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Caractérisation de l’écoulement naturel

SECONDAIRES D’UNE COUCHE DE MÉLANGE PLANE

6.2. Caractérisation de l’écoulement naturel

6.2.1. Champs d’écoulement moyens

La plaque de séparation utilisée pour cette étude a un bord de fuite de 3 mm d’épaisseur. Il en résulte un effet de sillage qui se manifeste par la formation d’une zone de recirculation juste en aval du bord de fuite de la plaque de séparation. Dans la couche de mélange actuelle non forcée, on observe que la zone de recirculation dure jusqu’à environ x/θi = 44 (x ≈ 24 mm). Au-delà de cet emplacement dans le sens du courant, on observe l’apparition de la couche de mélange. L’épaisseur de vorticité de la couche de mélange non forcée est présentée sur la figure 35. Jusqu’à x/θi ≈ 30, aucune croissance n’est observée en raison de la région de recirculation. Dans la zone de recirculation, l’épaisseur de vorticité mesure δωi ≈ 3, ce qui, en termes de dimensions ω = 1.65 mm), correspond approximativement à la moitié de l’épaisseur du bord de fuite de la plaque séparatrice. Une augmentation de l’épaisseur de vorticité est observée juste en aval de cet emplacement, puis cette augmentation devient linéaire après x/θi�40. Cela correspond la région laminaire où l’instabilité linéaire provoque l’enroulement de la couche de cisaillement à la

0 200 400 600 800 1000 x/θi 0 20 40 60 80 100 δω / θi 0 4 8 12 16 20

θ/

θ

i UML δω(x)/θi 0.25R fit UML θ(x)/θi

Figure 35.: Thickness of the unforced mixing layer along the streamwise direction.

fréquence fondamentale (ou naturellement préférée), ce qui entraîne la formation de tourbillons orientés dans le sens de l’envergure (Michalke,1965a; Winant & Browand,1974). Il s’ensuit une croissance linéaire à partir de x/θi≈ 100 qui peut être attribuée à l’appariement des tourbillons se produisant de manière stochastique dans l’espace et le temps (Winant & Browand, 1974; Oster & Wygnanski,1982; Ho & Huang,1982). Il convient également de noter que le schéma de croissance de la couche de mélange actuelle ressemble à celui de la couche de mélange résultant d’un bord de fuite mince dans les travaux numériques de Laizet et al. (2010).

Le taux de croissance de la couche de mélange peut être approché par la méthode définie par Abramovich (1963)-Sabin (1965). Dans la région de croissance linéaire de la couche de mélange actuelle, le taux de croissance global est bien approximé par dδω/dx = 0.25· R (ligne rouge en pointillé dans la figure 35). La valeur du paramètre d’ajustement c = 0.25 est supérieure à la plage généralement acceptée de c = 0.16 to 0.18 (Brown & Roshko, 1974; Browand & Latigo, 1979; Mehta, 1991). Le taux de croissance élevé de cette étude pourrait être attribué au niveau plus élevé de turbulence du flux à faible vitesse, qui entraîne une augmentation de l’entraînement et donc du taux de croissance (Pui & Gartshore,1979). Cependant, l’interaction complexe du sillage de la plaque de séparation avec la couche de mélange ne peut pas non plus être négligée. La valeur du paramètre d’ajustement c est inférieure à celle rapportée par Laizet et al. (2010) (c = 0.34) mais similaire à celle observée dans les expériences de Huang & Ho (1990) (approximativement 0.27). La figure 35 montre également l’épaisseur intégrale de la couche de mélange (souvent appelée épaisseur de la quantité de mouvement θ). Dans la région turbulente de la couche de mélange non forcée actuelle, l’épaisseur intégrale augmente également de façon linéaire avec la position longitudinale. Le taux de croissance mesuré correspondant à l’épaisseur intégrale est dθ/dx≈ 0.017 (= 0.05 · R). Ce taux est comparable à celui observé par Ho & Huang (1982) (dθ/dx≈ 0.013) dans leur couche de mélange avec un rapport de vitesse (R = 0.31) similaire à celui de la présente étude.

6.2.2. Identification des instabilités par analyse LST et périodogrammes

La figure 36a montre les taux d’amplification spatiale non dimensionnelle (−αi·δω(x)) des ondes d’instabilité KH de différentes fréquences calculées à l’aide de la LST. Ici, l’axe vertical indique la fréquence de l’instabilité de KH représentée sous forme non dimensionnelle par le nombre de Strouhal Stθi = f θi/U , où θi et U sont respectivement l’épaisseur du moment de la couche limite à haute vitesse et la vitesse moyenne des deux flux. Ces paramètres sont choisis afin de calculer le nombre de Strouhal à l’image des travaux de Monkewitz & Huerre (1982) and Ho & Huang (1982).

On constate que la fréquence des fluctuations les plus instables augmente jusqu’à x/θi ≈ 14 puis commence à diminuer, comme le montre la courbe noire de la figure 36a (et c) qui représente le mode d’instabilité le plus amplifié à chaque position. Jusqu’à x/θi ≈ 40, les fluctuations supérieures à Stθi = 0.044 sont les plus amplifiées. Cependant, en raison de l’apparition du sillage de la plaque de séparatrice, les fluctuations dans cette région sont escomptées. Au-delà de cette position, la fréquence des fluctuations les plus instables diminue comme prévu avec la position longitudinale. Cette caractéristique est d’autant plus claire lorsque l’on s’intéresse à l’amplification des facteurs N des différents modes d’instabilité (figure 36b). Cela montre que les fluctuations à basse fréquence sont plus amplifiées en aval. Cependant, il est important de noter qu’une fois que l’instabilité fondamentale devient neutre, la croissance de l’instabilité sous-harmonique est influencée par les interactions non linéaire avec la fondamentale (Monkewitz, 1988). Cela rend alors le calcul par LST inexact. Ainsi, seules des tendances peuvent être observées et aucun commentaire ne peut être fait concernant les valeurs calculées. L’épaisseur de vorticité de cette couche de mélange dans le sens du courant présentée sur la figure 35 montre une augmentation soudaine entre x/θi = 40 et jusqu’à 75, ce qui signifie l’enroulement des tourbillons dans le sens de l’envergure en raison des ondes de perturbation générées par l’instabilité KH fondamentale. Dans cette région, la LST prévoit que les modes les plus instables se situent entre Stθi = 0.034 et 0.013, comme le montre la vue agrandie du taux d’amplification de la figure 36c. Ainsi, l’un de ces modes doit être l’instabilité KH fondamentale de la configuration actuelle de la couche de mélange.

Une autre méthode pour déterminer l’instabilité fondamentale de KH consiste à mesurer la fréquence de passage des tourbillons primaires dans la région initiale, la fréquence dominante correspondra alors à la fréquence de l’instabilité fondamentale (Ho & Huang,1982). À cet effet, des séries temporelles des fluctuations de la composante de vitesse transversale (v) échantil-lonnées le long de la ligne y0.5 dans la couche de mélange non forcée sont analysées dans le domaine de Fourier. Les spectres de puissance sont calculés selon la méthode de Welch (1967). À cet effet, les séries temporelles acquises ont été décomposées en segments qui se chevauchent, chacun contenant 1900 instantanés et se chevauchant de 50%. Il en est résulté une résolution de fréquence finale de ∆Stθi = 3.67· 10−4 (∆f = 5 Hz).

Les spectres de puissance calculés sont présentés à la figure 37. Les fluctuations avec la plus grande énergie correspondent à Stθi = 0.022 (bande de fréquence de 300±10 Hz). On observe que ces fluctuations sont les plus fortes à proximité de la plaque de séparation et qu’elles diminuent en aval, devenant comparativement faibles pour x/θi > 350. Ainsi, l’instabilité fondamentale du KH dans la configuration étudiée correspond à un nombre de Strouhal de St0 = 0.022 (f0 = 300 Hz). La longueur d’onde correspondante de l’onde d’instabilité fondamentale est λ0i (= U /f0θi = 1/St0) = 45.5 (λ0 = 25 mm). Cette instabilité se situe dans la bande de fréquences que le calcul de la LST a prévue comme pouvant être l’instabilité fondamentale. Ceci est une démonstration du mécanisme de rétroaction. Comme le soulignent Ho & Huang (1982), les calculs de stabilité fournissent une bande de fréquences possibles qui peut être l’instabilité KH fondamentale. Mais la rétroaction des événements d’appariement des tourbillons se produisant en aval accorde le développement de la couche de mélange à une fréquence spécifique.

Le nombre de Strouhal calculé avec l’épaisseur du moment intégral local à x/θi = 91 est f0θ(x)/U = 0.03, ce qui corrobore bien les travaux antérieurs impliquant la théorie de la stabilité linéaire (voir Ho & Huerre, 1984). Le choix de cet emplacement est motivé par les suggestions de Ho & Huerre (1984), qui recommandent que la comparaison entre les valeurs mesurées et calculées du nombre de Strouhal se fasse à une longueur d’onde d’instabilité en aval du bord de fuite et surtout avant l’apparition de toute croissance non linéaire causée par interactions des

Figure 36.: (a) Non-dimensional amplification rate (−αi· δω(x)) of primary instabilities in the unforced mixing layer at different frequencies computed using LST. The black curve represents the most amplified

instability mode at each streamwise station. (b) Amplification N -factors computed from−αi according

to equation 3.6. (c) Zoomed-in view of non-dimensional amplification rate (−αi· δω(x)) from the

dashed-green rectangle in (a).

instabilités sous-harmoniques.

6.2.3. Analyse de l’écoulement par SPOD

Les premiers résultats de la décomposition par méthode SPOD montre que les fluctuations sur Stθi = 0.022 contiennent la plus grande énergie (données non montrées ici). Ceci est strictement conforme à la discussion précédente où la fréquence de l’instabilité fondamentale s’est avérée être St0 = 0.022. Le premier mode propre à cette fréquence contient 89% de la TKE de tous les modes à cette fréquence. La composante verticale de la fonction propre correspondante

Figure 37.: Non-dimensional, normalised power spectra (Φv′

N· ∆f/U2

(dB), ∆Stθi = 3.67· 10−4, ∆f = 5

Hz) of the v-velocity component sampled along the y0.5-trace.

v(0.022, 1)) est présentée dans la figure 38a. L’échelle de couleurs de la figure montre la distribution de la contrainte de cisaillement de Reynold du champ fluctuant correspondant. À cette fin, le champ d’écoulement a été reconstruit avec ce mode SPOD particulier.

Les structures cohérentes sont clairement visibles jusqu’à x/θi ≈ 250 dans ce mode. Il est important de noter que ces structures ne représentent que l’organisation spatiale des fluctuations dans le champ d’écoulement et ne représentent aucune structure physique de l’écoulement. Au départ, ces structures cohérentes forment un angle obtus avec la direction du courant. Cela correspond au domaine spatial où la contrainte de Reynold est positive. Comme l’ont montré Rajaee et al. (1994) qui ont réalisé une POD ”instantanée” (Sirovich,1987) sur leurs mesures au fil chaud de la couche de mélange plane, cette contrainte de Reynold positive qui agit contre le taux de déformation de cisaillement positif du champ d’écoulement moyen représente le transfert d’énergie de l’écoulement moyen vers le champ fluctuant. Les structures atteignent finalement un alignement vertical à x/θi≈ 80 qui représente le mode atteignant son amplitude maximale. Au-delà de ce point, les structures ont un angle aigu avec la direction du flux et la contrainte de Reynold dans cette région est observée comme étant négative. L’action de cette contrainte de Reynold négative contre le taux de déformation positif du flux moyen entraîne le transfert d’énergie du champ fluctuant correspondant vers le flux moyen.

La fonction propre Ψv(0.011, 1) contenant les fluctuations au niveau de la première sous-harmonique de l’instabilité fondamentale est présentée dans la figure 6.10b. On observe que ces fluctuations augmentent jusqu’à x/θi ≈ 340 où elles atteignent leur amplitude maximale et diminuent plus en aval. Les structures relatives aux fluctuations de la deuxième sous-harmonique de l’instabilité fondamentale sont représentées par la fonction propre Ψv(0.0055, 1) dans la figure 38c. Par rapport aux fluctuations précédentes, les structures initiales ne sont observées ici que plus en aval à x/θi ≈ 210 et donc, ces fluctuations ne s’amplifient qu’au-delà de cette position aval. Ces fluctuations s’amplifient jusqu’à x/θi ≈ 700, au-delà duquel elles commencent à s’amortir. Enfin, la fonction propre des fluctuations à Stθi = 0.0117 qui est proche de la première instabilité sous-harmonique est présentée dans la figure 38d. L’organisation de ces fluctuations est présentée ici car l’instabilité correspondant à ces fluctuations sera étudiée ultérieurement dans le manuscrit original, afin d’étudier l’effet d’un forçage par désaccord de la première harmonique. Les structures de cette fonction propre ressemblent à celles de la première sous-harmonique, mais ces fluctuations atteignent leur amplitude maximale légèrement en amont à x/θi ≈ 320, au-delà de laquelle elles commencent à se désaccorder.

Figure 38.: Vertical component of the eigenfunction of the first mode (Ψv(Stθi, 1)) at different frequencies (grey - negative; black - positive). The colour-scale in (a) represents the normalised Reynold’s stress

component of the fluctuations corresponding to this mode (Rxy(Stθi, 1)/(∆U )2).