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Couche limite tridimensionelle sur une aile en flèche

2. REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.2. Couche limite tridimensionelle sur une aile en flèche

Comme tout écoulement, les couches limites peuvent être soit laminaires, soit turbulentes. Les couches limites laminaires sont caractérisées par des couches parallèles d’écoulement de fluide qui échangent de la quantité de mouvement entre elles par des cisaillements visqueux. Aucun mouvement de particules perpendiculaire à la direction de cet écoulement parallèle ne se pro-duit. En revanche, les couches limites turbulentes sont composées d’un mouvement chaotique des particules. Ces couches limites sont caractérisées par de très forts gradients de vitesse à proximité de la paroi par rapport à son homologue laminaire. Ainsi, les couches limites turbu-lentes entraînent des niveaux de frottement pariétal plus élevés. La transition entre les couches limites est le processus par lequel une couche limite initialement laminaire se transforme en un état turbulent. Il est donc extrêmement important de comprendre les mécanismes qui

Figure 5.: The Airbus A321neo aircraft with a backward swept wing.

quent cette transition et éventuellement de les contrôler, car cela peut permettre d’améliorer l’efficacité des corps aérodynamiques en réduisant la traînée de frottement. La seconde moitié du 20e siècle a marqué un nouveau départ pour l’industrie aéronautique. L’induction des mo-teurs à réaction a permis aux avions de voler à des vitesses plus élevées. Lorsque les avions se rapprochent de la vitesse du son, des ondes de pression sont générées au-dessus des ailes, ce qui augmente la traînée dite d’onde, annulant ainsi dans une certaine mesure les effets bénéfiques des moteurs à réaction. Une solution pour surmonter ce problème consiste à utiliser des ailes en flèche, comme c’est le cas de la majorité des avions modernes. La géométrie de cette aile est telle qu’elle s’incline vers l’arrière (parfois vers l’avant) à partir de son ancrage au niveau du fuselage de l’avion (voir figure 5), au lieu de s’étendre latéralement de façon rectiligne. Alors que l’avion lui-même se déplace à des vitesses transsoniques, les phénomènes aérodynamiques au niveau de la surface de l’aile sont dominés par la composante de vitesse perpendiculaire au bord d’attaque. Ainsi, le nombre de Mach critique de l’avion où apparaissent les ondes de choc est augmenté, ce qui permet à l’avion de se déplacer à des vitesses plus élevées.

Sur le bord d’attaque d’une aile en flèche, où les gradients de pression sont élevés, les lignes d’écoulement sont fortement courbées. Celles-ci, avec le dérapage de l’aile, conduisent à des lignes d’écoulement qui dévient vers le bout de l’aile pour une aile balayée vers l’arrière et vers l’emplanture de l’aile pour une aile balayée vers l’avant. À proximité du corps aérodynamique, un équilibre des forces s’établit dans la direction perpendiculaire à ces lignes d’écoulement, entre la pression et les forces centrifuges. Cependant, cet équilibre des forces est rompu à l’intérieur de la couche limite en raison d’une force motrice plus faible. Il en résulte un écoulement secondaire de faible vitesse, perpendiculaire à la direction de la ligne d’écoulement locale, appelé écoulement transversal (CF). Cette topologie est présentée dans la figure 6.

2.2.1. Instabilité de type primaire

La composante de vitesse de l’écoulement transversal est nulle à la fois à la paroi et sur le bord extérieur de la couche limite, mais elle a un maximum fini à une certaine distance de la surface à l’intérieur de la couche limite (voir figure 6). Ainsi, la composante d’écoulement transversal du profil de vitesse de la couche limite comporte un point d’inflexion qui donne lieu à une instabilité non visqueuse appelée instabilité d’écoulement transversal (Saric, Reed, et al., 2003). Comme on peut le déduire d’un certain nombre de travaux impliquant la visualisation de l’écoulement de surface (voir par exemple Dagenhart et al., 1989; Deyhle & Bippes, 1996;

x z xISL zISL yISL Inviscid streamline (ISL) y U8 Tangential component Cross-flow component

Figure 6.: Sketch of a generic swept wing. The inviscid streamline (ISL) and the corresponding coordinate

system ([xyz]ISL) are shown. The tangential and cross-flow velocity profiles are depicted in a local

inviscid-streamline-oriented coordinate system.

Downs & White, 2013; Serpieri & Kotsonis, 2016; Serpieri, Yadala, et al., 2017), la couche limite sur une ile en flèche présente un motif distinctif, caractérisé par des stries alignées à quelques degrés près avec la direction de l’écoulement (voir figure 7a). Ces stries sont l’empreinte de tourbillons co-rotatifs amplifiés par les modes d’instabilité primaires transversaux montrés dans la mesure par PIV tomographique sur la figure 7b. Ces modes d’instabilité primaires peuvent être de nature stationnaire (stable) ou instationnaire (instable), selon la réceptivité de la couche limite aux perturbations externes. Des modèles de réceptivité expliquent comment les perturbations externes interagissent et influent sur les perturbations à l’intérieur de la couche limite (Reed & Saric,1989). Ce processus est généralement négligé dans les modèles de prédiction de la transition, mais un certain nombre d’expériences ont montré que la transition dans les couches limites tridimensionnelles montre une forte dépendance à l’égard de l’environnement des perturbations externes. Un aperçu de la réceptivité de la couche limite tridimensionnelle peut être trouvé dans Bippes (1999), Saric, Reed, et al. (2003), Tempelmann et al. (2012), Downs & White (2013), Kurz & Kloker (2014), and Rizzo et al. (2019).

2.2.2. Instabilités de type secondaire

Bien que les tourbillons résultant des instabilités primaires transversales soient relativement faibles, ils provoquent une distorsion de l’écoulement moyen et modifient la stabilité de la couche limite. Le côté ascendant déplace le fluide à faible de la sous-couche visqueuse vers les régions à forte quantité de mouvement de la partie supérieure de la couche limite. Ces actions provoquent une modulation des quantités de mouvement dans le sens de l’envergure, ce qui entraîne le développement de forts cisaillements de vitesse dans la couche limite dans le sens de l’envergure et dans le sens normal de la paroi. Ces couches de cisaillement sont inflexionnelles et instables aux mécanismes d’instabilité secondaires (White & Saric,2005). Ces instabilités secondaires se développent rapidement dans le sens du courant, déclenchant une transition vers la turbulence. La rupture laminaire dominée par les instabilités stationnaires transverses présente un front de transition caractéristique en forme de coin ou dentelé (Reibert et al.,1996; White & Saric,2005; Serpieri & Kotsonis,2016). Si, en revanche, les instabilités primaires instationnaires (en espace) sont amplifiées au départ, elles ont tendance à dégrader les structures stationnaires dans la couche

(a)

(b)

Figure 7.: (a) Fluorescent oil-flow visualization on the pressure side of a 45swept-wing, reproduced from

Serpieri & Kotsonis (2015). (b) Time-average velocity magnitude along the stationary CF axis measured

with tomographic PIV, reproduced from Serpieri & Kotsonis (2016).

limite et donc à conduire à un front de transition plus uniforme sur toute l’étendue (Downs & White, 2013). Malik et al. (1999) ont utilisé des équations de stabilité parabolisées (PSE) linéaires et non linéaires pour analyser l’amplification des instabilités primaires transversales. Ils ont ainsi distingué deux types de modes d’instabilité secondaire. Les premiers, appelés modes de type-I, ont été produits par le gradient de vitesse d’écoulement dans le sens du courant le long de l’envergure (∂U /∂z). Ces modes sont composés de fluctuations de haute énergie et de basse fréquence et sont observés sur le bord des tourbillons primaires transversaux, comme le montre la figure 8a (reproduite de Bonfigli & Kloker, 2007). Les seconds, appelés modes de type-II, sont le résultat de gradients importants de la vitesse le long de la direction normale de la paroi (∂U /∂y) et sont donc situés au sommet des tourbillons primaires (voir figure 8b). Par rapport aux modes secondaires de type-I, ces modes contiennent des fluctuations à haute fréquence mais avec des énergies plus faibles. Un troisième type d’instabilités secondaires, ou modes de type-III, a également été identifié par la suite (Högberg & Henningson, 1998; Janke & Balakumar, 2000). Ces modes sont un produit de la modulation dans le sens de l’envergure des instabilités primaires de déplacement causées par des tourbillons transversaux stationnaires. Ainsi, leur rôle dans le processus de transition nécessite l’amplification des instabilités primaires stationnaires et instationnaire mobiles, et est principalement pilotée par les fluctuations de niveaux de turbulence en écoulement libre (Downs & White, 2013).

Dans leur expérience, White & Saric (2005) ont fourni des mesures détaillées de l’instabilité secondaire. La couche limite a été forcée avec le mode d’instabilité stationnaire critique en utilisant des DRE distribués le long de l’envergure. Les modes de type-I et de type-II ont été

Figure 8.: Location of secondary instability modes along the stationary CF vortices (dotted black curves),

reproduced from Bonfigli & Kloker (2007). (a) type-I modes, (b) type-II modes and (c) type-III modes.

clairement identifiés et leur croissance soudaine a provoqué une transition du régime laminaire. De plus, l’emplacement de ces modes secondaires sur les tourbillons primaires transversaux était en accord avec les modélisations de Malik et al. (1999).

Cette étude (White & Saric,2005) a surtout révélé que l’apparition des mécanismes d’instabilité secondaires de type-I ou de type-II dépend de la longueur d’onde des instabilités primaires trans-verses présentes dans la couche limite par rapport à celle de l’instabilité critique. Le mode de type-I est le plus courant et il est observé lorsque les tourbillons primaires transversaux ont une longueur d’onde similaire à celle de l’instabilité primaire critique ou inférieure (sous-critique), en raison du fort cisaillement généré dans le sens de l’envergure. Lorsque des modes stationnaires super-critiques sont forcés (c’est-à-dire des modes avec une longueur d’onde supérieure au mode critique), il en résulte une réduction du cisaillement dans le sens de l’envergure et donc une amplification du mode de type-I. Ainsi, les modes de type-II déclenchent la transition vers la turbulence.