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3. Problématisation et questions de recherche

3.1. Problématisation

3.1.1. Perspectives quantitatives

d’économistes, de statisticiens, ou de spécialistes en administration des affaires et en éducation physique. Généralement, elles abordent la question en mobilisant des méthodes quantitatives. Chacune amène un éclairage particulier sur le phénomène à l’aide d’analyses découlant de l’utilisation de différentes variables : types de sport, zones géographiques, périodes temporelles, âge des entraîneurs, remplaçants internes ou externes, changements de mi-saison ou d’entre- saison, etc. Le corpus scientifique n’offre toutefois pas de consensus quant aux conséquences des changements d’entraîneurs sur les prestations des équipes. Il existerait en fait « très peu d’informations fiables sur l’influence que peut exercer un entraîneur sur son équipe » (traduction libre, Gammelsaeter, 2013, p. 293).

Les conclusions d’un large éventail de recherches sur le sujet sont en effet des plus variées et ne permettent pas de tirer de conclusions formelles (Karg et al., 2015; Martinez et Caudil, 2013). Pour illustrer cet état de fait, les résultats obtenus par plusieurs études laissent à penser que les changements d’entraîneurs amélioreraient les prestations des équipes, mais davantage à court terme. Cela serait le cas pour les principaux championnats de soccer espagnol et britannique (Hughes et al., 2010), mais aussi pour la plupart des grandes ligues sportives d’Amérique du Nord, selon McTeer et al. (1995). D’autres relèvent une embellie particulièrement la saison suivant le congédiement, en NBA et en MLB (Scully, 1994). En revanche, dans la NBA, un changement d’entraîneur plus hâtif dans la saison serait gage d’amélioration (Martinez et Caudil, 2013). Plusieurs autres études concluent, pour leur part, que les changements d’entraîneurs ne permettent pas à une équipe sportive de gagner en compétitivité. Cela serait notamment le cas

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dans le baseball professionnel pratiqué aux États-Unis (Bradbury, 2017) ainsi qu’au football (van Ours et van Tuijl, 2016).

Une autre étude, réalisée par Berri et al. (2009), se démarque cependant. Elle a non pas examiné les prestations des équipes, mais a isolé la production statistique (points, rebonds, etc.) des joueurs de basketball (qui passent régulièrement d’une équipe à l’autre) afin de déterminer la capacité des entraîneurs à maximiser le potentiel d’un effectif. Plusieurs conclusions sont d’intérêt. Par exemple, il a été démontré que certains entraîneurs, même s’ils cumulent des fiches perdantes, parviennent à soutirer le maximum de leurs joueurs et se montrent de la sorte des plus compétents dans leur travail. Malgré tout, toujours selon cette étude, la plupart des entraîneurs n’auraient pas une influence significative sur les prestations des joueurs sous leur gouverne. Une autre étude, utilisant des données issues de matchs de soccer allemand, amène aussi un éclairage singulier. Elle indique que les équipes possédant un niveau de talent plus homogène (peu de différence de talent sur l’ensemble des joueurs) profitent davantage d’un changement d’entraîneur que les équipes hétérogènes, car cela accentuerait le niveau de compétition entre les joueurs (cf. Muehlheusser et al., 2016). Il serait donc possible de croire que plusieurs entraîneurs jouissent d’une réputation favorable principalement grâce à la qualité des joueurs dont ils disposent, et ce, même si certains autres, minoritaires selon l’étude, affichent aussi d’excellents résultats grâce à leurs propres habiletés. Ces subtilités ne semblent pourtant guère être relayées dans les médias. La réputation, de même que le nombre de victoires et de défaites, apparaissent plutôt comme étant les seuls critères qui façonnent l’appréciation médiatique des entraîneurs.

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En matière de hockey, rien ne permet de conclure que les changements d’entraîneurs mèneraient à de meilleurs résultats. La plus récente étude sur le sujet a été réalisée à l’aide de données relatives à 15 changements d’entraîneurs effectués en cours de saison, de 1989 à 2003. Elle montre que ces renouvellements ont eu une incidence positive non seulement après l’embauche, mais également la saison suivante (White et al., 2007). Une autre, cependant, soutient le contraire. S’appuyant sur des données allant de 1967 à 2002, elle affirme qu’un changement d’entraîneur aurait tendance à produire des retombées négatives à court terme, avant que les prestations de l’équipe tendent à se rapprocher de leurs moyennes statistiques préalables (Audas et al., 2006). Une autre encore (Salman et al., 2009), utilisant des données tirées de la ligue suédoise de hockey, fait sensiblement le même constat.

Toutefois, l’élément le plus marquant de l’étude de Audas et al. (2006) est que, contrairement à la croyance voulant que les victoires et les défaites expliquent à elles seules les licenciements, il a été démontré statistiquement que l’écart entre les prestations courantes d’une équipe et ses résultats projetés en début de saison constitue un facteur déterminant dans le congédiement des entraîneurs. Ainsi, la position de l’équipe au classement de la conférence ou de la division compterait pour beaucoup dans le choix de congédier un entraîneur, et ce, même si l’équipe possède une fiche positive. Autrement dit, les prédictions et attentes que formulent les médias vis-à-vis d’une équipe en début de saison ne seraient pas que des éléments servant à générer un intérêt commercial pour un site Web ou une publication, mais joueraient un rôle crucial dans ce contexte particulier et pourraient exercer, en fin de compte, une forme de pression sur la haute direction des équipes professionnelles. Cette conclusion est également partagée par Humphreys et al. (2016).

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Enfin, plus brièvement, certaines études ont aussi examiné les effets des changements d’entraîneurs sur les consommateurs d’événements sportifs. L’une, portant sur les détenteurs d’abonnements de saison, s’est attardée à la séquence des changements d’entraîneurs en deux temps soit, d’abord, le départ du licencié, puis l’arrivée de son successeur. Cette étude observe, d’une part, que les congédiements auraient une incidence quasi nulle sur l’appréciation des différentes facettes de l’expérience client (stationnement sur le site, musique, etc.). D’autre part, elle montre que l’arrivée officielle d’un nouvel entraîneur aurait une influence positive sur l’expérience et la satisfaction globale de ce même segment de consommateurs. Ceux-ci seraient même plus enclins à renouveler leurs abonnements après l’embauche d’un nouvel entraîneur (Karg et al., 2015).