dans le champ d’écoulement de la couche de mélange.

Les tourbillons primaires dans le sens de l’envergure créent une contrainte positive dans la région de la tresse (région entre deux tourbillons primaires) qui étire la vorticité résiduelle dans cette région. Ce mécanisme d’étirement finalement concentre la vorticité, ce qui entraîne la for-mation de paires de boucles de tourbillons contrarotatives orientées dans le sens de l’écoulement (Lasheras & H. Choi, 1988; Nygaard & Glezer, 1991; Moser & Rogers,1991; Rogers & Moser, 1992). Ainsi, près du bord de fuite de la plaque séparatrice, la couche de mélange contient des structures très organisées dans le sens de l’envergure. Plus loin, les structures longitudinales secondaires se forment et l’interaction de ces deux types de structures va jouer un rôle impor-tant dans le déclenchement de la transition du régime de mélange. En effet, les tourbillons secondaires orientés longitudinalement superposent des turbulences à petite échelle aux struc-tures d’écoulement à grande échelle. Ce changement dans l’état de la couche de mélange favorise une transition de mélange à petite échelle, car il a un effet important sur le mélange au niveau moléculaire.

Cette structuration de l’écoulement de couche de mélange a été confirmée par Lasheras & H. Choi (1988) lors d’une étude expérimentale sur le développement tridimensionnel d’une couche de mélange plane soumise à des perturbations sinusoïdales de petite amplitude. Comme l’instabilité primaire du KH n’a pas été forcée, la couche de cisaillement s’est développée naturellement, formant des tubes tourbillonnaires bidimensionnels dans le sens de l’envergure. Grâce à la vi-sualisation de l’écoulement, les auteurs observent que le développement de ces deux structures d’écoulement vortex est indépendant au départ. Cependant, plus en aval, les tourbillons dans le sens de l’écoulement induisent une ondulation des cœurs tourbillonnaires des structures lon-gitudinales primaires. Cette ondulation des tourbillons dans le sens de l’envergure n’est rien d’autre que l’ondulation observée précédemment par Breidenthal (1981). Finalement, les tour-billons dans le sens de l’écoulement s’enroulent autour du tourbillon primaire, comme le montre la figure 10.

Figure 10.: Plane view of the mixing layer after the secondary vortices wrap around the large-scale span-wise vortices. (b) Topology of the vorticity field between two consecutive spanspan-wise vortices. Reproduced

from Lasheras & H. Choi (1988).