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Activité constitutive du récepteur CB1

4   Le récepteur cannabinoïque CB1

4.8   Activité constitutive du récepteur CB1

Le SR141716A, avant de devenir un coupe-faim miracle, a été le premier antagoniste du récepteur CB1 caractérisé. Il a été synthétisé par l’équipe de Gérard Le Fur chez Sanofi Recherche (Rinaldi-Carmona et al., 1994). Les études montrèrent que le SR141716A pouvait non seulement bloquer l’action des agonistes cannabinoïdes, mais également posséder des effets propres opposés à ceux des agonistes dans des tests comportementaux (Santucci et al., 1996) ou dans des mesures de libération de neurotransmetteurs (Gatley et al., 1996). Cette propension à une activité que j’appellerai « cannabinoïde inverse » semblait indiquer la présence d’une activité basale du récepteur CB1. Cette activité basale peut être causée par la présence constante d’agonistes endogènes, et dans ce cas le SR141716A est un antagoniste neutre de l’action de ces agonistes. Alternativement, l’activité cannabinoïde inverse du SR141716A peut être une réversion de l’activité constitutive du récepteur CB1 (c'est-à-dire sa capacité à adopter une conformation active même en absence de ligand). Dans ce cas le SR141716A a un rôle réel d’agoniste inverse (Pertwee, 2005) (Figure 5). Depuis ces premières études, de nombreux cas d’effets cannabinoïde inverse ont été rapportés pour le SR141716A ou pour deux autres antagonistes/agonistes inverses analogues, les AM251 et AM281. On peut répartir ces effets selon le type d’expériences menées (Figure 17):

4.8.1 Effets cannabinoïde inverse in vivo

Ces expériences ont été réalisées par injection d’antagoniste/agoniste inverse chez le rat ou la souris. Citons les effets sur l’activité locomotrice (Bass et al., 2002), sur la mémoire ou la nociception (Rubino et al., 2000, Figure 17A). En absence de contrôle par un antagoniste neutre validé, il est difficile d’assigner la source de l’activité cannabinoïde inverse à des agonistes endogènes ou à l’activité constitutive de CB1.

Figure 17 : Observations de l’effet cannabinoïde inverse

A/ Effet cannabinoïde inverse in vivo : l’injection de l’antagoniste/agoniste inverse SR141716A augmente certains comportements chez la souris comme les tremblements (wet dog shake) ou le creusement (digging). Tiré de Rubino et al., 2000. B/ et C/ Effet cannabinoïde inverse du SR141716A sur la production d’AMPc (augmentation) et sur l’activité des MAP kinases (inhibition) pour des récepteurs CB1 exprimés dans des cellules CHO. D’après Rinaldi-Carmona et al., 1998.

D/ Effet cannabinoïde inverse du SR141716A sur des cultures de neurones du SCG microinjectées avec l’ADNc codant pour le récepteur CB1. D’après Pan et al., 1998.

E/ Effet agoniste inverse du SR141716A sur la liaison du [35S]GTPγS dans des

4.8.2 Effets cannabinoïde inverse ex vivo

Ceci comprend les mesures de libération de neurotransmetteurs. Alors que les agonistes inhibent généralement cette libération, les antagonistes/agonistes inverses stimulent la libération de neurotransmetteurs (Schlicker and Kathmann, 2001). Dans cette catégorie on trouve également l’inhibition de la DSI dans les tranches de cerveau par l’AM281 ou l’AM251 (Ohno-Shosaku et al., 2001; Wilson and Nicoll, 2001).

4.8.3 Effets cannabinoïde inverse in vitro

Dans cette catégorie, on trouve les tests portant sur l’activation des voies de signalisation. Les antagonistes/agonistes inverses peuvent provoquer une stimulation de la production d’AMPc (Figure 17B), une inhibition des MAPK (Figure 17C), une activation des courants calciques (Figure 17D). Ces données ont été recueillies pour des récepteurs CB1 exprimés de manière hétérologue dans des lignées cellulaires ou dans des cellules en culture exprimant le récepteur CB1 endogène comme les neurones du DRG (Dorsal Root Ganglion) ou les cellules granulaires du cervelet. Enfin, on trouve aussi les données de liaison du 35[S]GTPγS dans des préparations de membrane, montrant une inhibition de la liaison en présence d’antagoniste/agoniste inverse (Figure

17E) (Landsman et al., 1997; MacLennan et al., 1998).

4.8.4 Agonistes endogènes ou activité constitutive ?

Parmi ces données, il est souvent délicat d’évaluer la part d’effet cannabinoïde inverse due à l’antagonisme d’agonistes endogènes et la part d’effet due à l’inhibition de l’activité constitutive du récepteur, et ces possibilités sont rarement discriminées expérimentalement. Il est néanmoins clair que dans certaines études, l’effet de l’antagoniste/agoniste inverse provient des agonistes endogènes, par exemple dans le modèle des cultures de cellules granulaires du cervelet (Breivogel et al., 2004). Dans cette étude, l’AM281 diminue la liaison du 35[S]GTPγS sur les cellules perméabilisées (préparation contenant des endocannabinoïdes) mais n’a pas d’effet sur la liaison du 35[S]GTPγS sur des membranes préparées à partir de ces cultures (préparation dénuée d’endocannabinoïdes). Au-delà de ce rôle des agonistes endogènes dans l’activité basale du récepteur CB1, l’existence d’effets des antagonistes/agonistes inverses indépendants du récepteur CB1 a été évoquée pour réfuter l’activité constitutive de CB1 (Savinainen et al., 2003).

Cependant, nombre d’études ont clairement montré l’existence d’une activité constitutive intrinsèque au récepteur. Dans le cadre de préparations de membranes, la présence d’agonistes endogènes est exclue. Ce type d’expérience permet de démontrer l’activité constitutive du récepteur

CB1 et d’assigner sans ambiguïté un rôle d’agoniste inverse pour le SR141716A (Landsman et al., 1997). Citons également l’effet de l’AM251 sur la libération d’acétylcholine par les synaptosomes, préparation dénuée d’endocannabinoïdes, comme preuve formelle de l’activité agoniste inverse de ce composé (Gifford et al., 2000). L’existence d’effets cannabinoïdes inverses dans des cellules exprimant CB1 de manière hétérologue, et qui ne possèdent a priori pas la machinerie nécessaire à la synthèse d’endocannabinoïdes est également un indication forte d’un effet agoniste inverse sur le récepteur constitutivement actif : effets du SR141716A sur l’activité MAPK dans les cellules CHO (Bouaboula et al., 1997), sur les courants potassiques dans les oocytes de xénope (McAllister et al., 1999) ou effet de l’AM281 sur les courants calciques et potassiques dans les cellules HEK-293 (Vasquez et al., 2003). L’équipe de Deborah Lewis (Pan et al., 1998) a démontré l’activité constitutive de récepteurs CB1 exprimés dans des cultures de neurones sympathiques du ganglion pelvien majeur de rat (SCG) en mesurant l’inhibition des courants calciques (voir Figure 17D). Dans cette étude, l’effet d’agonistes endogènes a été exclu en utilisant des conditions de perfusion continue (qui lave les ligands éventuellement produits), ou un milieu sans calcium (qui empêche la production d’endocannabinoïdes), et en vérifiant qu’une addition d’AEA exogène ne modifiait pas l’effet du SR141716A. Ces résultats sont confirmés dans une autre étude, qui démontre l’inhibition des courants calciques par le SR141716A dans les neurones du DRG de rat exprimant le récepteur CB1 de façon endogène (Ross et al., 2001).