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La performance organisationnelle vue par les théories des organisations

Chapitre 2 : Revue de la littérature et propositions théoriques

2.2 La performance des systèmes de soins

2.2.2 La performance organisationnelle vue par les théories des organisations

Les différentes définitions de la performance organisationnelle sont étroitement liées à l’évolution du concept d’organisation en théorie des organisations (Champagne, Contandriopoulos et al. 2005).

Premièrement, du début du 20e siècle jusqu’à la fin des années 1930, l’organisation scientifique et administrative du travail était l’approche théorique utilisée par la majorité des organisations. Elle supposait non seulement l’observation et la mesure systématique des tâches qui entrent dans la composition d’un travail à accomplir, mais aussi un travail sur les principes de gestion suivants : la division du travail, l’autorité, la discipline, la rémunération du personnel, la hiérarchie, l’ordre, l’équité, la stabilité du personnel, l’union du personnel, la centralisation, la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général, etc. Ces principes devaient être appliqués pour que les activités soient efficaces. Dans cette perspective fonctionnaliste, le but de l’organisation était prioritairement l’atteinte les objectifs fixés (Price 1972; Sicotte, Champagne et al. 1998).

Par ailleurs, la théorie des relations humaines a également émergé durant la même période, la compréhension d’une organisation passait par l’examen de l’impact de ses problèmes sur les facteurs psychologiques et sociopsychologiques des individus (travailleurs). La performance était conçue comme le maintien d’un climat de satisfaction et de motivation au travail des différents groupes d’intérêt (Connolly, Conlon et al. 1980; Rouleau 2007). Deuxièmement, entre les années 1940 et 1950, la bureaucratie et les théories de prise de décision ont vu le jour. L’analyse de la bureaucratie repose sur une vision fonctionnaliste, objective de l’organisation et de ses structures, valorisant l’ordre, le statu quo et les consensus. Ainsi, la performance d’une organisation reposait sur la compréhension du système de rôles, de normes et de valeurs dans le but d’atteinte les objectifs fixés. Les

théories de prise de décision, pour leur part, reposent sur la logique des choix humains, car la prise de décision s’intéresse au comportement humain. Puisque les êtres humains ne sont pas considérés comme des machines (théorie scientifique et administrative du travail), dans ce cas, la performance de l’organisation passe par la compréhension des valeurs et du climat de travail des acteurs du système.

Troisièmement, dans les années 1960, avec le développement de l’analyse systémique et des analyses de contingence, les organisations étaient vues comme des systèmes ouverts dont le but était se s’adapter à leur environnement d’une part et de développer des techniques pour permettre à l’environnement de s’adapter à elles (Yuchtman and Seashore 1967; Benson 1975). L’analyse systémique fournit une vision dynamique de l’organisation et suppose qu’une organisation est un système ouvert sur son environnement dont les éléments sont en interaction les uns avec les autres. Dans les analyses de contingence, la structure d’une organisation est déterminée par des éléments contingents qui caractérisent son environnement. L’adéquation entre l’organisation et son environnement est au cœur des débats.

Quatrièmement, durant les années 1970, les analyses actionniste et marxiste ont été développées. Dans l’analyse actionniste, l’organisation était considérée comme un système organisé d’action. L’adaptation à son environnement doit se faire par des interactions entre les acteurs qui négocient en permanence la définition de leur situation et de leur rôle. La performance d’une organisation reposait sur la capacité de ses acteurs à travailler dans un climat agréable, dans un environnement donné, afin d’atteindre les objectifs fixés. Par ailleurs, l’analyse marxiste considère une organisation comme un lieu de tension permanente entre le capital et le travail (Rouleau 2007). Ainsi, le pouvoir dans l’organisation provient directement de la possession et du contrôle des moyens de

production. Ainsi, une organisation performe si elle est capable de gérer ces tensions et accroître sa production.

Cinquièmement, entre les années 1980 et 1990, plusieurs approches de la théorie des organisations ont été développées, comme le présente Rouleau (2007) : l’analyse sociologique (la théorie néo-institutionnelle, l’écologie des populations), l’économie des organisations (la théorie de l’agence, la théorie des coûts de transaction), l’analyse politique (l’analyse des coalitions, l’analyse stratégique) et l’analyse symbolique (l’analyse de la culture, l’analyse cognitive).

Dans la théorie néo-institutionnelle, les organisations tendent à devenir homogènes en se conformant aux pressions de l’environnement. Ainsi, celles qui obtiennent la légitimité de leur environnement ont plus de ressources et augmentent par conséquent leurs chances de survie à long terme. Par ailleurs, dans l’écologie des populations, les causes du succès ou de l’échec des organisations sont d’abord et avant tout de nature environnementale : démographique, écologique et contextuel. Ainsi, les organisations sont « sélectionnées » par leur environnement. Dans cette perspective d’analyse sociologique, une organisation devrait s’adapter à son environnement et développer également les mécanismes pour que l’environnement s’adapte à elle.

La théorie de l’agence repose sur la relation d’agence existant entre un principal et un agent. L’organisation est considérée comme un ensemble d’individus qui ont des relations contractuelles. Cette théorie concerne donc toute relation entre deux individus ou entités dans laquelle la situation de l’un (principal) dépend de l’action de l’autre (l’agent). Ici, les deux acteurs n’ont pas les mêmes intérêts et il existe généralement une asymétrie d’informations. En outre, comme la précédente, dans la théorie des coûts de transactions, l’organisation est un système de relations contractuelles mettant l’accent sur la gouvernance bilatérale (sous-traitance, partenariat, alliances). Le comportement économique des

individus au sein de l’organisation repose sur les critères de rationalité limitée et d’opportunisme. Dans cette perspective d’économie des organisations, la performance repose sur la capacité des acteurs à produire de façon efficace dans un climat agréable. Pour sa part, l’analyse politique des coalitions se situe dans le prolongement de la théorie de la prise de décision. L’organisation est un système dont les agents ont des intérêts si divers qu’ils la transforment en une arène politique arbitraire, sans finalité, et dévorée par des conflits. L’analyse politique stratégique s’appuie sur la reconnaissance de la liberté de l’acteur, aussi minime soit-elle. Les acteurs ont des buts et des objectifs qui leur sont propres et qui sont différents de ceux de l’organisation dans laquelle ils travaillent. L’organisation n’est pas une donnée naturelle, elle est le résultat de l’action humaine et collective. L’acteur (individuel ou collectif) est un être dont la rationalité est limitée, mais dont le comportement est rationnel selon le contexte. Dans cette perspective politique, la performance d’une organisation passe par l’analyse de l’acteur (ses valeurs, ses motivations) et son lien avec l’organisation (facteurs contextuels l’aidant à réaliser aisément ces tâches dans l’organisation).

Enfin, les analyses symboliques comme l’analyse de la culture, l’analyse interprétative et l’analyse cognitive mettent l’accent sur la culture organisationnelle. Cette dernière représente ainsi l’ensemble d’artefacts, de symboles, d’interprétations et de valeurs de l’organisation. Une organisation performante comme telle est celle qui analyse et comprend sa culture organisationnelle avant d’agir.

De toutes les théories passées en revue, quatre fonctions essentielles des organisations découlent pour l’analyse de la performance : l’atteinte des objectifs, la production, le maintien du climat organisationnel et l’adaptation. La section suivante représente leur description dans les systèmes de soins.