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2.1 Directions de recherche

Au point où nous a amené ce travail, il est important de dégager les enjeux et les prolongements possibles. Tout d’abord, la base moléculaire du cycle endocytique polarisant doit être fermement établie. Pour cela, il est nécessaire de dégager les motifs et les résidus au sein de la séquence du récepteur qui dirigent son activité constitutive d’une part, son endocytose d’autre part. Par ailleurs, il faut répondre à la question : que se passe-t-il dans l’axone ? La stabilité du récepteur CB1 à la membrane axonale indique clairement une situation particulière qui doit être étudiée sous les différents angles de la régulation des RCPG : signalisation, phosphorylation/désensibilisation, activation, endocytose. Enfin, la description mécanistique, utile si elle est généralisable dans le cadre de modèles de fonctionnement, doit être exploitée dans un but plus large, et nous fournir des indices et des hypothèses sur le rôle biologique de ce récepteur. L’ensemble des objectifs présentés ici est au cœur des projets actuels de l’équipe au sein de laquelle j’ai réalisé mon travail de thèse, l’équipe Dynamique des Récepteurs Neuronaux (DRN) dirigée par Zsolt Lenkei.

2.2 Étude des déterminants du trafic de CB1

Nous avons décrit le trafic intracellulaire du récepteur CB1, et caractérisé plusieurs de ses partenaires, tels les GTPases Rab. Cependant, la connaissance des déterminants moléculaires de ce trafic reste modeste. La détermination, au sein de la séquence du récepteur CB1, des motifs jouant

un rôle de ce trafic est importante. En effet, dans l’hypothèse optimiste où se dégagent des motifs nécessaires et suffisants, ces séquences consensus permettent de prévoir le comportement d’autres protéines. Citons comme exemple la séquence YXXΦ, ou encore YXXXK, séquence récemment découverte au sein du récepteur PX2 contrôlant son endocytose et son adressage neuronal. Cette séquence est par ailleurs présente dans la troisième boucle intracellulaire du récepteur CB1 (Chaumont et al., 2004). Selon toute probabilité, les motifs déterminants pour la signalisation et le trafic intracellulaire du récepteur CB1 se trouvent dans la troisième boucle intracellulaire et dans la queue carboxyterminale, domaines des RCPG habituellement impliqués dans ces processus. Nous avons fabriqué des mutants tronqués au niveau de la queue carboxyterminale du récepteur, l’un dépourvu de l’ensemble de la queue carboxyterminale CB1Δ417-473, l’autre dépourvu des quatorze derniers acides aminés CB1Δ460-473. La littérature décrit d’une part une affinité inchangée, mais une désensibilisation altérée pour le CB1Δ417-473 (Jin et al., 1999), d’autre part une absence sélective d’endocytose pour CB1Δ460-473 (Hsieh et al., 1999). Nous avons constaté que CB1Δ417-473 n’était pas exporté à la membrane plasmique dans les cellules HEK-293, tandis que le récepteur CB1Δ460-473 présente un trafic tout à fait similaire au récepteur sauvage, sans modification de son endocytose. La fabrication de récepteurs comportant une troncation entre ces deux points (acides aminés 417 et 460) devrait clarifier le rôle des différentes parties de la queue carboxyterminale dans l’export membranaire et l’endocytose du récepteur CB1.

Une autre avancée serait l’établissement de mutants du récepteur CB1 déficients sélectivement pour l’activité constitutive et l’endocytose, permettant de séparer expérimentalement ces deux phénomènes afin d’en étudier les relations. Nous avons commencé la fabrication d’un set de mutants décrits dans la littérature, présentant une signalisation ou une endocytose altérée. Nous développons également la méthode de Single Cell Optical Pharmacology (SCOP) afin de pouvoir tester rapidement de nombreux mutants, ce qui permettrait de cribler des mutants aléatoires. Pour cela, des test pharmacologiques systématiques de l’activité constitutive du récepteur et de ses mutants sont envisagés, par exemple en utilisant des cellules exprimant un rapporteur de l’activité AMPc de type CRE-luciférase (Bouaboula et al., 1997). Pour la détection du comportement endocytique, les méthodes de cytométrie en flux pour mesurer l’équilibre d’expression des récepteurs entre la surface et les compartiments intracellulaires sont actuellement optimisées par Anne Simon, doctorante au sein de l’équipe DRN. À moyen terme, nous espérons pouvoir réaliser la microscopie automatisée de cellules adhérentes, grâce à la technique de micro-patterning cellulaire mise au point par Manuel Théry à l’institut Curie (Théry et al., 2005). Cette technique permet de distribuer des cellules adhérentes de manière régulière et de contrôler leur forme par la

déposition ciblée de molécules d’adhésion. Ceci autorise l’acquisition automatique d’images à fort grossissement de cellules à la forme stéréotypée, facilitant l’analyse automatique de la distribution du récepteur.

Enfin, pour mieux caractériser le comportement pharmacologique du récepteur CB1, il est capital de posséder un antagoniste neutre du récepteur CB1. Plusieurs candidats ont été rapportés (Hurst et al., 2002; Ruiu et al., 2003; Thomas et al., 2004), et nous avons obtenu des échantillons que nous allons tester dans notre système d’expression HEK-293 afin de vérifier leur caractère d’antagonistes neutres avant de les utiliser pour discriminer entre l’activité des agonistes endogènes et l’activité constitutive réelle du récepteur dans un cadre physiologique.

2.3 Que se passe-t-il dans l’axone ?

Dans l’étape suivante, il sera nécessaire d’étudier le récepteur CB1 dans son environnement physiologique, la membrane de l’axone. En effet, ce compartiment cellulaire a développé un degré inédit de polarisation et de spécialisation, ce qui en fait un environnement tout à fait particulier en termes de contenu et de fonction. L’étude du fonctionnement des protéines axonales implique de développer des approches nouvelles, permettant d’accéder à ce compartiment dont la morphologie (combinaison de petit diamètre et de grande longueur) complique la visualisation et l’analyse. Dans le domaine des récepteurs, la « pharmacologie axonale » reste un domaine à inventer, dont le but sera l’analyse in situ des propriétés pharmacologiques des récepteurs et de leur ligand dans l’axone.

Concernant CB1, il sera d’abord important d’étudier comment les motifs et les résidus décisifs pour l’activité constitutive et l’endocytose modulant l’adressage du récepteur à l’axone. Ensuite, il faudra essayer de caractériser l’état du récepteur CB1 axonal. En ligne avec les connaissances actuelles sur les RCPG, cette description doit prendre en compte trois processus dont la visualisation et la mesure dans le compartiment axonal représentent des défis : l’état d’activité du récepteur en termes de conformation active ou inactive, la signalisation associée à cette activité, et enfin l’état de phosphorylation du récepteur, dont dépend sa désensibilisation.

2.4 État d’activation

Jusqu’à récemment, la mesure de l’activité d’un RCPG ne pouvait se faire qu’en aval du récepteur lui-même, l’étape mesurable la plus précoce étant la liaison des protéines G (technique du 35[S]GTPγS). La mesure directe de l’activation d’un RCPG a été mise au point par l’équipe de Martin Lohse à l’université de Wurtzburg (Lohse et al., 2003). Grâce à l’insertion de deux fluorophores, la Cyan Fluorescent Protein (CFP) au sein de la troisième boucle intracellulaire et la

Yellow Fluorescent Protein (YFP) au bout de la queue carboxyterminale, la mesure du changement de conformation par FRET s’est révélée possible. Cette méthode a permis la mesure des cinétiques d’activation du α2AR (Vilardaga et al., 2003) et du récepteur de l’hormone parathyroïde PTHR (Castro et al., 2005), et a été améliorée par l’utilisation de sondes de type FlAsH (fluorescent

arsenical hairpin binder) (Hoffmann et al., 2005). En collaboration avec Martin Lohse, nous

voulons fabriquer un récepteur CB1 contenant la CFP et la YFP afin de mesurer par FRET l’état d’activation constitutive du récepteur. Un résultat encourageant est la capacité de cette méthode à détecter l’inactivation d’un récepteur constitutivement actif (mutant du récepteur α2AR) par un agoniste inverse (Vilardaga et al., 2005). Si nous pouvons mesurer l’activité constitutive de CB1 grâce à cette méthode, il sera possible de visualiser l’état d’activation du récepteur dans des neurones transfectés, et de voir si cet état est différent dans le compartiment somatodendritique et dans les axones.

Une autre stratégie possible est la génération d’anticorps recombinant spécifiques de la conformation active ou inactive du récepteur. Pour cela, une collaboration a été initiée avec Frank Perez de l’institut Curie, et des travaux préliminaires ont été réalisés par Damien Bonnard au sein de l’équipe DRN. La technique de phage display avec des librairies codant pour 1010 à 1012 anticorps différents a permis l’obtention d’anticorps contre la forme active, liée au GTP, de Rab6 (Nizak et al., 2003). Ces anticorps sont des svFv, fragments monomériques hypervariables dont la séquence est connue. Ils n’interfèrent pas avec le fonctionnement GTPase de Rab6, et peuvent être transfectés en fusion avec la GFP pour détecter les protéines cibles « de l’intérieur ». L’obtention d’anticorps spécifiques aux conformations actives et inactives du récepteur peut se faire grâce à un crible de la banque de phages sur des cellules HEK-293 transfectées avec CB1-eGFP, dont la conformation est choisie par incubation avec l’agoniste ou l’agoniste inverse. Ces anticorps recombinants permettraient la transfection de fusions ScFV-GFP dans les neurones, afin de détecter sélectivement les récepteurs actifs, et de visualiser si les récepteurs axonaux sont constitutivement actifs.

2.5 Signalisation axonale

En aval de l’état d’activation, la signalisation du récepteur CB1 emprunte de nombreuses voies différentes, comme cela a été rappelé en introduction. Dans les neurones, les voies de signalisation les mieux documentées sont la modulation de l’AMPc (Jung et al., 1997), et l’activation de la voie des MAP kinases ERK (Derkinderen et al., 2003). Nous voulons essayer de détecter l’activation de ces voies dans les axones des neurones en culture. En ce qui concerne

l’AMPc, des sondes fluorescentes basées sur le FRET, appelées AKAR, permettent de mesurer l’activité des adénylates cyclases et la concentration en AMPc (Zhang et al., 2001). En ce qui concerne l’activité des MAP kinases, la clé d’une détermination de la signalisation distinctes dans les compartiments axonal et somatodendritique est l’obtention de cultures compartimentées où l’on peut séparer physiquement les axones, afin d’utiliser des approches biochimiques qui discriminent les deux compartiments. Ceci est possible grâce aux chambres dites de Campenot (Campenot, 1977; Karten et al., 2005) ou grâce à un nouveau dispositif microfluidique récemment développé (Taylor et al., 2005). L’arrivée au laboratoire de Vincent Studer, spécialiste de la microfluidique appliquée à la biologie, devrait permettre de mettre au point rapidement un tel dispositif au sein du laboratoire.

2.6 Phosphorylation et désensibilisation

Les résultats obtenus montrent que le récepteur CB1 est peu internalisé dans l’axone. Si comme nous le pensons, il est malgré tout constitutivement actif, il serait intéressant de savoir s’il est également la cible d’une désensibilisation ou d’autres phénomènes constitutifs de phosphorylation permettant de moduler son activité. Pour cela, Anne Simon a commencé à mettre au point la purification du récepteur, permettant son analyse par spectrométrie de masse. La présence d’une équipe spécialisée et de spectromètres de grande sensibilité au laboratoire (MALDI TOF/TOF, FTICR) permet d’envisager l’analyse des patterns globaux de phosphorylations de CB1. Les résultats pourront être validés dans les systèmes cellulaires par la fabrication de mutants des résidus sérine/thréonine impliqués, ainsi que par l’obtention d’anticorps phosphospécifiques permettant l’étude de la distribution des phosphorylations en fonction des compartiments cellulaires et de l’état d’activation du récepteur (Pollok-Kopp et al., 2003). L’utilisation de dispositifs microfluidiques de culture compartimentée permettra d’obtenir une analyse différentielle des phosphorylations du récepteur CB1 présentes au niveau axonal et somatodendritique.

2.7 Rôles du récepteur CB1 axonal

Ces informations précises sur l’activation, la régulation et l’adressage du récepteur CB1, permettront de mieux comprendre le fonctionnement des récepteurs axonaux, utilisant le récepteur CB1 comme modèle. La « pharmacologie axonale », en tant que nouveau domaine de recherche, bénéficiera des avancées technologiques et conceptuelles développées lors de l’étude de ce récepteur. Cela permettra de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre au sein du mystérieux compartiment axonal. Plus prosaïquement, ces informations mécanistiques sur le comportement de CB1 fourniront sans doute des indices important sur le rôle physiologique de ce récepteur. En effet,

l’implication de récepteurs CB1 présynaptiques dans le phénomène de Depolarization-induced

Supression of Inhibition (DSI) ne doit pas obérer le fait que la plus grande partie des récepteurs ne

sont pas situés au niveau présynaptique. Des efforts importants sont déployés par l’équipe Dynamique des Récepteurs Neuronaux afin de cerner et d’étudier ces nouveaux rôles du récepteur cannabinoïque CB1.

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NNEXES MÉTHODOLOGIQUES