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III. Mécanismes moléculaires de l’impact trans-générationnel de l’ibuprofène

III.3 Méthodologies adoptées

III.3.3 Mesures des ressources métaboliques par RMN-HRMAS

Afin d’étudier l’impact de l’exposition à l’ibuprofène sur les ressources métaboliques des

femelles imagos et de leur descendance, une approche par spectroscopie par résonance magnétique

nucléaire (RMN) high resolution magic angle spinning (HRMAS) du proton a été adoptée. La

démarche expérimentale adoptée lors de cette analyse est résumée dans la figure III.3. La

RMN-HRMAS est une technique d’analyse non destructive permettant la détection simultanée des

métabolites (sucres, acides aminés, lipides) d’un échantillon hétérogène, comme par exemple un

morceau d’organe ou même un organisme entier (Righi et al., 2010). Plus particulièrement, le

principe de cette méthode est basé sur la rotation des échantillons selon un angle de 54,74° par

rapport au champ magnétique, appelé « angle magique », qui permet une amélioration de la

résolution des bandes de résonances mesurées sur échantillons solides ou hétérogènes par rapport

à la RMN classique. Cette technique présente l’avantage de ne nécessiter aucune extraction

préalable des échantillons, évitant ainsi la variabilité et les biais dus à cette étape, et permet de

travailler sur des quantités relativement faibles d’échantillons (quelques milligrammes).

L’acquisition des spectres est en outre rapide, ne prenant que quelques dizaines de minutes,

donnant ainsi un accès simple et rapide aux données métaboliques.

III.3.3.1 Échantillonnage des individus

Trois femelles imagos ont été prélevées dans chaque population-réplicat, dans les 20

minutes suivant leur émergence. Ces femelles ont été individuellement placées vivantes dans des

inserts et immédiatement immergés dans de l’azote liquide avant stockage à -80°C. L’analyse des

imagos porte ainsi sur 12 femelles individuelles par réplicat. De même, trois lots de 100 œufs F1

ont été récupérés après 7 jours de séchage dans les pontes F1 de chaque population-réplicat. Ces

lots de 100 œufs ont été placés vivants dans des inserts et immergés dans de l’azote liquide avant

stockage au -80°C.

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Figure III.3 - Démarche expérimentale de l'étude des ressources métaboliques dans les femelles imagos et les

œufs de la descendance par RMN-HRMAS

Avance 600 Bruker

Vitesse de rotation : 4 KHz T° = 4°C

Imagos : 30 min d’acquisition Œufs : 15 min d’acquisition

Acquisition des spectres

Insert

1,5 cm

Rotor de zirconium

Préparation des échantillons

D2O 100 mM + TSP 1 mM

Correction de la ligne de base

Alignement des spectres

Traitement des spectres

Segmentation des spectres - bucketing

12 34 5 ……. n Echantillon aberrant

Analyses statistiques

ACP OPLS-DA S-line Métabolites surreprésentés Métabolites sous-représentés Pics lipidiques surreprésentés

Zone du spectre étudiée

1 2

3

4 ppm

III.3.3.2 Acquisition des spectres RMN-HRMAS

L’acquisition des spectres par RMN-HRMAS a été effectuée au sein des installations du

CEA de Grenoble par le Dr Florence Fauvelle de l’Institut des Neurosciences de Grenoble, France.

Les échantillons ont été analysés par RMN-HRMAS

1

H. Juste avant l’analyse, 10 µL de

tampon phosphate à base d’eau lourde (D

2

O) (100 mM, pH 7), complémenté avec 1 mM de

trimethylsilylpropionate (TSP), ont été ajoutés dans les inserts. Le TSP sert de standard interne au

cours de l’analyse. Les inserts ont par la suite été insérés individuellement dans un rotor de

zirconium (BrukerBiospin, Wissembourg, France) pour l’acquisition du spectre RMN

1

H.

L’acquisition du spectre a été effectuée à l’aide d’un spectromètre Bruker Avance III 600

(BrukerBiospin, Wissembourg, France) avec une sonde HRMAS

1

H-

1

. Les échantillons ont été

analysés avec des temps d’acquisition de 30 min pour les imagos et de 15 min pour les œufs, Durant

la mesure, les échantillons ont été maintenus à une température de 4°C.

III.3.3.3 Analyse des profils métaboliques

Vingt-trois spectres correspondant à 11 femelles imagos témoins et 12 femelles imago

exposées à l’ibuprofène ont été obtenus. Vingt-quatre spectres correspondant à 12 lots de 100 œufs

issus des populations témoins et 12 autres issus des populations exposées à l’ibuprofène ont été

réalisés. Les spectres obtenus ont été tout d’abord formatés à l’aide du logiciel TopSpin 3.1 (Bruker

Biospin, Karlsruhe, Allemagne). Dans un premier temps, la ligne de base des spectres a été corrigée,

puis les spectres ont été réalignés selon le signal de référence correspondant au TSP, identifié à 0

ppm.

Les pics lipidiques situés entre 0,7 et 2,7 ppm étant particulièrement larges et surreprésentés

(Figure III.3), ceux-ci ont dû être mis de côté lors de l’analyse afin de ne pas entraîner une

importante variabilité parasite dans notre jeu de données. Ainsi, seule la zone allant de 2,7 à 4,8

ppm a été exploitée dans nos analyses. Les pics détectés dans cette zone sur les spectres ont été

assignés à des métabolites en fonction de leur déplacement chimique (mesuré en ppm),

caractéristiques de liaisons carbone-hydrogènes se trouvant dans des environnements électroniques

spécifiques.

Les spectres ont été divisés en petits segments, ou « buckets », avec un pas de 0,01 ppm

grâce au logiciel AMIX (Bruker Biospin, Karlsruhe, Allemagne). Ces buckets sont définis par une

valeur dépendant de la hauteur du signal présent dans l’intervalle de ppm considéré, normalisée par

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rapport à l’amplitude totale du spectre. Les buckets ainsi générés forment pour chaque spectre une

série de 217 variables quantitatives.

Les séries de buckets correspondants aux spectres d’imagos ou d’œufs ont été séparément

analysés à l’aide du logiciel d’analyse statistique multivariée SIMCA V14 (UmetricsAB, Umea,

Suède). Les variables obtenues ont été tout d’abord analysées à l’aide d’une analyse en composantes

principales (ACP). Les différents échantillons considérés ont ainsi pu être résumés graphiquement

en points uniques résumant dans un espace multidimensionnel le grand nombre de variable

définissant chaque spectre, permettant ainsi de s’assurer de l’homogénéité des données et d’éliminer

d’éventuels échantillons aberrants. Une régression partielle des moindres carrés orthogonale en

analyse discriminante (OPLS-DA) (Bylesjö et al., 2006; Westerhuis et al., 2010) définie par des

variables prédictives X (les buckets composant chaque spectres) et dépendantes Y (les échantillons

issus de populations témoins et exposées) a été employée pour approfondir l’analyse des données.

Cette analyse supervisée, c’est-à-dire prenant en compte une connaissance « à priori » des groupes

étudiés, permet de mettre en évidence les variables responsables de la discrimination des groupes

prédéfinis, mais aussi d’intégrer une notion de validation des résultats. En effet, cette méthode est

caractérisée par les paramètres d’explication de la variabilité intra-classe R²X et de la variabilité

orthogonal interclasse R

2

Y, ainsi que par l’erreur de prédiction du modèle Q

2

. Selon leurs valeurs

dans le modèle considéré, ces paramètres permettent d’évaluer la validité de celui-ci. Les valeurs de

R²Y et Q² doivent être les plus élevées possible sur une échelle allant jusqu’à 1, la valeur de Q²

devant toujours être inférieure à la valeur de R

2

Y, sans pour autant que la différence soit de plus de

0,3 unités. Un modèle présentant des valeurs de Q²>0,5 et de R

2

Y>0,5 est communément

considéré valide. Les valeurs de Q² et de R

2

Y dépendent du nombre de composantes inclues dans

le modèle, défini de façon à optimiser les valeurs prédictives et explicatives orthogonale.

L’OPLS-DA permet d’établir une représentation graphique nommée « S-line », un graphique

mimant un spectre RMN et représentant la covariance (intensité des pics) et la corrélation (échelle

colorimétrique) entre les groupes témoins et exposés définis dans l’analyse. Plus simplement, ce

graphique permet de mettre en évidence de manière visuelle la contribution des différentes portions

du spectre (correspondant à des métabolites) à la variabilité entre les deux groupes étudiés. Le sens

des pics observés sur la S-line nous informe sur le sens des différences d’abondance du métabolite

concerné entre les échantillons (les pics positifs indiquent ainsi une surabondance par rapport aux

échantillons témoins et inversement) tandis que la couleur attribuée aux pics indique la contribution

de ceux-ci à la variabilité entre les groupes d’échantillons : rouge pour la contribution la plus

significative, avec une corrélation supérieure à 0,9 et bleu marine pour les contributions minimales,

avec une corrélation inférieure à 0,1 (Figure III.3).