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Métrologies optiques

3. MOYENS ET MÉTHODES

3.2. Métrologies optiques

Comme tout écoulement, les couches limites peuvent être soit laminaires, soit turbulentes. Les couches limites laminaires sont caractérisées par des couches parallèles d’écoulement de fluide

qui échangent de la quantité de mouvement entre elles par des cisaillements visqueux. Aucun mouvement de particules perpendiculaire à la direction de cet écoulement parallèle ne se pro-duit. En revanche, les couches limites turbulentes sont composées d’un mouvement chaotique des particules. Ces couches limites sont caractérisées par de très forts gradients de vitesse à proximité de la paroi par rapport à son homologue laminaire. Ainsi, les couches limites turbu-lentes entraînent des niveaux de frottement pariétal plus élevés. La transition entre les couches limites est le processus par lequel une couche limite initialement laminaire se transforme en un état turbulent. Il est donc extrêmement important de comprendre les mécanismes qui provo-quent cette transition et éventuellement de les contrôler, car cela peut permettre d’améliorer l’efficacité des corps aérodynamiques en réduisant la traînée de frottement. La seconde moitié du 20e siècle a marqué un nouveau départ pour l’industrie aéronautique. L’induction des mo-teurs à réaction a permis aux avions de voler à des vitesses plus élevées. Lorsque les avions se rapprochent de la vitesse du son, des ondes de pression sont générées au-dessus des ailes, ce qui augmente la traînée dite d’onde, annulant ainsi dans une certaine mesure les effets bénéfiques des moteurs à réaction. Une solution pour surmonter ce problème consiste à utiliser des ailes en flèche, comme c’est le cas de la majorité des avions modernes. La géométrie de cette aile est telle qu’elle s’incline vers l’arrière (parfois vers l’avant) à partir de son ancrage au niveau du fuselage de l’avion (voir figure 5), au lieu de s’étendre latéralement de façon rectiligne. Alors que l’avion lui-même se déplace à des vitesses transsoniques, les phénomènes aérodynamiques au niveau de la surface de l’aile sont dominés par la composante de vitesse perpendiculaire au bord d’attaque. Ainsi, le nombre de Mach critique de l’avion où apparaissent les ondes de choc est augmenté, ce qui permet à l’avion de se déplacer à des vitesses plus élevées.

3.2.1. PIV tomographique

La PIV tomographique à résolution temporelle a été utilisée dans cette thèse pour acquérir des données de vitesse à trois composantes du champ d’écoulement induit par un actionneur de plasma DBD. La figure 13 illustre la mise en place de cette expérience. Cette série d’acquisition a été réalisée pour des conditions de repos, c’est-à-dire sans écoulement extérieur afin de car-actériser les performances de l’actionneur DBD. L’actionneur a été placé à l’intérieur d’une enceinte équipée d’accès optiques. L’air dans l’enceinte été ensemencé avec des gouttelettes d’huile de paraffine, d’un diamètre moyen de 1 µm, générées par une buse de pulvérisation TSI. L’illumination des particules a été assurée par un laser PIV Nd:YAG (18 mJ par impulsion). Le laser est placé à l’extérieur de l’enceinte. Le faisceau laser a été transformé en une nappe de 4 mm d’épaisseur en utilisant une optique spécifique (combinaison de lentilles cylindriques et sphériques) et il a été orienté parallèlement à la surface diélectrique. L’objectif ici est de vérifier la tridimensionnalité de l’écoulement lorsque qu’un actionneur plasma modulé spatialement est utilisé. Dans ces conditions, bien que longue et couteuse en équipement et temps de calcul, la technique de tomographie PIV semble la plus adaptée.

Le système d’imagerie était composé de quatre caméras numériques Photron FastCAM SA1 dotées chacune d’un capteur de 1024 px2 (pixels de 20 µm et résolution numérique de 12 bits). Le capteur des caméras a été réduit à 960× 440 px2. Les caméras étaient équipés d’objectif Nikon-Nikkor de 200 mm avec une ouverture numérique de f# = 8. Le volume imagé était de (xp × yp × zp =) 33× 4 × 16 mm3. Un mécanisme de décalage d’objectif était fixé entre les appareils et les objectifs afin de respecter la condition Scheimflug et d’ajuster l’alignement du plan focal sur les capteurs des appareils. Le laser et les quatre caméras ont été synchronisés à l’aide d’un contrôleur haute vitesse Lavision et de la suite Lavision Davis 8.2. L’acquisition des images, la reconstruction du volume et la corrélation croisée ont été effectuées à l’aide de la

Figure 13.: Tomographic PIV set-up to acquire three-component velocity data of the DBD plasma

actu-ator’s induced flow field. The xp direction is represented by the red arrow.

même suite logicielle. Le taux d’acquisition était de fs= 10 kHz en mode image par image, ce qui donne une séparation d’impulsion de 100 µs entre des images consécutives.

Une cible à double couche a d’abord été utilisée pour l’étalonnage de ce système de mesure et la fonction de cartographie obtenue a été corrigée à l’aide de la technique d’autoétalonnage du volume (Wieneke, 2008). Comme la mesure actuelle est résolue dans le temps, l’opérateur MART (Lynch & Scarano,2015) à suivi de mouvement simultané (SMTE-) a été utilisé pour la reconstruction volumétrique des champs acquis. La corrélation croisée pour obtenir les champs vectoriels de vitesse a été effectuée avec un volume d’interrogation final de 48× 32 × 24 voxels3, avec un chevauchement de 75%. Cela a permis d’obtenir une résolution vectorielle finale de 0.22 mm dans les trois directions.

3.2.2. Thermographie Infrarouge

Une nécessité essentielle dans cette thèse est de visualiser et d’étudier la topologie de la couche limite qui s’étend sur l’aile en flèche et de détecter la position de la transition laminaire-turbulente si elle existe. Une technique utilisée pour visualiser la topologie de la transition d’un écoulement est la thermographie infrarouge (IR) qui capte le rayonnement IR émis par un corps. Le corps aérodynamique testé est chauffé en continu par une source externe (comme des circuits imprimés chauffant le modèle par effet Joule, des radiations de lampes halogènes, etc.) et refroidi par l’écoulement par convection. Il s’agit d’une technique non intrusive, ce qui est une caractéristique importante pour l’utilisation visée, car même les particules minuscules introduites dans les installations d’essai peuvent entraîner une évolution et une transition de la couche limite sensiblement différentes en raison du mécanisme de réceptivité. Ainsi, dans la présente thèse, la visualisation du flux IR est largement utilisée pour inspecter l’évolution de la transition de la couche limite de l’aile en flèche. Il convient toutefois de noter que la conduction thermique à travers la surface du modèle doit être négligeable, car cela permet de mieux déterminer l’effet de l’écoulement, en augmentant la sensibilité thermique du système de mesure par rapport à l’écoulement. Le modèle d’aile balayée utilisé dans cette thèse est fait de fibre de verre qui n’est pas un bon conducteur thermique. Il facilite donc l’utilisation de la thermographie infrarouge pour la visualisation de l’écoulement. Ici, le modèle a été éclairé à l’aide de six lampes halogènes de 1 kW à travers les vitres de la section d’essai pour maintenir

(a) (b)

(c) (d)

Figure 14.: (a) Captured calibration image corresponding to the global IR-FOV. (b) Raw image of the thermal signature of the boundary layer over the swept-wing model’s surface. (c) Full IR field, after the application of dewarping/deskewing. (d) Detected transition front in the region enclosed by the dashed-white rectangle in (c).

un flux de chaleur constant et améliorer le contraste. La caméra IR utilisée pendant l’expérience était une Optris PI640. Elle comporte une matrice de plan focal non refroidie de 640× 480 px2

qui répond à la plage spectrale électromagnétique comprise entre 7.5 et 13 µm. Sa sensibilité thermique (NETD) est de 75 mK. La caméra IR a également été placée à l’extérieur de la souf-flerie, à environ 1 m du modèle. Deux champs de vision différents (FOV) ont été captés pour inspecter les différentes caractéristiques de la couche limite. Pour le premier champ de vision, la caméra IR était équipée d’un objectif grand angle de 15× 11 avec une longueur focale de

41.5 mm afin de capturer l’écoulement sur l’ensemble du modèle et de détecter la transition laminaire-turbulente. Cependant, la résolution spatiale obtenue lors de cette série de mesure ne permet pas d’inspecter la longueur d’onde des modes CFI stationnaires considérés ici. À cet effet, un deuxième FOV zoomé a été capturé en équipant la caméra IR d’un objectif 60× 45

d’une longueur focale de 10.5 mm.

La caméra enregistre 100 champs IR à un taux de 5 Hz pour chaque cas d’écoulement testé. Le signal moyen est utilisé afin d’augmenter le rapport signal/bruit. Le traitement des images IR et la détection du lieu de transition ont été réalisés à l’aide d’un logiciel MATLAB interne (département AWEP de l’université technologique de Delft). La procédure est illustrée à la figure 14 (voir également Rius Vidales et al., 2018). Tout d’abord, une feuille d’étalonnage a été conçue et installée sur l’aile. Le modèle d’aile a ensuite été placé à l’angle d’attaque étudié et la feuille de calibrage a été imagée avec la caméra IR. La figure 14a présente une image de calibrage correspondant à l’IR-FOV global. La feuille de calibrage a ensuite été retirée et la surface de l’aile nettoyée, avant d’acquérir les filaments IR nécessaires, dont un exemple est présenté à la figure 3.6b. Pour tracer ces images IR dans le plan xz, on applique un traitement

des images (dewarping/deskewing) en utilisant les images de calibrage prédéfinies, ce qui permet de supprimer les erreurs de courbure et de parallaxe (angle d’observation) de la surface de l’aile. La différence de température entre les régions à écoulement laminaire et turbulente peut être observée dans la figure 14c (régions claires et sombres respectivement). Cette différence de température est exploitée dans cette thèse et le point de transition est identifié comme l’emplacement moyen du gradient de température maximum dans le sens de l’écoulement (voir les points bleus dans figure 14d). Pour augmenter la robustesse de cette méthode d’identification, les valeurs aberrantes sont éliminées sur la base de l’écart-type des positions détectées dans le sens de l’écoulement. Le motif dentelé typique du front de transition nécessite l’utilisation d’une ligne d’interpolation linéaire passant par les points de transition le long de l’envergure, qui est représentée par la ligne rouge continue en figure 14d. L’erreur standard de cette interpolation linéaire est utilisée comme une estimation de la largeur du front de transition (ligne rouge en pointillés en figure 14d).