• Aucun résultat trouvé

5. Méthodologie

5.1. Analyse de discours et recherche qualitative

La recherche qualitative peut s’avérer un outil particulièrement efficace pour mieux cerner les discours que l’on tient pour acquis au sein d’une culture (Tracy, 2003). Ceux des entraîneurs, que l’on réduit souvent à des formules toutes faites et à des lieux communs, semblent alors tout trouvés pour ce type de recherche.

Le choix de la méthode pour examiner la gestion des attentes et l’utilisation des cadres s’est arrêté sur l’analyse de discours. Celle-ci a pris son essor à la fin des années 1960, portée par divers courants disciplinaires des sciences sociales qui se sont intéressés au texte et aux occurrences en allant au-delà de leur simple matérialité, grammaire ou portée individuelle. Ainsi, il est aujourd’hui communément admis que l’analyse de discours doit s’attarder tant au texte qu’au contexte (cf. Apthorpe et Gasper, 2014). Sans être de tradition critique, étant exempte de revendication sociale véritable, l’analyse de discours ici proposée s’accorde en esprit avec les travaux de Fairclough (2003), qui voit dans les discours autant de représentations et de liens avec le monde extérieur, lui-même façonné par les perspectives et relations socio-identitaires d’une multitude d’intervenants.

L’analyse de discours, de plus en plus utilisée par les chercheurs en étude des médias (Peelo, 2006; Squires, 2011), ne se résume toutefois pas à une seule approche ou à une seule manière de faire; elle est plurielle et s’inspire de diverses traditions. L’analyse de contenu, soit la méthode

50

la plus couramment utilisée par les chercheurs qui s’intéressent aux cadres (Cornelissen et Werner, 2014) a, quant à elle, été écartée. Celle-ci isole les occurrences de mots ou expressions faisant partie de champs lexicaux associés à différents cadres. Or, ces derniers n’ont pas, à ma connaissance, été définis précisément dans les milieux sportifs. Qui plus est, Kitzinger (2007) fait remarquer que l’analyse des cadres « ne peut se réduire au calcul d’unités isolées et individuelles » sans contextualisation (traduction libre, p. 157). Elle indique aussi que certains chercheurs ne font pas de distinction entre l’analyse des cadres et l’analyse de discours, qui vise à donner un sens au texte en allant au-delà des aprioris (Denzin et Lincoln, 2005) et « au-delà de la transparence », puisque le sens ne s’y trouve pas forcément de manière « immédiate et univoque » (Anadón, 2006, p. 22). Schneiberg et Clemens (2006) donnent également créance à l’analyse de discours en matière de cadrage puisque les protagonistes font parfois usage de cadres de manière indirecte ou sous-entendue, ce qu’une méthode ayant recours à des mots-clés prédéfinis ne permettrait pas nécessairement de repérer.

L’objectif méthodologique de ce mémoire a ainsi été de dégager les structures d’idées unificatrices qui catégorisent la pensée de l’entraîneur et d’y prêter sens, à travers les combinaisons de mots, d’idées ou de métaphores qui créent et véhiculent les cadres, sans les dissocier de leur contexte, sans être prisonnier d’une structure prédéfinie, et en considérant les proximités de sens ou imbrications possibles entre les cadres.

La principale tâche a été, comme l’explique Entman (1993), d’associer au texte un sens particulier et de décrire le cadre qui lui correspond. Ce mémoire a procédé conformément aux étapes classiques de l’analyse de données, qui comprend leur réduction, leur condensation et leur présentation (Miles et Huberman, 2003). Cela a été réalisé à l’aide d’une matrice (voir

51

Annexe 3, p. 151) afin de mieux dégager et synthétiser le type de gestion des attentes de même que les cadres mobilisés selon les prestations de l’équipe et son rapport au positionnement anticipé. Les éléments insérés dans la matrice ont été isolés à partir d’extraits choisis, retranscrits puis codifiés; tous étant issus du discours des entraîneurs. Cette codification s’est d’abord appuyée de manière inductive et comparative (Charmaz, 2006) sur un inventaire de cadres prédéfinis, qui a fait l’objet de nombreuses révisions en cours d’analyse afin de mieux correspondre à la réalité observée. La liste élaborée de manière inductive est présentée ci-après, alors que la liste des cadres observés se trouve à la section Résultats et analyses. Lors des séances de codage, à l’avenant des recommandations de Kitzinger (2007), une attention a été portée aux énoncés et cadres pouvant ne pas correspondre à l’inventaire développé en amont, raison pour laquelle les deux listes diffèrent passablement.

Fait à noter, à l’instar de l’analyse de discours, aucune approche méthodologique relative aux cadres n’est reconnue universellement (Hertog et McLeod, 2001; Gill, 2000). Nombre de chercheurs s’appuient néanmoins sur les principes évoqués précédemment, en favorisant la présence de multiples codeurs – la subjectivité étant inéluctable (Van Gorp, 2007) –, luxe dont n’a pas disposé cette recherche.

D’autres méthodes, telles les entrevues dirigées ou semi-dirigées, auraient aussi pu être envisagées. Cependant, celles-ci auraient été plus difficilement réalisables en raison, notamment, de l’extrême sollicitation des entraîneurs professionnels et du nombre restreint de candidats potentiels. En revanche, ces méthodes auraient pu être fort à propos pour une étude tentant de cerner davantage les facettes classiques de la co-construction du réel par les différents protagonistes, ce qui n’est pas l’objectif premier de ce mémoire. Enfin, on peut aussi se demander

52

si les acteurs ont la capacité de verbaliser ce qui a mené à l’utilisation de certains cadres. Entman (1993) et Fairhurst (2005) soulignent d’ailleurs la très grande part d’inconscient dans le choix des cadres. En contrepoint, l’analyse de discours, lorsqu’elle est circonscrite dans le temps, offre parfois la possibilité de récupérer près de 100 % des données primaires sur un sujet, ce qui constitue un atout précieux.