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MATERIELS ET METHODES •Type de l’étude

II- PELADE ET COMORBIDITES

a-Pelade et maladies auto-immunes :

La fréquence de l’association de la pelade avec d’autres affections dysimmunitaires, constituent un argument en faveur de l’origine auto-immune de cette pathologie. En effet, une pathologie auto-immune existait chez 18,52 % des patients de notre étude. En réalité, en dehors de l’étude de population des Etats Unis de Savafi KH et al. publiée en 1995(43), de nombreuses séries de grande taille ont été publiées en Europe, au Japon, en Inde, en Corée, à Singapour, en Thaïlande et au Koweït. Ces séries correspondent à un recrutement de patients hospitaliers, et donc ne permettent pas d’extrapoler de façon fiable les valeurs à la population générale. Cependant, ces séries traduisent des tendances globales, telles que l’association fréquente de la pelade aux maladies auto-immunes, et en particulier les dysthyroïdies.

 Thyroïdite auto-immune :

L’association pelade et maladies auto-immunes est essentiellement représentée par l’existence d’une dysthyroïdie, à la fois chez les patients mais aussi chez les membres de leur famille. Alexandra C et al. ont réalisé une revue de la littérature au sujet de l’épidémiologie de la pelade sur une durée de 51 ans. Celle-ci avait rapporté une incidence des dysthyroïdie chez leurs patients, entre 2,3 et 14,6 % (42). Dans notre série, l’incidence de dysthyroïdie se situait dans cette fourchette (9,26 %), en plus de la découverte d’un taux élevé d’anticorps anti thyroïdiens (anticorps anti thyroglobuline) chez un patient, alors non connu porteur d’une dysthyroïdie. L’association à une dysthyroïdie est plus fréquente chez les patients (53) :

• de sexe féminin : 5 femmes et aucun homme dans notre série (p = 0,029)

• atteints d’une pelade totale ou universelle : ceci n’était pas le cas dans notre série  Diabète de type I :

À l’inverse, le diabète de type I semble moins fréquent chez les patients atteints de pelade. Un seul cas de diabète de type I comptait parmi nos cas. En revanche, sa fréquence est accrue chez les membres de la famille d’un sujet atteint, tout comme l’existence d’une maladie auto-immune chez les membres de leur famille. 29,6 % des patients de notre série, avaient une histoire familiale de diabète, et 31,5 % avaient une histoire familiale de maladie auto-immune.

 Connectivites et affections dermatologiques :

La pelade est une maladie auto-immune que l’on pense être associée à diverses maladies rhumatoïdes ou du tissu conjonctif. D’après la revue systématique d’études comparatives randomisées, publiée récemment par Lee et al. (54), sauf pour le lupus érythémateux, ces maladies ne seraient pas prévalentes chez les patients atteints de pelade. Notre étude comptait néanmoins un cas de polyarthrite rhumatoïde, mais aucun cas de lupus érythémateux.

En ce qui concerne les affections dermatologiques, il existe des preuves convaincantes de l’association entre pelade et vitiligo ou psoriasis. Il serait impossible ici de développer de façon exhaustive l’ensemble des données sur la physiopathologie du vitiligo, du psoriasis et de la pelade, mais il semblerait que l’on retrouve dans ces trois affections, une susceptibilité génétique avec des variations alléliques dans les gènes de l’immunité innée et de l’immunité adaptative (54). En effet, toujours selon Lee et al., l’incidence moyenne du vitiligo au cours de la pelade, serait autour de 2,3 %, et autour de 1,8 % pour le psoriasis. Un seul cas de vitiligo, et un seul cas de psoriasis, ont été retrouvés dans notre série, soit une incidence de 1,9 % pour chacune de ces deux affections.

 Affections digestives :

Il n’existe pas d’association significative de la pelade avec les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, ni avec la maladie cœliaque, selon Lee et al., ce qui concorde avec les résultats d'une étude de la population coréenne, rapportant que la prévalence de la pelade chez les patients atteints de maladie inflammatoire chronique de l'intestin ne différait pas de celle des populations normales (55). Dans notre étude, les patients ne présentaient ni maladie inflammatoire chronique de l’intestin, ni maladie cœliaque.

Tableau 14 Incidence globale et de notre série, des pathologies auto-immunes chez les patients atteints de pelade(47)

b-Pelade et atopies :

L’association épidémiologique entre la pelade et l’atopie a souvent été rapportée, surtout pour la dermatite atopique, avec une fréquence de l’atopie chez ces patients rapportée entre 1 % et 60 % selon les séries. L’interprétation de cette association n’est pas aussi simple vue la fréquence croissante des affections allergiques dans la population générale. Cependant, des études plus approfondies ont établi que la relation entre pelade et atopie se trouvait dans le fait que leurs pathogénèses partagent des points communs : l’implication des cytokines Th2 et l’augmentation du taux sériques d’immunoglobulines IgE, de mastocytes et d’éosinophiles

(56). Selon Goh C et al., la présence d’une dermatite atopique est corrélée au risque de développer une pelade totale ou universelle, contrairement à l’asthme et à la rhinite allergique qui ne sont pas liés à la sévérité de la pelade (53). Notre étude n’a cependant pas confirmé cette théorie.

Le tableau suivant est une comparaison de notre étude avec l’étude tunisienne d’Arousse et al.

Tableau 15 Comparaison de l’incidence des atopies au cours de la pelade dans notre série et dans la série d’Arousse et al. :

Etude Type d’étude

Nombre

de cas Pays/Ville Atopie

Dermatite atopique Rhinite allergique Conjoncti vite allergique Asthme Notre étude Série de cas 54 Maroc/Rab at 14,8 % 3,7 % 9,3 % 1,9 % 0 % Etude d’Arousse et al. Série de cas 204 Tunisie/So usse 18,1 % 5,9 % 8,3 % 2,9 % 7,4 %

c-Pelade et maladies psychiatriques :

La plupart des études concernant le psychisme des patients atteints de pelade révèlent la présence de troubles psychiatriques. Bien souvent, c’est l’impact cosmétique de cette maladie qui développe ou exacerbe une affection psychiatrique, en particulier à type de troubles anxieux ou dépressifs. Toutefois, dans 50 % des cas, la pelade apparaît sur un terrain psychique particulier (57). C’est cette observation qui a poussé bien des auteurs à considérer la pelade comme une pathologie psychosomatique, au moins chez certains malades. Leurs arguments (qui restent controversés) sont le rôle habituel du stress dans les maladies auto-immunes, l’existence de fibres nerveuses dans la peau contrôlant de manière étroite toutes les fonctions cutanées, parmi lesquelles la croissance pilaire et l’immunité cutanée et l’efficacité de psychothérapies chez certains malades (malheureusement non évaluée dans une étude bien conduite) (35).

Selon Alexandra C et al., la prévalence des troubles psychiatriques au cours de la vie des malades atteints de pelade serait entre 66 et 74 %. L’âge de début de la pelade serait un facteur important dans l’association avec des troubles psychiatriques (42). Une autre étude menée par Koo et al. montre que les patients atteints de pelade ont plus de troubles psychiatriques que les sujets sains : dépression grave (8,8 % au lieu de 1,3 à 3,5 %), anxiété généralisée (18,2 % au lieu de 2,5 %), paranoïa (4,4 % contre moins de 1 %) (58). Là encore,

les chiffres sont très différents selon les études. Quant à notre étude, la fréquence d’une affection psychiatrique était probablement sous-estimée, car un entretien spécialisé avec un psychiatre aurait été nécessaire afin de déceler un profil psychique pathologique chez nos malades. Ainsi, nous avions comptabilisés 9,3 % de patients atteints de troubles psychiatriques, avec 7,4 % de troubles anxieux et 1,9 % de troubles dépressifs. En revanche, la recherche de facteurs déclenchants d’ordres psychopathologiques (stress, conflits familiaux, choc émotionnel) s’est révélée positive dans 27,77 % des cas. L’étude asiatique de Tan E et al. avait retrouvé 9,8 % de patients dont la perte de cheveux était précédée par un évènement stressant (50).

Ainsi, il apparaît clair que la pelade est souvent associée à des troubles psychiques. Toute la question est de savoir si ces troubles psychiatriques sont dus à la pelade, si la pelade est due à ces troubles psychiatriques ou s’il s’agit d’une simple association liée à un terrain de susceptibilité commun.

d-Pelade et affections hématologiques :

L'anémie est souvent retrouvée chez les patients atteints de pelade. 11,8 % des patients atteints de pelade, auraient une anémie, quel qu’en soit l’étiologie. Il était de routine d’associer cette anémie, à une anémie de Biermer, vu que c’est une maladie auto-immune. Cependant, la revue d’études de Lee et al. a montré une association plus fréquente avec l’anémie ferriprive (54). En effet, parmi les cas de notre série, 3 patients (5,5 %) se savaient porteur d’une anémie ferriprive, 3 autres (5,5 %) présentaient une anémie révélée par le bilan systématique, et 11 patients avaient un taux de ferritine bas (20 %). La carence en fer reste la carence nutritionnelle la plus répandue dans le monde, et elle est très souvent associée aux alopécies telles que la pelade, l’effluviumtélogène ou encore l’alopécie androgénétique. L’explication de cette association reste encore à préciser, mais il semblerait que le fer serve de co-facteur à la ribonucléotide réductase, qui est une enzyme intervenant dans la régulation de la synthèse de l'ADN. L’épuisement du fer pourrait empêcher le bon fonctionnement de cette enzyme, entraînant une inhibition de la prolifération, tout en sachant que les cellules matricielles du follicule pileux sont parmi les cellules du corps humain qui prolifèrent le plus

fer, mais les résultats étaient souvent contradictoires. Certaines confirmaient une corrélation statistiquement significative, tandis que d’autres ne trouvaient ce déficit que chez les patients de sexe féminin, et non de sexe masculin. Plus encore, une étude a montré que les taux moyens de ferritine étaient inférieurs chez les patients avec des pelades en plaques, mais pas chez ceux avec des pelades décalvantes totales ou universelles. Dans la série le plus important de patients atteints de pelade étudiés à ce jour, un groupe iranien (60) n'a trouvé aucune différence entre la ferritine sérique et le fer sérique chez les patients atteints de pelade par rapport aux témoins. Ces observations ont poussé des scientifiques à suggérer que la carence en fer pourrait être un facteur initial, mais pas un facteur de maintien de la maladie à long terme. Bien qu’il n’existe aucun essai clinique contrôlé par placebo évaluant la supplémentation en fer dans le traitement de la pelade, l’hypothèse suivante a été émise : la correction des taux sériques de fer conduirait à de meilleures réponses au traitement de la pelade (61). Des études plus vastes restent néanmoins nécessaires, pour préciser le rôle de la correction de la carence dans la gestion de la pelade, car les preuves actuelles restent encore insuffisantes.

e-Pelade et maladies chromosomiques :

La pelade apparaît plus fréquemment dans deux désordres chromosomiques : la trisomie 21, et le syndrome de Turner(18). La trisomie 21 a été observée chez 1,4 % des patients de moins de 15 ans de l’étude asiatique de Tan E et al., et ces derniers avaient tous une forme étendue de la pelade(50). Aucune maladie chromosomique n’a été décelée parmi les cas de notre série.

f-Pelade et cancers :

Seul le cancer de la thyroïde était une tumeur maligne répandue chez les patients atteints de pelade. Cependant, le biais de détection pourrait expliquer cette association, en raison d’un intérêt accru pour le dépistage des maladies de la thyroïde chez ces patients(54). D’autres études expliquent cette association par le fait que, la thyroïdite auto-immune étant une association fréquente au cours de la pelade, la réponse inflammatoire de la thyroïde pourrait induire une transformation maligne de cette glande (62).

Inversement, une association minime ou plutôt négative entre la pelade et d’autres tumeurs malignes a été constatée. La diminution de leur prévalence semble être associée à l'effet négatif des maladies auto-immunes sur la carcinogenèse(54)(62).

Bien que des études aient montré l’association avérée entre les cancers cutanés non mélanocytaires (CCNM) et des alopécies d’origine inflammatoire autre que la pelade (comme le lichen plan pilaire ou le lupus discoïde) (63)(64), l’étude de Lee et al. est venue à la conclusion, qu’au cours de la pelade, les patients auraient un risque plus faible de développer ce genre de cancers. En effet, malgré une exposition solaire accrue chez les patients atteints de pelade, du fait de leur alopécie, la prévalence des CCNM chez ces patients était la même que dans la population générale(54). Cela peut être dû à l’effet photoprotecteur induit par augmentation de l'expression de p53, comme observé dans le vitiligo.

g-Autres associations :

La gastrite à Helicobacter Pylori a été associée à divers dermatoses, y compris à la pelade. Les mécanismes sont mal compris, mais l’activation des cytokines pro-inflammatoires locales et systémiques pourrait y contribuer (54)(65). La recherche d’une infection gastrite n’était pas de pratique courante chez les patients de notre série.

Un déficit en vitamine D est souvent retrouvé dans les études traitant des comorbidités au cours de la pelade. En effet, selon Lee et al.(54), 65,4 % des patients atteints de pelade, aurait un déficit en vitamine D, qu’il soit symptomatique ou non. Dans notre étude, seul 9 patients ont bénéficié de ce dosage, et 7 d’entre eux avaient un déficit. Outre son rôle clé dans le métabolisme phosphocalcique et dans la minéralisation osseuse, la vitamine D a aussi un rôle dans la régulation du système immunitaire inné et acquis, grâce à son effet sur les cellules exprimant les récepteurs de la vitamine D (VDR) tels que les lymphocytes et les macrophages. Des rapports récents suggèrent une association entre des affections dysimmunitaires et une carence en vitamine D. Cette carence pourrait être le point de départ d'une réponse auto-immune chez ces patients. Ainsi, certains auteurs considèrent qu’un déficit en vitamine D pourrait être un facteur de risque de développement de la pelade, vu que c’est une maladie auto-immune. Cette hypothèse serait confortée par la présence des récepteurs de

diminuerait la croissance du follicule pileux et la différenciation épidermique conduisant à l'alopécie (66). En réalité, ce déficit serait associé à de nombreuses autres maladies auto-immunes, comme le vitiligo ou le lupus érythémateux, et ceci serait expliqué par le rôle immuno-modulateur, désormais indéniable, de la vitamine D(67). Néanmoins, il n'y a jusque-là aucune preuve de l’effet de la supplémentation orale en vitamine D en tant que moyen thérapeutique chez les patients atteints de pelade avec carence en vitamine D.

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