• Aucun résultat trouvé

IV. Synthèse générale et perspectives de recherche

IV.3 Perspectives de la thèse

Nos travaux mettent ainsi en évidence l’intérêt de prendre en compte la totalité du cycle de

vie des individus dans le cadre d’études écotoxicologiques. Il apparaît notamment pertinent

d’inclure l’observation de la descendance des individus exposés, tant dans les études d’impacts à

l’échelle individuelle que dans les études mécanistiques. En effet, sans l’inclusion de la descendance

dans notre étude, nous aurions notamment pu conclure à une absence d’effet de l’ibuprofène, alors

que les études mécanistiques approfondies effectuées par la suite ont confirmé d’importantes

modifications transcriptomiques et physiologiques chez les individus exposés à l’ibuprofène et leur

descendance.

IV.3.1 Validation des mécanismes impliqués dans les effets trans-générationnels

de l’ibuprofène

L’étude intégrative de l’état physiologique des individus exposés à l’ibuprofène a mené à

l’identification de deux mécanismes potentiels pouvant expliquer les modifications

trans-générationnelles constatées au niveau transcriptomique, métabolique et individuel chez la

descendance. La première hypothèse, basée sur un mécanisme métabolique, suggère que la

diminution potentielle des réserves protéiques chez les imagos, et notamment chez les mâles,

affecte les ressources métaboliques intégrées dans les œufs au moment de l’oogenèse, affectant

ainsi l’état transcriptionnel et la physiologie des individus par l’intermédiaire des voies de

signalisation cellulaires. La deuxième hypothèse suggère qu’une modification de l’épigénome au

niveau des cellules germinales exposées à l’ibuprofène soit à l’origine du profil transcriptionnel très

différent observé chez la descendance, définissant ainsi un état métabolique et physiologique

différent chez la descendance.

Des expérimentations complémentaires vont être menées dans un futur proche afin de

départager ces deux hypothèses. Premièrement, l’impact de l’ibuprofène sur les ressources

métaboliques, et plus particulièrement les protéines, va être vérifié chez les individus exposés, mâles

et femelles. Ces mesures métaboliques vont également être effectuées dans les œufs immédiatement

après la ponte et à la fin du développement embryonnaire. Cette première étape devrait pouvoir

confirmer ou non la présence de ressources métaboliques différentes dans les œufs de la

descendance exposées dès leur ponte, avant toute activation du métabolisme propre de l’embryon

(Vital et al., 2010) et éventuellement d’en établir l’origine maternelle ou paternelle, permettant par

la même occasion d’établir la validité ou non de la première hypothèse.

La méthylation de l’ADN apparaît être la marque épigénétique principale impliquée dans

l’héritabilité trans-générationnelle. La présence dans une région promotrice d’un gène a pu être

associée à une inhibition de la transcription chez Aedes aegypti (Ye et al., 2013; Wei et al., 2015). Plus

spécifiquement, une étude chez l’espèce proche Aedes albopictus a très récemment mis en évidence

des variations héritable durant plusieurs générations du taux de méthylation du génome des

individus suite à l’exposition d’individus à différents polluants (Wei et al., 2015). Ainsi, l’étude des

variations du taux de méthylation globale du génome apparaît pouvoir apporter des premiers

éléments de réponse permettant de confirmer ou d’infirmer la deuxième hypothèse établie. Ainsi,

parallèlement aux mesures métaboliques, des individus exposés (F0) et leur descendance (F1) vont

être échantillonnés aux stades larvaire et imaginal afin de mesurer la méthylation globale de leur

génome. De plus, le caractère héritable des modifications épigénétiques implique que les

phénotypes observés chez la descendance non exposée F1 devraient être au moins retrouvés dans

la génération F2 (Vandegehuchte et Janssen, 2014). La tolérance au jeûne des jeunes larves F2 va

ainsi être mesurée, et le taux de méthylation du génome sera également mesuré chez ces larves.

IV.3.2 Spécificité de l’impact trans-générationnel de l’ibuprofène

Les études trans-générationnelles font émerger des interrogations sur la spécificité des

perturbations induites par les polluants sur la descendance des individus exposés. En effet, il a été

démontré à plusieurs reprises chez différents organismes, et notamment chez les moustiques, que

des variations dans l’habitat des individus parentaux (baisse des ressources alimentaires, prédation,

modification de température…) favorisent potentiellement la survie de leur descendance à ces

mêmes variations environnementales par le biais de la plasticité reproductive parentale

(Grech et al., 2007; Donelson et Munday, 2015; Shikano et al., 2015). Cette influence parentale

Chapitre IV : Synthèse générale et perspectives de recherche 192

variable et potentiellement défavorable (Plaistow et al., 2006; Otti et Sadd, 2008; Donelan et

Trussell, 2015; Shikano et al., 2015). Ainsi, les impacts trans-générationnels constatés suite à une

exposition à un polluant peut à la fois relever du mode d’action spécifique du composé chimique

sur l’organisme, mais également de la plasticité reproductive de l’individu lui-même face à un milieu

potentiellement stressant. Cette question apparaît particulièrement pertinente au vu des impacts

trans-générationnels de l’ibuprofène. En effet, le développement plus rapide des individus de la

descendance, leur meilleure tolérance au jeûne ainsi que la sur-transcription de nombreux gènes

impliqués dans la réponse aux stress semblent préparer la descendance à un milieu potentiellement

défavorable. Cela pose la question de la spécificité des mécanismes impliqués dans ces impacts

trans-générationnels. Sont-ils la conséquence directe de l’action de l’ibuprofène sur les cellules

germinales, ou bien sont-ils le reflet d’une stratégie reproductive visant à préparer la descendance

à un milieu contaminé ?

Il apparaît important de répondre à cette question dans la mesure où l’étude approfondie

des mécanismes d’action des polluants vise en partie à extrapoler les impacts de ce polluant à

d’autres espèces. Alors que des mécanismes affectant des voies physiologiques conservées pourront

être extrapolés à d’autres organismes, il est délicat de prévoir comment chaque espèce va réagir

face à ce mécanisme et comment les individus de chaque espèce pourrons optimiser la survie de

leur descendance.

Cette problématique à laquelle nous sommes confrontés est vraisemblablement commune

à toute évaluation des conséquences trans-générationnelles de l’exposition à des polluants. Ces

phénomènes devraient ainsi toujours être pris en compte lors de l’exploration des mécanismes de

transmission trans-générationnels des perturbations.

IV.3.3 Conséquences de l’exposition aux polluants sur la dynamique des

populations

Nos études montrent que de faibles doses de polluants induisent des modifications des

traits d’histoire de vie des individus pouvant potentiellement affecter les populations à plus ou

moins long terme. Afin de vérifier les conséquences de ces modifications en terme populationnel,

les traits d’histoire de vie mesurés chez les populations exposées servent actuellement de base à la

modélisation de la dynamique de ces populations en collaboration avec Arnaud Chaumot,

chercheur à l’IRSTEA de Lyon. Pour cela, un modèle populationnel de référence, adapté à nos

conditions d’élevage précises, a été établi à partir des connaissances en termes de cycle de vie

décrites dans la bibliographie et des données précises récoltées au cours de cette thèse sur des

populations témoins. La cohérence de notre modèle de référence avec un modèle très récemment

publié par d’autres auteurs chez Aedes aegypti a été confirmée (Simoy et al., 2015). Les variations des

traits d’histoire de vie mesurées suite à l’exposition des populations à l’ibuprofène et au

benzo[a]pyrène à court terme (G1) et à long terme (G7) ont été implémenté dans ce modèle de

référence, afin d’évaluer les conséquences de ces modifications sur la dynamique de la population.

Les résultats préliminaires obtenus grâce à cette approche mettent en évidence des

conséquences relativement faibles de l’exposition à l’ibuprofène et au benzo[a]pyrène sur le taux

journalier d’accroissement de la population. En effet, le taux d’accroissement quotidien des

quatre populations étudiées apparaît augmenté de seulement 1 %, passant de 1,25 à 1,26 dans les

populations G1 exposées et de 1,22 à 1,23 dans les populations G7. L’accélération du

développement constatée dans les populations Ibu_G7 et B[a]P_G7 apparaît notamment

contrebalancée par l’augmentation de la mortalité constatée dans ces populations. En d’autres

termes, une augmentation journalière de 1 % de l’accroissement de la population correspond à un

accroissement majoré de 23 % après trois semaines, soit la durée approximative séparant l’éclosion

d’un individu de sa première ponte à 30 °C. Les conséquences en terme populationnel de

l’ibuprofène et du benzo[a]pyrène apparaissent ainsi modérées, mais non négligeables étant donné

le cycle de vie particulièrement court et prolifique d’Aedes aegypti.

Des études ont déjà montré des répercussions peu significatives de modifications de traits

d’histoire de vie sur la dynamique globale des populations (Widarto et al., 2007; Pedersen et al.,

2009). L’absence de répercussion populationnelle s’explique dans ces études par la perturbation de

traits peu déterminant en terme d’influence sur la dynamique des populations. Ces études mettent

notamment en évidence que tous les traits d’histoire de vie n’ont pas la même influence à l’échelle

populationnelles, un paramètre appelé « élasticité » en modélisation.

La répercussion relativement modérée des effets mesurés au niveau individuel sur les

populations pourrait poser question quant à la pertinence écologique des perturbations entraînées

par de faibles doses des polluants étudiés. Il apparaît intéressant pour répondre à cette question

d’établir une évaluation approfondie de l’élasticité des différents traits d’histoire de vie définissant

le cycle de vie des populations d’Aedes aegypti. Les observations préliminaires effectuées à cet escient

montrent que seule une augmentation de mortalité particulièrement massive est susceptible

d’affecter la dynamique de ces populations. Une étude plus approfondie reste nécessaire, mais il

apparaît ainsi que la robustesse peu commune de leur cycle de vie rend les populations d’Aedes

aegypti particulièrement peu sensibles à des perturbations environnementales fines telles que celles

potentiellement entraînées par la pollution des eaux de surface.

Chapitre IV : Synthèse générale et perspectives de recherche 194

L’exposition multigénérationnelle à l’ibuprofène et au benzo[a]pyrène a mis en évidence le

développement d’une tolérance accrue à l’insecticide Bti. Les conséquences de la tolérance

différente des populations Témoin_G6, Ibu_G6 et B[a]P_G6 au Bti sur le taux d’accroissement

journalier de ces populations a été modélisé à partir du modèle de référence établi, en fonction de

la dose de Bti utilisé (Figure IV.1). Bien que ces résultats nécessitent encore une optimisation

vis-à-vis de leur implémentation au sein du modèle, ils mettent en évidence que l’impact de traitements

au Bti sur le taux journalier d’accroissement de la population est atténués dans les populations

Ibu_G6 et B[a]P_G6. Ainsi, les expositions multigénérationnelles à l’ibuprofène et au

benzo[a]pyrène ont effectivement le potentiel de compromettre les stratégies de lutte

anti-vectorielles visant à réduire la prolifération des populations de moustiques dans

l’environnement.

IV.3.4 Conséquences de l’exposition aux polluants sur la tolérance aux stress

secondaires

La plupart des traits pris en compte dans nos études ont été suivis en conditions stables et

optimales de développement. Cependant, dans l’environnement les organismes sont soumis à de

Figure IV.1 - Résultats préliminaires de l'évolution du taux d'accroissement de la population en fonction

des doses de Bti utilisées. L’évolution du taux d’accroissement journalier de la population a été modélisée pour la

population Témoin_G6, Ibu_G6 et B[a]P_G6 à partir des bioessais au Bti effectués sur ces populations.

● Témoin_G6 ● Ibu_G6 ● BaP_G6 0 10 20 30 40 50 60 Tau x d’ ac cr oi ss emen t jour na lier de la popul at ion 0,95 1,00 1,05 1,10 1,15 1,20

nombreuses variations et stress pouvant également affecter ces traits d’histoire de vie. Parmi les

facteurs pouvant influer sur les traits d’histoire de vie des individus, on peut citer l’exposition à un

xénobiotique, à un parasite ou un pathogènes, la prédation, la limitation des ressources alimentaires

ou les variations des paramètres abiotiques (température, pH, salinité…). Il a été d’autre part été

mis en évidence à plusieurs reprises que l’exposition à un stress pouvait influencer la sensibilité à

un stress secondaire chez différents invertébrés (Morley, 2010; Tassou et Schulz, 2012; Koehler et

al., 2012; Alexander et al., 2013; Piggott et al., 2015), et plus particulièrement chez Aedes aegypti

(Muturi et al., 2011, 2012; Muturi, 2013). Des phénomènes de « trade-off », c’est-à-dire de

compromis dans l’allocation des ressources entre différents processus physiologiques sont par

ailleurs souvent décrit chez les souches d’insectes résistants à des insecticides (Ericsson et al., 2009;

Després et al., 2014; Gordon et al., 2015). Il est ainsi envisageable que face au stress modéré induit

par l’exposition aux polluants, des phénomènes de compensation visent à favoriser les fonctions

physiologiques de base (développement et reproduction) au détriment d’autres fonctions

secondaires comme l’immunité ou la réponse aux stress. Notre étude ayant mis en évidence des

perturbations physiologiques suites à l’exposition à l’ibuprofène, au bisphénol A et au

benzo[a]pyrène, il serait intéressant d’approfondir les conséquences de ces perturbations en prenant

en compte la réaction des individus exposés et de leur descendance face à des facteurs de stress

secondaires. Cette perspective est particulièrement confortée par les observations faites lors du

deuxième volet de cette thèse, montrant une sous-transcription de nombreux gènes impliqués dans

la réponse immunitaire chez les individus exposés à l’ibuprofène, ce qui pourrait affecter leur

réponse face des stress biotiques. De plus, la sur-transcription de nombreux gènes de réponse aux

stress et la sous-transcription de gènes de détoxication constatée chez les larves de leur descendance

pourraient également influencer la réaction de cette descendance à des variations dans leur

environnement, qu’il serait intéressant de confirmer à l’échelle individuelle.

IV.3.5 Conséquence de l’exposition aux polluants sur le potentiel vectoriel des

populations

Le moustique Aedes aegypti est le vecteur de plusieurs virus transmissibles à l’Homme

comme les virus de la dengue, du chikungunyia, de la fièvre jaune et de Zika. Plus largement, les

moustiques en général peuvent être infectés par différents virus et parasites pouvant être parfois

transmis l’Homme lors du repas de sang. La dynamique des populations de moustiques est ainsi

liée à l’apparition de nombreux épisodes épidémiques à travers le monde. L’évolution de la capacité

vectorielle des moustiques, ainsi que l’efficacité des méthodes de lutte anti-vectorielle visant à la

Chapitre IV : Synthèse générale et perspectives de recherche 196

régulation des populations constituent ainsi des enjeux humains, sanitaires, économiques et

écologiques majeurs (Lounibos, 2002).

La compétence vectorielle des individus est dépendante de leur propre infection par le virus

ou le parasite considéré. Plusieurs études ont mis en évidence l’influence des conditions

environnementales dans la sensibilité des individus à l’infection par un pathogène (Alto et al., 2008;

Westbrook et al., 2010; Muturi et Alto, 2011; Muturi et al., 2012; Carrington et al., 2013;

Moller-Jacobs et al., 2014). Parmi ces études, plusieurs ont notamment mis en évidence l’importance de

l’état de la fonction immunitaire (Carvalho-Leandro et al., 2012; Sim et al., 2013; Buckner et al.,

2015). Nos travaux ayant mis en évidence le potentiel des trois polluants à perturber la physiologie

des individus, ces perturbations pourraient tout à fait affecter la capacité vectorielle des individus.

Plus particulièrement, l’étude approfondie des mécanismes d’action de l’ibuprofène a révélé une

diminution probable du potentiel immunitaire des individus exposés au stade larvaire. Alors que

des variations du potentiel immunitaire larvaire ont été impliquées dans la transmission verticale

(des parents à la descendance) du virus de la dengue chez Aedes aegypti (Buckner et al., 2015), il

apparaît possible que l’ibuprofène puisse affecter la capacité vectorielle des individus.

La limitation des épidémies dues aux maladies transmises par les moustiques repose

actuellement essentiellement sur le contrôle des populations de vecteurs à l’aide de traitements

insecticides. Tandis que de nombreuses études rapportent une résistance de plus en plus forte des

populations naturelles aux insecticides chimiques, l’utilisation du Bti, un insecticide d’origine

bactérienne dit « biologique » apparaît actuellement comme une alternative importante à ces

insecticides chimiques. De façon tout à fait inattendue, les modifications transcriptionnelles mises

en évidence chez les larves exposées à l’ibuprofène présentent de nombreuses similitudes avec les

profils mis en évidence chez une population d’Aedes aegypti rendue résistante au Bti par le biais de

sélections en laboratoire (Paris et al., 2012; Després et al., 2014). Ces études ont en effet révélé une

sous-transcription des gènes impliqués dans la réponse immunitaire, accompagnée d’une

sur-transcription des gènes participant à la mise en place de la cuticule. Plus particulièrement, une étude

encore non publiée portant sur le profil transcriptionnel de larves pré-exposées à des doses

sub-létales de Bti met entre autre en évidence la perturbation de la transcription des mêmes

héxamérines et phosphatases alcalines chez ces larves (communication personnelle de R. Stalinski)

que celles observées chez les larves exposées à l’ibuprofène.

Considérant le fait que les populations exposées à l’ibuprofène durant plusieurs générations

successives développent une tolérance accrue au Bti, il apparaît d’un intérêt tout particulier

d’approfondir la comparaison des profils transcriptionnels établis dans nos différentes études. Cela

pourrait d’une part apporter des pistes de réflexion quant aux mécanismes impliqués dans

l’apparition de tolérance et de résistance au Bti chez les individus, mais également apporter des

éléments inédits concernant les conséquences potentielles de la pollution des milieux aquatiques

sur l’efficacité de la lutte anti-vectorielle « biologique ». En effet, alors que la pollution des eaux de

surfaces par différents types de polluants est connue pour influencer la tolérance et la résistance

des populations de moustiques aux insecticides chimiques, seule une étude a jusqu’à présent mis

en évidence le rôle d’un polluant sur la tolérance des populations au Bti (Boyer et al., 2006).

Ainsi, les observations effectuées au cours de ces travaux apportent de nouvelles

perspectives quant aux conséquences de la pollution des eaux de surface sur la lutte anti-vectorielle.

IV.3.6 L’espèce Aedes aegypti est-elle un bon modèle en écotoxicologie ?

Le moustique Aedes aegypti présente de nombreux avantages potentiels dans le cadre

d’études écotoxicologiques, détaillés dans l’introduction de cette thèse (partie I.3.3). Les

connaissances de ce modèle, notamment sur le plan génomique et fonctionnel, nous ont permis

une étude particulièrement détaillée des origines moléculaires des phénotypes observés à l’échelle

individuelle. De plus, la connaissance approfondie de son cycle de vie pourra vraisemblablement

nous permettre dans un futur proche d’extrapoler les modifications constatés sur les individus à

l’échelle populationnelle. Ainsi, ce modèle nous a permis d’accomplir en grande partie un des

objectifs de ce travail de thèse, qui était de faire le lien entre des perturbations moléculaires et les

conséquences populationnelles associées, permettant une identification globale des conséquences

de la pollution des eaux de surfaces. Notamment, l’identification d’une réduction potentielle de la

réponse immunitaire et de la mise en place des réserves protéiques suite à une exposition chronique

à l’ibuprofène pourrait constituer un point de départ relativement simple à mettre en œuvre pour

la recherche d’impacts similaire chez d’autres espèces d’insectes aquatiques.

Cependant, le cycle de vie particulièrement prolifique et robuste de cette espèce rend la

dynamique des populations particulièrement peu sensible à des modifications fines de traits

d’histoire de vie entraînées par les polluants, et seule une augmentation de mortalité

particulièrement massive est susceptible d’affecter la dynamique de la population (Communication

personnelle du Dr A. Chaumot). En outre, la plasticité reproductive et phénotypique toute particulière

de cette espèce ainsi que sa capacité d’adaptation (Lounibos, 2002; Powell et Tabachnick, 2013),

mises en évidence lors de l’exposition multigénérationnelle aux polluants, apparaît être peu

représentative des autres espèces d’insectes aquatiques, et rend particulièrement hasardeuse

Chapitre IV : Synthèse générale et perspectives de recherche 198

l’extrapolation des observations individuelles et populationnelles à d’autres espèces d’insectes

aquatiques.

Ainsi, alors que le moustique Aedes aegypti apparaît particulièrement propice aux études

intégratives allant de l’échelle moléculaire à l’échelle populationnelle, la pertinence de cette espèce

en tant que modèle d’insecte aquatique dans l’évaluation des risques écotoxicologiques semble plus

modérée.