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I. Introduction

I.3.2 Modèles d’insectes aquatiques en écotoxicologie

Dans ses directives pour l’évaluation de composés chimiques, l’OCDE a développé deux

protocoles visant à tester la toxicité aiguë et chronique de composés chimiques sur les insectes

aquatiques. Ces tests sont prévus pour être effectués sur trois espèces de chironome, Chironomus

riparius, dilutus et yoshimatsui, comme uniques représentants d’insectes aquatiques. Le test de toxicité

aiguë consiste en une exposition via l’eau de larves de chironomes au premier stade de

développement à différentes doses de polluants, et à relever le nombre de larves immobiles 48h

après (OCDE, 2011). Le test de toxicité chronique consiste en un test à plus long terme exposant

des larves de chironomes à des sédiments contaminés par les polluants tout au long de leur

développement. Les traits d’histoire de vie des individus et de leur descendance exposés aux

sédiments pollués sont pris en compte pour évaluer une toxicité chronique des polluants étudiés

(OCDE, 2010).

Chapitre I : Introduction 32

Tout comme pour les tests règlementaires, le modèle d’insecte aquatique majoritairement

utilisé en écotoxicologie est le chironome Chironomus riparius (Diptera, Chironomidae). Ainsi, plusieurs

études se sont intéressées à l’impact de polluants sur ce modèle d’insecte. Néanmoins, ces études

se cantonnent en général à mesurer l’effet des polluants sur différents biomarqueurs

morphologiques, biochimiques, métaboliques ou moléculaires ou à des impacts sur les traits

d’histoire de vie des individus exposés. Les mécanismes impliqués dans ces observations ne sont

que rarement identifiés de façon approfondie. Les quelques approches visant à identifier les

mécanismes d’actions au niveau moléculaire se limitent notamment à la mesure de transcription de

gènes candidats spécifiques, induisant de facto une orientation marquée dans les mécanismes

recherchés. Ainsi, les voies physiologiques étudiées par ces travaux concernent majoritairement la

voie de signalisation des ecdysteroïdes, et laissent de côté les voies impliquées dans les processus

physiologiques hormonaux, métaboliques, neurologiques, osmotiques ou encore immunitaires par

exemple. Les études mécanistiques sont en effet notamment freinées par le fait que le génome de

Chironomus riparius n’est à ce jour pas séquencé, ce qui limite les approches transcriptomiques

permettant une appréhension sans a priori des mécanismes impliqués.

Il est intéressant de constater que plusieurs études ont recherché l’effet de polluants sur les

populations de chironomes (Chironomis riparius) durant de multiples générations (Beaudouin et al.,

2012; Lilley et al., 2012; Stefani et al., 2014). Ces différentes études mettent en évidence une

évolution au fil des générations des traits d’histoire de vie chez les individus exposés à différents

polluants. Cependant, Nowak et al ont montré en 2007 que les populations de Chironomis riparius

provenant de différentes souches de laboratoire présentent un appauvrissement de la diversité

génétique par rapport aux populations trouvées dans l’environnement (Nowak, Vogt, et al., 2007),

montrant ainsi une sensibilité particulière de cette espèce à la consanguinité. Ces auteurs ont

également mis en évidence qu’une augmentation du taux de consanguinité provoque une

diminution de la fitness des individus, et influe sur la réponse des individus au cadmium ou au

tributylétain (Nowak et al., 2012; Nowak, Jost, et al., 2007). Cette apparition rapide de consanguinité

au fil des générations pourrait donc apporter un facteur confondant dans les études

écotoxicologiques multigénérationnelles. Mettant ce point en avant, Gagliardi et al ont récemment

proposé d’utiliser le chironome parthénogénétique Paratanytarsus grimmii comme nouvelle espèce

modèle pour les tests standardisés d’écotoxicité. La parthénogénicité de cette espèce permettrait

ainsi d’éviter les problèmes de consanguinité et de chute de la diversité génétique dans les

populations de laboratoire vis-à-vis des populations sauvages, la diversité génétique de cette espèce

étant naturellement basse (Gagliardi et al., 2015). D’autre part, dans ces études, le passage d’une

la ponte des œufs, et que ceux-ci éclosent immédiatement une fois développés, sans phases de

quiescence ou de diapause. Pour avoir des individus globalement synchronisés dans chaque

génération, les auteurs prélèvent des larves issues des œufs pondus dans les 48 h (Nowak et al.,

2009; Stefani et al., 2014) ou les 72 h (Lilley et al., 2012) durant lesquelles les pontes sont les plus

abondantes. Procédant ainsi, dans la génération suivante, les descendances des individus au

développement le plus rapide ou le plus lent, ne sont pas représentés, ce qui pourrait biaiser la

composition des populations au fil des générations. Une autre manière de synchroniser les individus

d’une génération est de placer les pontes à 4°C au fur et à mesure de leur dépôt durant 10 jours, de

manière à ralentir le développement des œufs. Toutes les pontes sont ensuite placées collectivement

à 21°C pour synchroniser leur développement (Beaudouin et al., 2012). Outre le fait qu’un stress

au froid durant l’embryogénèse pourrait entrainer des modifications physiologiques durables chez

les individus, ce qui ajouterait un facteur confondant dans l’étude, les auteurs mettent en évidence

que le développement résiduel des premiers œufs pondus fait qu’ils sont plus éclos lors du

prélèvement des individus pour la génération suivante, ce qui favorise leur choix, incluant un biais

expérimental dans la population.

En outre, les chironomes sont des organismes benthiques, ce qui rend peu pertinente

l’évaluation chez ces insectes de la toxicité de polluants se fixant peu dans les sédiments.

Quelques Ephemères (Ephemoptera) font également partie des ordres d’insectes aquatiques

parfois étudiés dans le cadre d’études écotoxicologique (pour exemple : Kim et al., 2012). Mais bien

que Heagenia rigida (ephemeroptera, ephemeridae) ait été proposée dès 1991 comme organisme modèle

en écotoxicologie (Saouter et al., 1991), seules quelques études ont à ce jour utilisé ce modèle en

laboratoire pour évaluer l’impact de facteurs biotiques (Smith et al., 2008) ou la bioconcentration et

l’impact de polluants dans cette espèce (Odin et al., 1995; Andres et al., 1998; Inza et al., 2001; Jarvis

et al., 2014).

Enfin, d’autres insectes aquatiques apparaissent ponctuellement dans des études

écotoxicologiques, mais ces études concernent plutôt des évaluations de diversité taxonomiques

dans les milieux pollués par évaluation des taxa présents (pour exemple : Yaméogo et al., 1993 ;

Hartig et al., 2009) et rarement des expérimentations s’intéressant précisément à l’impact des

Chapitre I : Introduction 34