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Mécanisme d’endocytose et trafic intracellulaire

1   Trafic intracellulaire du récepteur CB1

1.4   Discussion

1.4.2   Mécanisme d’endocytose et trafic intracellulaire

Nous avons étudié le trafic intracellulaire constitutif du récepteur CB1, en caractérisant les étapes et les partenaires de ce trafic. Concernant l’endocytose du récepteur proprement dite, l’inhibition de l’endocytose par la méthyl-β-cyclodextrine (MβCD), qui retire le cholestérol des membranes cellulaires, est un indice d’une endocytose médiée par une voie dépendante de la

Figure 20 : Cycle constitutif

d’endocytose/recyclage du récepteur CB1

Le récepteur CB1 est constitutivement actif à la membrane des cellules HEK-293, pouvant spontanément adopter la conformation active R* (en haut, en rouge). Ceci déclenche son endocytose constitutive par l’intermédiaire de puits recouverts de clathrine et d’une voie dépendante de Rab5 (à droite). Le récepteur est ensuite recyclé lentement (1 à 2h) vers la membrane plasmique par une voie dépendante de Rab4, voie qui évite le cœur des endosomes de recyclage (en bas à gauche). L’agoniste inverse (étoile verte) stabilise les récepteurs dans la conformation inactive R (en jaune), provoquant une accumulation progressive des récepteurs recyclés à la membrane plasmique (en haut à gauche). D’après Leterrier et al., 2004.

clathrine. En effet, étant données la concentration et la durée d’incubation concernées (10 mM pendant une heure) la MβCD empêche l’endocytose par voie clathrine dépendante (Subtil et al., 1999), mais inhibe moins l’endocytose de la ricine, marqueur général de la membrane plasmique qui est internalisé par une voie indépendante de la clathrine (Rodal et al., 1999). De plus, la déplétion du cholestérol par la MβCD inhibe l’endocytose du récepteur à l’acide lysophosphatidique LPA1, l’un des RCPG les plus proches de CB1 en termes d’homologie de séquence, et cette endocytose de LPA1 est dépendante des β-arrestines et de la clathrine (Urs et al., 2005). En ce qui concerne la cinétique d’effet de la MβCD, l’agoniste inverse atteint son effet d’externalisation maximal au bout de deux heures, tandis que la MβCD agit rapidement avec un effet maximum atteint dès 30 minutes. Ceci indique que l’inhibition de l’endocytose du récepteur CB1 par l’agoniste inverse est moins efficace que celle obtenue par la MβCD, ou bien que la MβCD possède, outre son effet bloquant sur l’endocytose un effet supplémentaire d’accélération du recyclage. A ce sujet, il est intéressant de noter que la déplétion du cholestérol cellulaire accélère le recyclage du récepteur du folate. Cette protéine, dotée d’une ancre glycosylphosphatidylinositol (GPI), est internalisée vers des endosomes contenant également le récepteur à la transferrine TfR, mais est recyclée beaucoup plus lentement que le TfR vers la membrane plasmique. Cependant, dans des cellules appauvries en cholestérol (cultivées en absence de lipoprotéines et en présence de mévalonate et de compactine), le récepteur du folate recycle avec la même cinétique que le récepteur TfR (Mayor et al., 1998), montrant un effet de la présence du cholestérol intracellulaire sur les voies de recyclage. Cependant, le retrait rapide du cholestérol par la MβCD est très différent de la diminution progressive du cholestérol membranaire lors de la culture en absence de lipoprotéines, et il semble que la MβCD séquestre spécifiquement le cholestérol présent dans la membrane plasmique (Neufeld et al., 1996; Hao et al., 2002). Ceci rend peu probable un effet de la MβCD sur les compartiments endosomaux et les voies de recyclage dans notre étude.

La ressemblance morphologique des compartiments endosomaux contenant CB1 avec les endosomes contenant la transferrine internalisée, ainsi que leur colocalisation partielle, sont des indices supplémentaires d’une voie d’endocytose dépendante de la clathrine. Comme on le verra dans la seconde partie des résultats, les effets des dominants négatifs des protéines eps15 et dynamine ainsi que la colocalisation des récepteurs internalisés avec la clathrine fluorescente ont été observés dans les neurones et confirment que l’endocytose du récepteur est médiée par une voie dépendante de la clathrine, voie classique de l’endocytose des RCPG (Ferguson, 2001). Les premières étapes du trafic endocytique sont régulées par la GTPase Rab5, ce qui est également

commun à beaucoup de récepteurs (Seachrist and Ferguson, 2003), avec ici la particularité du caractère constitutif du trafic intracellulaire de CB1.

Le trajet des récepteurs lors du recyclage des endosomes de tri vers la membrane plasmique est plus ambigu. Tout d’abord, les inhibiteurs chimiques disponibles sont de nature variée (inhibiteur de l’acidification, de la PI3-Kinase, de l’activation de Arf1) et leur effet est souvent pléïotropique : il est techniquement difficile d’inhiber spécifiquement les voies de recyclage, sans doute à cause de leur diversité et du manque relatif de connaissances à leur sujet. L’utilisation des Rab4 et Rab11 mutantes permet une approche plus ciblée, qui agit sur des voies parallèles ramenant les récepteurs à la membrane plasmique. Néanmoins, depuis la publication de ce travail, une démonstration directe du recyclage des récepteurs CB1 a été obtenue, grâce à la mise au point du rinçage acide (acid strip) permettant de décrocher spécifiquement les anticorps liés à des récepteurs présents à la surface. Pour cela, nous avons utilisé une version modifiée de la fusion CB1-eGFP comportant un épitope FLAG au début de la queue aminoterminale : FCB1-eGFP (voir le Matériel & Méthodes de l’article 2). Nous pouvons donc marquer les récepteurs de surface avec l’anticorps anti-FLAG M1 ou avec l’anticorps anti-CB1 N-Ter. Cette double possibilité nous a d’abord permis de réaliser un triple marquage des récepteur CB1 internalisés (anti-FLAG M1 en feeding pendant une heure à 37 °C), en surface (N-Ter appliqué à 4 °C) et totaux (eGFP)(Figure 21). De plus, nous avons adapté le protocole de Fraile Ramos et ses collaborateurs, qui par feeding successifs avec l’anticorps primaire et secondaire suivis d’acid strip, permet de marquer sélectivement les récepteurs recyclés (Fraile-Ramos et al., 2001). Cette méthode marque les récepteurs CB1 présents à la membrane pendant l’incubation avec l’anticorps anti-FLAG M1, internalisés avant le premier

acid strip, repassant à la membrane pendant l’incubation avec l’anti-souris fluorescent rouge, et

réinternalisés avant le deuxième acid strip. Ceci correspond donc à des récepteurs CB1 ayant réalisé un minimum de un cycle et demi d’endocytose/recyclage pendant les deux heures trente que dure l’expérience : la présence de récepteurs intracellulaires étiquetés en rouge démontre directement le cycle d’endocytose/recyclage du récepteur CB1 (Figure 21).

La cinétique du recyclage et l’effet des Rabs impliquées méritent également quelques explications. D’un côté, la cinétique d’effet de l’agoniste inverse (déplétion maximale des compartiments intracellulaires au bout de deux heures) semble indiquer un cycle d’endocytose/recyclage lent pour le récepteur CB1, similaire à celui détecté pour le récepteur au thromboxane A2 TPβ (Parent et al., 2001), le récepteur muscarinique M2 (Roseberry and Hosey, 1999) et le récepteur à la galanine GR2 (Xia et al., 2004). Cet intervalle est bien supérieur à la dizaine de minutes nécessaire pour le cycle rapide du récepteur TfR ou du récepteur β2AR en présence d’agoniste (Morrison et al., 1996). D’un autre côté, le recyclage du récepteur fait

intervenir la GTPase Rab4, mise en évidence le long des voies de recyclage rapide depuis les endosomes de tri, mais pas la GTPase Rab11, qui dirige le recyclage depuis les endosomes de recyclage périnucléaires. Ceci le rapproche du récepteur β2AR dont le recyclage est médié en partie par Rab4 (Seachrist et al., 2000) tandis que les récepteurs comme le récepteur à la vasopressine V2 (Innamorati et al., 2001), le récepteur à la somatostatine SSTR3 (Kreuzer et al., 2001) ou le récepteur aux chemokines CXCR2 (Fan et al., 2003) empruntent des voies de recyclage dépendantes de Rab11. De plus, le récepteur colocalise bien avec Rab4 mais ne présente pas d’accumulation périnucléaire, lieu où colocalisent Rab11 et le TfR (voir la Figure 6 de l’article 1). Il semble donc que le récepteur CB1 emprunte une voie de recyclage qui, bien que lente, ne passe pas par le cœur du compartiment endosomal de recyclage et dépend de Rab4. Il est possible que le récepteur soir retenu dans les parties tubulaires des endosomes de tri avant son recyclage vers la membrane plasmique, ou bien qu’il transite par les parties périphériques des endosomes de recyclage, d’où partent également des voies dépendantes de Rab4 (Sonnichsen et al., 2000).